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mardi 21 janvier 2025

Orange condamnée à 50M € pour prospection commerciale en l’absence de consentement de ses abonnés

 


Ce qu’il faut retenir

Le consentement de l’utilisateur est au coeur de la protection des données. C’est au nom de ce principe que la CNIL a condamné Orange à une amende de 50 millions d’euros pour avoir envoyé des messages publicitaires à ses abonnés sans leur consentement.

 

 Lire la suite de l'article : https://www.deleporte-wentz-avocat.com/actualite-orange-condamnee-a-50m-pour-prospection-commerciale-en-l-absence-de-consentement-de-ses-abonnes

vendredi 12 avril 2024

Prospection commerciale : la CNIL confirme sa position en matière de collecte de données et de réutilisation de fichiers de prospects

 


Ce qu’il faut retenir

Après les amendes prononcées en 2022 et 2023 à l’encontre de responsables de traitement, la CNIL affirme sa jurisprudence en matière de constitution et d’utilisation de fichiers de prospects par les “data brokers” et les annonceurs. Deux nouvelles amendes ont été prononcées à l’encontre d’un courtier en données et d’un annonceur, mettant l’accent sur la validité du consentement et sur la responsabilité des sociétés réutilisatrices des bases de données.

 

Lire la suite de l'articlehttps://www.deleporte-wentz-avocat.com/actualite-prospection-commerciale-la-cnil-confirme-sa-position-en-matiere-de-collecte-de-donnees-et-de-reutilisation-de-fichiers-de-prospects

jeudi 25 janvier 2024

Influenceurs en ligne : une activité mieux encadrée juridiquement

 


Ce qu'il faut retenir

La loi du 9 juin 2023 est venue encadrer l’activité d’influenceur, ainsi que celle de leurs agents, pour lutter contre les dérives de certains, et protéger les consommateurs. Plusieurs domaines d’activités sont désormais interdits (santé, produits et services financiers, jeux d’argent et de hasard) et l’information du public est améliorée. En outre, la loi impose un formalisme aux contrats conclus entre les agents et les influenceurs.

Lire la suite de l'article :  https://www.deleporte-wentz-avocat.com/actualite-influenceurs-en-ligne-une-activite-mieux-encadree-juridiquement

mercredi 20 septembre 2023

Entrée en application du DMA : quels bénéfices pour les utilisateurs des plateformes numériques ?

 

Ce qu'il faut retenir

Le Règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act - DMA), entré en application le 2 mai 2023, a pour objectif de réguler le comportement des grandes plateformes numériques qui agissent en tant que “contrôleurs d’accès” sur les marchés, notamment les GAFAM. Les pratiques, désormais prohibées, et les obligations leur incombant doivent bénéficier aux utilisateurs, entreprises et consommateurs, en limitant les pratiques abusives et en favorisant la concurrence.  La Commission européenne a publié la liste des contrôleurs d’accès le 6 septembre dernier.
 

mardi 19 avril 2022

Google Ads : confirmation de la condamnation de Google pour abus de position dominante

 
Dans un arrêt du 7 avril 2022, la Cour d’appel de Paris a confirmé la décision rendue par l’Autorité de la concurrence en date du 19 décembre 2019 ayant condamné la société Google à une amende de 150.000 euros pour abus de position dominante sur le marché de la publicité en ligne et enjoint Google de clarifier la rédaction des règles de fonctionnement de Google Ads ainsi que la procédure de suspension des comptes des annonceurs. (1) Nous rappelons ci-après les conditions d’utilisation du service Google Ads, la notion d’abus de position dominante et la situation de Google sur le marché de la publicité en ligne, ayant justifié cette décision.
 
 
Ce qu’il faut retenir :
 
Selon l’Autorité de la concurrence, Google détient une position “ultra-dominante” sur le marché français de la publicité en ligne liée aux recherches.

L’Autorité ne remet pas en cause la liberté de Google de définir des règles limitant ou interdisant l’utilisation de son service Google Ads pour des produits et services licites à des fins de protection des consommateurs. Toutefois, ces règles doivent être définies de manière claire et être appliquées de manière objective, transparente et non-discriminatoire.



1. Les conditions d’utilisation du service Google Ads

Le service Google Ads (dénommé AdWords jusqu’en juillet 2018) est une régie publicitaire proposée par la société Google qui permet aux annonceurs “d’acheter” des mots-clés qui déclencheront l’affichage de leurs annonces publicitaires lorsque les internautes saisiront ces mots-clés. Ces annonces sont identifiées sur Google comme annonces publicitaires, publicités ou annonces sponsorisées. Les annonceurs paient, selon un système d’enchère sur les mots-clés sélectionnés, lorsqu’un utilisateur clique sur l’annonce.

L’utilisation du service Google Ads est soumise aux Conditions générales de publicité de la société Google, complétées par des règles applicables à certaines catégories de produits et de services.

    1.1 Les Conditions générales de publicité de Google


Lorsqu’un annonceur (ou une agence) s’inscrit sur le service Google Ads, il doit accepter les Conditions générales de publicité de Google qui régissent leurs relations contractuelles.

L’article 1, “Programmes” décrit les conditions d’inscription aux différents services publicitaires de Google, dont Google Ads. Cet article stipule notamment que “Google et ses Partenaires peuvent refuser ou retirer une Publicité, Cible ou Destination spécifique à tout moment”.

L’article 3, “Politiques” stipule que “le Client (l’annonceur)est seul responsable de l’utilisation des Programmes. (…) L’Utilisation par le Client des Programmes est soumise aux politiques et règlements de Google (…) et à l’ensemble des autres politiques mises à la disposition du Client par Google (…)”.

    1.2 Les règlements régissant l’utilisation de Google Ads

Les Conditions générales de publicité sont complétées par des règlements (ou règles) qui limitent ou interdisent l’utilisation de Google Ads par les annonceurs.

Ces règles sont organisées en quatre groupes :
  1. les contenus interdits (par exemple les annonces pour des produits ou services dangereux, ou pour incitation à un comportement malhonnête) ; 
  2. les pratiques interdites (par exemple l’utilisation abusive du réseau publicitaire, ou les annonces comprenant des déclarations trompeuses) ;  
  3. les contenus et fonctionnalités soumis à des restrictions (par exemple les annonces pour des contenus à caractère sexuel, alcools, jeux d’argent et de hasard) ; et  
  4. les règles d’exigence éditoriales et techniques.
Google identifie certains produits et services licites mais “propices à des abus” et présentant un risque déraisonnable pour la sécurité des internautes. Les annonces pour ces produits et services sont donc interdites par Google, afin de protéger les consommateurs et éviter les abus.


2. L’abus de position dominante

L’abus de position dominante est prohibé tant par le droit européen que par le droit français.

L’article L.420-2 al.1 du Code de commerce dispose qu’ “Est prohibée, (…) l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente (…) ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.”

L’existence d’une situation de position dominante n’est pas répréhensible en soi. Toutefois, l’entreprise en situation de position dominante doit être particulièrement attentive au respect de la concurrence et au traitement non discriminatoire de ses clients et utilisateurs. Deux conditions doivent être réunies pour que la position dominante soit considérée comme répréhensible : 1) l’existence d’une position dominante, et 2) son exploitation abusive.

La position dominante s’analyse par rapport au pouvoir détenu par une entreprise sur un “marché pertinent” où agissent plusieurs concurrents. Selon la jurisprudence, l’existence d’une position dominante impose à l’entreprise concernée la responsabilité de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée.


3. La situation de Google sur le marché de la publicité en ligne et l’affaire Gibmedia

La société Gibmedia avait saisi l’Autorité de la concurrence courant 2018 pour abus de position dominante de la part de Google sur le marché de la publicité en ligne.

Gibmedia édite plusieurs sites d’informations, dont les sites pages-annuaire.net et annuaire-inverse.net. A la suite de la suspension sans préavis de son compte Google Ads, la société Gibmedia a saisi l’Autorité pour pratiques anticoncurrentielles au motif que la procédure suivie par Google et les raisons de la suspension n’étaient pas objectifs, transparents, et non-discriminatoires.

Gibmedia estime que Google a abusé de sa position dominante sur le marché de la publicité en ligne en adoptant des règles de fonctionnement de sa plateforme Google Ads opaques et difficilement compréhensibles, et en les appliquant de manière inéquitable et aléatoire.

    3.1 La position ultra-dominante de Google

En l’espèce, le marché pertinent consiste en la publicité en ligne liée aux recherches, sur le marché français. Selon l’Autorité de la concurrence, Google détient une position dominante sur ce marché. L’Autorité qualifie même cette situation comme présentant des caractéristiques “extraordinaires”, notamment dans la mesure où son moteur de recherche totalise plus de 90% des recherches effectuées en France et sa part de marché de la publicité en ligne liée aux recherches serait supérieure à 90%.

En outre, selon l’Autorité, la plateforme Google Ads a une nature “biface” : d’un côté, utilisée par 90% des internautes en France ; de l’autre bénéficiant d’une dynamique très forte auprès des annonceurs, aboutissant ainsi à une position ultra-dominante.

Cette position sur le marché de la publicité en ligne impose une responsabilité particulière de Google en matière de respect des règles de concurrence, et particulièrement dans la mise en oeuvre des règles qui régissent l’utilisation de Google Ads.

Même si l’Autorité ne va pas jusqu’à reconnaître un abus de dépendance économique entre les sociétés Google et Gibmedia, elle relève que d’une manière générale, compte tenu de cette situation d’ultra-dominance, “la position des annonceurs à l’égard de l’offre de Google est (…) particulièrement contrainte”.

    3.2 Des règles Google Ads qui manquent de clarté

L’Autorité ne remet pas en cause la liberté de Google de définir des règles limitant l’utilisation de son service Google Ads à des fins de protection des consommateurs. Ces règles doivent être définies de manière claire et appliquées de manière objective, transparente et non-discriminatoire. Cet objectif ne saurait cependant justifier que Google traite de manière différenciée et aléatoire des acteurs dans des situations comparables. Google ne peut pas suspendre le compte d’un annonceur au motif qu’il proposerait des services qu’elle estime contraire aux intérêts du consommateur, tout en acceptant de référencer et d’accompagner sur sa plateforme publicitaire des sites qui vendent des services similaires.

Or, l’Autorité relève que les règles applicables aux annonceurs sont :

  • imprécises et confuses dans leur formulation et leur interprétation, 
  • sujettes à de nombreuses modifications par Google sans que les annonceurs en soient informés, 
  • soumises à des changements de position dans leur interprétation, créant une situation d’instabilité et d’insécurité juridique et économique pour les annonceurs, 
  • appliquées de manière discriminatoire : plusieurs sites ont été suspendus alors que d’autres, aux contenus ou services similaires, ne l’étaient pas.

L’Autorité a prononcé à l’encontre de Google une sanction de 150 millions d’euros et ordonné à Google de :
    - clarifier la rédaction des Règles de Google Ads,
    - clarifier les procédures de suspension des comptes afin d’éviter que celles-ci ne revêtent un caractère brutal et injustifié,
    - et mettre en place des procédures d’alerte, de prévention, de détection et de traitement des manquements à ses Règles, afin que les mesures de suspension de sites ou de comptes Google Ads soient strictement nécessaires et proportionnées à l’objectif de protection des consommateurs.


    La décision Gibmedia de l’Autorité de la concurrence, confirmée par la Cour d’appel de Paris est dans la droite ligne de la jurisprudence de l’Autorité. (2) Ainsi, dans l’affaire Amadeus, datant de janvier 2019, l’Autorité rappelait déjà que Google est libre de déterminer sa politique de contenus, mais ces règles doivent être suffisamment intelligibles pour les acteurs économiques et s’appliquer dans des conditions objectives, transparentes et non-discriminatoires afin que tous les annonceurs d’un même secteur soient traités sur un pied d’égalité.

Depuis cette dernière décision, Google a clarifié une partie des règles applicables au service Google Ads.


                                                      * * * * * * * * * * *

(1) CA Paris, 7 avril 2022, Google Ireland Ltd c. GibMedia ; Aut. Conc. déc. n°19-D-26, 19 décembre 2019, GibMedia

(2) Voir les décisions Navx - Aut. conc. déc. n°10-MC-01, 30 juin 2010 et Aut. conc. déc. n°10-D-30, 28 octobre 2010, et Amadeus - Aut. conc. déc. n°19-MC-01, 31 janvier 2019


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Avril 2022


lundi 7 février 2022

DMA : Proposition de règlement sur les marchés numériques pour encadrer les “contrôleurs d’accès”


La réforme européenne du droit du numérique vient de passer une étape décisive avec le vote, par le Parlement européen, de la proposition de Règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act - DMA) le 15 décembre 2021, suivi du vote de la proposition de Règlement sur les services numériques (Digital Services Act - DSA) le 20 janvier 2022. Ces deux projets de règlements passent maintenant par l’étape d’un trilogue entre des représentants du Parlement, du Conseil et de la Commission afin de parvenir à un accord sur le texte définitif, pour une entrée en application probablement début 2023. (1) 

L’objectif de cette réforme d’envergure est double : réguler le fonctionnement des marchés numériques, et plus particulièrement, le rôle des “contrôleurs d’accès” (ou “gatekeepers”), dont les GAFAM, qui jouent un rôle dominant sur le marché, et réguler les services numériques, afin de lutter plus efficacement contre les contenus illicites et la propagation de fausses informations.

Dans ce premier article, nous nous concentrons sur le DMA. Un second article suivra afin de présenter le DSA, ces deux textes ayant des objectifs distincts.


Ce qu’il faut retenir

Le DMA a pour objectif de réguler le comportement des grandes plateformes numériques, y compris les services de plateforme essentiels, qui agissent en tant que “contrôleurs d’accès” (ou “gatekeepers”) sur les marchés, notamment les GAFAM. Les services concernés comprennent, entre autres, les systèmes d’exploitation, les services de publicité en ligne, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, etc.

Les contrôleurs d’accès seront soumis à un certain nombre d’obligations dans le but d’améliorer la concurrence entre les entreprises utilisatrices et les services proposés par les contrôleurs d’accès.



1. Le DMA - ou la régulation des contrôleurs d’accès

Selon l’exposé des motifs du DMA, “Certaines grandes plateformes jouent de plus en plus le rôle de points d’accès ou de contrôleurs d’accès entre les entreprises utilisatrices et les utilisateurs finaux et jouissent d’une position solide et durable, qui résulte souvent de la création d’écosystèmes de conglomérat organisés autour de leurs services de plateforme essentiels, renforçant ainsi les barrières à l’entrée existantes.”

Ainsi, le DMA a pour objectif de réguler le comportement des grandes plateformes numériques qui agissent en tant que “contrôleurs d’accès” sur les marchés. Alors qu’il existerait plus de 10.000 plateformes actives sur le marché communautaire, seul un petit nombre d’entre elles captent la plus grande part de la valeur générée.

Suivant le constat des régulateurs, ces plateformes ont atteint une taille telle qu’elles ont rendu les utilisateurs - consommateurs et entreprises, dépendants de leurs services. Elles se positionnent ainsi en tant que régulateurs privés pouvant imposer des conditions inéquitables aux entreprises et aux consommateurs (services captifs, blocage de l’accès aux données générées en ligne par les entreprises, etc.) et imposent des barrières à l’entrée à leurs concurrents potentiels, qui ne peuvent avoir accès au marché. En effet, les contrôleurs d’accès, par leur taille, ont acquis une situation dominante, présentant des risques pour les droits des utilisateurs, personnes physiques et morales.


2. Plateformes essentielles et contrôleurs d’accès

Le DMA vise plus particulièrement les services de plateforme essentiels (les contrôleurs d’accès ou certains services qu’ils proposent). Ces services de plateforme essentiels recouvrent les services suivants :

  • l’intermédiation en ligne (y compris les places de marchés - Amazon, App Store, Google Play), 
  • les moteurs de recherche (Google),
  • les réseaux sociaux (Facebook, Instagram),  
  • les plateformes de partage de vidéos (Youtube),
  • les services de communication électronique,
  • les systèmes d’exploitation (Android, iOS),  
  • les services en nuage (AWS, iCloud, Google Cloud) et  
  • les services de publicité en ligne (Google Ads).

Pour être qualifié de contrôleur d’accès, un service de plateforme essentiel doit remplir plusieurs critères quantitatifs (art. 3 DMA), à savoir :

  1. avoir une forte incidence sur le marché numérique européen, c’est-à-dire réaliser un chiffre d’affaires annuel dans l’UE égal ou supérieur à 6,5 milliards d’euros au cours des trois derniers exercices ou avoir une capitalisation boursière moyenne, ou atteindre une juste valeur marchande équivalente de l’entreprise à laquelle il appartient, au moins égale à 65 milliards d’euros au cours du dernier exercice, et fournir un service de plateforme essentiel dans au moins trois Etats membres ; 
  2. exploiter un ou plusieurs points d’accès majeur des entreprises pour développer leurs activités commerciales en ligne, c’est-à-dire avoir enregistré plus de 45 millions d’utilisateurs actifs par mois dans l’UE et plus de 10.000 entreprises utilisatrices actives dans l’UE au cours du dernier exercice ; 
  3. occuper une position solide et durable sur le marché, c’est-à-dire avoir atteint le nombre d’utilisateurs finaux mentionné ci-dessus pendant les trois derniers exercices.

Les contrôleurs d’accès doivent informer la Commission de leur situation dans un délai de trois mois et fournir les informations visées ci-dessus. Ils pourront également démontrer à la Commission qu’ils ne remplissent pas ces critères. Enfin, la Commission pourra désigner comme contrôleur d’accès des services de plateforme essentiels qui satisfont aux exigences qualitatives ci-dessus, mais qui ne remplissent pas les critères quantitatifs.


3. Les obligations des contrôleurs d’accès

Les contrôleurs d’accès sont soumis à un certain nombre d’obligations, l’objectif étant d’améliorer la concurrence entre les entreprises utilisatrices et les services proposés par les contrôleurs d’accès.

Parmi ces obligations, les contrôleurs d’accès doivent (art. 5 DMA) : 

  • s’abstenir de combiner les données personnelles issues de leurs services avec les données issues des autres services proposés par le contrôleur d’accès ou par des services tiers ; 
  • permettre aux entreprises utilisatrices de proposer les mêmes produits ou services aux utilisateurs finaux via des services d’intermédiation en ligne tiers à des prix ou des conditions différents de ceux proposés par le contrôleur d’accès ; 
  • permettre aux entreprises utilisatrices de promouvoir leurs offres auprès des utilisateurs finaux acquis grâce au service de plateforme essentiel et de conclure des contrats avec ces utilisateurs finaux ; 
  • s’interdire d’exiger des entreprises utilisatrices ou des utilisateurs finaux qu’ils s’abonnent ou s’enregistrent à un autre service de plateforme essentiel comme condition d’accès, d’inscription ou d’enregistrement à l’un de ses services de plateforme essentiel ; 
  • faire réaliser un audit, par un auditeur indépendant, sur les techniques de profilage des consommateurs utilisées, les résultats devant être soumis à la Commission. (art. 13 DMA)

Par ailleurs, le DMA interdira certaines pratiques manifestement déloyales, telles que l’interdiction pour les utilisateurs de désinstaller des logiciels ou applications pré-installés. Le règlement imposera également l’interopérabilité entre les services proposés sur ces plateformes et les logiciels tiers.

La Commission européenne aura la possibilité de mener des enquêtes de marché ciblées pour déterminer s’il y a lieu de faire évoluer la règlementation sur les contrôleurs d’accès pour suivre l’évolution des marchés numériques. (art. 18 et s. DMA)

 

4. Des sanctions dissuasives en cas de violation du DMA

Les sanctions pouvant être imposées par la Commission européenne et par les tribunaux nationaux se veulent être à la hauteur des enjeux et de la taille des acteurs concernés.

En cas de violation des dispositions du DMA, les amendes pourront atteindre 10% du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice précédent par le contrôleur d’accès. Pour fixer le montant de l’amende, la Commission prendra en considération la gravité, la durée et la récurrence des manquements aux obligations du DMA. (art. 26 DMA)


A l’issue de l’examen du DMA par le Parlement, les députés européens souhaitent améliorer les critères de qualification des contrôleurs d’accès. Les députés ont par ailleurs inclus les navigateurs web, les assistants virtuels et les télévisions connectées dans le champ du DMA et ajouté la possibilité de désinstaller des applications préinstallées. Les seuils quantitatifs permettant de désigner les contrôleurs d’accès ont également été relevés à 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel ou 80 milliards d’euros de capitalisation boursière et le montant des amendes a été doublé, de 10 à 20% du chiffre d’affaires.

Ces dernières années, avec la montée en puissance des GAFAM, les juridictions des Etats membres et la Commission en Europe d’une part, les juridictions américaines d’autre part, ont tenté de lutter contre des pratiques jugées abusives de la part des sociétés, qualifiées de “contrôleurs d’accès” - sans grand succès. L’objectif du DMA est donc, par l’imposition de règles homogènes dans l’Union européenne, de lutter contre les avantages permettant à ces très grands groupes de conserver leur position dominante, favorisant notamment leurs produits et services par rapport aux entreprises utilisatrices ou exploiter les données générées par ces entreprises à leur propre avantage et, in fine permettre plus de compétitivité et de diversité, en donnant accès au marché à des acteurs de taille plus modeste.



                                                      * * * * * * * * * * *

(1) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur du numérique (Digital Markets Act - DMA)


Bénédicte DELEPORTE
Avocat


Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Février 2022

jeudi 6 avril 2017

Publication du décret sur la transparence de la publicité en ligne


La procédure d’achat d’espace publicitaire est régie par la loi du 29 janvier 1993, dite “Loi Sapin”. Cette loi a mis en place l’obligation pour les parties (annonceur, mandataire/régie publicitaire, vendeur d’espaces publicitaires) de conclure des contrats, le principe de la transparence des prix des espaces publicitaires (communication des factures par le vendeur d’espaces à l’annonceur), et a imposé l’obligation de rendre compte “directement à l'annonceur dans le mois qui suit la diffusion du message publicitaire des conditions dans lesquelles les prestations ont été effectuées”. (1) Alors que l’application de ces dispositions aux messages publicitaires diffusés sur les médias “traditionnels” ne posait pas de question, son application à la diffusion de publicités sur internet et aux plateformes d’ad exchange restait contestée, cette loi ayant été adoptée avant l’essor d’internet.

Jusqu’à récemment, le marché de la publicité en ligne restait limité en volume. Cependant, ce marché représente désormais 3,5 milliards d’euros par an en France, un montant supérieur à celui du marché de la publicité télévisée. (2) La croissance du marché de la publicité en ligne est par ailleurs soumise à une multiplication des intermédiaires et à un volume de fraude élevé (fraude au clic généré par des robots et venant gonfler artificiellement les sommes facturées aux annonceurs). (3)

La loi Macron du 6 août 2015 a mis fin aux doutes quant à l’application de la loi Sapin à la publicité en ligne, en modifiant l’article 23 de la loi Sapin pour l’étendre au secteur de la publicité digitale. Les modalités des obligations de compte rendu des conditions de réalisation de la prestation de diffusion devaient toutefois être précisées par décret. (4) Ce décret a finalement été signé le 9 février 2017, soit plus de 18 mois après l’adoption de la loi Macron. (5)

Les deux points principaux à retenir sont l’étendue de l’obligation de rendre compte à l’annonceur des modalités de la diffusion à la publicité en ligne, et une large obligation de transparence et de lutte contre la fraude imposée aux vendeurs d’espaces non garantis.


1. L’obligation de rendre compte aux annonceurs des modalités de la diffusion de leurs campagnes de publicité en ligne (art. 1 et 2)

Les nouvelles dispositions prévues par le décret du 9 février 2017 s’appliquent à la “publicité digitale”, entendue de manière très large, puisqu’elle comprend “la diffusion de messages sur tous supports connectés à internet, tels qu’ordinateurs, tablettes, téléphones mobiles, téléviseurs et panneaux numériques.” Cette définition n’est pas limitative et pourra en principe s’appliquer à tous nouveaux modes de diffusion connectée.

Désormais, le vendeur d’espaces publicitaires en ligne est tenu de communiquer un compte rendu à l’annonceur, dans le mois qui suit la diffusion du message publicitaire.

Ce compte rendu “précise la date et les emplacements de diffusion des annonces, le prix global de la campagne, ainsi que le prix unitaire des espaces publicitaires facturés.”

En revanche, “les sites ou ensemble des sites internet sur lesquels les annonces sont diffusées peuvent être regroupés en fonction de leur nature ou de leurs contenus éditoriaux.”


2. Une obligation de transparence et de lutte contre la fraude imposée aux vendeurs d’espaces non garantis (enchères)

Le décret distingue entre la vente d’espaces en ligne sur des sites internet (art. 2), et la vente de “prestations en temps réel sur des espaces non garantis, notamment pas des mécanismes d’enchères” (art. 3). Ces services d’achat d’espaces automatisés (telles que les plateformes d’achat programmatique en “real time bidding” - RTB, par exemple), bien que très utilisés par les annonceurs, leur donnent très peu de visibilité sur les espaces sur lesquels leurs annonces seront diffusées et sur l’exécution effective de la prestation. C’est donc sur ce type de prestation que l’obligation de transparence est la plus poussée, afin notamment de lutter contre la fraude (fraude au clic ou diffusion sur des site illicites).

L’obligation du vendeur d’espaces publicitaires de fournir un compte rendu à l’annonceur s’applique donc également aux ventes automatisées d’espaces. Pour ce type de prestations, les informations requises sont plus détaillées, et portent sur l’exécution effective des prestations et leurs caractéristiques, sur la qualité technique des prestations, et sur les moyens mis en oeuvre pour protéger l’image de marque de l’annonceur. 


Ce compte rendu doit comporter notamment les informations suivantes :

    - Concernant l’exécution effective des prestations et leurs caractéristiques, le compte rendu inclut les sites ou ensembles de sites de diffusion publicitaire, le contenu des messages publicitaires diffusés, les formats utilisés, et le montant global facturé pour une même campagne .

Le compte rendu doit également préciser le nombre d’affichages publicitaires réalisés (nombre d’impressions ou de pages vues), le nombre de clics ou d’actions ou “toute autre unité de mesure justifiant l’exécution des prestations”, ainsi que le montant global facturé pour la campagne publicitaire.

    - Concernant la qualité technique des prestations, le vendeur d’espaces publicitaires doit informer l’annonceur sur les outils technologiques utilisés, ainsi que sur les prestataires techniques  d’une part, et les conseils d’autre part, engagés dans la réalisation des prestations. En outre, les résultats obtenus, par rapport aux objectifs quantitatifs définis avant la campagne, devront être communiqués.

    - Concernant les moyens mis en oeuvre pour protéger l’image de marque de l’annonceur, le vendeur d’espaces publicitaires doit désormais mettre en oeuvre des mesures pour éviter la diffusion de messages publicitaires sur des supports illicites (par exemple sites de vente de biens contrefaits ou de services peer-to-peer illicites), ou signalés par l’annonceur comme préjudiciables à son image de marque et à sa réputation (par exemple restriction de diffusion sur des sites pour adultes).

L’annonceur doit pouvoir accéder aux outils de compte rendu qui seraient mis à la disposition du mandataire.

Enfin, en cas d’adhésion du vendeur d’espaces publicitaires à une charte de bonnes pratiques  applicable au secteur de la publicité digitale (par exemple, la "Charte de bonnes pratiques" de l’IAB France), les conditions de mise en oeuvre des engagements imposés par la charte devront être précisées dans ce compte rendu.


    Le décret sur les prestations de publicité digitale entre en application à compter du 1er janvier 2018.

Il convient de noter que ses dispositions ne s’appliquent pas aux vendeurs d’espaces publicitaires établis dans un Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen soumis à des obligations équivalentes de compte rendu, en application de leur réglementation nationale. En revanche, si une telle réglementation n’existe pas dans le pays d’établissement du vendeur d’espaces publicitaires (UE ou EEE), les dispositions de la loi Sapin modifiée, complétées par le présent décret lui seront applicables.

En conclusion, si ce décret impose aux vendeurs d’espaces publicitaires en ligne des formalités de suivi et de compte rendu plus strictes et complètes, les annonceurs pourront ainsi bénéficier de plus de transparence sur les conditions de diffusion de leurs publicités et sur leurs engagements financiers, en espérant que ces règles de transparence permettront de réduire effectivement les pratiques frauduleuses.

                                                                * * * * * * * * * * * *

(1) Loi n°93-122 du 29 janvier 1993 modifiée relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (dite “Loi Sapin”), articles 20 et s.

(2) “Quand la publicité sur internet se donne des gages de bonne conduite”, et “Transparence de la publicité en ligne : les annonceurs haussent le ton”, in Les Echos, 24 novembre 2016

(3) D’après le rapport de la World Federation of Advertisers (WFA) du 6 juin 2016, entre 10 et 30% des publicités en ligne étaient sujettes à des pratiques frauduleuses (fraude au clic publicitaire).

(4) Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite “Loi Macron”)

(5) Décret n°2017-159 du 9 février 2017 relatif aux prestations de publicité digitale


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Avril 2017

samedi 27 juin 2015

Les plateformes d’affiliation publicitaire soumises à la loi Sapin

L'achat d'espace publicitaire est un contrat conclu entre un annonceur et un intermédiaire (agence médias), déterminant les conditions dans lesquelles l’annonceur confie à l’agence la mission d'acheter auprès de tiers diffuseurs (supports ou leurs régies), les espaces sur lesquels l'annonceur souhaite diffuser la publicité pour ses produits ou services.

Ce contrat est régi par la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (la “loi Sapin”).(1)

L’activité d’achat d’espace a cependant beaucoup évolué depuis le vote de la loi, notamment avec l’avènement de la publicité en ligne. La question se pose de savoir si toutes les nouvelles activités liées à la publicité sur internet, notamment l’activité des plateformes d’affiliation, relèvent ou non de la loi Sapin.

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris, rendu le 17 avril 2015, vient de confirmer l’application de la loi Sapin à une plateforme d’affiliation. (2)

Nous rappelons ci-dessous les règles applicables à l’achat d’espace publicitaire, puis, dans un deuxième temps, examinons l’application de ces règles à l’activité des plateformes d’affiliation.


1. L’achat d’espace publicitaire et la loi Sapin

    1.1 Définitions et champ d’application 


La loi Sapin est applicable à tout achat d'espace publicitaire par un intermédiaire pour le compte d’un annonceur, dans un média, quel que soit le support : physique (presse, affichage public, prospectus, etc.), audiovisuel (radio, TV, cinéma), numérique (internet), et quel que soit le mode de commercialisation de l’espace de diffusion de la publicité.

En vertu de la loi Sapin, tout intermédiaire qui achète de l’espace publicitaire sur l’ordre d’un annonceur agit en qualité de mandataire de ce dernier.

- Contrat de mandat écrit obligatoire
L’intermédiaire agit au nom et pour le compte de l’annonceur, dans le cadre d'un contrat de mandat écrit. (art. 20 loi Sapin)

Ainsi, l’obligation essentielle de l’agence média est d’exécuter sa mission en accomplissant son rôle d’intermédiaire, par la transmission des ordres de publicité aux tiers diffuseurs et par l’obligation d’en rendre compte à son client (annonceur).

La loi prévoit que le contrat doit détailler les diverses prestations effectuées dans le cadre du mandat et le montant de leur rémunération, le cas échéant en les distinguant des autres prestations pouvant être réalisées dans le cadre de la relation contractuelle et des rémunérations correspondantes. (art. 20 al.2 loi Sapin)

- Reddition de la mission

Le tiers diffuseur doit se conformer aux instructions de l’intermédiaire et exécuter l’ordre de publicité, en mettant à la disposition de l’annonceur l’espace publicitaire sur lequel porte l’ordre de publicité.

L'agence médias, intermédiaire-mandataire, doit rendre compte de sa mission à l’annonceur, en l’informant notamment du déroulement de sa mission (y compris des négociations ou de  l'évolution des tarifs par exemple).

L'agence est également tenue à une reddition des comptes, conformément à l’article 1993 du code civil.

    1.2 Conditions de paiement de l’intermédiaire et des supports
 

- Rémunération de l’intermédiaire (agence médias)
Conformément aux dispositions du code civil régissant le contrat de mandat (art. 1984 et suiv.), l’annonceur (le mandant) est tenu de régler la rémunération convenue à l’intermédiaire (le mandataire), et de lui rembourser les avances et frais qui auraient été engagés pour l’exécution du mandat.

Les conditions de rémunération des autres prestations, hors achat d'espace, doivent être mentionnées séparément dans le contrat.

Outre le mandat, la seconde règle essentielle imposée par la loi Sapin, est l’interdiction pour l’intermédiaire, de recevoir d'autre rémunération que celle que lui verse son client, l’annonceur. En tant qu'acheteur d'espace, l’agence même lorsqu'elle agit en qualité de conseil en plan média et préconisation de support, ne peut percevoir de rémunération, rétrocession, ni avantage quelconque des régies et tiers diffuseurs. (art. 21 et 22 loi Sapin)

- Rémunération des tiers diffuseurs (supports ou régies)
Les tiers diffuseurs doivent adresser les factures d'achat d'espaces directement à l'annonceur, l'intermédiaire pouvant éventuellement en recevoir une copie. (art. 20 al.3 loi Sapin)

Cette disposition est applicable y compris lorsque le contrat prévoit le paiement des espaces par l’agence intermédiaire. En effet, comme le précise la circulaire du 19 septembre 1994, complétant la loi Sapin, l'annonceur a le choix entre payer directement le tiers diffuseur ou faire transiter le paiement par son mandataire (l’agence médias).

En cas de paiement du tiers diffuseur par l’intermédiaire, la circulaire de 1994 prévoit que les sommes destinées à payer les tiers doivent être inscrites par l’agence médias sur un compte de tiers au nom de l’annonceur, ces sommes n’entrant pas dans le chiffre d’affaires de l’agence médias. Le contrat peut cependant prévoir l’envoi par l’agence médias à l’annonceur d’un récapitulatif des sommes dues aux différents supports et du montant de ses propres honoraires.

    1.3 Sanctions applicables en cas de violation des dispositions légales
 

Le manquement aux obligations légales est sévèrement sanctionné en vertu des dispositions de l’article 25 de la loi Sapin, ce texte étant considéré comme étant d’ordre public.

L’absence de contrat de mandat écrit est passible d’une amende maximum de 30.000€ ; l’absence de communication de la facture par le tiers diffuseur directement à l’annonceur est puni d’une amende maximum de 75.000€.


2. L’évolution de l’activité d’achat d’espace publicitaire en ligne : les plateformes d’affiliation

L’activité d’achat d’espace publicitaire a beaucoup évolué ces dernières années. Ainsi, à côté de l’achat d’espace “classique”, et de la relation entre les intervenants traditionnels (annonceurs / intermédiaires-agences médias / supports-régies), sont apparus de nouveaux intervenants entre les annonceurs et les supports, remettant en cause l’application de la loi Sapin. Parmi ces nouveaux intermédiaires figurent les plateformes d’affiliation.

    2.1 Les plateformes d’affiliation : définition
 

Les exploitants des plateformes d’affiliation agissent en tant qu’intermédiaires entre les annonceurs et les supports (affiliés). Un contrat est ainsi conclu entre la plateforme et les annonceurs. Un autre contrat est conclu entre la plateforme et les affiliés.

Toutefois, la plateforme d’affiliation exerce-t-elle effectivement une activité d’achat d’espace publicitaire pour le compte de l’annonceur, régie par la loi Sapin ? En effet, ces plateformes fonctionnent généralement de manière automatisée, sachant d’une part que la sélection des affiliés est souvent réalisée directement par l’annonceur, d’autre part que les conditions financières des affiliés sont souvent fixées par l’annonceur (calcul sur le taux d’affichage, de clics, du nombre d’inscriptions, etc. - ou facturation au CPC, CPM, CPA, CPL selon les cas), et non par les affiliés/supports. Les affiliés ne connaîtront le prix auquel leurs espaces sont vendus que lorsqu’ils consulteront l’outil de tracking mis à leur disposition par la plateforme d’affiliation ou recevront un appel à facture de la plateforme.

Si l’on considère que la loi Sapin ne s’applique pas aux plateformes d’affiliation, celles-ci ne seraient alors pas soumises aux obligations relatives au mandat et aux conditions de facturation, telles que rappelé ci-dessus.

Or, un arrêt de la cour d’appel de Paris vient de confirmer l’application de la loi Sapin à l’activité d’affiliation.

    2.2 L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 avril 2015
 

Cette affaire opposait la société Assurland.com (l’annonceur) à la société Public-Idées (la plateforme d’affiliation). Le litige portait sur la contestation par Assurland.com des sommes facturées par la plateforme après avoir modifié sa grille tarifaire.

Les juges rappellent que la société Public-Idées diffuse des campagnes publicitaires sur internet au travers de ses affiliés. La société Public-Idées et Assurland.com ont conclu un contrat de service “par lequel la première met à la disposition de la seconde son réseau d’affiliés, en vue de lui permettre d’augmenter sa visibilité parmi les internautes, et en définissant les conditions dans lesquelles la société Assurland peut accéder aux services de la société Public-Idées.

Le contrat de service de Public-Idées comprenait des conditions tarifaires, la grille tarifaire ayant été modifiée en novembre 2010, de manière rétroactive prenant effet en juillet 2009. En février 2011, des divergences sont apparues entre les parties sur l’interprétation des conditions de tarification. La société Public-Idées a assigné Assurland.com devant le tribunal de commerce en paiement notamment, des sommes contestées. Par jugement du 19 mars 2013, le tribunal a prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Assurland.com et l’a condamnée à payer les sommes dues à la société Public-Idées.

En appel, Assurland.com a notamment soulevé le fait que les factures n’étaient pas dues en l’absence de mandat écrit avec la société Public-Idées, tel que requis par la loi Sapin.

Les juges analysent l’activité de la plateforme Public-Idées comme “un achat d’espace publicitaire par la société Assurland auprès des affiliés ; par l’intermédiaire de la société Public-Idées exploitante de la plateforme regroupant les affiliés”.

Cette activité est couverte par les dispositions de l’article 20 de la loi Sapin qui impose un mandat écrit entre l’annonceur et l’intermédiaire, fixant les conditions de rémunération du mandataire (la plateforme). Dans la mesure où les conditions de rémunération étaient prévues dans le contrat de service de Public-Idées, les juges estiment que “le contrat existant entre les sociétés Assurland et Public-Idées remplit les conditions imposées par la loi Sapin (…), de sorte que la demande de nullité de la société Assurland doit être écartée.”

La cour a néanmoins décidé que le contrat devait être résilié aux torts exclusifs de la société Public-Idées dans la mesure où celle-ci n’a pas correctement appliqué la tarification contractuelle.


   En conséquence, il convient de considérer que l’opération consistant en l’achat d’espace publicitaire par un annonceur auprès d’affiliés par l’intermédiaire d’une plateforme d’affiliation est régie par les dispositions de la loi Sapin, imposant non seulement un mandat écrit entre l’annonceur et l’intermédiaire, mais également des modalités de paiement, telles que prévues aux articles 21 et 22 de la loi.

                                                                       * * * * * * * * * * *

(1) Loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, et plus particulièrement le chapitre II “Prestations de publicité” ; notamment complété par la circulaire du 19 septembre 1994 relative à la transparence et à la non-discrimination dans la publicité.

(2) CA Paris, pôle 5 ch.11, 17 avril 2015, Assurland.com c. Public-Idées



 

Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Juin 2015


lundi 20 avril 2015

L’allègement de la réglementation des loteries commerciales à l’égard des consommateurs

Jusqu’à récemment, l’organisation de loteries commerciales était très encadrée, malgré quelques évolutions jurisprudentielles et réglementaires intervenues ces dernières années. (1) En vertu de la loi du 21 mai 1836, les loteries étaient en effet réputées illicites dès lors qu’elles remplissaient quatre conditions cumulatives (à savoir : une offre au public, l’espérance d’un gain, déterminé par le hasard, en contrepartie d’un sacrifice pécuniaire de la part du participant). Si la loterie ne remplissait pas l’une de ces conditions, alors elle était considérée licite, mais restait soumise à des conditions de forme strictes.

La loi de simplification de la vie des entreprises du 20 décembre 2014 a profondément allégé ces contraintes, (2) mettant le droit français en conformité avec la directive européenne de 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales. (3) Les loteries publicitaires peuvent désormais être organisées plus facilement. Cependant, leur encadrement juridique est plus incertain, les loteries pouvant être sanctionnées pour pratique commerciale déloyale ou trompeuse. 


1. La levée des contraintes applicables à l’organisation des loteries commerciales

    - L’allègement de la réglementation

La loterie commerciale est définie comme un jeu dont les gagnants sont désignés au sort.

Désormais, les loteries commerciales sont réputées licites.

Ce principe est énoncé à l’article L.121-36 du code de la consommation qui dispose, dans sa nouvelle rédaction, que “Les pratiques commerciales mises en œuvre par les professionnels à l'égard des consommateurs, sous la forme d'opérations promotionnelles tendant à l'attribution d'un gain ou d'un avantage de toute nature par la voie d'un tirage au sort, quelles qu'en soient les modalités, ou par l'intervention d'un élément aléatoire, sont licites dès lors qu'elles ne sont pas déloyales au sens de l’article L.120-1”.

Cet article définit les seules conditions applicables aux loteries commerciales. Ainsi, les anciennes exigences de forme disparaissent, notamment les mentions obligatoires, l’obligation de rembourser les frais de participation, la participation au jeu sans obligation d’achat, le dépôt du règlement du jeu chez un huissier, etc.

    - Le champ d’application de la nouvelle réglementation

La nouvelle réglementation s’applique aux loteries commerciales (ou publicitaires) à destination des consommateurs. Elle concerne les jeux de type loterie avec tirage au sort, ou comprenant un élément aléatoire.

La loi ne distingue pas suivant la manière dont le jeu est organisé : en magasin, par voie d’imprimés adressés par la poste, par internet ou par SMS.

Il convient de noter que les concours, qui n’étaient pas illicites sous le régime précédent, ne sont pas concernés par ces nouvelles règles. Pour rappel, le concours est défini comme le jeu qui récompense les personnes qui ont subi avec succès une épreuve mettant en oeuvre leurs connaissances, leur sagacité ou toute autre aptitude. Les gagnants sont sélectionnés en fonction de la qualité des réponses aux questions du jeu et non par tirage au sort. Cependant, un concours qui intégrerait un élément aléatoire (question relevant du hasard, ou tirage au sort pour départager les gagnants) relève de la loterie.


2. La contrepartie d’une plus grande liberté d’organisation : un encadrement juridique plus incertain

Toutes les loteries publicitaires ne seront cependant pas considérées comme étant de facto licites. Ainsi, les loteries considérées comme relevant de pratiques commerciales déloyales pourront être sanctionnées.

    - La définition des pratiques commerciales déloyales


Les pratiques déloyales consistent en des pratiques “contraires aux exigences de la diligence professionnelle”. Une pratique commerciale déloyale “altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.” (article L.120-1 du code de la consommation).

En effet, en vertu du nouveau régime applicable aux loteries publicitaires, les loteries trompeuses, au sens de l’article L.121-1 du code de la consommation et les loteries considérées comme agressives, au sens de l’article L.122-11 relèvent des pratiques commerciales déloyales.

Parmi les pratiques trompeuses décrites à l’article L.121-1 du code de la consommation, on relèvera celles pouvant s’appliquer plus particulièrement aux loteries commerciales, notamment les pratiques qui reposeraient sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur la portée des engagements de l’annonceur ; la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ; l’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ; enfin, lorsque la personne pour le compte de laquelle la pratique commerciale est mise en oeuvre n'est pas clairement identifiable.

En outre, les pratiques suivantes sont considérées comme trompeuses :
    - l’allégation qu'un produit ou qu'un service augmente les chances de gagner aux jeux de hasard,
    - le fait d'affirmer qu'un concours est organisé ou qu'un prix peut être gagné sans attribuer les prix décrits ou un équivalent raisonnable,
    - le fait de décrire un produit ou un service comme étant "gratuit", "à titre gracieux", "sans frais" ou autres termes similaires, si le consommateur doit payer quoi que ce soit d'autre que les coûts inévitables liés à la réponse et au fait de prendre possession ou livraison de l'article. (4)

Les contraintes d’espace ont été prises en compte par la loi pour apprécier si des informations substantielles ont été omises, ainsi que des mesures prises par le professionnel “pour mettre ces informations à la disposition du consommateur par d'autres moyens.” Par exemple, une loterie commerciale qui serait diffusée par le biais d’une application mobile ou par SMS pourrait renvoyer via un hyperlien, vers une page descriptive du jeu et vers le règlement du jeu.

Les pratiques commerciales agressives sont définies comme le fait de solliciter de façon répétée et insistante ou d’utiliser une contrainte physique ou morale, ayant pour effet d’altérer de manière significative la liberté de choix, ou de vicier le consentement d'un consommateur. (5)

    - Les sanctions applicables aux pratiques commerciales déloyales

Les sanctions pour pratiques commerciales trompeuses ou agressives sont très lourdes.

Les pratiques commerciales trompeuses ou agressives sont punies d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende d’un montant maximum de 300.000€ (portée à 1.500.000€ pour les personnes morales).

Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10% du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits, ou pour les pratiques commerciales trompeuses, à 50% des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit (ou à 250% des dépenses engagées pour les personnes morales). (6)

    - La nécessité de présenter le jeu de manière claire et loyale

En cas de contentieux portant sur le caractère licite ou trompeur d’une loterie publicitaire, la licéité sera appréciée au cas par cas par les tribunaux.

Afin d’éviter qu’une loterie publicitaire soit sanctionnée pour pratique commerciale trompeuse ou agressive, il est donc nécessaire de prendre quelques précautions.

En effet, bien que le nouveau régime juridique applicable aux loteries publicitaires soit nettement allégé par rapport au régime précédent, les annonceurs qui souhaitent organiser des loteries doivent s’assurer que le message est clair, non ambigüe, loyal et non trompeur.

L’organisateur du jeu et le cas échéant l’annonceur doivent être clairement identifiés. Le mécanisme du jeu, les gains, les règles d’attribution des lots, les frais de participation et le cas échéant, les conditions de participation (âge minimum, durée du jeu, etc.) et l’obligation d’achat d’un produit ou d’un service devront être décrits de manière claire et facilement compréhensible par le consommateur.

Enfin, même si cette obligation ne figure pas dans la loi, il est recommandé de rédiger un règlement du jeu qui reprendra les éléments décrits ci-dessus. Si le jeu est complexe ou s’il est diffusé à un grand nombre de consommateurs, le dépôt chez un huissier permettra de limiter les risques de contestation.


                                                             * * * * * * * * * * *

(1) La loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries avait ainsi été modifiée en 2004 (loi n°2004-204), en 2007 (loi n°2007-297), et en 2014 (loi n°2014-344).

(2) Article 54 de la loi n°2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises, codifié à l’article L.121-36 du code de la consommation.

(3) Voir la directive 2005/29 du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales. A noter que dans une décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 janvier 2010 (CJUE, affaire C-304/08), les juges ont considéré que les loteries constituent une pratique commerciale, et qu’à ce titre, elles entrent dans le champ d’application de la directive de 2005. Dans la mesure où les loteries commerciales, notamment avec obligation d’achat, ne font pas partie de la liste des pratiques commerciales  déloyales interdites par la directive européenne, les Etats-membres ne peuvent les interdire.

(4) Article L.121-1-1 du code de la consommation

(5) Article L.122-11 du code de la consommation

(6) Articles L.121-6 et L.122-12 du code de la consommation


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Avril 2015


vendredi 5 juillet 2013

Une nouvelle norme AFNOR pour assainir le domaine des avis de consommateurs sur internet

On connaît l’importance de l’influence des avis de consommateurs sur la décision d’achat en ligne, que ce soit pour les achats de biens ou de prestations (choix d’un hôtel ou d’un restaurant) et donc sur l’e-réputation des produits et commerces référencés.
Selon une enquête réalisée par le cabinet Easypanel en mars 2013, citée par la société Testntrust, 82% des e-consommateurs consulteraient “toujours” ou “parfois” les avis pour les guider dans leur décision d’achat. (1) Par ailleurs, selon LaFourchette.com, site comparateur de restaurants, l’augmentation d’un point de la note moyenne d’un restaurant se traduirait par une augmentation de 6% du nombre de réservations mensuelles. (2) A contrario, la baisse de cette note entraîne une baisse du chiffre d’affaires du commerce en cause.
Malheureusement nombre de sites affichent de faux avis de consommateurs : personnes n’ayant jamais acheté le produit ou séjourné à l’hôtel en référence, personnes rédigeant des avis contre rémunération, ou sites achetant de faux avis à des agences “spécialisées”.

Afin d’assainir ce domaine, une nouvelle norme “Avis en ligne des consommateurs” vient d’être publiée par l’AFNOR le 4 juillet. Cette norme, qui concerne tous types de produits et services et tous types de sites (sites comparateurs ou sites de e-commerce), a pour objet de maintenir la confiance des consommateurs sur ces avis en prônant plus de transparence. (3)


1. Les trois étapes du traitement des avis de consommateurs sur internet


La norme traite les avis en trois étapes, à savoir : l’étape de la collecte de l’avis, sa modération par le site web et enfin la restitution ou publication de l’avis sur le site.

- La collecte de l’avis
La collecte de l’avis du consommateur doit être conforme aux principaux points suivants : l’auteur s’engage à avoir effectivement acheté le produit ou utilisé le service et cette expérience doit pouvoir être vérifiée ; l’auteur de l’avis doit être identifié (l’avis peut cependant être anonymisé sur le site) et pouvoir être contacté (adresse email et téléphone par exemple) ; le site a interdiction d’acheter des avis.

- La modération par le site

Les avis doivent être modérés a priori, de manière automatique ou humaine. Le modérateur doit maîtriser la langue dans laquelle l’avis a été rédigé. Les règles de modération des avis sont décrites aux conditions de vente (CGV) ou d’utilisation (CGU) du site. Le délai de modération doit être rapide et les motifs de rejet d’un avis doivent être indiqués. Une fois en ligne, l’avis ne peut être modifié, mais il peut être supprimé à la demande de son auteur.

- La restitution (publication) de l’avis
Les avis doivent être publiés par ordre chronologique (plus récent au plus ancien), d’autres types de tri étant possibles. Les méthodes de calcul des notes globales et les délais de prise en compte des notes doivent être claires. Enfin, le délai de restitution (publication) doit être rapide et affiché.


2. Les conditions de mise en conformité par les sites de e-commerce

Pour rappel, la norme n’est pas une loi mais un texte consensuel élaboré par un panel de professionnels et qui reflète l’état de l’art. Les normes sont en principe revues tous les cinq ans environ, et sont donc évolutives.

La norme sur les avis en ligne des consommateurs n’est pas d’application obligatoire. Les professionnels qui le souhaitent peuvent soit décider de l’appliquer volontairement, soit obtenir une certification.

- L’auto-déclaration
Les sites comparateurs et de e-commerce collectant des avis de consommateurs peuvent décider de se mettre en conformité avec la norme NF Z74-501 par une auto-déclaration de conformité. Cependant, l’auto-déclaration de conformité à la norme engage la responsabilité de l’exploitant du site en cas de contrôle de la DGCCRF par exemple.

L’utilisation abusive d’une norme AFNOR est sanctionnée par le code de la consommation au titre des pratiques commerciales trompeuses. (4)

- La certification

La certification a pour objet de faire contrôler et attester par un organisme certificateur tiers la conformité des pratiques à la norme en référence.


Les critères figurant dans cette norme sur les avis en ligne de consommateurs peuvent paraître soit relever du bon sens (interdiction d’acheter de faux avis) soit poser des règles trop contraignantes (règles de modération). Cependant, la norme a le mérite de créer un référentiel de confiance pour assainir le domaine des avis, qui, comme nous l’avons rappelé plus haut, est un élément clé dans la décision d’achat des consommateurs. La question sera de voir comment cette norme sera accueillie par les sites comparateurs, et si elle sera par la suite étendue à l’international.

Enfin, bien que cette norme soit générique en ce qu’elle a vocation à s’appliquer à tous types de biens et de services et à tous types de sites recueillant des avis de consommateurs, elle ne prend a priori pas en compte les avis publiés sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter), qui restent à prendre avec “modération”, ni les “likes” (j’aime) et autres “followers”, mais il s’agit là d’un autre sujet.

                                                        * * * * * * * * * *

(1) Communiqué de la société Testntrust du 17 avril 2013

(2) Cité dans l’article des Echos “Le e-commerce chasse les faux avis de consommateurs”, publié le 2 juillet 2013

(3) Norme AFNOR Avis en ligne des consommateurs NF Z74-501

(4) Voir art. L.121-1 et s. et art. L.213.1 et s. du code de la consommation. Les peines maximum encourues s’élèvent à 37 500€ pour l’exploitant du site personne physique et 187 500€ pour les personnes morales.



Bénédicte DELEPORTE – Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com
Juillet 2013

vendredi 17 mai 2013

Les soldes : des méthodes de vente encadrées, même sur internet

Les soldes d’été 2013 débutent le mercredi 26 juin à 8 heures. Les soldes sur internet étant soumis aux mêmes règles que pour la vente en magasin, les e-commerçants français doivent s’assurer que leurs soldes sont conformes à la réglementation. En effet, les périodes de soldes révèlent de nombreuses pratiques trompeuses et illicites de la part de certains commerçants, qu’il s’agisse de publicités induisant les consommateurs en erreur ou des manipulations de prix frauduleuses par exemple.

Les soldes sont réglementés aux articles L.310-3 et suivants et R. 310-15 et suivants du Code de commerce.

Les soldes sont définis comme des ventes qui :
    - d’une part sont accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock, et
    - d’autre part, ont lieu durant des périodes de l’année définies par décret.

Nous faisons ci-après un bref rappel des conditions relatives à la vente en solde et des sanctions  applicables en cas d’infraction à la loi.


1. Les conditions de la vente en solde

        1.1 Des périodes de soldes réglementées
Il existe deux types de soldes :

- Les soldes saisonniers, organisés sur deux périodes de cinq semaines par an, en hiver et en été.

Les soldes d’hiver débutent le deuxième mercredi du mois de janvier à 8h ; les soldes d’été débutent le dernier mercredi de juin à 8h. Ces dates s’appliquent à tout le territoire français, à l’exception de douze départements (principalement frontaliers et DOM) dont la liste figure à l’article D.310-15-3 du Code de commerce.

- Les soldes complémentaires ou soldes flottants, d’une durée de deux semaines par an,  consécutives ou non.

Les soldes flottants sont organisés aux dates choisies par le commerçant, sous réserve d’une déclaration préalable en préfecture du département du siège de l’entreprise, au moins un mois avant le début des soldes. Les soldes flottants doivent prendre fin au plus tard un mois avant le début des soldes saisonniers.

        1.2 Les produits et services pouvant être vendus en solde
Concernant les produits, l’objectif des soldes est le destockage. Seuls peuvent être vendus en solde des produits neufs, déjà proposés à la vente et achetés et payés par le commerçant au moins un mois avant le début des soldes. En effet, il n’est pas possible d’acheter des produits aux seules fins de les revendre directement en solde, ni de se réapprovisionner en produits soldés pendant cette période.

Certains types de services peuvent également être vendus en solde. Seules certaines catégories de prestations de services revendues par un commerçant, sous réserve d’en avoir acquis une quantité déterminée et non renouvelable auprès d'un autre opérateur, sont concernées par les soldes. Il s’agit par exemple de la vente de voyages ou de séjours à forfait.

A l’issue de la période des soldes, les invendus peuvent continuer à être proposés à la vente au prix soldé. Le commerçant ne pourra cependant plus communiquer sur les soldes et ne pourra afficher qu’un seul prix.

        1.3 Les conditions de vente en solde
- La publicité - Les soldes doivent faire l’objet d’une publicité. Celle-ci doit contenir les mentions obligatoires suivantes : la date de début des soldes et la nature des produits soldés, lorsque les soldes ne portent pas sur la totalité du catalogue. (art. R.310-17 c.com)

A noter également que l’usage du terme “soldes” est réglementé. Le mot “soldes” ne peut être utilisé que pour les opérations répondant aux conditions des soldes telles que définies par la loi (période, produits ou services concernés, conditions de prix, etc.). (art. L.310-3-II c.com) Ainsi, le mot soldes ne peut être utilisé pour des opérations promotionnelles, des ventes privées, ou des liquidations commerciales.

- Les prix - Pendant les périodes de soldes, les réductions de prix doivent être effectives et être affichées de manière claire.

Le site de e-commerce devra faire figurer sur ses pages produit : l’ancien prix barré, le prix soldé, et le pourcentage de réduction effective.

La revente à perte est exceptionnellement autorisée en période de soldes. (art. L.442-2 et s. c.com)

- Les garanties - Le e-commerçant est tenu de fournir les mêmes garanties sur ses produits et services soldés que sur les produits et services non soldés.

Les garanties légales - vices cachés et conformité - s’appliqueront aux produits soldés, tout comme les garanties contractuelles éventuelles.

Le droit de rétractation reste également applicable en période de soldes pour les achats réalisés sur internet (sauf exceptions prévues par la loi).


2. Les sanctions en cas de non-conformité à la réglementation

Les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation, et de la répression des fraudes (DGCCRF) et ses antennes locales (Directions départementales de la protection des populations - DDPP) ont notamment pour mission de contrôler le respect de la réglementation en matière de prix et de soldes. (art. L.450-1 et s. c.com)

Ainsi, les e-commerçants qui organiseraient des soldes en contravention avec ces règles sont passibles de peines d’amendes, dont les montants varient selon l’infraction commise :

        - en cas de soldes sur des produits détenus depuis moins d’un mois à la date de début de l’opération, ou d’utilisation du terme “soldes” de manière inappropriée : amende de 15.000€ (75.000€ pour les personnes morales) (art. L.310-5 c.com) ;
        - en cas de publicité incomplète, qui ne reprendrait pas les mentions obligatoires susvisées : contravention de 5é classe, soit 1.500€ (7.500€ pour les personnes morales) (art. R.310-19-3° c.com) ;
        - en cas d’utilisation du terme “solde” dans une publicité, en dehors des périodes de soldes, si l’opération est susceptible d’induire les consommateurs en erreur : amende de 37.000€ ou jusqu’à 50% du montant de la campagne publicitaire trompeuse (art. L.121-15 c.consommation).


                                                       * * * * * * * * * * * * *

Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Mai 2013

lundi 14 janvier 2013

La nouvelle réglementation française sur la vente de médicaments sur internet

Bien que jusqu'à présent le Code de la santé publique (CSP) n’interdisait pas expressément la vente de médicaments en ligne, ce mode de distribution n’était pas pour autant autorisé dans la mesure où les dispositions légales ne permettaient pas en pratique d’utiliser ce canal de vente en France.

Suite à l'adoption de la directive européenne du 8 juin 2011 autorisant la vente de médicaments sur internet, la plupart des pays voisins de la France avaient adopté une législation en la matière, autorisant la vente de médicaments sans et/ou avec prescription, et s'appuyant ou non sur une officine physique.

La vente de médicaments sur internet est désormais prévue par la loi depuis fin décembre 2012, avec la publication de l’ordonnance du 19 décembre 2012 et du décret du 31 décembre.


1. Le cheminement vers l'adoption d'un cadre légal, sous la pression de l'Union européenne

L’encadrement de la vente de médicaments par internet est l’aboutissement d’un long processus, démarré avec l’arrêt DocMorris de la CJCE en 2003 pour arriver à la Directive du 8 juin 2011.

    1.1 La reconnaissance de la validité de la vente des médicaments sur internet : l’arrêt DocMorris
Le 11 décembre 2003, la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) a rendu une décision reconnaissant le droit de vendre des médicaments sur internet. (1) Cette affaire opposait une association allemande (DAV) ayant pour but la défense des intérêts de la profession de pharmacien, à la société néerlandaise DocMorris qui pratiquait la vente de médicaments en officine traditionnelle aux Pays-Bas mais également sur internet. Le site internet était traduit en allemand et offrait la possibilité d'être livré en médicaments, soumis ou non à prescription médicale, en Allemagne. Or, la législation allemande interdisait la vente à distance de médicaments, dont la délivrance était réservée exclusivement aux pharmaciens, et qualifiait d'illégale toute publicité pour la vente de médicaments par correspondance.

Interrogée sur la validité de la réglementation allemande, la CJCE a jugé qu'une telle interdiction constituait une restriction à la libre circulation des marchandises. Cependant, la Cour a distingué entre médicaments soumis à prescription médicale, considérant qu'une telle restriction de vente était justifiée par la nécessité de protéger la santé et la vie des personnes, et les médicaments non soumis à prescription médicale.

Concernant les médicaments non soumis à prescription médicale, la CJCE estime que l’interdiction de vente à distance n'est pas justifiée, dans la mesure où rien ne permet de considérer que les pharmacies virtuelles ne permettent pas de satisfaire aux obligations d'information et de conseil lors de l'achat de ces médicaments.

    1.2 La résolution du Conseil de l’Europe sur les bonnes pratiques à adopter en en matière de distribution de médicaments par correspondance
Partant du constat que de plus en plus d’États membres de l’Union européenne autorisaient la vente de médicaments à distance, et que les patients, désireux d’obtenir facilement et rapidement les médicaments dont ils ont besoin, devaient pouvoir le faire en toute confiance, le Conseil de l’Europe a adopté en 2007 une résolution recommandant aux Etats membres d'adopter des normes garantissant la sûreté de la vente de médicaments à distance, la sécurité du patient et la qualité des médicaments délivrés. (2)

    1.3 Dernière étape : la directive du 8 juin 2011 autorisant la vente de médicament sur Internet
La Directive du 8 juin 2011 impose aux Etats membres de permettre la vente à distance au public de médicaments, tout en leur laissant la possibilité d’interdire la vente à distance pour les médicaments soumis à prescription. (3) La Directive prévoit notamment que la vente de médicaments sur internet est réservée (i) aux personnes autorisées ou habilitées, en conformité avec la législation de l’Etat membre dans lequel elles sont établies, et (ii) aux médicaments respectant la législation nationale de l'Etat membre de destination.

En outre, pour aider le grand public à identifier les sites internet mettant légalement en vente des médicaments, la directive prévoit la création d’un logo commun à l’ensemble de l’Union européenne renseignant, en outre, sur l’Etat membre dans lequel est établi le pharmacien.

Enfin, les Etats membres doivent mettre en place un site internet comportant notamment la liste des pharmaciens et des sites web proposant des médicaments en ligne, et des informations générales sur les risques liés aux médicaments fournis illégalement au public.

La directive devait être transposée dans les droits des Etats membres avant le 2 janvier 2013. La France s’est mise en conformité en décembre 2012.


2. Le nouveau cadre juridique de la vente de médicaments par internet


Par ordonnance et décret publiés fin décembre 2012, modifiant le Code de la santé publique, le gouvernement vient d'encadrer la vente de médicaments en ligne. (4)

La vente de médicaments en ligne est ainsi soumise à des conditions spécifiques, édictées par la nouvelle réglementation applicable. S’agissant de vente à distance, les règles relatives au commerce électronique s’appliquent également à la vente de médicament sur internet.

    2.1 Les principales conditions de la vente en ligne de médicaments 
La vente en ligne de médicaments est soumise aux conditions suivantes :

- La création d'un site web destiné à la vente de médicaments est réservée aux pharmaciens titulaires d'une officine (et aux pharmaciens gérants de pharmacies mutualistes ou de secours minière). Les pharmaciens adjoints, ayant reçu délégation du pharmacien d'officine, peuvent participer à l'exploitation du site internet de l'officine de pharmacie. Enfin, les pharmaciens remplaçants de titulaires d'officine, ou gérants d'officine après décès du titulaire, peuvent poursuivre l’exploitation du site de l'officine, créé antérieurement.

- Seuls les médicaments pouvant être présentés "en accès direct" au public en officine (médicaments “OTC” ou “over the counter”) ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché peuvent être proposés à la vente en ligne. A contrario, l’interdiction de vente en ligne est maintenue pour les médicaments délivrés sur ordonnance.

- La création d'un site internet est soumise au dépôt d’une demande d'autorisation auprès du directeur général de l'Agence Régionale de Santé (DGARS) dans le ressort duquel est située l'officine.

- Dans les 15 jours suivant la date d'autorisation du DGARS, le pharmacien doit informer le Conseil de l'Ordre dont il relève, de la création du site internet. L'Ordre national des pharmaciens tiendra à jour une liste des sites internet autorisés et la mettra à la disposition du public sur son site web.

- Dans un souci de sécurité et d’information du public, la nouvelle réglementation prévoit que le site internet doit intégrer les coordonnées de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM, successeur de l’Afssaps), un lien hypertexte vers le site de l'Ordre national des pharmaciens et du Ministère chargé de la santé, ainsi que le logo communautaire, qui devra être affiché sur chaque page du site internet.

- Enfin, la nouvelle réglementation prévoit que toute commande livrée en dehors de l'officine ne peut être remise qu'en paquet opaque et scellé portant le nom et l'adresse de l'acheteur, de telle sorte que le destinataire puisse s'assurer qu'il n'a pu être ouvert par un tiers. En outre, il incombe au pharmacien de veiller à ce que les conditions de transport soient compatibles avec la bonne conservation des médicaments et que toutes explications et recommandations soient mises à la disposition du patient.

    2.2 Le nécessaire respect des règles de la vente à distance

A ces règles spécifiques s’ajoutent les règles du commerce électronique, telles que prévues notamment par la Loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004, les règles en matière de protection du consommateur et de la santé publique, ainsi que les règles relatives à la protection des données personnelles ou à la publicité.

- L’information du consommateur : ainsi, bien que non rappelé par la nouvelle réglementation, les sites de vente de médicaments devront contenir, outre les informations relatives aux mises en garde en matière de consommation de médicaments, les informations légales en matière de vente à distance aux consommateurs. Ces règles imposent notamment que l'exploitant d'un site internet s'identifie clairement auprès des internautes et que les caractéristiques essentielles des produits mis en vente, leur prix, leurs conditions de vente et de livraison soient précisés.

- La conclusion du contrat de vente en ligne : la loi ne prévoit pas de conditions spécifiques à la commande de médicaments sur internet. Il appartiendra cependant au pharmacien de respecter les règles relatives à la vente à distance prévues par le Code civil et le Code de la consommation. Ces règles prévoient notamment que pour passer commande, l'internaute doit avoir pris connaissance et effectivement accepté les conditions générales de vente.

- Les règles relatives à la publicité : en matière de vente de médicaments en ligne, il appartiendra aux pharmaciens d'être vigilants en matière de prospection commerciale et d'e-mailing. En effet,  conformément aux articles L.5125-25 et R.5125-28 CSP, il leur est interdit de solliciter des commandes auprès du public et d'avoir recours à des moyens de fidélisation de la clientèle.

- Le régime de responsabilité applicable au pharmacien en ligne : le pharmacien est responsable du contenu du site internet qu'il édite et des conditions dans lesquelles est exercée l'activité de commerce électronique de médicaments. En cas de manquement aux règles précitées et aux "bonnes pratiques de dispensation" définies par l'ANSM, le DGARS territorialement compétent peut mettre le pharmacien fautif en demeure de se conformer à ses prescriptions. A défaut de mise en conformité, le DGARS peut prononcer (i) la fermeture temporaire du site internet, pour une durée maximale de 5 mois et/ou (ii) une amende dont le montant ne peut être supérieur à 30% du chiffre d'affaires réalisé par la pharmacie dans le cadre de l'activité de commerce électronique, dans la limite d'un million d'euros.


La transposition des dispositions de la directive européenne en droit français fournit désormais un cadre légal à la vente de médicaments OTC en ligne. Cette nouvelle réglementation est cependant vivement critiquée par l'Ordre des pharmaciens qui s’est prononcé via un communiqué, dès le 20 décembre 2012.

Mettant en avant la priorité d’assurer la sécurité du patient, l’Ordre des pharmaciens rappelle notamment que le médicament n’est pas un bien de consommation ordinaire, rien ne pouvant remplacer les conseils dispensés en officine.

Cependant, d’une part, seuls les médicaments OTC peuvent être vendus en ligne. D’autre part, rien n’empêche le site d’intégrer un service de prise de contact avec un pharmacien pour se faire dispenser les conseils nécessaires.

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(1) CJCE, 11 décembre 2003, Aff. C-322/01, Deutscher Apothekerverband EV / 0800 DocMorris NV et Jacques Waterval.

(2) Résolution ResAP(2007)2 sur les bonnes pratiques en matière de distribution de médicaments par correspondance, visant à protéger la sécurité des patients et la qualité des médicaments délivrés.

(3) Directive n°2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 modifiant la directive n°2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, en ce qui concerne la prévention de l’introduction dans la chaîne d’approvisionnement légale de médicaments falsifiés

(4) Ordonnance n°2012-1427 du 19 décembre 2012 relative au renforcement de la sécurité de la chaîne d'approvisionnement des médicaments, à l'encadrement de la vente de médicaments sur internet et à la lutte contre la falsification de médicaments. Décret n°2012-1562 du 31 décembre 2012 relatif au renforcement de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement des médicaments et à l’encadrement de la vente de médicaments sur internet. Articles L.4211-1, L.5122-6-1, L.5125-33 et s., R.5125-26 et R.5125-70 et s. CSP.



Bénédicte DELEPORTE – Avocat
Betty SFEZ – Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Janvier 2013