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mardi 4 juillet 2023

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lundi 17 avril 2023

La protection des données personnelles : un droit fondamental, mais non absolu

 

Dans un arrêt du 8 mars 2023, la Cour de cassation a rappelé que bien que la protection des données à caractère personnel soit un droit fondamental, lorsque confronté à un autre droit fondamental, la protection des données personnelles doit être mise en balance avec cet autre droit, conformément au principe de proportionnalité.

Cette situation d’opposition entre le droit de la protection des données personnelles et un autre droit fondamental se produit régulièrement. On rappellera par exemple un jugement du tribunal judiciaire de Paris du 30 juin 2021 dans lequel la protection des données personnelles (en l’occurrence, le droit à l’oubli), était mis en balance avec le droit à l’information.

Il convient toutefois de rappeler ce que l’on entend par “droits fondamentaux” et comment est appliqué le principe de proportionnalité avant d’analyser les critères retenus par les juges pour faire primer un droit fondamental sur un autre.


1. Qu’entend-on par droits fondamentaux ?

Les sources des droits fondamentaux.
Il n’existe pas de définition unique de la notion de droits fondamentaux.

On peut toutefois considérer que ces droits sont issus en premier lieu de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des Libertés fondamentales du 4 novembre 1950, de la Constitution et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000. Certains de ces droits sont par ailleurs rappelés dans le RGPD.

Ces textes énoncent des droits et libertés considérés comme fondamentaux, dont le respect est garanti par l’Etat. Ces droits peuvent être distingués entre droits subjectifs, attachés à la personne et droits collectifs, regroupant les libertés applicables dans notre société.

Concernant les droits attachés à la personne, on retrouve par exemple la notion de dignité humaine, le droit à la vie, le droit à l’intégrité de la personne, mais également le droit à la vie privée, le droit à la protection des données à caractère personnel, la liberté de penser, d’opinion, de religion, l’égalité en droit, dont l’égalité entre les hommes et les femmes, etc.

Parmi les libertés fondamentales, on citera la liberté de réunion, la liberté d’expression et d’information, la liberté d’association, la solidarité, la justice, dont le droit à un recours effectif et la présomption d’innocence, et le droit de l’environnement.

Le principe de proportionnalité ou la recherche d’un équilibre entre deux droits fondamentaux.
Bien que considérés comme fondamentaux, il arrive que deux droits soient opposés l’un à l’autre, comme par exemple le droit à la protection des données personnelles (droit subjectif) et le droit à la liberté d’expression (liberté fondamentale). Il revient donc au juge de décider quel droit fondamental devra primer. Pour ce faire, le juge mettra en balance les intérêts en présence pour chercher soit à concilier ces droits, soit à faire primer l’un sur l’autre, compte tenu des faits d’espèce. Cette analyse sera menée au cas par cas.


2. Dans un arrêt du 8 mars 2023, la Cour de cassation fait primer le droit à la preuve sur le droit de la protection des données personnelles

Dans un arrêt rendu le 8 mars 2023, la Cour de cassation a reconnu la primauté de l’exercice du droit à la preuve et à la défense du principe de l’égalité entre les hommes et les femmes sur le droit de la protection des données personnelles. (1)

Dans cette affaire, une femme avait occupé le poste de Chief operating officer (COO) de la société Exane Derivatives, puis avait été nommée Directrice stratégie et projets groupe de la société Exane. Licenciée le 22 février 2019, elle a considéré avoir subi une inégalité salariale par rapport à certains collègues masculins occupant ou ayant occupé le poste de COO. Afin de pouvoir rapporter la preuve de ses allégations, elle a saisi en référé le Conseil des prud’hommes le 31 octobre 2019 pour obtenir la communication d’éléments de comparaison de la part de ses deux anciens employeurs.

Par arrêt du 3 décembre 2020, la Cour d’appel de Paris avait ordonné aux sociétés Exane et Exane Derivatives de communiquer sous astreinte à l’intéressée les bulletins de paie de huit salariés, sur des périodes déterminées, avec occultation de certaines données personnelles, à l’exception des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée et brute totale cumulée par année civile.

Or, ses ex-employeurs s’opposèrent à la communication de ces documents, alléguant d’une part leur caractère confidentiel et leur obligation de sécurité vis-à-vis de ces données, en application du Règlement général sur la protection des données du 27 avril 2016 (RGPD), d’autre part, le fait que selon l’article 145 du code de procédure civile, le juge ne peut prononcer que des mesures d’instruction légalement admissibles. La communication des bulletins de paie de salariés serait donc contraire au RGPD, sachant que le droit à la preuve ne saurait justifier la production d’informations portant atteinte à la vie privée si la salariée est déjà en mesure de produire des éléments lui permettant de présumer l’existence d’une telle discrimination.

Pour justifier sa décision, la Cour de cassation applique le principe de proportionnalité :
    1) rappelant le 4é considérant du RGPD selon lequel “Le droit à la protection des données à caractère personnel n'est pas un droit absolu; il doit être considéré par rapport à sa fonction dans la société et être mis en balance avec d'autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité”, puis
    2) l’article 145 du code de procédure civile relatif aux mesures d’instruction pouvant être ordonnées par le juge pour permettre au demandeur d’établir la preuve des faits, et
    3) les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme en vertu desquels le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle, à la conditions que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit, et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

La Cour confirme que la communication de ces éléments était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, à savoir, la défense de l’intérêt de la salariée à l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière d’emploi et de travail. Les sociétés Exane et Exane Derivatives doivent donc communiquer les bulletins de paie des salariés concernés à l’intéressée, au format précisé dans l’arrêt d’appel.

Le pourvoi des sociétés Exane et Exane Derivatives contre la décision de la cour d’appel est donc rejeté.


3. Le tribunal judiciaire de Paris reconnaît la primauté du droit d’informer sur le droit de la protection des données personnelles


Dans un jugement rendu le 30 juin 2021, le tribunal judiciaire de Paris a refusé d’appliquer le droit à l’oubli, au profit du droit à l’information. (2)

Dans cette affaire, un ancien responsable du Racing Club de Paris, condamné en 2009 pour abus de confiance et abus de biens sociaux demandait en 2019, sois 10 ans après les faits, la suppression, ou a minima l’anonymisation, d’un article publié en ligne par le journal 20 Minutes.

Le journal a refusé de donner droit à sa demande, arguant de la liberté d’expression et du droit à l’information. L’ancien responsable du Racing Club a donc assigné 20 Minutes devant le tribunal judiciaire de Paris pour faire supprimer l’article le concernant.

Comme dans l’arrêt de cassation précité, les juges rappellent les termes du 4é considérant du RGPD selon lequel le droit à la protection des données à caractère personnel n'est pas un droit absolu; il doit être mis en balance avec d'autres droits fondamentaux, conformément au principe de proportionnalité. Le droit à l’effacement (ou droit à l’oubli) est prévu à l’article 17 du RGPD. Ce droit doit être mis en parallèle avec le droit à la liberté d’expression et d’information, garanti notamment par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme.

La société 20 Minutes est éditrice de presse. Elle exerce une activité de journalisme consistant à mettre en oeuvre la liberté d’expression. Selon l’article 17.3 a) du RGPD, le droit à l’oubli peut être écarté au profit du droit à l’information “dans la mesure où ce traitement est nécessaire à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information.” En application du principe de proportionnalité, la suppression de l’article ou son anonymisation, même si celui-ci est relativement ancien, aurait pour conséquence une restriction excessive de la liberté de la presse.

En l’espèce, les juges ont donc décidé de faire primer le droit à l’information sur le droit à l’oubli.

On notera cependant que les juges soulignent le caractère spécifique des sociétés d’édition de presse, dont l’activité d’information doit être protégée, contrairement aux moteurs de recherches dont l’activité se limite à l’indexation d’informations disponibles en ligne.

                                                          * * * * * * * * * * *

(1) Cass. civ., ch. soc., 8 mars 2023, pourvoi n° 21-12.492

(2) TJ Paris, 17é ch. 30 juin 2021, M. X c. 20 Minutes France


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Avril 2023

jeudi 9 mars 2023

Avantages et inconvénients d’un projet informatique développé en mode Agile

 

Les méthodes Agiles, de plus en plus utilisées depuis le début des années 2000 pour gérer les projets informatiques, comportent de nombreux avantages, particulièrement en termes de flexibilité, mais peuvent également être source de litiges si le projet n’est pas géré de manière rigoureuse.

1. Bref rappel des méthodes Agiles

Les méthodes Agiles ont pris leur essor au début des années 2000, en réaction aux méthodes de développement classique en cascade ou en V.
 
Se voulant plus pragmatiques que les méthodes classiques de développement, leur objectif est de répondre au mieux aux besoins du client, sachant que ceux-ci ne sont pas nécessairement figés dès le début du projet. Les méthodes Agiles (Scrum, Extreme Programing, Lean Software Development, RAD, etc.) reposent sur des principes de souplesse, flexibilité en cours d’exécution du projet, collaboration soutenue entre les parties, requérant notamment une grande implication du client tout au long du projet, et rapidité d’exécution.

Ces pratiques de gestion de projets informatiques ont été conceptualisées en février 2001 dans le Manifeste Agile (The Agile Manifesto).(1) Elles reposent sur quatre valeurs fondamentales :

  • la prise en compte des individus et leurs interactions plutôt que les processus et les outils,
  •  un logiciel qui fonctionne, plutôt qu’une documentation complète,
  •  la coopération avec le client plutôt que la négociation du contrat, et
  •  l’adaptation au changement plutôt que le suivi d’un plan.

Ces méthodes incluent les notions de développement itératif, d’intégration continue et des tests et réception à l’issue de chaque itération.

Même si l’expression des besoins du client n’est pas figée, et même si un projet Agile doit reposer sur la confiance entre les parties, il convient toutefois de rester vigilant sur la conduite du projet afin d’éviter déconvenues et dérapages. Le contrat reste un outil indispensable pour traduire les principes de collaboration entre les parties et d’adaptation au fur et à mesure des demandes du client, et fournir une grille de travail aux parties pour éviter les malentendus sur les processus qui seront appliqués. Le projet, non figé dès le départ, peut en principe être suspendu à tout moment.

Par ailleurs, les conditions financières d’un projet Agile doivent être transparentes et validées avant de débuter les prestations. Certains projets pourront être conclus intégralement en régie (facturation au temps ou au nombre de jours passés), d’autres pourront être conclus au forfait, pour chaque itération par exemple. Enfin, il est toujours possible de prévoir une partie du projet soumise au forfait et une autre en régie.


2. L’arrêt du 6 janvier 2023 - une nouvelle consécration du modèle Agile

Les tribunaux ont été amenés à juger quelques affaires dans lesquelles des projets informatiques avaient été menés en appliquant une méthode Agile. Ainsi, dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 6 janvier 2023, les juges ont confirmé les conséquences d’un contrat exécuté en application d’une méthode Agile. (2)

La société Oopet, une startup dans le domaine des services aux animaux de compagnie, avait commandé le développement de deux applications mobiles et d’un site web à la société Dual Media Communication, prestataire informatique.

Le client a par la suite reproché au prestataire d’avoir notamment manqué à son obligation de conseil pour ne pas lui avoir recommandé de réaliser un cahier des charges, et d’avoir livré des prestations défectueuses.

Les juges n’ont pourtant pas considéré que le prestataire avait manqué à son obligation de conseil et de mise en garde. Ils relèvent les “nombreux échanges de courriels (qui) montrent que le développement des applications mobiles et du site internet devait suivre les souhaits précis de la société Oopet exprimés au fur et à mesure de l’envoi par la société Dual Media Communication des maquettes fonctionnelles. Les courriers et textos ont été nombreux (…)” Toutefois “face à une communication compliquée avec son client et en difficulté pour stabiliser les demandes de ce dernier, la société Dual Media prouve par ses nombreuses réponses et sa réactivité avoir rempli son devoir de conseil, (…)”. La Cour ne retient aucun manquement à l’encontre du prestataire et confirme donc le jugement du 7 octobre 2020. (3)

Même en l’absence de cahier des charges exhaustif, le client doit pouvoir définir a minima la finalité du projet et ses attentes (exigences formelles par exemple) afin que le prestataire comprenne ses besoins. Les juges rappellent que si l’obligation de conseil à la charge du prestataire dépend des besoins et objectifs du client, ce dernier doit les exprimer précisément. Or, le prestataire ne pourra exécuter correctement son obligation si le client ne lui fournit pas les informations nécessaires afin de lui permettre de répondre au plus près à ses besoins.

On rappellera, en toute logique, que ce type de contrat est soumis à une obligation de moyens de la part du prestataire. Il revenait donc au client de rapporter la preuve de manquements du prestataires à ses obligations, ce en quoi la société Oopet a échoué en l’espèce. (4)


    En conclusion, “agilité” n’est pas synonyme d’absence totale de formalisme. Au contraire, les parties se doivent d’être très impliquées dans le projet, de désigner des personnes aptes à conduire le projet et à prendre des décisions, côté prestataire mais aussi, côté client, et de suivre une méthodologie rigoureuse afin de garantir un résultat satisfaisant, tant pour le client (achèvement du projet) que pour le prestataire (recette des itérations et paiement des factures).

                                                    * * * * * * * * * * *

(1) Voir https://agilemanifesto.org/

(2) CA Paris, Pôle 5, ch. 11, 6 janvier 2023, Oopet c/ Dual Media Communication

(3) T. com. Paris, 8é ch., jugement du 7 octobre 2020, Oopet c/ Dual Media Communication

(4) Sur l’obligation de moyens dans un contrat Agile, voir T. com. Nanterre, 4ème ch., jugement du 24 juin 2016, Macif c. IGA Assurances, et CA Pau 2e ch., 19 Novembre 2018, Axiome Solution c/ Hors Limites 64



Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Mars 2023


vendredi 24 février 2023

Contrefaçon ou liberté d’expression artistique : le créateur des NFT MetaBirkins condamné pour contrefaçon de marque

Dans l’une des premières affaires relatives au droit des marques dans le métavers, le jury du tribunal du District Sud de New York vient de rendre une décision selon laquelle un artiste utilisant une marque associée à des NFTs, sans l’accord de ses ayants droit est coupable de contrefaçon. (1)


1. Les faits

En 2021, l’artiste américain Mason Rothschild (de son vrai nom Sonny Estival) a fondé le studio Gasoline, spécialisé dans la création de “solutions” pour le Web3. (2) Il lance un premier projet dénommé “Baby Birkin”, une image numérique animée représentant un sac Hermès Birkin avec un foetus à l’intérieur, associé à un NFT (non-fungible token - jeton non-fongible). L’image a été vendue 23.500$.

S’en est suivi un second projet, dénommé “MetaBirkins”, reprenant le modèle de sac Hermès Birkin en fausse fourrure de différentes couleurs. Cette image numérique, déclinée en 100 exemplaires aurait rapporté plus de 1,1 million de dollars à son créateur, selon Hermès. En parallèle, Mason Rothschild a enregistré le nom de domaine metabirkins.com. pour faire la promotion en ligne de la collection MetaBirkins, mise aux enchères sur des sites spécialisés dans la vente de NFTs.

Or, l’artiste n’a pas demandé l’autorisation à la société Hermès d’utiliser ce modèle de sac emblématique de la maison Hermès, ni la marque associée, Birkin.

En janvier 2022, la société Hermès a assigné l’artiste devant les tribunaux de New York pour contrefaçon du modèle de sac Birkin, de la marque associée, dilution de la marque Birkin et cybersquatting. Hermès demandait la cessation du projet, la récupération du nom de domaine metabirkins.com et le versement de dommages et intérêts.

2. Liberté créative vs contrefaçon de marque

Selon Mason Rothschild, la demande de la société Hermès est irrecevable. Pour sa défense, il invoque le 1er amendement de la Constitution américaine, qui garantit la liberté d’expression, arguant que les NFTs litigieux seraient des oeuvres d’art dénonçant la maltraitance animale. L’artiste se justifie en faisant un parallèle avec les célèbres tableaux de boîtes de soupe Campbell d’Andy Warhol.

Il invoque ensuite la jurisprudence Rogers vs Grimaldi, décision rendue en 1989 aux Etats-Unis, selon laquelle les utilisateurs d’une marque ne peuvent être poursuivis en contrefaçon, sous réserve que cette utilisation i) soit le fruit d’une expression artistique, et ii) n’induise pas expressément les consommateurs en erreur. (3)

Les NFTs MetaBirkins seraient donc le résultat d’une expression artistique, au même titre que les tableaux de Warhol et les utilisateurs ne seraient pas trompés sur leur origine.

Selon Hermès, la jurisprudence Rogers vs Grimaldi ne serait pas applicable à l’espèce. En effet, i) l’utilisation de la dénomination MetaBirkins pour désigner les NFTs n’est pas le résultat d’une expression artistique. Les NFTs MetaBirkins sont des actifs numériques, produits en 100 exemplaires. Il s’agirait d’une ligne de produits et non d’oeuvres d’art. La marque, et le nom de domaine, seraient utilisés non pas dans un cadre artistique mais au contraire, pour promouvoir une activité commerciale ; ii) l’utilisation de la marque, associée au modèle de sac peut induire le public en erreur sur l’origine de l’oeuvre.

A ce titre, on notera qu’Hermès a assigné Mason Rothschild pour contrefaçon dans le cadre du projet MetaBirkins, reproduit à 100 exemplaires, et non sur le premier projet (Baby Birkin) produit en un exemplaire unique.

En conséquence, les NFTs MetaBirkins ne peuvent bénéficier des règles plus favorables applicables aux créations artistiques, mais doivent au contraire être soumis à la réglementation applicable aux marques (Lanham Act). Or la reproduction d’une marque sans l’autorisation de ses ayants droit est une contrefaçon.

3. La décision

Le 8 février 2023, le jury, chargé de rendre sa décision dans cette affaire, a suivi l’argumentaire de la société Hermès et condamné Mason Rothschild à hauteur de 110.000$ pour contrefaçon de marque et 23.000$ pour cybersquatting.

Mason Rothschild a déclaré qu’il envisageait de faire appel de cette décision.

4. Les suites de l’affaire Hermès c. Mason Rothschild

On notera en l’espèce que les marques Hermès et Birkin sont des marques notoires, qui bénéficient à ce titre d’une exception au principe de spécialité, applicable en droit français des marques.

En effet, en application du principe de spécialité, une marque enregistrée n’est protégée que sur le territoire et pour les produits et/ou services désignés lors de l’enregistrement. Deux marques identiques ou similaires enregistrées dans différentes classes désignant des produits et/ou services distincts peuvent ainsi coexister.

La marque Birkin n’était pas enregistrée dans les classes permettant sa protection contre la contrefaçon numérique. Cependant, compte tenu de sa renommée, elle a pu bénéficier de l’exception au principe de spécialité qui permet d’étendre la protection de la marque au-delà du périmètre formel de l’enregistrement. Hermès a d’ailleurs déposé la marque Birkin dans les classes 9, 35 et 41 auprès de l’Office américain des marques (USPTO) en août 2022.

La question de la contrefaçon de marque par des NFTs reste donc posée pour les marques non notoires qui ne seraient pas enregistrées pour les produits et/ou services numériques. Il est donc recommandé, pour les produits et services susceptibles d’être utilisés dans le métavers, d’étendre l’enregistrement des marques aux classes permettant de protéger la marque dans l’environnement virtuel, telle que la classe 9 (selon la classification de Nice en vigueur).

Ce principe de précaution doit être étendu aux noms de domaine. Là encore, pour les produits et services susceptibles d’être utilisés dans le métavers, il est recommandé d’enregistrer les noms de domaines comprenant les termes liés au web3 (blockchain, NFT, meta…) afin de prévenir le cybersquatting.


         Même si cette décision a été rendue par une juridiction américaine, elle est intéressante à plus d’un titre. Pour la première fois, une marque désignant un produit physique peut voir sa protection étendue à sa représentation numérique. Ainsi, sous réserve des développements judiciaires en appel et du développement de la jurisprudence en France, cette décision a le mérite de rappeler aux créateurs et aux utilisateurs qui souhaiteraient commercialiser des produits de marque virtuels dans le métavers, que le droit des marques est étendu à ces mondes virtuels.

Enfin, les NFTs et les métavers ne sont pas ancrés dans un territoire géographique défini. Aujourd’hui régis par les CGU des plateformes et les smart contracts, il sera souhaitable d’encadrer ces contrats par un droit des actifs et des mondes virtuels homogène, malgré les différences entre les systèmes juridiques, afin de garantir un environnement social et économique stable, permettant à ces technologies innovantes de se développer de manière juridiquement sécurisée.

                                                    * * * * * * * * * * *

(1) Hermes International et al. v. Rothschild, Case No 1:22-CV-00384 (S.D.N.Y) 14 02 2023

(2) Le web3, successeur du web 2.0 est défini comme un web décentralisé exploitant la blockchain.

(3) Ginger Rogers vs Alberto Grimaldi, 875 F.2d 994 (2d Cir. 1989)



Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
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Février 2023