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mercredi 24 juillet 2019

ICO : des dispositions innovantes dans la loi PACTE pour développer la confiance


Les ICO (“Initial Coin Offering”) permettent aux start-ups et entreprises innovantes de collecter des fonds de manière dématérialisée à l’international.

La loi PACTE, définitivement promulguée le 22 mai 2019, prévoit des dispositions visant notamment à encadrer et sécuriser la procédure de levée de fonds en crypto-actifs, ou ICO. (1)


1. L’ICO, un moyen alternatif de financer le développement des start-ups


Une ICO consiste en une émission d’actifs numériques sous forme de jetons (ou “tokens”) au public, fonctionnant en principe sur la blockchain. Les investisseurs peuvent acheter des jetons en devise (euros, dollars, etc.) ou en crypto-monnaie (bitcoin, ether, etc.).

Un “actif numérique” est la représentation numérique d’une valeur non émise ni garantie par une banque centrale ou une autorité, et non nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal - émis en bitcoin par exemple. (2)

Les jetons sont définis à l’article L.552-2 du code monétaire et financier comme “tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé (blockchain) permettant d'identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien”.

L’Autorité des marchés financiers (AMF) distingue trois grands types de jetons (tokens) :
    - les crypto-actifs comme monnaie d’échange et unité de valeur (par exemple, le bitcoin) ;
    - les crypto-actifs assimilés à des instruments financiers - “security tokens”, donnant des droits de participation à la gouvernance ou d’intéressement aux profits futurs de l’entreprise émettrice (droits de vote ou dividendes) ; et
    - les crypto-actifs utilitaires - “utility tokens”, donnant des droits d’utilisation de produits ou services futurs proposés par l’émetteur. Ces tokens constituent la plus grande partie des crypto-actifs émis à l’heure actuelle.
Certains tokens sont cependant hybrides ou issus de plusieurs catégories. (3)

Les start-ups qui auraient des difficultés à lever des fonds par les méthodes classiques peuvent envisager de recourir à une ICO. L’ICO présente en effet plusieurs avantages : le coût d’une ICO est moindre qu’une levée de fonds classique, car cette opération peut être réalisée sans intermédiaire financier ; en cas d’attribution de utility tokens, le capital n’est pas dilué puisque les tokens attribués n’offrent qu’un droit d’usage à l’investisseur (droit d’utilisation du bien ou du service produit par la société émettrice, ce bien ou ce service étant généralement à l’état d’idée ou de projet à la date de l’ICO).

Mais les risques (perte du capital investi, absence de marché pour la revente ou l’échange des tokens, etc.) ne doivent pas être sous-estimés : les opérations d’ICO restent peu, voire pas réglementées. Seuls quelques pays commencent à réglementer ces opérations, qui revêtent donc un niveau de risque supérieur à une opération de levée de fonds classique ; les ICO sont le plus souvent non documentées, contrairement à une levée de fonds classique, accompagnée d’un prospectus comprenant des informations détaillées sur la société et l’opération envisagée ; enfin, l’absence d’information sur les sociétés et sur les projets financés ne permet pas d’écarter les risques d’escroquerie (détournement des fonds à des fins personnelles ou autres) ou de blanchiment d’argent par exemple.

Même si les levées de fonds par ICO restent encore marginales dans le monde, ce mode de financement continue de se développer. Plusieurs pays ont ainsi décidé de commencer à réglementer les ICO pour donner plus de transparence à ces opérations et sécuriser la procédure. (4)


2. De nouvelles règles avec un objectif de transparence et de sécurisation de la procédure d’ICO

En France, la loi PACTE du 22 mai 2019 a introduit deux séries de dispositions pour donner plus de transparence et de sécurité aux opérations d’ICO. (5)

Les principales dispositions figurant dans la loi PACTE sont les suivantes :

- Création d’un visa optionnel pour les émetteurs d’ICO, délivré par l’AMF
Le visa pourra être demandé par les émetteurs d’ICO. L’objectif de ce visa est d’apporter une garantie de sérieux au projet. Le visa est principalement destiné aux start-ups innovantes ou développant une activité en France. Il concerne l’émission d’actifs numériques qui ne présentent pas les caractéristiques d’un titre financier ou bon de caisse, et sera délivré pour un projet et une durée déterminés.(6)

Les projets disposant du visa de l’AMF seront inscrits sur une liste blanche. En revanche, les projets ayant perdu le visa seront inscrits sur une liste noire.

La procédure de demande de visa a été publiée par l’AMF le 6 juin dernier (7). Elle repose sur trois conditions :
    1) la fourniture d’un document d’information présentant la société émettrice et décrivant le projet, et précisant notamment le nombre de jetons émis, leur prix, les droits associés, et le protocole de blockchain utilisé pour inscrire les jetons ;
    2) un dispositif garantissant la sécurité des fonds recueillis pendant la durée de l’offre ; et
    3) le respect des obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme avec la mise en place d’un système KYC ("Know your customer"). L’émetteur doit être établi ou immatriculé en France.

Il est précisé que l’objet du visa est de valider la structuration du projet et non sa qualité ou son opportunité.

Le délai d’instruction du dossier par l’AMF est fixé à 20 jours ouvrés à compter de la réception du dossier complet.

 - Encadrement du marché secondaire
    Création d’un agrément pour les nouveaux prestataires de services sur actifs numériques (“PSAN”)
Une nouvelle procédure d’agrément volontaire est prévue pour les prestataires de services sur actifs numériques, tels que les plateformes d’échanges de crypto-actifs (bitcoins, ether, etc.) ou les services de conseils aux souscripteurs d’actifs numériques et de gestion de portefeuilles d’actifs numériques pour le compte de tiers. (art. L.54-10-5)

    Enregistrement des plateformes d’achat-vente de crypto-actifs
Enfin, les plateformes d’achat-vente de crypto-actifs en monnaie fiduciaire et les services de conservation de jetons seront soumis à un enregistrement obligatoire auprès de l’AMF, au titre du contrôle de la lutte anti-blanchiment. (art. L.54-10-3) Le non-respect de cette obligation pourra entraîner des sanctions pénales (30.000€ d’amende et deux ans d’emprisonnement).


                                                                  * * * * * * * * * *

(1) Loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Loi PACTE)

(2) Article L.54-10-1 du Code monétaire et financier

(3) “ICO françaises : un nouveau mode de financement ?”, Caroline Le Moign, AMF, novembre 2018

(4) Les pays ayant commencé à réglementer les ICO comprennent notamment, outre la France, l’Australie, Singapour. Certains pays considèrent que les ICO avec émission de “security tokens” relèvent de la règlementation sur les valeurs mobilières.
Par ailleurs, certains pays, dont la Chine et la Corée du Sud, ont décidé pour l’instant d’interdire les ICO, considérant le risque de fraude trop élevé.

(5) Art. 85 et 86 de la loi PACTE, codifiés aux articles L.551-1 et s. (“Intermédiaires en biens divers et émetteurs de jetons”), et L. 54-10-1 et s. du code monétaire et financier

(6) Les bons de caisse et jetons correspondant à un instrument financier sont soumis à des règles spécifiques figurant aux articles L.223-1 et s. et L.232-1 du Code monétaire et financier

(7) Instruction AMF n°DOC-2019-06



Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com


Juillet 2019