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lundi 18 mars 2024

La Poste condamnée pour contrefaçon de logiciel

 

Ce qu’il faut retenir

Dans un arrêt du 8 décembre 2023, la cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation de La Poste pour contrefaçon de logiciel.

Après avoir déduit que l’éditeur d’un logiciel utilisé dans une solution développée avec La Poste est fondé à agir sur le fondement de la contrefaçon, et reconnu le caractère original du logiciel, la cour a décidé que la mise à disposition au public par La Poste sur Google Play de la solution intégrant le logiciel litigieux, alors que le contrat n’autorisait qu’une utilisation dans un environnement de test, était constitutive de contrefaçon. 

 

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mercredi 28 février 2024

Jeux vidéo : gérer les droits d'auteur pour sécuriser leur exploitation commerciale

 

Ce qu’il faut retenir

Le jeu vidéo est qualifié juridiquement d’oeuvre complexe. Globalement protégé par le droit d’auteur, chaque élément du jeu (logiciel, base de données, gameplay, musique, …) est soumis au régime qui lui est applicable en fonction de sa nature. La sécurisation de son exploitation commerciale par le studio de développement implique une bonne gestion des droits des différents contributeurs.

 

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lundi 18 décembre 2023

IA générative : le droit d'auteur en question

 


Ce qu’il faut retenir

L’utilisation d’outils d’IA générative pose un défi au droit d’auteur : les oeuvres créées grâce à cette technologie sont-elles protégeables par le droit de la propriété intellectuelle ? La question se pose d’une part au sujet de la collecte de contenu par le logiciel d’IA, et d’autre part concernant les contenus générés par l’IA, avec ou sans intervention humaine.

 

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mardi 30 novembre 2021

Protection juridique du logiciel : condamnation pour contrefaçon des codes sources

 

Le logiciel est considéré comme une oeuvre de l’esprit, et à ce titre est protégé par le droit de la propriété intellectuelle. (1)

Une société, son fondateur et des salariés, reconnus coupables de contrefaçon des codes sources d’un logiciel appartenant à un concurrent, viennent d’être condamnés au versement de près de trois millions d’euros de dommages et intérêts au titulaire des droits. (2)

L’intérêt de ce jugement repose d’une part sur les éléments permettant de qualifier le caractère original du logiciel, pour déterminer s’il pouvait bénéficier de la protection par le droit d’auteur, auquel cas, la copie non autorisée des codes sources relève de la contrefaçon ; d’autre part, sur les éléments retenus pour l’évaluation du préjudice subi et la détermination par les juges de l’indemnisation du titulaire.

1. Les faits

La société Generix, est titulaire des droits sur le logiciel applicatif GCS WMS, utilisé pour la gestion des entrepôts, notamment pour la grande distribution. Ce logiciel avait été développé par Infolog Solutions, société absorbée par Generix en 2010. Le logiciel GCS WMS a été développé à partir d’un programme générateur de codes sources dénommé APX, mis au point par Generix et non commercialisé.

En 2011, le responsable support de la société Infolog Solutions a quitté cette société pour créer la société ACSEP, ayant pour activité la fourniture de prestations similaires à celles de Generix. D’anciens salariés d’Infolog Solutions et de Generix ont par ailleurs rejoint la société ACSEP.

Entre 2014 et 2016, plusieurs clients de la société Generix ont résilié leurs contrats pour les transférer chez ACSEP. En outre, Generix a appris que la société ACSEP était en possession des codes source du logiciel GCS WMS. Par deux ordonnances sur requête du 5 février et du 24 mars 2015, à la demande de la société Generix, le président du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence a autorisé un huissier à se rendre dans les locaux d’ACSEP, afin de constater notamment qu’ACSEP détenait les codes source du logiciel GCS WMS.

Le 2 mars 2016, la société Generix a fait assigner la société ACSEP, son dirigeant et les anciens salariés d’Infolog Solutions. Generix demandait au tribunal de condamner la société ACSEP, son dirigeant et les anciens salariés d’Infolog Solutions à lui payer 4.000.000€ au titre du préjudice matériel lié à la détention et l’utilisation non autorisées des codes sources du logiciel, 300.000€ au titre de la réparation du préjudice moral subi suite à la contrefaçon du logiciel, 50.000€ au titre du préjudice économique résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire du fait de l’utilisation de sa marque Infolog, de sa dénomination sociale et de sa marque Generix et de ses supports et plans de formations.

Le tribunal judiciaire de Marseille a rendu sa décision le 23 septembre 2021 et a condamné la société ACSEP, son dirigeant et les anciens salariés d’Infolog Solutions au paiement de près de 3.000.000€ pour contrefaçon de codes sources du logiciel GCS WMS.


2. La protection du logiciel par le droit d’auteur

    2.1 Protection du logiciel et droit d’exploitation 

Dans cette affaire, le tribunal rappelle que le logiciel, comprenant le code source et le code objet, ainsi que le matériel de conception préparatoire, est protégé par le droit d’auteur en application de l’article L.112-2 13° du code de la propriété intellectuelle (CPI). A ce titre, “le droit d’exploitation appartenant à l’auteur d’un logiciel comprend le droit d’effectuer et d’autoriser 1° la reproduction permanente ou provisoire d’un logiciel en tout ou partie par tout moyen et sous toute forme. (…) ces actes ne sont possibles qu’avec l’autorisation de l’auteur.” (art. L.122-6 CPI)

La société Generix, devenue titulaire des droits sur le logiciel après avoir absorbé la société Infolog Solutions, avait déposé deux versions du logiciel auprès de l’Agence pour la protection des programmes (APP) en 2006 et 2010.

    2.2 L’originalité du logiciel, condition de sa protection par le droit d’auteur

Toutefois, comme pour toute oeuvre de l’esprit, cette protection du logiciel par le droit d’auteur n’est accordée que pour autant que celui-ci soit reconnu original.

A cette fin, le tribunal rappelle les principales caractéristiques du logiciel GCS WMS qui avaient été mises en avant par Generix pour démontrer son originalité, à savoir : 1) des choix personnels quant à la structure du “scénario radio”, 2) un choix propre quant aux réservations de stocks, 3) le choix d’une forte interopérabilité du logiciel par l’utilisation d’un format d’échanges de données unique et original, 4) l’utilisation du langage de développement Cobol afin de permettre la portabilité du logiciel sur un grand nombre de machines, 5) le développement d’un atelier de génie logiciel en interne, 6) un choix technique personnel quant aux interfaces homme/machine, et 7) le choix d’une mise en oeuvre simplifiée du logiciel, ne nécessitant pas de compétences techniques ou informatiques et pouvant être réalisées par un consultant.

Sur la base de tous ces éléments, le tribunal a pu reconnaître l’originalité du logiciel alors même que celui-ci avait été développé grâce à un programme générateur de codes sources. La société Generix était donc bien fondée pour défendre ses droits sur le logiciel.


3. Les faits de contrefaçon et l’évaluation du préjudice

    3.1 L’établissement des faits de contrefaçon

Dans cette affaire, la contrefaçon a été démontrée sur la base de deux éléments : a) la production d’emails échangés entre les salariés de la société ACSEP, relatifs à la demande et à la communication des codes sources de programmes constitutifs du logiciel GCS WMS. On notera sur ce point que le tribunal n’a pas remis en cause l’intégrité de ces emails, obtenus par voie d’huissier ; et b) un rapport d’analyse technique démontrant que les logiciels détenus par la société ACSEP étaient identiques, à 2% près, aux programmes déposés par Generix à l’APP.

Or, il n’existait aucun accord entre les sociétés Generix et ACSEP, autorisant cette dernière à reproduire ou à utiliser tout ou partie du logiciel.

Le tribunal en conclut que ces simples faits de reproduction non autorisée des codes sources de programmes constitutifs du logiciel GCS WMS constituent des actes de contrefaçon de la part de la société ACSEP, son dirigeant et les salariés poursuivis.

    3.2 L’évaluation du préjudice et les mesures de réparation

Les règles permettant de déterminer le montant des dommages et intérêts sont définies aux articles L.331-1-3 et s. du CPI. Pour ce faire, les juges prennent en compte :
1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.


En l’espèce, le tribunal a évalué le préjudice subi par la société Generix en retenant i) une perte de chiffre d’affaires à la suite de la résiliation de plusieurs contrats commerciaux, évaluée à 2 millions d’euros, ii) le remboursement du montant représentant la valorisation de la recherche et développement du logiciel pour 814.000€, la contrefaçon ayant permis d’économiser les coûts de création et de développement d’un logiciel équivalent, et iii) le préjudice moral, constitué par la dévalorisation du savoir-faire de Generix, pour un montant de 50.000€.

La société ACSEP, son dirigeant et les anciens salariés d’Infolog Solutions ont été condamnés en sus à cesser l’utilisation et à la désinstallation du logiciel, et à indemniser Generix pour concurrence déloyale à hauteur de 30.000€ pour débauchage de plusieurs salariés de Generix.


       Cette affaire démontre que la contrefaçon de logiciel, notamment par d’anciens salariés, accompagnée d’actions de concurrence déloyale par détournement de clientèle et débauchage de salariés peut coûter cher à leurs auteurs. Le titulaire des droits doit cependant être en mesure de démontrer le caractère original de l’oeuvre contrefaite et de rapporter la preuve du détournement, ainsi que du préjudice subi (perte de clientèle, vol de savoir-faire, débauchage massif, etc.). Toutefois, la réparation du préjudice est un processus long et coûteux, le dossier contentieux ayant débuté en 2015…


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(1) Art. L.112-2 CPI

(2) TJ Marseille, 23 septembre 2021, Generix c. Acsep et autres


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Novembre 2021

mardi 14 janvier 2014

La Cour de cassation rappelle les critères de protection du logiciel par le droit d’auteur



Le 14 novembre 2013, la Cour de cassation a rendu un arrêt rappelant les conditions de protection du logiciel par le droit d’auteur. (1) Cet arrêt est dans la droite ligne de l’arrêt SAS Institute inc. c. World Programming Ltd rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 2 mai 2012. (2) Son mérite est de rappeler les conditions de protection et les éléments du logiciel effectivement protégés par le droit d’auteur.


En l’espèce, deux personnes avaient conçu et développé un logiciel comptable dénommé “L’analyse mensuelle”, destiné aux PME. Par ailleurs, la suite Office édition PME de la société Microsoft corporation intégrait un logiciel dénommé “l’assistant financier”. Les développeurs du logiciel L’analyse mensuelle ont poursuivi Microsoft en contrefaçon de leur logiciel et en concurrence déloyale.

L’article L.112-2 (13°) du Code de la propriété intellectuelle dispose que le logiciel, y compris le matériel de conception préparatoire, est protégé par le droit d’auteur.

Cependant, d’une part, les auteurs qui veulent faire valoir leurs droits de propriété intellectuelle sur une oeuvre doivent rapporter la preuve de son originalité pour que celle-ci soit effectivement protégée ; d’autre part, les conditions de protection du logiciel par le droit d’auteur sont désormais bien déterminées. (3)

La Cour de cassation, dans son arrêt du 14 novembre 2013, rappelle ainsi que les langages de programmation mis en oeuvre, les algorithmes et les fonctionnalités du programme ne sont pas protégés.

En revanche, les lignes de programmation, les codes, l’organigramme et le matériel de conception préparatoire sont protégés, sous réserve de démontrer leur originalité.

A ce titre, il est rappelé que la notion d’originalité s’entend de l’effort personnalisé de l’auteur, ou la marque de l’apport intellectuel de l’auteur ; en d’autres termes, l’originalité s’entend des éléments qui permettent de distinguer une oeuvre d’une autre par les apports de l’auteur qui lui impriment une personnalisation, une “patte” particulière. En cas de contentieux en contrefaçon, cette notion d’originalité sera examinée au cas par cas. Si les auteurs ne peuvent rapporter la preuve de l’originalité de leur programme, celui-ci ne sera pas protégé.

Il convient toutefois de ne pas confondre originalité et nouveauté. En effet, le caractère innovant d’un programme ne peut se substituer au critère d’originalité pour justifier sa protection par le droit d’auteur.

En l’espèce, les demandeurs n’ont pas réussi à rapporter la preuve de l’originalité de leur logiciel “L’analyse mensuelle”, et ce, même en faisant état de la quantité d’heures de travail consacrées à sa conception et au nombre de lignes de programmation, ainsi que les graphiques et tableaux de bord. La Cour de cassation a donc confirmé l’arrêt de la cour d’appel sur ce point.

Enfin, concernant les actes de concurrence déloyale de la part de Microsoft invoqués par les développeurs, la Cour de cassation a infirmé l’arrêt d’appel, qui les avait déboutés, sur ce moyen. L’affaire se poursuit donc devant la Cour d’appel de Lyon sur le terrain de la concurrence déloyale.


En conclusion, on retiendra que bien que le logiciel soit protégé par le droit d’auteur, cette protection n’est pas automatique. En cas de contentieux, l’auteur, ou le titulaire des droits, devra démontrer le caractère original du programme, à savoir, les apports personnalisés sur les éléments de programmation, les codes, ou l’organigramme du logiciel. Faute de pouvoir convaincre les juges de l’originalité de l’oeuvre, celle-ci ne sera pas protégée.

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(1) C. cass. chbre civ. 1, 14 novembre 2013, n°12-20687, M.M. X & Y c. Microsoft corporation

(2) Voir l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 2 mai 2012, SAS Institute Inc. / World Programming Ltd ainsi que nos précédents articles sur ce sujet

(3) Voir la directive européenne 91/250/CEE du Conseil du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, transposée en droit français par la loi n°94-361 du 10 mai 1994 (art. L.122-6 et s. du Code de la propriété intellectuelle) ; Directive du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, transposée en droit français par la loi n°2006-961 du 1er août 2006 (Loi DADVSI) ; et nos précédents articles sur ce sujet : http://dwavocat.blogspot.fr/2011/10/logiciels-originalite-et-droit-de.html et http://dwavocat.blogspot.fr/2012/05/les-contours-de-la-protection-des.html



Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

janvier 2014

mercredi 26 décembre 2012

Les critères de l’originalité comme condition de la protection du logiciel par le droit d’auteur, rappelés par la Cour de cassation

Le logiciel est protégé par le droit d’auteur, ainsi qu’en dispose l’article L.112-2 (13°) du Code de la propriété intellectuelle (CPI).

Cependant, comme pour toute oeuvre de l’esprit, la protection n’est pas automatique. L’oeuvre doit en effet être originale, au sens du droit de la propriété intellectuelle. Dans la lignée de l’arrêt Babolat c/ Pachot de 1986, les juges de la cour de cassation viennent de rappeler les critères à retenir pour évaluer l’originalité du logiciel. (1)


1. La protection du logiciel par le droit d’auteur n’est pas automatique

Dans un arrêt du 17 octobre 2012, la Cour de cassation rappelle que la notion d’originalité doit être appréciée selon des critères bien précis. (2)

En résumé, la société Compagnie de distribution informatique expert (Codix) avait accordé une licence d’utilisation de logiciel à la société Alix services et développement. Cette dernière avait continué à utiliser le logiciel après l’expiration de la licence d’utilisation. La société Codix a donc assigné la société Alix en contrefaçon de ses droits, aux côtés d’une société d’huissiers de justice, liée par un contrat de prestations informatiques à la société Alix. En effet, toute utilisation d’un logiciel en violation des droits de l’auteur, tels que définis à l’article L.122-6 du CPI est considérée comme un délit de contrefaçon, tel que rappelé à l’article L.335-3 du même code.

Or, en cas d'action en contrefaçon, le caractère original de l’oeuvre doit pouvoir être démontré par son titulaire. Ce critère est soumis à l’appréciation des juges, qui doivent confirmer le caractère original du logiciel litigieux, avant de faire droit à la demande en contrefaçon. (3) Ainsi, une fois le caractère original reconnu, le titulaire des droits sur le logiciel protégé pourra poursuivre la démonstration de l’atteinte à ses droits et demander réparation pour l’utilisation contrefaisante.

En l’espèce, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait considéré que le logiciel était original car “apportant une solution particulière à la gestion des études d’huissiers de justice.

En outre, l’éditeur du logiciel avait conclu une licence d’utilisation de ce logiciel, définissant l’étendue et la durée des droits d’utilisation concédés. Enfin, une copie du logiciel avait été déposée sous séquestre auprès de l’Agence pour la protection des programmes.

Cependant, la conclusion d’un contrat de licence et le dépôt des logiciels ne sont pas des éléments suffisants pour justifier de la protection de l’oeuvre par le droit d’auteur.


2. Rappel des critères à retenir pour qualifier la notion d’originalité

Dans l’arrêt du 17 octobre 2012, la Cour de cassation a considéré que le critère retenu par la Cour d’appel pour qualifier l’originalité et pour justifier sa décision, à savoir, que le logiciel apportait une solution particulière à la gestion des études d’huissiers de justice, manquait de base légale.

Les magistrats rappellent ainsi que seuls les critères d’un apport intellectuel propre et d’un effort personnalisé de celui qui a élaboré le logiciel litigieux sont de nature à lui conférer le caractère d’une oeuvre originale protégée par le droit d’auteur.


En conclusion, faute de démontrer en quoi les choix opérés par l’auteur résulteraient d’un effort créatif, portant l’empreinte de sa personnalité ou la marque d’un apport intellectuel propre de l’auteur, l’originalité ne pourra être démontrée et le logiciel ne pourra alors bénéficier de la protection par le droit de la propriété intellectuelle.


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(1) Cass. Ass.plén., 7 mars 1986, Babolat c/ Pachot , n°83-10477
(2) Cass. civ., 17 octobre 2012, Codix c/ Alix
(3) Cass. crim., 27 mai 2008, n°07-87253

Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Décembre 2012

jeudi 31 mai 2012

Les contours de la protection des logiciels par le droit d’auteur précisés par la CJUE

Par un arrêt du 2 mai 2012, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rappelé les contours de la protection des logiciels par le droit d’auteur, en application des directives du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur et du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.(1 et 2)

En l’espèce, la société SAS Institute Inc. est éditeur de progiciels analytiques permettant le traitement et l’analyse de données, notamment, les analyses statistiques. Ces progiciels (le système SAS) permettent aux utilisateurs d’écrire leurs propres programmes applicatifs (les scripts), dans un langage propre au système SAS, aux fins d’adapter le système SAS pour le traitement de leurs données. La société World Programming Ltd (“WPL”) a développé un logiciel de substitution, dénommé “World Programming System”, dont l’objet est d’exécuter les scripts écrits dans le langage SAS pour émuler les fonctionnalités des composants SAS. Les utilisateurs du système SAS pouvaient donc, grâce au logiciel World Programming System, utiliser les scripts développés pour être utilisés avec le système SAS, sans avoir à les réécrire.

SAS Institute a assigné WPL en contrefaçon de ses droits de propriété intellectuelle devant les tribunaux britanniques.

La High Court of Justice (England and Wales), Chancery Division, a posé plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en interprétation des directives du 14 mai 1991 et du 22 mai 2001. Ces questions portaient principalement sur l’interprétation des dispositions de la directive de 1991, sur les composants du logiciel pouvant bénéficier de la protection juridique et sur le droit pour l’utilisateur d’observer, étudier ou tester le fonctionnement du logiciel.(3)

Dans l’arrêt du 2 mai 2012, la CJUE a ainsi été amenée à préciser les conditions et le champ d’application de la protection juridique des logiciels par le droit d’auteur.


1. Rappel du principe et des conditions de protection du logiciel par le droit d’auteur

La directive européenne du 14 mai 1991 sur la protection juridique des programmes d’ordinateur a consacré le principe de la protection des logiciels par le droit d’auteur. Cependant, le logiciel ne comprend pas que du code. Le logiciel est composé de plusieurs éléments, au titre desquels on retiendra notamment : les documents de conception, le langage de programmation, le code objet, le code source, les fonctionnalités, les interfaces, etc.

Dans l’affaire opposant SAS Institute à WPL, cette dernière avait régulièrement obtenu un exemplaire du logiciel SAS, dans sa version “learning edition” (version apprentissage). Le logiciel était soumis aux conditions de licence standard de SAS Institute. WPL n’a pas eu accès aux codes sources des composants, et n’a copié ni le code, ni tout ou partie des éléments de conception structurelle du code. SAS Institute reprochait à WPL (i) d’avoir indirectement copié les logiciels comprenant les composants SAS en violation de ses droits d’auteur sur ces composants, (ii) d’avoir utilisé une version du système SAS (la version apprentissage) en violation des conditions de la licence d’utilisation applicable et des droits d’auteur de SAS Institute, (iii) d’avoir copié les manuels du système SAS pour créer son propre manuel d’utilisation du logiciel World Programming System, sans autorisation de SAS Institute et en violation de ses droits.

    1.1 Les éléments du logiciel protégés par le droit d’auteur
La directive du 14 mai 1991 a consacré le principe de la protection du logiciel par le droit d’auteur, en tant qu’oeuvre littéraire. Comme pour toute autre oeuvre littéraire, la protection juridique du logiciel est acquise, sous réserve que celui-ci soit original.

La directive définit le terme “programme d’ordinateur” (ou logiciel) comme “les programmes sous quelque forme que ce soit, y compris ceux qui sont incorporés au matériel (…), les travaux préparatoires de conception aboutissant au développement d’un programme, à condition qu’ils soient de nature à permettre la réalisation d’un programme d’ordinateur à un stade ultérieur”.

En application des principes du droit d’auteur, la directive rappelle que seule “l’expression” du programme est protégée par le droit d’auteur, à l’exclusion des idées et principes qui sont à la base de la logique, des algorithmes et des langages de programmation. Ainsi, hormis les travaux préparatoires de conception, le code objet (ou programme exécutable) et le code source sont considérés comme étant l’expression du programme et bénéficient donc de la protection juridique.

    1.2 Les éléments exclus du champ de la protection par le droit d’auteur
L’arrêt SAS Institute permet de préciser les éléments du logiciel qui ne bénéficient pas de la protection juridique du droit d’auteur.

L’objet de la protection par le droit d’auteur est de réserver les droits sur les éléments d’expression  individuelle du logiciel ; l’originalité, condition de la protection, consiste en la personnalisation de l’oeuvre. En d’autres termes, la protection porte sur les éléments postérieurs au concept de départ, par lesquels l’auteur a matérialisé ou développé l’idée ou le concept, en le personnalisant (étape de mise en oeuvre du concept).

En revanche, les éléments à la base de l’oeuvre et de sa logique ne sont pas protégés par le droit d’auteur. En effet, le champ d’application du droit d’auteur permet à tous tiers, en partant d’une idée ou d’un concept, de le mettre en oeuvre en développant un logiciel similaire, voire identique, sous réserve de s’abstenir de copier le logiciel existant.

La Cour rappelle ainsi que les algorithmes, les procédures et méthodes de fonctionnement, le langage de programmation, mais également, les interfaces graphiques et les fichiers de données, dans la mesure où ces éléments ne permettent pas de reproduire le programme, ne constituent pas une forme d’expression du programme et ne sont pas protégés en tant que tels par le droit d’auteur.

De même, les fonctionnalités, le langage de programmation et le format de fichiers de données utilisés dans le cadre du programme pour exploiter certaines de ses fonctions ne constituent pas une forme d’expression du programme.

Plus précisément, le format de fichiers utilisés par un logiciel pour interpréter et exécuter les scripts des utilisateurs et pour lire et écrire des données dans un format de fichier de données spécifique constitue des éléments du programme au moyen desquels les utilisateurs ne font qu’exploiter certaines fonctionnalités du logiciel.

Ainsi, la Cour en conclut que le concept à la base d’un logiciel, les algorithmes, procédures et méthodes de fonctionnement, le langage de programmation, les interfaces graphiques et fichiers de données ne sont pas protégés par le droit d’auteur, en vertu de la directive de 1991.


2. L’exercice par l’auteur de ses droits exclusifs et ses limites

La protection du logiciel par le droit d’auteur signifie que le titulaire des droits dispose de droits exclusifs sur l’oeuvre, tels que visés aux articles 2 et 4 de la directive de 1991. Cependant, l’utilisateur légitime du logiciel dispose également de droits qui ne peuvent lui être refusés par le titulaire. Le litige opposant SAS Institute à WPL portait notamment sur les conditions d’exercice de ces droits.

    2.1 Les droits exclusifs de l’auteur et l’importance du contrat de licence
La directive de 1991, dans son article 4, réserve des droits exclusifs au bénéfice du titulaire des droits sur le logiciel, qui peut faire et autoriser (et a contrario, ne pas autoriser) (i) la reproduction permanente ou provisoire du programme d’ordinateur, (ii) la traduction, l’adaptation, l’arrangement et toute autre transformation du logiciel, ainsi que (iii) toute forme de distribution, y compris la location (la concession de licences d’utilisation) du logiciel.

Ces droits exclusifs appartenant au titulaire des droits peuvent ensuite être gérés contractuellement, dans la licence et/ou le contrat de maintenance, d’où l’importance du contrat de licence, de ses conditions et limitations.

    2.2 Les droits de l’utilisateur légitime du logiciel
En l’absence d’autorisation (contractuelle), l’utilisateur légitime d’un logiciel bénéficie néanmoins de droits dits résiduels, prévus aux articles 5 et 6 de la directive de 1991.

Les droits de l’utilisateur légitime comprennent :
    (i) le droit d’utiliser le logiciel d’une manière conforme à sa destination, y compris pour corriger les erreurs (au cas où aucun contrat de maintenance corrective ne serait prévu). Ce droit comprend la possibilité de reproduire le logiciel dans les limites techniquement nécessaires. Ainsi, le contrat de licence ne peut interdire les opérations de chargement et de déroulement nécessaires à l’utilisation du logiciel par son utilisateur légitime ;
    (ii) le droit de réaliser une copie de sauvegarde du logiciel ;
    (iii) la possibilité d’observer, d’étudier ou de tester le fonctionnement du logiciel, à condition que ces actes ne portent pas atteinte aux droits de l’auteur ;
    et enfin, (iv) le droit de décompiler le logiciel (que l’on désigne également ingéniérie inverse) pour obtenir les informations nécessaires à son interopérabilité. Ce dernier droit est cependant soumis aux conditions et limitations décrites à l’article 6 de la directive.

    2.3 L’exception d’observation, d’étude et de test du fonctionnement du logiciel
Le litige opposant SAS Institute à WPL portait notamment sur les conditions d’exercice de ces droits.

La High Court britannique a notamment demandé à la CJUE de se prononcer sur le fait de savoir si l’utilisateur légitime d’un logiciel pouvait utiliser le droit d’observer, d’étudier ou de tester le fonctionnement du logiciel dans un but dépassant le cadre du contrat de licence. SAS Institute soutenait en effet que WPL avait outrepassé ce droit dans la mesure où la licence applicable au logiciel SAS était accordée pour une utilisation non commerciale (version apprentissage ou formation). WPL aurait utilisé le logiciel à des fins sortant du champ de cette licence, l’exercice de son droit d’observer, d’étudier ou de tester le fonctionnement du logiciel portant atteinte aux droits du titulaire, SAS Institute.

La Cour rappelle que le titulaire des droits ne peut empêcher contractuellement que l’utilisateur légitime puisse déterminer les idées et les principes à la base des éléments du logiciel, lorsque cet utilisateur réalise les opérations autorisées en vertu de la licence, mais également les opérations de chargement et de déroulement nécessaires à l’utilisation du programme, sous réserve de ne pas porter atteinte aux droits de l’auteur.

En l’occurrence, pour la Cour, il n’y a pas d’atteinte aux droits de l’auteur lorsque l’utilisateur légitime n’a pas eu accès aux codes sources du logiciel, mais qu’il s’est limité à observer, étudier ou tester le logiciel. En l’espèce, WPL n’a pas eu accès au code source du logiciel SAS et n’a pas décompilé le code objet. WPL n’a fait que reproduire la fonctionnalité en utilisant le même langage de programmation et le même format de fichiers de données. En d’autres termes, WPL en qualité d’utilisateur légitime du logiciel SAS, a exercé son droit d’observation, d’étude et de test du logiciel et a développé un nouveau programme sur la base des mêmes idées et principes que le logiciel SAS, dans le cadre des droits accordés par la directive, sans porter atteinte aux droits de l’auteur.


En conclusion, on retiendra que l’arrêt SAS Institute est dans la lignée de la jurisprudence en matière de protection du logiciel par le droit d’auteur. Son intérêt réside dans la distinction entre les éléments du logiciel effectivement protégés par le droit d’auteur et les éléments non susceptibles de protection. A ce titre, la Cour a notamment déterminé que les fonctionnalités (dans la mesure où elles sont assimilables à une idée) et le langage de programmation n’étaient pas protégés par le droit d’auteur en vertu de la directive de 1991.

Le droit d’auteur ne s’oppose pas à la réexploitation d’une idée ou d’un concept par un tiers, sous réserve de ne pas reproduire l’oeuvre pré-existante. En conséquence, tout éditeur informatique peut développer un logiciel reprenant des fonctionnalités existantes dans des logiciels concurrents, dans le même langage de programmation, à condition de ne pas reproduire le code source (et le code objet) du premier logiciel. 

Il convient de noter cependant qu’un langage de programmation qui serait le résultat de la création intellectuelle de l’auteur est protégeable en vertu de la directive de 2001 sur la société de l’information (DADVSI).

Enfin, nous n’avons pas évoqué les questions relatives à la reproduction du manuel utilisateur par WPL, la Cour ayant là aussi appliqué les principes classiques du droit d’auteur. Le manuel utilisateur, dès lors qu’il s’agit d’une oeuvre originale, est protégé par le droit d’auteur et ne peut être librement reproduit par un tiers.

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(1) Directive 91/250/CEE du Conseil du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, transposée en droit français par la loi n°94-361 du 10 mai 1994 (voir articles L122-6 et s. du Code de la propriété intellectuelle) ; Directive du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, transposée en droit français par la loi n°2006-961 du 1er août 2006 (Loi DADVSI).

(2) Voir arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 2 mai 2012, SAS Institute Inc. / World Programming Ltd

(3) Les questions préjudicielles concernent principalement l’interprétation à donner aux deux paragraphes suivants de la directive du 14 mai 1991: article 1er, 2é paragraphe “La protection prévue par la présente directive s'applique à toute forme d'expression d'un programme d'ordinateur. Les idées et principes qui sont à la base de quelque élément que ce soit d'un programme d'ordinateur, y compris ceux qui sont à la base de ses interfaces, ne sont pas protégés par le droit d'auteur en vertu de la présente directive” ; article 5, 3é paragraphe “La personne habilitée à utiliser une copie d'un programme d'ordinateur peut, sans l'autorisation du titulaire du droit, observer, étudier ou tester le fonctionnement de ce programme afin de déterminer les idées et les principes qui sont à la base de n'importe quel élément du programme, lorsqu'elle effectue toute opération de chargement, d'affichage, de passage, de transmission ou de stockage du programme d'ordinateur qu'elle est en droit d'effectuer.



Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

mai 2012

jeudi 27 octobre 2011

Logiciels, originalité et droit de décompilation : le rappel par les juges des conditions de protection

Le logiciel est protégé par le droit d’auteur. Cependant, cette protection n’est pas acquise automatiquement, le caractère original du logiciel étant un préalable nécessaire à la protection. Une fois la protection acquise, les exceptions aux droits de l’auteur, dont le droit de décompiler le code objet du logiciel protégé pour assurer l’intéropérabilité entre ce logiciel et un logiciel tiers, sont strictement encadrées.

C’est ce que les juges ont rappelé dans deux décisions rendues en septembre 2011, opposant la société Nintendo à des revendeurs de “linkers”.


1. Rappel des conditions de protection des logiciels par le droit d’auteur

    1.1 L'originalité : un préalable nécessaire à la protection du logiciel
Un logiciel, en tant qu’oeuvre de l’esprit, est protégé par le droit de la propriété intellectuelle, à condition d’être “original”.(1)

La loi ne définit pas précisément le critère d'originalité. Selon la jurisprudence, l'originalité d’une oeuvre consiste en “l’empreinte de l’auteur”, à savoir ce qui distingue cette oeuvre des autres. Ainsi, l'auteur du logiciel doit avoir "fait preuve d'un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en oeuvre d'une logique automatique et contraignante et (que) la matérialisation de cet effort résid(e) dans une structure individualisée".(2)

Le caractère original de l’oeuvre doit pouvoir être démontré par son titulaire en cas d'action en contrefaçon. Ce critère est soumis à l’appréciation des juges qui doivent, avant de faire droit à une telle demande, confirmer le caractère original du logiciel litigieux.(3)

En l’absence d’originalité, le logiciel ne pourra alors bénéficier de la protection par le droit de la propriété intellectuelle.

    1.2 Les droits de l'auteur du logiciel et l’exception d’interopérabilité
Le logiciel original est protégé dès lors qu'il existe une certaine mise en forme, que cette mise en forme soit du code source ou du code objet, code source et code objet étant eux-mêmes protégés par le droit d'auteur.

L'auteur du logiciel détient sur celui-ci les droits de propriété intellectuelle qui y sont afférents : droits patrimoniaux (notamment le droit d’exploiter le logiciel et d’en tirer des revenus) et le droit moral (droit à la citation et au respect de l’intégrité l’oeuvre).(4)

Le logiciel ne pourra donc être utilisé par des tiers (distributeur, société de service ou utilisateur final) qu’avec l’accord de l'auteur, soit en vertu d’une licence d’utilisation, soit à la suite de la cession de tout ou partie des droits de l'auteur. Toute utilisation non autorisée du logiciel (reproduction ou distribution sans l’autorisation de l'auteur) pourra être qualifiée de contrefaçon, en vertu des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle (CPI).

Toutefois, l’article L.122-6-1 du CPI prévoit des exceptions à l'accord préalable de l'auteur du logiciel, lorsque les actes de reproduction, traduction et adaptation du logiciel sont nécessaires pour permettre l'utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l'utiliser, pour faire une copie de sauvegarde ou pour procéder à la décompilation du logiciel.

La loi dispose cependant que l’exception d’interopérabilité permettant à l’utilisateur de décompiler le code objet sans nécessairement avoir obtenu l'autorisation préalable du titulaire des droits sur le logiciel est soumise aux conditions suivantes : que la décompilation soit accomplie par un utilisateur légitime du logiciel, que les informations nécessaires à l'interopérabilité n'aient pas déjà été rendues facilement et rapidement accessibles à l'utilisateur, et que la décompilation soit limitée aux parties du logiciel nécessaires à cette interopérabilité.

Enfin, les informations ainsi obtenues par l'utilisateur sont confidentielles et ne peuvent être utilisées qu’à des fins strictement limitées : (i) réalisation de l'interopérabilité avec un logiciel développé de façon indépendante ; (ii) interdiction de communiquer les données à des tiers, sauf si cela est nécessaire à l'interopérabilité ; et (iii) interdiction d’utilisation des données pour la mise au point, la production ou la commercialisation d'un logiciel substantiellement similaire ou pour tout autre acte portant atteinte au droit d'auteur.

Ces règles viennent d'être rappelées par deux décisions récentes des tribunaux parisiens concernant le même fabricant de jeux vidéo.


2. L’examen des conditions de protection du logiciel dans le contexte de la décompilation

    2.1 L'originalité, condition nécessaire rappelée par le TGI de Paris
Dans une affaire opposant la société Nintendo Co. Ltd, fabricant de jeux et de consoles vidéo, à l’éditeur d’un site de vente en ligne d'accessoires pour jeux vidéo (le revendeur), le tribunal de grande instance de Paris a rendu une ordonnance en référé, le 5 septembre 2011, jugeant qu’il existait une contestation sérieuse sur l’originalité du logiciel contenu dans les produits du fabricant.(5)

Le fabricant, pour éviter le piratage de ses jeux vidéo, avait installé sur ses produits, des mesures techniques de protection empêchant les jeux piratés d'être lus sur ses consoles. Or, les produits distribués sur le site du revendeur ("linkers"), contournaient ces mesures et permettaient aux jeux piratés d'être lus sur les consoles du fabricant. Les linkers se présentent sous la forme de cartouches, identiques aux cartouches de jeux du fabricant, sur lesquelles des jeux vidéo contrefaits, disponibles sur internet, peuvent être chargés.

En l'espèce, le fabricant ne reprochait pas au revendeur l'atteinte aux mesures techniques de protection. Il avait assigné celui-ci en contrefaçon, au motif que le logiciel contenu dans les linkers en vente sur son site reproduisait le logiciel contenu dans les cartouches de jeux du fabricant. Le fabricant demandait en outre la cessation de la commercialisation des linkers.

Cependant, le fabricant, qui avait refusé de produire les codes sources de son logiciel pour des raisons de confidentialité, n’a pas su démontrer le caractère original de son oeuvre. En conséquence, faute de pouvoir vérifier le caractère original du logiciel du fabricant, le juge l’a débouté de sa demande en contrefaçon.

    2.2 Décompilation du logiciel : l’exception d’interopérabilité très encadrée
Fin 2007, la société Nintendo avait assigné plusieurs revendeurs de linkers, considérant que ces produits (i) portaient atteinte aux mesures techniques de protection installées sur ses cartes de jeux et consoles, et (ii) comportaient des logiciels qui reproduisaient ses propres logiciels, sans son accord. La société Nintendo, qui avait été déboutée en première instance, a obtenu gain de cause en appel.

Dans un arrêt du 26 septembre 2011, la Cour d’appel de Paris a condamné les revendeurs pour avoir importé et commercialisé des linkers. La Cour a jugé que les linkers constituaient un dispositif conçu pour porter atteinte aux mesures techniques de protection équipant les consoles et les jeux du fabricant, au sens de l’article L.331-5 du CPI, dont l’objet principal était de permettre l’exécution de jeux contrefaisants sur les consoles Nintendo.(6)

Concernant la contrefaçon de logiciel, la Cour a retenu que les revendeurs, qui avaient commercialisé des produits reproduisant les logiciels contenus dans les cartes de jeux et la console vidéo du fabricant, avaient commis un délit de contrefaçon de logiciel, au mépris des droits du fabricant.

En effet, la Cour a constaté que les développeurs des linkers avaient nécessairement décompilé les logiciels contenus dans les cartes de jeux et la console du fabricant puisqu'ils avaient besoin des codes sources des produits du fabricant afin d’en comprendre le fonctionnement et de permettre à leurs propres cartes d’interagir avec la console du fabricant, ce dernier n’ayant pas communiqué ses codes sources.

Or, en l'espèce, les développeurs et revendeurs n’avaient pas obtenu l’autorisation du fabricant, aux fins de décompilation. Ils ne pouvaient en outre se prévaloir de l’exception légale d’interopérabilité (art. L.122-6-1 IV du CPI) puisqu’ils n'étaient pas utilisateurs légitimes du logiciel du fabricant et n'avaient pas demandé au fabricant l’accès aux informations nécessaires à la décompilation. Leur but n’était pas de développer un logiciel indépendant et intéropérable avec celui du fabricant, mais au contraire, de commercialiser des dispositifs contournant les mesures techniques de protection des cartes de jeux et consoles vidéo du fabricant et, ce faisant, de porter atteinte à ses droits de propriété intellectuelle.

On retiendra les montants que les défendeurs ont été condamnés à payer à Nintendo dans cette affaire : outre des peines d’emprisonnement avec sursis allant de 4 mois à 2 ans, 460.500 euros d’amende et 4.795.470 euros de dommages et intérêts cumulés.


En conclusion, l’intérêt de ces décisions, rendues à quelques jours d’intervalle, est de rappeler les conditions de protection du logiciel, puis les contours des droits du titulaire sur son logiciel. D’une part, le caractère original d’une oeuvre de l’esprit, comme le logiciel, n’est pas présumée. Si le tribunal ne peut constater le caractère original de l’oeuvre, il ne pourra donner droit aux demandes du titulaire en cas de contrefaçon alléguée. D’autre part, sous réserve de l’originalité de l’oeuvre, les droits accordés à l’auteur sont très “forts” et les exceptions à ces droits, tels qu’énoncés à l’article L122-6-1 du CPI, n’ont pour objet que de permettre aux utilisateurs légitimes d’utiliser l’oeuvre “sereinement”, sans pour autant justifier une atteinte disproportionnée aux droits de l’auteur ou un détournement des objectifs des dispositions légales.

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(1) Article L.112-2 (13°) du Code de la propriété intellectuelle (CPI)
(2) Cass. Ass.plén., 7 mars 1986, Babolat c/ Pachot , n°83-10477.
(3) Cass. crim., 27 mai 2008, n°07-87253.
(4) Articles L.111-1, L.121-1, L.121-7 et L.122-6 du CPI
(5) TGI de Paris, ordonnance de référé, 5 septembre 2011, Nintendo Co. Ltd, Nintendo France c/ M.M.
(6) Cour d'appel de Paris, Pole 5, ch. 12, 26 septembre 2011, Nintendo c/ Absolute Games, Divineo et autres. Cet arrêt, particulièrement développé, porte sur plusieurs questions de droit, dont le délit d’atteinte aux mesures de protection techniques (Art. L.331-5), la contrefaçon du droit d’auteur de logiciel, la contrefaçon de marque, etc. Nous n’avons abordé dans cet article que l’atteinte aux droits d’auteur du logiciel.






 

Bénédicte DELEPORTE - Avocat
Betty SFEZ - Avocat

Deleporte Wentz Avocat
 

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Octobre 2011