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vendredi 26 avril 2019

Signature d’une Charte des acteurs du e-commerce pour une relation équilibrée entre les places de marché et les vendeurs

 
Le 26 mars 2019, une Charte des acteurs du e-commerce a été co-signée par Mounir Mahjoubi, ex-Secrétaire d’état chargé du numérique, la Fevad (Fédération du e-commerce), la CPME (Confédération des PME) et huit places de marché (ou marketplaces), membres de la Fevad, dont Cdiscount, eBay, Le Bon Coin, et Rakuten. (1)

L’objet de cette charte, dont l’adhésion est volontaire, est de poser les « conditions d’une relation équilibrée, transparente et loyale entre les opérateurs de plateformes en ligne, tels que définis à l’article L.111-7 du code de la consommation » et les entreprises utilisatrices. La charte propose ainsi des bonnes pratiques, afin d’améliorer la confiance des utilisateurs dans le e-commerce. Ces entreprises, la plupart PME, voire TPE, utilisent les services et la visibilité des plateformes pour faciliter l’accès au marché de la vente en ligne.

La charte s’articule autour des points suivants :

   - La formalisation des engagements mutuels entre les parties, plateformes et entreprises utilisatrices, par la mise à disposition des entreprises des conditions d’utilisation claires et compréhensibles, permettant notamment le recours à la médiation en cas de litige ;

   - La garantie d’un échange ouvert, fiable et individualisé entre la plateforme et l’entreprise utilisatrice par un dispositif au sein des plateformes permettant les échanges entre les parties ;

   - Des règles de déréférencement plus claires avec la possibilité pour les entreprises utilisatrices de les contester et des règles relatives au classement commercial des produits plus robustes. Concernant les entreprises utilisatrices, apprendre à respecter les règles de fonctionnement de la plateforme et mettre en ligne des offres conformes aux règlementations applicables en matière de vente à distance ;

   - L’efficacité de la lutte contre la contrefaçon par les plateformes et par les entreprises utilisatrices.

La charte doit faire l’objet d’un bilan annuel.

La charte sera complétée dans les mois qui viennent par le règlement sur les services d’intermédiation en ligne (règlement « platform to business ») et les directives « nouvelle donne pour les consommateurs ». (2)


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(1) site de la Fevad

(2) Proposition de règlement promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices des services d’intermédiation en ligne (règlement « platform to business ») et proposition de directives « nouvelle donne pour les consommateurs » (new deal for consumers)



Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Avril 2019

jeudi 2 février 2017

La réforme du droit de la consommation et la nécessaire révision des conditions générales


Le droit applicable aux contrats conclus en ligne (CGV/CGU) a évolué de manière notable ces trois dernières années, avec la promulgation de plusieurs lois ayant notamment réformé le droit de la consommation. Il est donc très important pour les éditeurs de sites de e-commerce de revoir et mettre à jour leurs conditions générales de vente ou d’utilisation. En effet, les conditions générales ne doivent pas rester figées dans le temps, au risque de devenir obsolètes, et de ne plus être applicables en cas de litige. Compte tenu des évolutions législatives et jurisprudentielles, ce document doit être mis à jour régulièrement afin de rester conforme à la loi.

Par ailleurs, même si les CGV n’étaient jusqu’ici pas obligatoires, elles étaient en pratique déjà couramment utilisées à l’égard des consommateurs par la plupart des sites marchands. (1) La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a renforcé les obligations d’information pré-contractuelle et contractuelle du consommateur, rendant les CGV quasiment obligatoires. (2) En outre, les professionnels doivent désormais proposer le recours à un médiateur pour résoudre leurs litiges avec les consommateurs. Enfin, de nouvelles obligations concernant les plateformes d’intermédiation et les comparateurs en ligne ont été introduites dans le code de la consommation, avec l’entrée en vigueur de la la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016.


1. La réforme du droit de la consommation

La loi du 17 mars 2014 (“loi Hamon”) a modifié le droit de la consommation, dont certaines règles applicables à la vente en ligne aux consommateurs (B-to-C). Cette réforme, qui transpose la directive européenne “droit des consommateurs” du 25 octobre 2011, est entrée en application par étapes, entre mars 2014 et octobre 2016. (3)

La réforme du droit de la consommation a renforcé l’obligation d’information pré-contractuelle, l’information sur les garanties, le délai de livraison et le transfert des risques. Ces informations, qui doivent être communiquées au consommateur de manière lisible et compréhensible (art. L.111-1 et s. et art. L.221-5 et s.du Code de la consommation), comprennent entre autres :
    - les coordonnées du vendeur professionnel ;
    - la description des caractéristiques essentielles du bien ou du service proposé ainsi que son prix ;
    - si le contrat n’est pas exécuté immédiatement, la date ou le délai de livraison (à défaut de fixation de délai, le professionnel doit s’exécuter au plus tard 30 jours après la conclusion du contrat) ;
    - les informations relatives à l’existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et autres conditions contractuelles. A noter que la garantie de conformité est passée de six mois à deux ans, sauf pour les biens d’occasion (art. L.217-7 code de la consommation) ;
     - l’indication des frais de livraison et autres frais qui viendraient s’ajouter pour le traitement de la commande ;
    - l’existence (ou non) d’un droit de rétractation (conditions et modalités d’exercice du droit de rétractation, frais de renvoi du bien, formulaire type de rétractation), le délai de rétractation étant passé à 14 jours à compter de la réception du bien par le consommateur ou de la conclusion du contrat de service. A défaut d’information relative au droit de rétractation, le délai pour retourner le bien au vendeur est étendu à douze mois (art. L.221-18 et s. Code de la consommation).

Enfin, le risque de perte ou de détérioration du bien est désormais transféré au consommateur au moment de la prise de possession du bien par celui-ci, sauf si le consommateur a choisi un transporteur autre que celui proposé par le professionnel. Dans ce cas, le risque est transféré au consommateur au moment de la remise du bien au transporteur.

En cas de litige, le vendeur professionnel devra établir la preuve de la communication de ces informations au consommateur.


2. Le règlement extra-judiciaire des litiges de consommation

L’ordonnance du 20 août 2015 relative au règlement extra-judiciaire des litiges de consommation est entrée en application début janvier 2016. Ces nouvelles dispositions, figurant dans le code de la consommation, consacrent la faculté pour les consommateurs, de recourir à un médiateur de la consommation pour régler un litige avec un professionnel. L’objectif de ce mode alternatif de règlement des litiges est d’éviter les actions judiciaires, en particulier lorsque le litige porte sur un faible montant. (4)

Ces dispositions s’appliquent non seulement au commerce traditionnel en magasin, mais également au commerce en ligne, pour la vente de produits ou de services entre professionnels et consommateurs (B-to-C). A ce titre, le vendeur professionnel en ligne a l’obligation de proposer aux consommateurs le recours effectif à un dispositif de médiation, en les informant sur la mise à disposition sur son site internet, d’un lien électronique vers une plateforme de Règlement des Litiges en Ligne (“RLL”). (5) Ce dispositif peut être mis en place par l’entreprise ou s’appliquer à l’ensemble des entreprises d’un domaine d’activité. Il est à noter que le professionnel est dans l’obligation de proposer la médiation, mais il ne peut pas l’imposer. Le consommateur reste libre de porter le litige directement devant les tribunaux.

Tout manquement à ces obligations est passible d’une amende administrative de 15.000 euros pour les personnes morales.

Certaines conditions doivent néanmoins être remplies pour pouvoir recourir à une médiation. (6) Pour que le médiateur examine la demande du consommateur :
    - ce dernier doit avoir tenté, au préalable, par une réclamation écrite, selon les modalités prévues, ou selon le contrat, de régler le conflit directement avec le vendeur professionnel ;
    - la demande du consommateur ne doit pas être manifestement abusive ou infondée ;
    - le litige ne doit pas être examiné, ou en cours d’examen, par un autre médiateur ou par un tribunal ;
    - le consommateur doit avoir envoyé sa demande dans un délai d’un an à compter de sa réclamation écrite auprès du professionnel ; enfin
    - le litige doit entrer dans le champ de compétence du médiateur.

S’il est fait appel à un médiateur, celui-ci doit faire connaître aux parties sa solution par courrier simple ou électronique. Il doit rappeler aux parties qu’elles sont libres d’accepter, ou de refuser, sa solution et qu’elles peuvent exercer un recours judiciaire. La réponse du médiateur doit intervenir dans un délai de 90 jours à compter de la notification, délai qui peut être prolongé. Sa proposition de solution doit contenir un délai d’acceptation ou de refus et doit exposer les effets en cas d’acceptation de la solution.

La médiation des litiges de consommation est soumise à la confidentialité.


3. Les nouvelles obligations d’information des plateformes d’intermédiation et des comparateurs en ligne

La loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 a également apporté des modifications pour certaines catégories d’activités en ligne entre professionnels et consommateurs. (7) Ces obligations de loyauté et de transparence concernent les opérateurs de plateformes en ligne, à savoir les plateformes de mise en relation en vue de la vente d’un bien ou de partage d’un service et les comparateurs en ligne (art. L.111-7 et s. Code de la consommation).

Ainsi, le code de la consommation définit désormais les “opérateurs de plateformes en ligne” comme les personnes physiques ou morales proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non :
    i) un service de classement ou de référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers (sites comparateurs par exemple) ; ou
    ii) un service de mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service (plateforme de vente de biens, ou de partage de services par exemple).

Les éditeurs de plateformes d’intermédiation en ligne doivent délivrer à leurs utilisateurs une information “loyale, claire et transparente”, comportant les conditions générales d'utilisation du service d'intermédiation qu'il propose, la qualité de l'annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale, lorsque des consommateurs sont mis en relation avec des professionnels ou des non-professionnels. A ce titre, les plateformes d’intermédiation doivent mettre à la disposition des vendeurs professionnels un espace leur permettant de communiquer aux consommateurs les informations précontractuelles prévues à l’article L.221-5 du code de la consommation (coordonnées du vendeur, caractéristiques des biens et services proposés, etc.).

Les éditeurs de sites de comparaison en ligne (comparaison des prix et des caractéristiques de biens et de services proposés par des professionnels) doivent communiquer aux consommateurs les informations portant sur les éléments de la comparaison et identifier le contenu publicitaire. Le site de comparaison doit comprendre une rubrique sur le fonctionnement du service, accessible sur toutes les pages du site, et comportant un certain nombre d’informations, telles que : les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus (biens ou services) mis en ligne, l’existence d’un lien contractuel, capitalistique ou d’une rémunération susceptible(s) d’influencer le classement ou la présentation des contenus référencés.

Enfin, l’un des objectifs de la loi pour une République numérique est la lutte contre les faux avis d’utilisateurs. A cette fin, de nouvelles dispositions sont désormais prévues dans le code de la consommation imposant aux sites fournissant, à titre principal ou accessoire, un service de publication d’avis en ligne de consommateurs (comprenant la collecte, la modération, ou la diffusion des avis) de délivrer une information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement de ces avis (art. L.111-7-2 du Code de la consommation). Le site doit informer les utilisateurs si les avis font l’objet d’un contrôle ou d’une modération avant leur publication, ainsi que la date des avis.


    Comme on peut le constater, ces nouveaux textes renforcent les obligations d’information du consommateur, celle-ci devant être loyale, claire et transparente. Ainsi, les sites de e-commerce en activité, sites de vente de biens ou de services, mais également les sites d’intermédiation en ligne et de comparaison doivent mettre à jour leurs conditions d’utilisation ainsi que leur site afin de rester en conformité avec le droit en vigueur.

Il convient de mentionner, par ailleurs, la réforme du droit des contrats, entrée en vigueur le 1er octobre 2016. Le nouveau droit des contrats met notamment l’accent sur la bonne foi pendant la période précontractuelle, mais également pendant l’exécution du contrat. Cette obligation se retrouve dans les notions de loyauté et de clarté mentionnées plus haut. En matière de commerce en ligne, outre la conformité des conditions d’utilisation au droit, il conviendra de s’assurer que celles-ci sont rédigées en termes clairs et compréhensibles pour le consommateur.

Le non-respect de ces obligations de fond (conformité légale) et/ou de forme (CGV claires et compréhensibles) pourrait être considéré par les tribunaux comme une pratique commerciale déloyale ou trompeuse et exposer les contrevenants à des sanctions pénales (amendes) importantes.


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(1) Dans la suite de cet article, nous n’emploierons que le terme “CGV” pour désigner les contrats conclus en ligne, qu’il s’agisse des conditions générales de vente pour les sites de vente de biens  (CGV) ou conditions générales d’utilisation pour les sites proposant des services (CGU).

(2) Loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (“loi Hamon”) ; Ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et Décret n° 2016-884 du 29 juin 2016 relatif à la partie réglementaire du code de la consommation

(3) Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs

(4) Ordonnance n°2015-1033 du 20 août 2015 relative au règlement extra-judiciaires des litiges de consommation, codifiée aux articles L.611-1 et suivants du Code de la consommation

(5) Voir article 14 du règlement (UE) n°524/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au règlement en ligne des litiges de consommation

(6) Article L.612-2 du Code de la consommation

(7) Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour un République numérique et article L.111-7 du Code de la consommation



Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Janvier 2017

vendredi 13 juin 2014

E-commerce : les nouvelles obligations légales nécessitant une mise en conformité des sites web



La loi relative à la consommation (dite loi “Hamon”), adoptée le 17 mars 2014, transpose notamment la Directive européenne de 2011 relative aux droits des consommateurs. Cette nouvelle loi comprend des dispositions de natures très diverses, portant sur les actions de groupe, l’information et le renforcement des droits contractuels des consommateurs, le crédit à la consommation et l'assurance, les indications géographiques et la protection du nom des collectivités territoriales, la vente en ligne de lunettes et lentilles de vue, le renforcement des moyens de contrôle de la DGCCRF, et des dispositions diverses telles les règles applicables aux VTC. (1)

Parmi ces nombreuses dispositions, nous nous intéressons à celles modifiant les règles applicables aux contrats de vente en ligne B-to-C et aux dispositions renforçant les pouvoirs de la CNIL en matière de respect à la loi Informatique et Libertés.

Ces nouvelles dispositions impliquent, pour la plupart d’entre elles, que les exploitants de sites de e-commerce (vente de biens et de prestations de services) mettent à jour leurs conditions générales de vente ou d’utilisation (CGV/CGU), ainsi que certaines catégories d’informations mentionnées sur leurs sites internet, et adaptent, le cas échéant, leur logistique et organisation interne (conditions de livraison et de retour de marchandise).

Cette mise en conformité doit intervenir rapidement, puisque la plupart des nouvelles dispositions entrent en vigueur le 13 juin 2014. Elles s’appliquent donc à tous les contrats conclus à compter du 14 juin.


1. Une obligation d’information renforcée vis-à-vis des consommateurs

La nouvelle réglementation vient renforcer l’obligation d’information et de transparence de la part des vendeurs professionnels. Cette information, qui doit être claire et compréhensible pour le consommateur, doit être fournie dès la période pré-contractuelle.

    1.1 L’information pré-contractuelle
Avant la conclusion du contrat, la réglementation exige que l’internaute soit informé sur plusieurs points. Ces informations sont les mêmes pour les vendeurs de biens et les prestataires de services, à savoir notamment : l’identité du e-commerçant, les caractéristiques essentielles des biens ou des services proposés, le prix ou son mode de calcul, les conditions de livraison, l’existence de garanties et leurs conditions, l’existence ou non d’un droit de rétractation et ses modalités d’exercice, l’existence de codes de bonne conduite, etc.

L’absence de certaines de ces mentions peut être lourde de conséquences pour le vendeur (tel le rallongement du délai de rétractation à 12 mois).

    1.2 L’information pendant la passation de la commande en ligne
Le professionnel doit accompagner et informer l’internaute tout au long du processus de passation de commande.

A ce titre, et même si cela peut paraître évident, le professionnel doit indiquer de manière très claire que la commande entraîne une obligation de paiement et que la sélection d’options supplémentaires - par le biais d’une case à cocher, par exemple - occasionne des frais additionnels.

    1.3 L’information après la conclusion du contrat

Enfin, l’obligation d’information se poursuit après la conclusion du contrat. Le professionnel doit adresser à l’internaute une confirmation de sa commande et joindre à cette confirmation une copie des CGV ou CGU ainsi qu’un formulaire de rétractation. Ces documents doivent être communiqués sur un support durable, par exemple en pièces jointes à un email de confirmation de commande, sous format .pdf. (2)

En cas de litige, la charge de la preuve du respect de cette obligation d’information incombe au professionnel.


2. Les nouvelles conditions d’exécution des contrats B-to-C

La nouvelle réglementation modifie certaines conditions d’exécution des contrats conclus en ligne telles que les conditions de livraison, et les conditions relatives au droit de rétractation.

    2.1 La livraison, le transfert des risques et les garanties
Les délais d’exécution du contrat : le professionnel doit livrer le bien ou fournir le service à la date ou dans le délai indiqué au consommateur. A défaut de délai stipulé, la livraison ou l’exécution de la prestation doit intervenir au plus tard 30 jours après la conclusion du contrat.

Les risques supportés par le professionnel : lorsque le vendeur se chargera de l’acheminement du bien vendu, le risque de perte ou de détérioration de ce bien ne sera transféré au consommateur qu’au moment où ce dernier en prendra physiquement possession. Le transfert des risques ne s’opère donc plus, comme précédemment, au moment de la conclusion du contrat de vente.

Toutefois, si le consommateur confie le transport à un prestataire autre que le transporteur proposé par le professionnel, le consommateur supporte alors le risque de perte du bien dès le transport.

Les garanties dues en cas de vente : le consommateur qui achète un bien bénéficie de trois types de garanties : la garantie légale de conformité, la garantie légale des vices cachés et la garantie commerciale, cette dernière garantie n’étant pas obligatoire. L’objet de ces garanties est d’obtenir,  dans certaines conditions, la réparation ou le remplacement du bien défectueux.

La nouvelle règlementation oblige le professionnel à informer le consommateur quant à ces garanties et notamment à préciser dans les CGV l’existence, les conditions de mise en oeuvre et le contenu des garanties légales et, le cas échéant, d’une garantie commerciale et d’un service après-vente. En outre, le Code de la consommation modifié dispose que la garantie commerciale doit faire l’objet d’un écrit, comportant certaines mentions obligatoires.

    2.2 La responsabilité de plein droit
Le professionnel est responsable de plein droit à l'égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient exécutées par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.

Le vendeur peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité vis-à-vis de l’acheteur en rapportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit au consommateur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers au contrat, soit à un cas de force majeure.

Ce régime de responsabilité n’est pas nouveau puisqu’il existe depuis l’entrée en vigueur de la loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004. Il est confirmé dans la loi de mars 2014.

    2.3 Le droit de rétractation
Le délai de rétractation : le professionnel a désormais l’obligation d’accorder au consommateur un délai 14 jours, et non plus 7 jours, pour faire jouer son droit de rétractation. Ce délai commence à courir, soit à compter de la conclusion du contrat - pour les prestations de services, soit à compter de la réception du bien par le consommateur ou un tiers désigné (hors transporteur) - pour la vente.

Ce droit doit pouvoir être exercé au moyen d’un formulaire de rétractation mis à disposition du consommateur par le commerçant, ou toute autre déclaration, dénuée d’ambiguïté, exprimant la volonté de se rétracter.

Le droit de rétractation ne s’applique pas à tous les achats sur internet. Certains contrats, par leur objet, n’ouvrent pas droit à la faculté de rétractation ; les cas d’exclusion du droit de rétractation étant plus nombreux qu’auparavant.

La restitution du bien : le consommateur doit restituer le bien au plus tard, dans les 14 jours suivant la communication de sa décision de se rétracter. La réglementation antérieure ne fixait pas de délai de restitution. 

Le délai de remboursement : en outre, le délai de remboursement par le professionnel au consommateur est réduit de 30 à 14 jours à compter de la date de rétractation, soit potentiellement avant même d'avoir reçu les biens en retour. Le vendeur risque donc d’être dans des situations où il aura remboursé le bien alors que celui-ci n’a pas été renvoyé, ou que le bien a été renvoyé mais dans un état ne permettant pas de le remettre en vente.


3. Le renforcement des contrôles de conformité à la loi Informatique et Libertés

Les sites de commerce électronique collectent des informations relatives à leurs clients (nom, prénom, adresse email, etc.) au moment de l’inscription sur le site ou de la passation de la commande. La loi Informatique et Libertés de 1978 encadre le traitement de ces données à caractère personnel. (3) Elle détaille en outre les missions et pouvoirs dévolus à la CNIL. La loi Hamon vient d’étendre ses pouvoirs de contrôle.

    3.1 Rappel des obligations issues de la loi Informatique et Libertés
Un traitement de données à caractère personnel comprend tous types d'opérations, quel que soit le procédé utilisé, et notamment, le fait de collecter, enregistrer, conserver, modifier, diffuser ou détruire des données personnelles. La collecte et le traitement des données personnelles doivent respecter les principes de loyauté et de proportionnalité définis par la loi Informatique et Libertés. 

De nombreuses obligations pèsent sur le responsable de ce traitement, telles que : (i) déclarer à la CNIL tout traitement ou fichier automatisé de données (déclarations ou demandes d'autorisation et d'avis selon les données concernées et les traitements envisagés), préalablement à sa mise en oeuvre, (ii) respecter la finalité du traitement, (iii) conserver les données pendant une durée raisonnable, (iv) assurer l’intégrité des données en adoptant des mesures de sécurité et (v) permettre aux personnes concernées par le traitement de leurs données, d’exercer leurs droits (droits d'accès, de contestation, de rectification et d’opposition).

    3.2 Les pouvoirs de contrôle de conformité étendus de la CNIL

Depuis 2004, les agents de la CNIL sont habilités à effectuer des contrôles de conformité sur place, c’est-à-dire dans les locaux des entreprises à partir desquels des traitements de données personnelles sont mis en oeuvre. Ces contrôles sont généralement réalisés à la suite de plaintes d’utilisateurs et de manière inopinée. Les agents de la CNIL peuvent demander communication de tout document, recueillir tout renseignement utile et accéder aux programmes informatiques et aux données afin de vérifier la conformité à la loi ou encore se faire assister par des experts.

La loi Hamon modifie la loi Informatique et Libertés en prévoyant désormais la possibilité pour la CNIL d’effectuer des contrôles de conformité à distance. Les agents de la CNIL seront habilités à : (i) procéder à toute constatation utile à partir d’un service de communication au public en ligne, (ii) consulter les données librement accessibles ou rendues accessibles, y compris par imprudence, par négligence ou par le fait d’un tiers, le cas échéant en accédant et en se maintenant dans des systèmes de traitement automatisé de données, le temps nécessaire aux constatations, et (iii) retranscrire les données par tout traitement approprié dans des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle.

A la suite des investigations, un procès-verbal de contrôle sera dressé de façon unilatérale et notifié a posteriori à l’entreprise concernée, simplement pour observation. (4)


4. Les sanctions encourues en cas de manquement à la loi Hamon

Les manquements aux dispositions de la loi du 17 mars 2014 relatives notamment à l’obligation d’information des consommateurs, le droit de rétractation et la protection des données personnelles sont assortis de sanctions de nature pénale.

L’information des internautes : tout manquement à l’obligation d’information sera passible d’une amende administrative d’un montant maximal de 3.000€ pour une personne physique et 15.000€ pour une personne morale.

L’obligation de livraison : à défaut de livraison dans les délais, le consommateur peut demander la résolution du contrat de vente. Dans ce cas, le professionnel est tenu de rembourser le consommateur de la totalité des sommes versées, au plus tard dans les 14 jours suivant la date à laquelle le contrat a été dénoncé. La somme versée par le consommateur est de plein droit majorée de 10% si le remboursement intervient plus de 30 jours après ce délai, de 20% jusqu'à soixante jours et de 50% au-delà.

Le droit de rétractation : en cas d’absence d’information précontractuelle sur l’existence du droit de rétractation, le délai de rétractation de 14 jours passe à 12 mois.

Par ailleurs, le professionnel qui ne rembourse pas au consommateur "rétracté" la totalité des sommes versées dans le délai légal de 14 jours se voit - sauf exception - appliquer de plein droit des pénalités croissantes avec le retard de remboursement (taux d’intérêt légal et au-delà de 10 jours de retard, pénalités calculées en pourcentage du prix de vente du bien).

Enfin, les manquements aux conditions d’exercice du droit de rétractation, ainsi que ses effets, sont passibles d’une amende administrative s’élevant à 15.000€ pour une personne physique et 75.000€ pour une personne morale.

La protection des données personnelles
: la nouvelle règlementation n’a pas modifié les sanctions en cas de non-respect de la loi Informatique et Libertés.

Pour rappel, à l’issue du contrôle et lorsque des manquements à loi Informatique et Libertés sont relevés, la CNIL peut prononcer un avertissement ou mettre le responsable du traitement en demeure de faire cesser le manquement constaté dans un délai qu’elle fixe. Si le responsable du traitement ne se conforme pas à la mise en demeure, la CNIL peut prononcer une sanction pécuniaire d’un montant maximal de 150.000€ (allant jusqu’à 300.000€ en cas de récidive), une injonction de cesser le traitement ou un retrait de l’autorisation éventuellement accordée par la CNIL.

La CNIL peut également rendre publiques les sanctions qu’elle prononce, en procédant à leur publication sur son site ou en ordonnant leur insertion dans la presse, aux frais de l’organisme sanctionné. Cette dernière sanction est, de toute évidence, susceptible de nuire à l’image de marque de l’entreprise concernée.

Indépendamment des sanctions administratives, l'entreprise qui n'a pas mis en place des mesures de sécurité suffisantes pour protéger les données personnelles est passible de sanctions pénales pouvant atteindre 300.000€ d’amende et cinq ans d'emprisonnement.


   Dans ce contexte, il est recommandé aux exploitants de sites de commerce électronique qui n’auraient pas encore fait cette mise à jour, de faire réaliser, dans les meilleurs délais, un audit de conformité juridique de leur site. Il convient également de porter une attention particulière au processus de passation de commande, à la procédure d’acceptation des CGV/CGU et à la communication effective des documents contractuels à l’acheteur. Enfin, il appartient aux responsables de traitement de données de s’assurer de la conformité des traitements réalisés et si nécessaire, de faire procéder à des audits de conformité à la loi Informatique et Libertés.

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(1) Loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et Directive européenne n° 2011/83 du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs.

(2) Au sujet de la validité et de l’opposabilité des CGV, voir notre article http://dwavocat.blogspot.fr/2012/10/e-commerce-les-conditions-de-validite.html

(3) Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée.

(4) Au sujet des nouveaux pouvoirs d’enquête de la CNIL, voir notre article http://dwavocat.blogspot.fr/2014/03/donnees-personnelles-vers-un.html




Bénédicte DELEPORTE – Avocat
Betty SFEZ – Avocat
Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Juin 2014

dimanche 23 décembre 2012

Retard de paiement et procédures d’acceptation : les modifications de l’article L.441-6 du code de commerce applicables au 1er janvier 2013

La loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit, qui transpose en droit français la directive du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement, modifie entre autres, certaines dispositions du code du commerce qui devront obligatoirement figurer dans les conditions générales de vente entre professionnels. (1) Ces modifications entrent en vigueur le 1er janvier 2013. Il convient donc, pour les professionnels, de modifier leurs CGV afin de se mettre en conformité avec ces nouvelles obligations.

L’article L.441-6 du code de commerce donne obligation aux vendeurs professionnels de communiquer à leurs clients professionnels leurs conditions générales de vente, constitutives du “socle de la négociation commerciale”. Les CGV comprennent a minima les conditions de vente, le barème des prix, les éventuelles réductions de prix, les conditions de règlement. Cet article fixe également les délais de paiement.

Cet article L.441-6 a été considérablement modifié pour intégrer notamment deux dispositions que nous analysons dans cet article : celle relative à la lutte contre le retard de paiement, et un nouveau paragraphe relatif aux délais d’acceptation des marchandises et prestations.


1. Les nouvelles dispositions relatives aux intérêts de retard et aux frais de recouvrement

Afin de lutter contre les délais de paiement excessifs imposés par certains clients à leurs fournisseurs, l’article L.441-6 I al.9 du code de commerce dispose que les délais de paiement ne peuvent dépasser 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d’émission de la facture.

L'article L.441-6 al.12 du code de commerce disposait jusqu’ici que les conditions de règlement  des vendeurs professionnels devaient obligatoirement préciser “les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date.”

Le taux pour calculer les pénalités de retard pouvant être fixé par les parties est défini à cet article comme pouvant s’élever au minimum à trois fois le taux d’intérêt légal ou le taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage.

La directive du 16 février 2011 a pour ambition de protéger les PME en durcissant les conditions applicables aux retards de paiement. Ces règles ont été transposées par la loi du 22 mars 2012, modifiant l’article L.441-6 du code de commerce. La nouvelle version de cet article entre en vigueur le 1er janvier 2013.

Désormais, les CGV des vendeurs professionnels devront préciser, outre les conditions d’application et le taux d’intérêt de retard, le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due par l’acheteur qui ne règle pas dans les délais.

Cette indemnité forfaitaire de recouvrement, qui est distincte des pénalités de retard, est due de plein droit par le débiteur. Le montant de cette indemnité a été fixé par décret à 40€. (2) Le créancier peut cependant demander une indemnisation complémentaire, sur justification, lorsque les frais de recouvrement sont supérieurs à ce montant.

Par ailleurs, le taux d’intérêt de la BCE à retenir a été précisé. Il s’agira du taux en vigueur au 1er janvier de l’année pour le taux applicable pendant le premier semestre, et le taux en vigueur au 1er juillet pour le taux applicable pendant le second semestre.

Les mentions relatives aux délais de paiement, aux taux d’intérêt de retard et à l’indemnité forfaitaire de recouvrement doivent obligatoirement figurer aux CGV et aux factures des vendeurs professionnels. Toute non conformité aux dispositions du nouvel alinéa 12 est passible d’une amende de 15.000 euros.

Il est donc impératif de mettre ses CGV à jour.


2. Les conditions relatives aux délais d’acceptation des marchandises et prestations de services

Les délais d'acceptation ou de vérification de conformité des marchandises ou des prestations de services (ou procédures de réception) relevaient, jusqu’à présent, de la liberté contractuelle entre les parties, celles-ci étant éventuellement sanctionnées par les juges en cas de pratique abusive, notamment pour rétablir l’équilibre entre les parties au contrat.

L’article L.441-6 comprend un nouveau paragraphe IV qui dispose : “Sous réserve de dispositions spécifiques plus favorables au créancier, lorsqu'une procédure d'acceptation ou de vérification permettant de certifier la conformité des marchandises ou des services au contrat est prévue, la durée de cette procédure est fixée conformément aux bonnes pratiques et usages commerciaux et, en tout état de cause, n'excède pas trente jours à compter de la date de réception des marchandises ou de réalisation de la prestation des services, à moins qu'il n'en soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que cela ne constitue pas une clause ou pratique abusive au sens de l’article L.442-6.

Cette rédaction peut surprendre. En effet, d’une part, le délai pour accepter ou recetter, et donc pour valider la conformité des biens ou des prestations à la commande ou au cahier des charges, ne peut dépasser 30 jours à compter de la date de réception de la marchandise ou de l’achèvement des prestations. D’autre part, ce paragraphe poursuit en indiquant que les parties peuvent en disposer autrement par contrat. Il est donc possible de convenir des délais de recette plus longs. Cette stipulation ne doit cependant pas constituer une clause ou pratique abusive, par un délai de recette excessivement long par exemple, rallongeant d’autant le délai de paiement au vendeur ou prestataire.

En tout état de cause, il est recommandé d’intégrer aux contrats une clause d’acceptation ou de recette des biens ou des prestations, détaillant la procédure et les délais, dans le cadre des nouvelles dispositions de l’article L.441-6 IV.


Bénédicte DELEPORTE
Avocat
décembre 2012


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(1) Loi No2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives et Directive 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.

(2) Décret No2012-1115 du 2 octobre 2012 fixant le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dans les transactions commerciales prévues à l’article L.441-6 du code de commerce ; et voir l’article D.441-5 du code de commerce

vendredi 5 octobre 2012

E-commerce : les conditions de validité et d’opposabilité des contrats de vente en ligne B-to-C

Sur un site marchand, l’achat d’un produit ou d’un service, et donc la contractualisation de l’acte d’achat est réglementée et passe par plusieurs étapes que l’on peut résumer comme suit : la consultation du site web et de l'offre par l'internaute, suivie de la sélection du/des produits ou services, la vérification puis la confirmation de la commande, le paiement, puis côté marchand, la confirmation de la commande par le e-commerçant et enfin la livraison du produit ou du service commandé.

Cette succession d’étapes nous conduit à revenir sur les conditions de formation et de validité du contrat de vente en ligne : à quel moment et à quelles conditions le contrat de vente est-il considéré comme conclu ? Comment s’assurer que les conditions de vente sont effectivement acceptées et opposables aux acheteurs ?

Nous rappelons ci-après les règles applicables aux contrats conclus en ligne, dans une relation B-to-C et plus particulièrement la procédure de contractualisation et les conditions d’opposabilité du contrat aux parties.

1. La conclusion du contrat de vente en ligne

    1.1 L'offre de vente et l’information sur les produits ou services
Sur un site marchand, la description des produits n’est pas considérée comme une “simple”  publicité, ni comme la “simple” fourniture d’informations. La description des produits proposés à la vente est considérée juridiquement comme une offre de contracter qui engage le e-commerçant. A ce titre, la description doit être complète, loyale (ne pas induire le consommateur en erreur) et à jour (les produits doivent être disponibles).

Un e-commerçant pourrait par exemple voir sa responsabilité engagée si la description des produits (couleur, taille, origine, composition, etc.) n’était pas conforme à la réalité.

Ainsi, l'offre de vente doit notamment préciser les caractéristiques essentielles (qualitatives et quantitatives) des produits, le prix en euros TTC et s’il y a lieu, les frais qui viendront s’ajouter au prix de vente (frais de livraison, le cas échéant, droits de douane). L’offre doit en outre mentionner, de manière claire et compréhensible, un certain nombre d’éléments relatifs à l’exécution de la vente : modalités de paiement, date limite de livraison, existence ou non du droit de rétractation, etc. (1)

    1.2 La contractualisation en ligne
Le processus de contractualisation comprend deux étapes : la vérification de la commande puis sa confirmation par l’acheteur (procédure du "double-clic").

Dans un premier temps, pour que la commande soit valablement conclue, l'acheteur doit avoir pu la vérifier (détail de la commande et prix total, y compris les frais de livraison et autres frais annexes éventuels). Dans un second temps, le contrat est finalement conclu lorsque, après avoir pu vérifier le détail de sa commande, l'acheteur confirme la commande. Le e-commerçant doit alors sans délai, accuser réception de celle-ci par voie électronique, généralement par l’émission automatique d’un accusé de réception. Cet accusé de réception ne constitue qu'une information indiquant au client que sa commande a été prise en compte par le e-commerçant, et n’a pas de valeur contractuelle en soi.

Pour rappel, les pratiques ou les clauses contractuelles qui permettraient à l'e-commerçant de modifier de façon unilatérale le prix, d'ajouter unilatéralement le coût de la livraison qui n'aurait pas été contractuellement fixé (et non agréé par le client) ou de rajouter des produits ou services (extension de garantie ou assurance par exemple) dans le panier de l'acheteur, en pré-cochant des cases, sont prohibées.

Au cas où l’un des éléments relatifs à l’exécution de la commande (tels les frais de livraison) ne serait pas renseigné au moment de la passation de la commande, le contrat ne sera pas considéré comme conclu. Si le bien vendu doit être livré, et que la livraison est payante, le contrat à distance ne sera réputé conclu qu’après que l’acheteur ait reçu les informations relatives à la livraison (frais de livraison, délais et conditions) et ait confirmé son acceptation de la commande.

Une fois le contrat valablement conclu, le marchand est tenu de l’exécuter dans les termes agréés.  Le e-commerçant est responsable de plein droit de la bonne fin de la vente jusqu’à la livraison du produit à l’acheteur et ce, que l’intégralité des obligations contractuelles soient exécutées par lui-même ou non (sous-traitance de la logistique, du transport, etc.).


2. L’opposabilité, à l’acheteur, du contrat conclu en ligne


    2.1 L'acceptation effective des conditions générales de vente (CGV)
En application de l’article 1369-4 du code civil “Quiconque propose, à titre professionnel, par voie électronique, la fourniture de biens ou la prestation de services, met à disposition les conditions contractuelles applicables d'une manière qui permette leur conservation et leur reproduction. (…)

Tout e-commerçant doit donc mettre ses CGV à disposition, en ligne. Les CGV, si elles sont correctement rédigées, auront l'avantage de regrouper en un seul document l'ensemble des informations contractuelles requises par la loi, devant être fournies à l'acheteur.

L'article L.121-19 du Code de la consommation prévoit en outre que l'acheteur doit recevoir par écrit ("ou sur un autre support durable à sa disposition"), en temps utile et au plus tard au moment de la livraison, certaines informations telles que : la confirmation des informations mentionnées dans l'offre de vente, les conditions et les modalités d'exercice du droit de rétractation, l'adresse de l'e-commerçant où l'acheteur peut présenter ses réclamations, etc.

Toutefois, la simple mise en ligne des CGV sur le site web, la simple mention d'application des CGV à la commande ou encore l’indication que le e-commerçant se réserve le droit de modifier les CGV à tout moment, sans qu’une procédure d’acceptation des CGV n’ait été mise en place, ne suffisent pas à prouver que le e-commerçant a rempli son obligation d'information contractuelle et que le consommateur a effectivement accepté les CGV du marchand.

A défaut de procédure d'acceptation effective des CGV, ou de leur version modifiée, celles-ci pourront être déclarées inopposables à l'acheteur en cas de contentieux. Dans ce cas, le juge appliquera les conditions issues de la loi, de la jurisprudence et de l'équité, ce qui créera un degré  d’incertitude pour le commerçant, qui risquera de se voir opposer des conditions différentes et/ou moins favorables que prévues aux CGV.

Afin de s’assurer que ses CGV seront opposables aux acheteurs, le e-commerçant doit prévoir une procédure d'acceptation effective des CGV, à renouveler lors de leur modification (ou au moment de la passation d’une nouvelle commande, postérieurement à la modification des CGV).

Par ailleurs, de très nombreux sites marchands font accepter leurs conditions contractuelles en faisant cocher une case avec une mention du type "J'ai lu et j'accepte les CGV", avec un lien hypertexte renvoyant vers la page des CGV sur le site.

Cette pratique, qui était juridiquement acceptée jusqu’à maintenant, vient d’être invalidée par la Cour de Justice de l’Union européenne dans un arrêt de juillet 2012, qui l’estime contraire à l'article 5 §1 de la directive 97/7 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (transposé à l'article L.121-19 du code de la consommation mentionné ci-dessus). Dans cet arrêt, la Cour rappelle, que “(…) le consommateur doit recevoir, par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition et auquel il a accès, confirmation des informations mentionnées à l’article 4 par.1(…), en temps utile lors de l’exécution du contrat et au plus tard au moment de la livraison (…), à moins que ces informations n’aient déjà été fournies au consommateur préalablement à la conclusion du contrat par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition et auquel il a accès.(…)”.

La Cour considère que lorsque les informations contenues dans les CGV ne sont accessibles que via un lien communiqué au consommateur, ces informations (i) ne sont ni "fournies" au consommateur, ni "reçues" par celui-ci et (ii) ne peuvent être considérées comme fournies sur "un support durable" au sens de la directive. (2)

Les conditions d’acceptation des CGV ont ainsi été renforcées par une interprétation stricte des dispositions de la directive de 1997 par les juges européens. Il est donc recommandé de revoir les conditions d’acceptations des CGV en ligne afin d’éviter les procédures en inopposabilité de ces CGV.

    2.2 Le délai de prescription, l’archivage du contrat et l’opposabilité dans le temps
La question de l’opposabilité des CGV aux acheteurs ne se pose pas uniquement pendant l’exécution du contrat de vente, mais jusqu’à l’expiration du délai de prescription des actions en responsabilité.

Même si le contrat de vente en ligne expire après exécution de la livraison (étendue à la durée de la garantie légale, et éventuellement d’une garantie contractuelle plus longue), l’acheteur conserve  la possibilité d’intenter une action en responsabilité à l’encontre du vendeur pendant un délai de plusieurs années après l’expiration du contrat.

Le droit de la prescription civile a été modifié avec la loi du 17 août 2008. Le délai de prescription de droit commun est ainsi passé de 30 ans à 5 ans. (3) Ce délai de 5 ans concerne les contrats conclus en ligne avec les consommateurs.

Ce délai de droit commun comporte cependant de nombreuses exceptions. 


Outre, ce délai de prescription, tout e-commerçant a l’obligation, pour les contrats d’un montant supérieur à 120€ TTC, de conserver le contrat et de le tenir à la disposition du consommateur pendant une durée de 10 ans à compter de sa conclusion. (4) Le e-commerçant est donc dans l’obligation de conserver et d’archiver les CGV applicables au moment de la conclusion de la vente, ainsi que les éléments contractuels (commande, description du bien ou du service). La conservation de ces documents est nécessaire pour que les parties puissent faire valoir leurs droits en cas de contestation future, pendant la période non-prescrite.

Cet archivage électronique devra être réalisé de manière à ce que le e-commerçant puisse à tout moment produire le contrat à la demande de l’acheteur, de l’administration (en cas de contrôle fiscal par exemple) et en cas de litige avec un acheteur, pendant la période non-prescrite. La norme d’archivage de référence est la norme AFNOR Z42-013 / ISO 14641-1. Bien que cette norme ne soit pas impérative, elle constitue néanmoins le référentiel en matière d’archivage électronique.


Il est donc recommandé aux e-commerçants de s’assurer de la conformité à la loi de leur procédure de contractualisation en ligne et de conservation des documents contractuels et, à défaut, de prendre toutes mesures nécessaires de mise en conformité pour s’assurer notamment que leurs conditions de vente sont effectivement opposables aux acheteurs, non seulement au moment de la conclusion de la vente, mais pendant toute la durée de conservation, jusqu’à l’expiration des délais de prescription.

Le non-respect de certaines des obligations mentionnées dans notre article est sanctionné pénalement par une contravention de 5e classe, soit, pour les personnes morales, un montant maximum de 7.500€, pouvant être porté à 15.000€ en cas de récidive.


* * * * * * * * * * *

(1) Voir les art. L.111-1 et s., L.113-1 et s., et L.121-18 et s., R.121-1 et s. du Code de la consommation ; art. 1369-4 du Code civil.

(2) Voir l’arrêt CJUE 3é ch. du 5 juillet 2012, Content Services Ltd c/ Bundesarbeitskammer, aff. C-49/11 et notre article “Vente en ligne : les conditions d’opposabilité des informations contractuelles au consommateur précisées par la CJUE” publié sur ce blog en août 2012

(3) Loi 2008-561 portant réforme de la prescription en matière civile

(4) Voir Art. L.134-2 du Code de la consommation et le décret d’application n°2005-137 du 16 février 2005.




Bénédicte DELEPORTE - Avocat
Betty SFEZ - Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com


Octobre 2012

vendredi 24 août 2012

Vente en ligne : les conditions d’opposabilité des informations contractuelles au consommateur précisées par la CJUE

De très nombreux sites de e-commerce font accepter leurs conditions contractuelles (CGU et/ou CGV) en faisant cocher une case face à un lien hypertexte renvoyant vers la page web correspondante. Cette pratique, qui était juridiquement acceptée jusqu’à maintenant, vient d’être invalidée par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) dans un arrêt du 5 juillet 2012, qui l’estime contraire à la directive 97/7 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance. (1)

En l’espèce, la société Content Services Ltd proposait des services en ligne, dont le téléchargement de logiciels gratuits et payants et des abonnements en ligne. L’acceptation des conditions contractuelles se faisait via une case à cocher, avec un lien hypertexte vers la page des CGV du site. En cochant la case, l’internaute acceptait donc les CGV, qui mentionnaient notamment leur renonciation au droit de rétractation. Un organisme autrichien de protection des consommateurs a poursuivi Content Services devant les tribunaux autrichiens, considérant que cette société ne respectait pas les règles européennes en matière de protection des consommateurs et de conclusion des contrats à distance, notamment l’article 5 par.1 de la directive 97/7. Le tribunal autrichien a décidé de porter la demande devant la CJUE afin d’obtenir une décision préjudicielle.

En résumé, il était demandé à la CJUE de trancher la question de savoir si le fait, pour le e-commerçant, de communiquer au e-consommateur un lien hypertexte renvoyant aux conditions contractuelles consultables sur son site web, était ou non conforme aux exigences d’information du consommateur, posées par l’article 5 par. 1 de la directive.


1. La communication d’un lien hypertexte renvoyant vers une page du site web du vendeur répond-elle à l’exigence de “fourniture des informations” au sens de la directive ?

La directive 97/7/CE concerne la protection des consommateurs en matière de contrats à distance. (2) L’article 5 “Confirmation écrite des informations” dispose, au paragraphe 1 que “le consommateur doit recevoir, par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition et auquel il a accès, confirmation des informations mentionnées à l’article 4 par. 1(…), en temps utile lors de l’exécution du contrat et au plus tard au moment de la livraison (…), à moins que ces informations n’aient déjà été fournies au consommateur préalablement à la conclusion du contrat par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition et auquel il a accès.(…)”. (3)

Les informations devant être fournies comprennent notamment les conditions et modalités d’exercice du droit de rétractation, l’adresse géographique du fournisseur où le consommateur peut présenter ses réclamations, les informations relatives au SAV et aux garanties commerciales, les conditions de résiliation du contrat lorsque celui-ci est à durée indéterminée ou d’une durée supérieure à un an.

La directive 97/7 a été transposée en droit français, l’article 5 étant transposé à l’article L.121-19 du Code de la consommation. (4)

La première partie de la question posée à la CJUE portait sur la notion de “fourniture” des informations pertinentes au consommateur ou de “réception” de celles-ci, au sens de la directive.

En d’autres termes, le fait pour l’exploitant d’un site de e-commerce, de communiquer au consommateur un lien hypertexte qui renvoie vers les pages du site relatives aux CGV est-il suffisant et conforme aux exigences d’information de la directive ?

La réponse de la CJUE est négative. Selon les juges européens, la directive a pour objet la protection du consommateur, cette protection devant être renforcée en matière d’achat à distance.  La protection du e-consommateur inclut la fourniture d’une information complète par le e-commerçant. A ce titre, le e-consommateur dispose notamment du droit de se rétracter postérieurement à son achat, sans avoir à se justifier.

La directive impose, à l’article 5, la “fourniture” des informations pertinentes au e-consommateur, ou sa “réception” de celles-ci. Les juges estiment que le consommateur ne doit pas avoir à faire d’efforts pour avoir accès à ces informations, par exemple, en devant cliquer sur un lien pour rechercher et accéder aux conditions contractuelles sur le site web, a fortiori dans la mesure où la grande majorité des utilisateurs acceptent les CGU/CGV des sites marchands quasiment automatiquement avant leur achat et ne les lisent jamais. Selon la Cour, un comportement passif des consommateurs doit suffire pour prendre effectivement connaissance des informations, sans même avoir à cliquer sur un lien pour se rendre sur une page web.

La Cour en conclut donc que lorsque ces informations ne sont accessibles que via un lien communiqué au consommateur, lesdites informations ne sont ni fournies au consommateur, ni reçues par celui-ci au sens de l’article 5 par. 1 de la directive.


2. La fourniture des informations via un lien hypertexte renvoyant vers une page du site web du vendeur répond-elle à l’exigence de “support durable” ?

L’article 5 par. 1 de la directive pose une deuxième condition en matière de fourniture des informations pertinentes au e-consommateur : celles-ci doivent être fournies par écrit ou sur un “support durable”.

Après avoir répondu à la question relative à la fourniture des informations, la Cour examine la notion de support durable. Ainsi, pour être considéré comme durable, un support doit répondre aux trois critères suivants : 1) permettre au consommateur de stocker les informations qui lui ont été adressées personnellement, 2) garantir l’absence d’altération de leur contenu ainsi que leur accessibilité pendant une durée appropriée, et 3) offrir aux consommateurs la possibilité de les reproduire telles quelles. En effet, le consommateur doit pouvoir conserver durablement les conditions contractuelles applicables à son achat afin de pouvoir y faire référence en cas de litige éventuel.

Or, selon les juges, le seul fait de renvoyer vers une page web, à partir d’un lien communiqué au consommateur, ne permet pas à celui-ci de stocker les informations dans les conditions rappelées ci-dessus. En outre, le contenu des pages web peut être modifié à tout moment par le e-commerçant. (5)

La CJUE estime donc que les informations qui sont uniquement disponibles sur un site internet, en passant par un lien hypertexte présenté par le vendeur, ne peuvent être considérées comme fournies sur un support durable, au sens de l’article 5 par. 1 de la directive.


3. Les conséquences pratiques de l’arrêt de la CJUE du 5 juillet 2012 pour les sites de e-commerce européens


L’intérêt de cette décision est qu’elle s’applique à l’ensemble des sites de e-commerce de l’Union. Or, à ce jour, de très nombreux sites de vente en ligne font accepter leurs conditions contractuelles (CGU et/ou CGV) en faisant cocher une case face à un lien hypertexte renvoyant vers la page correspondante. Les conditions peuvent parfois être téléchargées en format pdf et/ou être imprimées. D’autres sites ne prennent même pas la peine de faire accepter leurs conditions contractuelles par ce moyen, les CGV indiquant uniquement que le fait de commander un bien ou un service entraîne automatiquement l’accord des conditions contractuelles du marchand par le consommateur.

La décision de la CJUE du 5 juillet 2012 a pour effet de lever toute ambigüité sur l’opposabilité des conditions contractuelles (ou “informations pertinentes”) des e-commerçants aux e-consommateurs. Cet arrêt a pour effet de pousser la protection du e-consommateur vers un nouveau pallier, quitte à le déresponsabiliser un peu plus. Il contredit la pratique communément admise de l’acceptation des conditions contractuelles par opt-in et lien hypertexte, validée notamment par les tribunaux français. (6)

En conséquence, nombre de sites de e-commerce français et européens vont devoir adapter le mode de communication de leurs conditions contractuelles à leurs clients s’ils veulent s’assurer que ces conditions sont considérées comme effectivement acceptées par les consommateurs et qu’elles leurs sont donc opposables.

Cette adaptation s’articule autour de deux éléments : la “fourniture” effective des informations au consommateur, sur un “support durable”.

Ainsi, jusqu’à présent, les e-marchands adressaient un email de confirmation de commande au client, au contenu souvent générique. La mise en conformité aux dispositions de la directive passera, par exemple, par l’intégration en toutes lettres dans l’email de confirmation de commande des informations prévues à l’article 5 par.1 de la directive (article L.121-19 du Code de la consommation). Il est recommandé par ailleurs de faire en sorte que les CGU/CGV puissent être aisément imprimables et/ou disponibles sous format électronique non modifiable (support durable) et comprennent a minima une date d’effet, un numéro de version et/ou une empreinte d’horodatage.

A défaut de prendre ces précautions, le e-commerçant, sur qui repose la charge de la preuve de la fourniture des informations pertinentes et de la bonne exécution de ses obligations, pourra se voir imposer un droit de rétractation porté de 7 jours à 3 mois, des conditions contractuelles non opposables à ses clients, ainsi qu’une amende de 1500€ (3000€ en cas de récidive) en application de l’article R.121-1-1 du Code de la consommation.


Cette décision suscite une certaine perplexité : d’une part, rien n’obligera le consommateur à lire effectivement les conditions contractuelles lors d’un achat en ligne, quel que soit le mode de communication de ces conditions, via un lien hypertexte ou in extenso dans l’email de confirmation de commande par exemple ; d’autre part, à l’ère du m-commerce, encore moins d’acheteurs auront la volonté de lire les conditions contractuelles applicables à un achat, le plus souvent d’impulsion, sur un écran de smartphone... Le consommateur doit, certes pouvoir bénéficier d’une certaine protection contractuelle, il n’en doit pas moins prendre ses responsabilités d’acheteur, en lisant le contrat.

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(1) Arrêt CJUE 3é ch. du 5 juillet 2012, Content Services Ltd c/ Bundesarbeitskammer, aff. C-49/11

(2) Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance. Cette directive doit être remplacée par la directive 2011/83 relative aux droits des consommateurs, à compter du 13 juin 2014. La directive 2011/83 reprend, à l’article 6, des dispositions relatives à l’obligation d’information concernant les contrats à distance.

(3) A noter que les dispositions de l’article 5 par. 1 ne s’appliquent pas aux services fournis en une seule fois et dont la facturation est effectuée par l’opérateur de la technique de communication.

(4) L’article L.121-19 du Code de la consommation dispose “I.-Le consommateur doit recevoir, par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition, en temps utile et au plus tard au moment de la livraison :
1° Confirmation des informations mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 121-18 et de celles qui figurent en outre aux articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 113-3 ainsi que de celles prévues pour l'application de l'article L. 214-1, à moins que le professionnel n'ait satisfait à cette obligation avant la conclusion du contrat ;
2° Une information sur les conditions et les modalités d'exercice du droit de rétractation ;
3° L'adresse de l'établissement du fournisseur où le consommateur peut présenter ses réclamations ;
4° Les informations relatives au service après vente et aux garanties commerciales ;
5° Les conditions de résiliation du contrat lorsque celui-ci est d'une durée indéterminée ou supérieure à un an.
II.-Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux services fournis en une seule fois au moyen d'une technique de communication à distance et facturés par l'opérateur de cette technique à l'exception du 3°.
III.-Les moyens de communication permettant au consommateur de suivre l'exécution de sa commande, d'exercer son droit de rétractation ou de faire jouer la garantie ne supportent que des coûts de communication, à l'exclusion de tout coût complémentaire spécifique.”

(5) L’arrêt fait référence à un rapport du European Securities Markets Expert Group (ESME) de 2007 qui distinguait entre les “sites ordinaires” et les “sites sophistiqués”, considérant que certains sites sophistiqués pouvaient constituer un support durable. Ce point n’a pas été étudié plus avant par les juges dans la mesure où le site de la société Content Services n’entrait pas dans la catégorie des sites sophistiqués.

(6) Voir par exemple : CA Paris du 25 novembre 2010, SAS Karavel c/ epx Challet. Dans cette affaire, les utilisateurs contestaient, entre autre, l’opposabilité des CGV de l’exploitant du site. La Cour a estimé que le fait d’avoir coché une case mentionnant leur acceptation des CGV, celles-ci étant accessibles via un lien hypertexte, les engageait contractuellement. Ils ne pouvaient donc prétendre ne pas connaître les conditions contractuelles du site.


Bénédicte DELEPORTE
Avocat
août 2012

vendredi 9 septembre 2011

Vers une protection juridique accrue de l’e-consommateur

Malgré le développement continu du e-commerce, le législateur, tant européen que français, n’a de cesse de mettre l’accent sur les problèmes de fraude des e-commerçants et de déficit de confiance de la part des consommateurs. Reconnaissant cependant l’impact du e-commerce sur l’économie française et européenne, les politiques veulent renforcer la “confiance” dans le commerce en ligne.

De nouvelles règles, axées sur la protection du e-consommateur, doivent entrer en vigueur dans les prochains mois. Le présent article fait le point sur les grandes mesures annoncées : directive “droit des consommateurs” et projet de loi sur la protection des consommateurs.


1. Renforcer la protection de l’e-consommateur européen

Le Parlement européen vient d’adopter, le 23 juin 2011, les nouvelles règles applicables aux contrats conclus à distance et aux contrats hors établissement.(1) Après avoir été approuvée par le Conseil des ministres, cette nouvelle directive sur la protection des consommateurs devra être transposée dans les droits nationaux dans un délai de deux ans, les lois de transposition devant entrer en vigueur 6 mois après leur adoption.

- Un objectif d’harmonisation du droit européen de la protection du e-consommateur

Au niveau européen, la directive e-commerce de juin 2000, transposée en France avec la LCEN du 21 juin 2004, avait fourni un cadre juridique au commerce électronique, en définissant notamment les grandes catégories d’intervenants (opérateurs, fournisseurs d’accès, hébergeurs, commerçants) et les contours des régimes de responsabilité applicables aux unes et aux autres.(2)

Ces règles avaient pour objectif de créer un socle commun minimum, les Etats-membres pouvant décider d’adopter des règles plus contraignantes.

La directive de juin 2000 n’avait cependant pas pour objet spécifique de définir les règles applicables aux consommateurs. Les règles du droit de la consommation restaient donc assez disparates d’un Etat-membre à un autre, notamment pour les achats en ligne, certains pays ayant déjà adopté des réglementations protectrices des e-consommateurs, d’autres n’ayant pas encore réellement légiféré dans ce domaine.

La disparité actuelle entre les droits nationaux a pour effet de dissuader les achats en ligne transfrontaliers, les e-consommateurs craignant des règles inexistantes ou moins protectrices que dans leur pays de résidence, et les e-commerçants ne souhaitant pas être confrontés à des règles qu’ils ne connaissent pas en vendant à l’international.

La nouvelle directive “droits des consommateurs” a pour objet d’actualiser et de fusionner deux directives sur les droits des consommateurs, toutes deux antérieures à l’essor du e-commerce : la directive sur les contrats à distance et la directive sur les contrats négociés hors établissement. L’objectif affiché de cette nouvelle directive est de renforcer la protection des acheteurs en ligne. 

Nous ne ferons pas ici une description exhaustive de toutes les dispositions de la nouvelle directive. Trois séries de dispositions peuvent cependant être relevées :

- Un renforcement de l’obligation d’information du e-consommateur

L’e-commerçant doit être identifié clairement. Cette obligation, correspondant à l’obligation de faire figurer les mentions légales de l’exploitant du site, est rappelée dans la directive. Elle figure déjà à l’article 6 III de la LCEN.

- Le nouveau droit de rétractation

Le droit de rétractation voit ses contours redéfinis. Ainsi, le délai de rétractation accordé au e-consommateur passe de 7 à 14 jours à compter de la livraison. En contrepartie, le e-consommateur devra être remboursé (montant du bien et frais de livraison) dans un délai de 14 jours à compter de sa rétractation. Un formulaire type de rétractation est proposé à la fin de la directive. L’acheteur doit renvoyer le bien au vendeur au plus tard 14 jours après avoir communiqué sa décision de se rétracter.(3)

Cependant, pour que ces délais soient applicables, il incombe au e-commerçant d’informer l’acheteur des conditions de rétractation (et le cas échéant, de l’absence de droit de rétractation). En l’absence d’information de l’acheteur, le délai de rétractation est automatiquement prolongé d’un an. Le commerçant doit également préciser si les frais de renvoi sont à la charge de l’acheteur.

Les frais de retour d’un bien acheté à distance ne pouvant être renvoyé par courrier ordinaire doivent être énoncés clairement dans le contrat de vente afin que le e-consommateur ait toutes les informations nécessaires s’il souhaite se rétracter et renvoyer le bien. Au cas où les informations relatives aux frais de retour ne seraient pas indiquées, ces frais seront à la charge du vendeur. Cette disposition sera, sans nul doute, complexe à mettre en oeuvre puisque, entreront en ligne de compte, le lieu de résidence de l’acheteur, le type d’objet et son poids.

Il existe des exceptions au droit de rétractation. Ainsi, certains types de biens et prestations de services ne peuvent faire l’objet d’une rétractation après leur commande en ligne, tels que les locations de voiture, les billets d’avion, les denrées alimentaires, les biens personnalisés ou les biens numériques. Certaines restrictions existent déjà en droit français (référence à la loi), d’autres sont nouvelles. Enfin, certains services pourront être annulés après le début de leur exécution, sous réserve que l’acheteur règle au prestataire la partie du service déjà exécutée.(4)

- Des conditions d’exécution du contrat précisées

La livraison doit être réalisée dans un délai de trente jours, sauf accord contraire entre les parties.

Le transfert des risques a lieu au moment de la remise du bien à l’acheteur. Il s’agit, en d’autres termes, de l’application du principe de responsabilité de plein droit du e-commerçant de la bonne fin du contrat, jusqu’à la remise du bien à l’acheteur.(5)

La directive “droits des consommateurs” doit être transposée dans les droits nationaux selon le principe de l’harmonisation maximale, c’est-à-dire que les Etats-membres ne pourront adopter de législations plus contraignantes (comme un délai de rétractation plus long par exemple).

Même si la directive “droits des consommateurs” intègre un certain nombre de dispositions existant déjà en droit français, de nombreux ajustements devront néanmoins être réalisés. Les nouvelles règles énoncées dans la directive entraîneront donc une mise à jour des conditions de vente (CGV) et des conditions d’utilisation (CGU) des sites web d’ici le début de 2014 pour assurer leur conformité à des règles impératives.


2. Assurer le respect des règles de la vente en ligne par les e-commerçants français


En parallèle à la directive “droits des consommateurs”, un projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs est en cours d’examen par le Parlement. Ce projet devrait être voté avant fin 2011. (6)

Bien que ce projet de loi ne soit pas spécifiquement dédié au commerce en ligne, on retiendra notamment une série de mesures venant compléter ou modifier le droit existant : une information contractuelle du consommateur plus complète, les modalités d’exécution du droit de rétractation précisées, le renforcement du contrôle du respect des dispositions de la loi Informatique et Libertés en matière de sollicitation commerciale et les conditions applicables à la livraison des biens achetés à distance.

- Une information contractuelle du e-consommateur plus complète

Certains sites de e-commerce ne fournissent pas ou peu d’informations contractuelles : pas de CGV (ou CGV difficilement accessibles), des CGV très incomplètes, etc. L’un des objectifs du projet de loi est d’améliorer l’information du e-consommateur en rappelant que cette information est obligatoire, sous peine de sanctions. Ainsi, les CGV devraient désormais “figurer directement sur la page d’accueil du site” ou sur tout support de communication de l’offre, ce que l’on traduit par “être accessibles” depuis la page d’accueil du site de vente en ligne, ou depuis les pages des applications mobiles par exemple.

En outre, les informations relatives au droit de rétractation et à ses limites devront non seulement obligatoirement figurer dans le contrat, mais également être facilement accessibles sur le site web et sur tous les supports de publicité.

- Les modalités d’exécution du droit de rétractation

Dans une optique de protection du consommateur, le projet de loi prévoit de doubler les pénalités à l’encontre du e-commerçant si celui-ci ne rembourse pas à l’acheteur ayant fait jouer son droit de rétractation, les sommes versées dans le délai légal de trente jours. Ces sommes sont actuellement productives d’intérêts au taux légal en vigueur. Le projet de loi prévoit de leur appliquer le double du taux légal, à titre dissuasif.

- Le renforcement du contrôle du respect des dispositions de la loi Informatique et Libertés en matière de sollicitation commerciale

Le spam consiste notamment en la prospection commerciale non sollicitée (ou non autorisée) par son destinataire. Les adresses email peuvent avoir été collectées directement sur le net ou communiquées par des e-commerçants en violation des règles applicables en matière de consentement préalable du destinataire. En outre, les emails publicitaires ne comportent pas toujours les mentions légales pour permettre aux destinataires de se désinscrire de la base d’emailing publicitaire.

Le projet de loi propose la création de sanctions administratives à l’encontre des opérateurs ne respectant pas les règles relatives au traitement des données à caractère personnel des e-consommateurs, à l’occasion de leurs transactions sur internet.

Désormais, les agents de la DGCCRF seront habilités à relever les manquements aux dispositions de la loi Informatique et Libertés lors de leurs contrôles relatifs à la protection économique des consommateurs. La sanction applicable en cas de manquement constaté à la loi s’élèvera à 15 000 euros. De même, les emails publicitaires ne permettant pas au destinataire de se désinscrire et/ou le fait pour l’expéditeur de dissimuler son identité et/ou de mentionner un objet sans rapport avec le message commercial sera sanctionné.

En pratique, les agents de la DGCCRF pourront relever les manquements à la loi, dans le cadre de leurs contrôles et les signaler à la CNIL. Cette mesure aura pour effet d’étendre l’efficacité des contrôles de conformité à la loi Informatique et Libertés au-delà des seules enquêtes diligentées par la CNIL, en s’appuyant sur le réseau des agents de la DGCCRF.

- Les conditions applicables à la livraison des biens achetés à distance


Une dernière mesure vise d’une part à interdire aux transporteurs de se retourner contre l’acheteur en cas de non paiement de la livraison par l’e-commerçant, alors que l’acheteur a déjà réglé le montant de la livraison au e-commerçant lors de son achat en ligne, d’autre part à allonger le délai accordé à l’acheteur pour contrôler le bien livré. Le e-consommateur disposerait désormais de 10 jours, au lieu de trois actuellement, pour émettre ses protestations concernant l’état du bien livré quand le transporteur n’a pas permis au consommateur de le vérifier effectivement.


Ainsi, l’objet affiché, tant par la directive que par le projet de loi français, est une protection accrue du e-consommateur, visant à accroître sa confiance dans le commerce en ligne. De leur côté, les e-commerçants devront mettre en oeuvre des mesures souvent contraignantes, assorties de sanctions. Désormais, la non-conformité à la loi coûtera cher, même en l’absence de pratique frauduleuse.


Bénédicte DELEPORTE
Avocat
www.dwavocat.com

Septembre 2011

(1) Résolution législative du Parlement européen du 23 juin 2011 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux droits des consommateurs. La transposition doit être faite dans les 2 ans à compter de la date de publication au JOUE.
(2) Directive 2000/31/CE du Parlement et du Conseil, 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur ; Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dite LCEN.
(3) Articles 6 -1° (points h, i, j et k), 9 à 16 de la Directive et son Annexe 1.
(4) Article 16 de la Directive.
(5) Article 18 (livraison) et 20 (transfert de risques) de la Directive.
(6) Projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs n°3508, déposé le 1er juin 2011.

mardi 28 juin 2011

Vente en ligne, CGV et clauses abusives


L’examen de sites de vente aux consommateurs (B-to-C) fait apparaître de manière récurrente des clauses contractuelles dans les conditions générales de vente (CGV) et des pratiques réputées abusives, sinon illicites.

Nombre de cyber-marchands, y compris des sites notoires, négligent la rédaction de leurs CGV, méconnaissent les obligations légales liées au traitement des données à caractère personnel, ou mettent en oeuvre des pratiques envers leurs utilisateurs pouvant être annulées en cas de contentieux.

Qu’entend-on par “clause abusive” et quelles sont les clauses et pratiques que l’on retrouve dans le commerce en ligne ? Comment les tribunaux sanctionnent-ils ces clauses ?


1. Clauses abusives et vente sur internet

            1.1 La notion de clause abusive

Pour rétablir un certain équilibre dans les relations contractuelles existant entre le professionnel et le consommateur, la loi a prévu un dispositif de protection des consommateurs contre les clauses abusives. Face au professionnel, le consommateur bénéficie de règles de protection renforcées car il ne dispose ni des compétences techniques, ni du pouvoir économique d’un professionnel.

Une clause est réputée “abusive” lorsqu'elle crée, au détriment du consommateur (ou du non-professionnel), un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (1) Le caractère abusif d’une clause contractuelle ne pourra être invoqué que dans les rapports entre un consommateur (ou un non-professionnel) et un professionnel, et non dans les rapports entre professionnels ou entre consommateurs.

            - La réglementation sur les clauses abusives est applicable aux contrats conclus entre professionnels et consommateurs
Le “consommateur” est défini comme celui qui acquiert un objet corporel ou un service pour un usage étranger à son activité professionnelle. En d’autres termes, il s’agit d’une personne physique qui contracte pour ses besoins personnels ou familiaux. Les personnes morales sont exclues de cette catégorie.

Le professionnel, qu’il soit vendeur ou acheteur, ne bénéficie pas du même niveau de protection car il est présumé compétent et a en principe le pouvoir d’imposer ses conditions, ou au moins de négocier.

Le “professionnel” est la personne physique ou morale qui contracte dans l'exercice d'une activité à caractère professionnel (commerciale, artisanale, libérale, etc.). Lorsqu'un contrat a été conclu entre deux commerçants dans le cadre de leurs relations professionnelles habituelles, le co-contractant ne peut invoquer la nullité d'une clause comme étant abusive. (2)

La réglementation contre les clauses abusives peut également bénéficier aux “non-professionnels”. Cependant, cette notion de non-professionnels, qui à l’origine pouvait s’appliquer aux professionnels lorsqu’ils agissaient en dehors de leur domaine de compétence, est interprétée de manière de plus en plus restrictive par les tribunaux. Ainsi, les juges tendent désormais à exclure de la protection contre les clauses abusives les contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant, même en dehors de sa spécialité.

            - La réglementation sur les clauses abusives est applicable quels que soient la nature du contrat, les produits concernés, la forme et le support du contrat
A ce titre, la Commission des clauses abusives a adopté des recommandations concernant un nombre très varié de contrats relatifs soit aux biens (vente mobilière, immobilière, prêt, etc), soit aux services (mandat, assurance, dépôt, etc). Ces recommandations tendent à la suppression ou la modification des clauses présentant un caractère abusif.

            - Une liste de clauses abusives
Le Code de la consommation prévoit une liste de clauses abusives. (3) En application des articles R.132-1 et R.132-2 du Code de la consommation, deux types de clauses abusives peuvent ainsi être distinguées :

- Douze “clauses noires”, interdites : ces clauses sont considérées, de manière irréfragable, comme abusives eu égard à la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat conclu entre le vendeur professionnel et ses clients, consommateurs. Ces clauses sont automatiquement réputées non écrites, et donc, inapplicables. Par exemple, sont réputées abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet de réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du bien à livrer ou du service à rendre, et les clauses ayant pour objet ou pour effet d’exclure ou de limiter le droit à réparation du consommateur en cas de préjudice subi du fait du manquement, par le professionnel, à l'une quelconque de ses obligations (art. R132-1 C. conso).

- Dix “clauses grises”, présumées abusives : en cas de litige, le professionnel devra démontrer que la clause n'est pas abusive. Par exemple, sont présumées abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet d’imposer au consommateur qui n'exécute pas ses obligations, une indemnité d'un montant manifestement disproportionné par rapport à son achat ou à la prestation en cause (art. R132-2 C. conso).

Cette liste n’est cependant pas exhaustive. Au-delà des clauses identifiées, la loi condamne toutes les clauses qui créent un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, au détriment du consommateur.

            1.2 L’application à la vente en ligne

La réglementation sur les clauses abusives est applicable aux contrats de vente de biens ou de services par internet.

A ce titre, la Commission des clauses abusives a adopté une recommandation le 24 mai 2007. (4)

Les clauses déclarées abusives par la Commission concernent toutes les étapes du contrat entre le e-commerçant et le consommateur, de sa conclusion à sa rupture. Il s’agit notamment de clauses portant sur les conditions d’acceptation des CGV, l’exercice du droit de rétractation du consommateur, les modalités de livraison, l’utilisation des données personnelles du consommateur, les limitations de garantie ou de responsabilité, les conditions de résiliation ou encore les règles de compétence territoriale ou d’attribution de juridiction en cas de litige.

Par exemple, la Commission déclare abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet de : (5)

            (i) laisser croire au consommateur que lui seraient opposables des modifications unilatérales des CGV intervenues postérieurement à la conclusion du contrat. En effet, les CGV doivent avoir été acceptées par l’acheteur, ainsi que toute modification ultérieure. Il n’est pas possible d’opposer des clauses contractuelles dont l’acheteur n’aurait pas été informé ;

            (ii) faire croire que l'exercice par le consommateur de son droit de rétractation prévu à l'article L.121-20 du Code de la consommation est subordonné à d'autres conditions que celles expressément prévues par la loi ;

            (iii) dispenser l’e-commerçant de son obligation de livraison d'un bien proposé à la vente, en raison de son indisponibilité lorsqu'il est par ailleurs prévu que le vendeur ne pourra en aucun cas voir sa responsabilité engagée à ce titre ;

            (iv) opérer une confusion apparente entre les garanties légale et conventionnelle, laissant croire aux consommateurs que la mise en jeu de la garantie légale serait subordonnée aux conditions du contrat. L’e-commerçant ne peut garantir contractuellement la chose à livrer (ou le service à rendre) sans mentionner que s'applique en tout état de cause la garantie légale contre les vices cachés  (art. R.211-4 C. conso.) ;

            (v) obtenir le consentement du consommateur pour la diffusion, à tout partenaire non identifié du vendeur, de ses données personnelles en vue de lui adresser une prospection directe par voie électronique, par la pratique de l’opt-out (options pré-cochées dans le formulaire d’inscription).(6)


2. La sanction des clauses et pratiques abusives dans la vente en ligne

            2.1 Des clauses déclarées nulles

            - L’appréciation souveraine des juges
Les consommateurs, souvent par l’intermédiaire des associations de consommateurs, saisissent régulièrement les tribunaux pour que soient sanctionnées les clauses abusives.

Pour apprécier le caractère abusif des clauses litigieuses, le juge se réfère aux lois et réglementations en vigueur, ainsi qu’aux recommandations de la Commission des clauses abusives, en dépit du caractère non contraignant de ces recommandations.

De plus, la Cour de cassation a reconnu au juge judiciaire le pouvoir de déclarer une clause abusive en dehors de toute référence à un texte réglementaire spécial.(7)

Ainsi, le caractère abusif d’une clause s’appréciera en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat.

Dès lors, même une clause ne faisant pas partie des listes réglementaires peut désormais être déclarée abusive par le juge si cette clause ne fait pas partie de la liste noire ou grise des clauses abusives. La partie qui invoque le caractère abusif de cette clause devra alors démontrer le déséquilibre significatif (à savoir, excessif) entre les droits et les obligations du professionnel vis-à-vis du consommateur.

            - Les clauses abusives sont réputées non écrites (art. L. 132-1 al.6 et 8 C. conso.)
La clause, une fois considérée comme abusive, ne pourra produire aucun effet. Elle sera considérée comme nulle, le reste du contrat restant en principe valable, sauf si l’invalidité d’une clause entraîne la nullité de tout le contrat, s’il est démontré que cette clause est essentielle pour l’exécution du contrat.

Enfin, toute clause qui serait rédigée différemment de la clause abusive d’origine, mais dont l’objectif serait de produire les mêmes effets que la clause abusive d’origine, sera elle-même considérée comme abusive, la clause abusive étant réputée comme n’ayant pas été supprimée. (8)

            2.2 L’application par les tribunaux

La multiplication des clauses abusives dans les CGV a donné lieu à plusieurs décisions judiciaires à l’encontre des fournisseurs d’accès et des sites marchands, notamment. Deux jugements de 2008 concernant des sites marchands illustrent bien la problématique :
Dans un jugement du TGI de Bordeaux, le tribunal a ordonné au cyber-marchand poursuivi la suppression de 13 clauses des CGV. Il est à noter que le juge a suivi la recommandation de la Commission des clauses abusives relative aux contrats de vente conclus par internet. (6) Trois types de clauses ont été jugées illicites ou abusives par le tribunal :

- les clauses relatives au délai de livraison (clause faisant référence à des délais moyens et non à une date limite de livraison) ;
- les clauses relatives au droit de rétractation, et notamment celles imposant des modalités d’exercice contraignantes, et limitant l’étendue du droit de rétractation de l’acheteur ;
- les clauses relatives à la garantie et à la responsabilité du vendeur (notamment, clause limitant la garantie contre les vices cachés, en imposant à l’acheteur une expertise préalable à toute réclamation).

Le cyber-marchand a été condamné à supprimer ces clauses de ses CGV dans un délai d’un mois sous peine d’une astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par clause, à verser 20.000 euros de dommages-intérêts à l’association de consommateurs, ainsi qu’à faire publier le jugement dans  trois quotidiens nationaux. (9)

Dans une affaire contre un autre site de e-commerce, le TGI de Paris a ordonné la suppression de 18 clauses qualifiées d’abusives ou d'illicites, présentes dans les conditions générales de vente et d’utilisation du cyber-marchand, et notamment :

- la clause qui prévoyait l’exonération de responsabilité du cyber-marchand pour tous les dommages indirects ;
- la clause qui emportait cession des droits d’auteur au profit du cyber-marchand ;
- la clause qui prévoyait la seule responsabilité du consommateur en cas d’action d’un tiers en raison d’un contenu ;
- la clause autorisant automatiquement l’usage par le cyber-marchand des données personnelles des consommateurs pour tout partenariat ou au profit d’autres sociétés pour des offres promotionnelles.

Le cyber-marchand a été condamné à modifier ses CGV, à verser 30.000 euros de dommages-intérêts à l’association de consommateurs, ainsi qu’à faire publier un communiqué dans trois quotidiens nationaux et sur sa page d’accueil. (10)


Le législateur n’ayant de cesse de prendre des mesures pour renforcer la protection du consommateur, a fortiori dans les contrats conclus à distance (LCEN, Loi Chatel, LME, sans oublier le projet de nouvelle directive e-commerce), il appartient aux professionnels de la vente en ligne de ne pas négliger la rédaction de leurs documents contractuels, CGV ou CGU et de ne pas oublier de les mettre à jour de temps à autre compte tenu des évolutions réglementaires et jurisprudentielles. Il convient notamment de porter une attention particulière à la procédure d’acceptation des CGV et de leurs nouvelles versions, ainsi qu’aux clauses telles que le droit de rétractation, les délais de livraison, les conditions de responsabilité, les conditions d’annulation de commande et/ou de résiliation du contrat.

Des conditions contractuelles personnalisées au modèle commercial du site, et conformes aux lois en vigueur, permettront au cyber-marchand d’encadrer valablement les relations contractuelles avec les acheteurs-consommateurs, et s’avéreront utiles pour faire prévaloir les règles contractuelles applicables en cas de litige.


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(1) Les clauses abusives sont définies et réglementées par les articles L.132-1 et s. et R.132-1 et s. du Code de la consommation.
(2) Cass. com., 23 nov. 1999, no 96-21.869, Bull. civ. IV, no 210.
(3) Décret n°2009-302 du 18 mars 2009 pris en application de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.
(4) Recommandation de la Commission des clauses abusives n°07-02 relative aux contrats de vente mobilière conclus par internet du 24 mai 2007.
(5) Recommandation de la Commission des clauses abusives n°07-02, et particulièrement les points 1 al. 2, point 8, point 2, point 13 et point 16.
(6) Article 34-5 et R. 10-10 du Code des Postes et des Communications Electroniques, article L. 120-20-5 du Code de la consommation, article 22 LCEN et article 11 de la Loi informatique et libertés.
(7) TGI Bobigny, 8e ch., 26 sept. 2007, UFC Que Choisir c/ Sté Voyage sur mesure (http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=2044).
(8) Cass. civ. 1re, 14 mai 1991, n° 89-20.999, Bull. civ. I, n°153.
(9) TGI Bordeaux, 11 mars 2008, UFC Que choisir c/ CDiscount (http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=2262).
(10) TGI Paris, 1re ch., sect. soc., 28 oct. 2008, UFC Que Choisir c/ Amazon.com et autres (http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=2473).


Bénédicte DELEPORTE – Avocat
Betty SFEZ – Avocat
Deleporte Wentz Avocat

juin 2011