Messages les plus consultés

Affichage des articles dont le libellé est ARCEP. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est ARCEP. Afficher tous les articles

jeudi 12 septembre 2024

Loi SREN : dynamiser la concurrence sur le marché du Cloud

 


 Ce qu’il faut retenir

La loi Sécurité et Régulation de l’Espace Numérique (“loi SREN”) a été adoptée le 21 mai 2024. L’un des objectifs de la loi est de réduire la dépendance des utilisateurs aux fournisseurs de services Cloud (particulièrement les GAFAM) en prévoyant un certain nombre de mesures pour fluidifier le marché, mais également de renforcer la protection des données stratégiques et sensibles de l’administration dans le cadre de l’utilisation de ces services.

 

Lire la suite de l'articlehttps://www.deleporte-wentz-avocat.com/actualite-loi-sren-dynamiser-la-concurrence-sur-le-marche-du-cloud

mardi 19 octobre 2021

Sites pornographiques : le renforcement de la protection des mineurs


La problématique de l’accès des mineurs aux contenus pornographiques s’est accentuée ces dernières années avec notamment un accès à internet et l’utilisation des smartphones de plus en plus jeune. Une étude menée par l’Ifop en 2017 révèle ainsi que 82% des jeunes de moins de 18 ans déclarent avoir été exposés à du contenu pornographique, dont 30% des moins de 12 ans ! (1)

Face aux risques psychologiques et comportementaux que pose l’accès des enfants à des contenus pour adultes, le législateur tente de renforcer la réglementation sur les conditions d’accès aux sites pornographique, avec des obligations plus strictes de contrôle de l’âge des internautes.

Nous examinons ci-après les principales dispositions concernant les services en ligne et les mesures actuellement disponibles pour bloquer l’accès des mineurs aux sites pornographiques ainsi que les défis en matière de protection des données à caractère personnel et les solutions techniques disponibles.


1. La loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales et le décret d’application du 7 octobre 2021

    a) La protection des mineurs contre les contenus pornographiques en ligne et le pouvoir de régulation du CSA

L’une des missions du CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) est la protection de la jeunesse et des mineurs. Le rôle du Conseil, en tant que régulateur dans ce domaine est affirmé avec l’article 23 de la loi du 30 juillet 2020, qui dispose que :

Lorsqu'il constate qu'une personne dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne permet à des mineurs d'avoir accès à un contenu pornographique en violation de l'article 227-24 du code pénal, le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel adresse à cette personne (…) une mise en demeure lui enjoignant de prendre toute mesure de nature à empêcher l'accès des mineurs au contenu incriminé. La personne destinataire de l'injonction dispose d'un délai de quinze jours pour présenter ses observations. (…)” (2)

Si le contenu incriminé reste accessible aux mineurs à l’expiration de ce délai, le président du CSA peut saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner aux fournisseurs d’accès le blocage de l’accès au site en cause. Le président du CSA peut agir d’office ou sur saisine du ministère public ou de toute personne ayant intérêt à agir, telles que les associations de protection de l’enfance.

Pour être pleinement applicables, ces dispositions devaient être complétées par un décret. C’est chose faite avec la publication, le 7 octobre 2021, du décret relatif aux modalités de mise en oeuvre des mesures visant à protéger les mineurs contre l’accès aux sites pornographiques. (3)

Ce décret dispose notamment que pour apprécier si l’éditeur du site en cause permet à des mineurs d’avoir accès à un contenu pornographique en violation de l’article 227-24 du code pénal, le président du CSA tient compte du niveau de fiabilité du procédé technique mis en place pour s’assurer que les utilisateurs souhaitant accéder au service sont majeurs (article 3).

A cette fin, le CSA peut adopter des lignes directrices concernant la fiabilité de ces procédés techniques de blocage ou de filtration des utilisateurs.

Le décret précise que la suspension du site en cause pourra être réalisée par tout moyen approprié, notamment par le blocage par nom de domaine (DNS).

    b) L’avis de l’Arcep sur le projet de décret : attention à ne pas imposer de nouvelles obligations aux FAI

L’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) avait été saisie par le gouvernement pour avis sur le projet de décret.

Dans son avis, rendu le 11 mai 2021, l’Arcep notait que la technique de blocage DNS est déjà utilisée par les fournisseurs d’accès à internet pour bloquer des sites suite à une injonction des tribunaux (sites illicites, contrefaisants, etc.). (4)

Pour l’Arcep, les mesures de blocage doivent rester proportionnées. Or, le fait d’imposer aux FAI d’empêcher l’accès aux sites en cause “par tout moyen approprié” risque de faire peser sur les FAI une obligation allant au-delà des moyens de blocage habituels et la garantie que les internautes ne puissent recourir à des méthodes de contournement pour accéder aux sites concernés (VPN par exemple). Une telle obligation serait en contradiction avec l’article 6 7° de la Loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 (LCEN) qui dispose que les FAI “ne sont pas soumis à une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent (…).”

Par ailleurs, selon l’Arcep, le projet de décret ne précisait pas la nature des informations transmises par le CSA aux FAI (noms de domaine, adresses emails?), ni des modalités de mise en oeuvre des mesures de blocage (délai de mise en oeuvre, processus et délai de déblocage éventuel, etc.). Ces informations ne figurent toujours pas dans le décret du 7 octobre.


2. La loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste

L’article 23 de la loi du 30 juillet 2020 a été complétée par la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste. Les articles de cette loi ont modifié le code pénal (articles 227-21-1 à 227-28-3).

Ces articles concernent les actes d’adultes envers des mineurs (favoriser ou tenter de favoriser la corruption d’un mineur ; faire des propositions sexuelles à un mineur ; inciter un mineur à commettre un acte de nature sexuelle), en utilisant un moyen de communication électronique. Les peines s’échelonnent entre deux ans et sept ans d’emprisonnement et de 30.000€ à 100.000€ d’amende, suivant le type d’infraction commise (art. 227-22 à 227-22-2).

L’article 227-23 du code pénal dispose que le fait de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image ou la représentation d’un mineur lorsque l’image ou la représentation présentent un caractère pornographique est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000€ d’amende. Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100.000€ d’amende lorsqu’un réseau de communication électronique a été utilisé pour la diffusion de ces images.

Les peines sont généralement majorées lorsqu’il s’agit d’un jeune de moins de 15 ans.

Enfin, l’article 227-24, auquel il est fait référence à l’article 23 de la loi du 30 juillet 2020 et dans le décret du 7 octobre 2021, prévoit que le fait de diffuser (notamment) par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère (notamment) violent, pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, ou encore de faire commerce d‘un tel message est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75.000€ d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu par un mineur.

Les infractions sont constituées même si l’accès du mineur aux messages en cause résulte d’une simple déclaration de celui-ci indiquant qu’il est âgé d’au moins dix-huit ans. Or de nombreux sites pornographiques sont d’accès libre ou n’affichent qu’un message demandant au visiteur de confirmer s’il est majeur.


3. Le défi de la mise en oeuvre de solutions efficaces de blocage de l’accès des mineurs aux sites pornographiques

L’objectif de la réglementation n’est évidemment pas la moralisation ou la censure d’internet, mais la mise en place de mesures effectives de protection des mineurs contre des contenus non adaptés à leur âge.

Ces dispositions renforcent désormais l’obligation, pour les sites pornographiques, de contrôler de façon effective l’âge des utilisateurs dès leur connexion, pour bloquer les mineurs. Or, le texte de loi ne donne pas d’indication technique aux sites pour se mettre en conformité. Comme mentionné plus haut, le CSA pourra adopter des lignes directrices relatives à la fiabilité des procédés techniques de blocage ou de filtration des utilisateurs.

La réglementation et les tribunaux prennent généralement en compte l’état de l’art, à savoir les solutions disponibles, à un moment donné, sachant que celles-ci devraient évoluer et être de plus en plus largement utilisées dans les années à venir.

L’obligation de filtrage des visiteurs s’impose aux éditeurs de sites pornographiques. Ceux-ci peuvent toutefois dans un premier temps rappeler l’utilité pour les parents d’installer une solution de contrôle parental sur les appareils utilisés par leurs enfants. Cette solution est cependant imparfaite puisque ce système n’empêche pas les enfants de consulter des sites pour adultes sur les appareils de tiers (famille, amis) qui n’auraient pas installé ce type de logiciel.

Concernant le blocage des mineurs, nous pouvons identifier les solutions suivantes, chacune ayant ses contraintes et ses limites :

    a) La demande de la date de naissance de l’utilisateur
Ce système, un peu plus bloquant que la simple déclaration de majorité, notamment chez les très jeunes, ne paraît pas assez efficace pour bloquer effectivement les mineurs, si elle n’est accompagnée d’aucun contrôle pour confirmer que la date de naissance de l’utilisateur est correcte.

L’article 227-24 al.3 prévoit que les infractions sont constituées même si le mineur a déclaré qu’il était âgé d’au moins 18 ans. Cette disposition pourrait être interprétée comme applicable tant à la simple confirmation du statut de majeur qu’à la saisie d’une fausse date de naissance par un mineur.

    b) La demande des coordonnées de carte bancaire
Une solution envisagée pour bloquer l’accès aux mineurs de manière plus efficace est de demander de saisir un numéro de carte bancaire lors de l’accès au site (sans débit, avec débit nominal afin de valider la carte, ou pour un accès payant au site). Même si certains jeunes de moins de 18 ans disposent d’une carte bancaire, et que d’autres pourraient utiliser la carte d’un adulte (sous réserve de connaître le code PIN de la carte …), ce système permet en principe de bloquer une plus grande partie des mineurs qui tentent d’accéder à un site pornographique.

    c) La demande de la copie d’une pièce d’identité
Enfin, il est possible de demander à chaque nouveau visiteur d’envoyer une copie de sa pièce d’identité à l’éditeur du site (ou à un service tiers), pour contrôler sa date de naissance.

Pour le moment, ce système semble le plus fiable mais est particulièrement contraignant : l’utilisateur doit scanner une pièce d’identité ; le contrôle doit être traité manuellement (il existe toutefois des services de contrôle numérique de pièces d’identité françaises) ; ce système aurait vraisemblablement un impact sur le nombre de visiteurs d’âge adulte. En cas d’utilisation d’un service tiers par l’éditeur du site, celui-ci n’aurait pas directement accès aux données personnelles du visiteur (hormis en cas d’inscription de l’utilisateur au site). Dans le cas contraire, il est recommandé de détruire la copie de la pièce d’identité dès le contrôle de la date de naissance réalisé.

    d) L’utilisation d’un service d’identité numérique
Les principales critiques relatives à la mise en place de solutions de blocage des mineurs concernent l’atteinte potentielle à la vie privée des utilisateurs, l’objectif étant de trouver l’équilibre entre un contrôle efficace de l’âge des visiteurs souhaitant accéder aux sites pornographiques et un système le moins invasif possible en matière de collecte de données personnelles, a priori sensibles (données relatives à l’orientation ou aux pratiques sexuelles).

Des services d’identité numérique proposés par des sociétés privées se développent, principalement pour sécuriser l’accès aux services en ligne, et garantir l’identité des individus en bout de chaîne (accès, signature, etc.).

On peut citer par exemple, Identité Numérique, service proposé par la société Docapost, filiale de La Poste. Ce service est utilisé notamment pour vérifier l’identité de l’utilisateur. Identité Numérique est principalement utilisé dans la banque (ouverture de compte, souscription de prêt, …) et dans le cadre d’achats immobiliers. Un autre exemple est My18Pass. Ce service se présente comme une solution de vérification simple et sécurisée de l’âge des utilisateurs.


4. La décision de rejet du blocage de sites pornographiques par le TJ de Paris


Dans un jugement du 8 octobre 2021, le tribunal judiciaire (TJ) de Paris a rejeté la demande de blocage de 9 sites pornographiques, intentée par les associations E-Enfance et La Voix de l’Enfant à l’encontre de 6 fournisseurs d’accès (dont Orange, SFR, Bouygues Telecom, et Free). (5)

En effet, ces sites n’avaient pas mis en place de solution de filtrage des utilisateurs, sachant que les mineurs pouvaient accéder aux contenus pornographiques soit directement, soit en confirmant simplement, sur la fenêtre s’affichant sur la page d’accueil des sites, qu’ils avaient plus de 18 ans.

La décision du tribunal de rejeter la demande des associations est fondée sur un problème procédural et non sur une question de fond.

En l’espèce, le tribunal a reconnu que l’accès des mineurs aux contenus de nature pornographique de ces sites constituait bien un trouble manifestement illicite, conformément à l’article 835 du code de procédure civile. Toutefois, en application des dispositions de l’article 6 de la LCEN, les demandeurs auraient dû contacter les éditeurs des sites hébergeant les contenus en cause avant de poursuivre les fournisseurs d’accès, d’autant que les coordonnées des éditeurs des sites étaient identifiées.

Il est vraisemblable que ces associations vont introduire une nouvelle action, soit par l’intermédiaire du CSA, soit en direct, à l’encontre de ces sites web, si ces derniers n’ont toujours pas mis en place de système de filtration des utilisateurs lors de l’accès à leurs sites.


       Ce phénomène, et les mesures de protection des mineurs, n’est évidemment pas limité à la France. Ainsi, en 2017, le Royaume-Uni a tenté d’imposer la vérification de l’âge des visiteurs de sites pornographiques accessibles sur son territoire. (6) Toutefois, face à l’impossibilité de trouver une mesure efficace et satisfaisante, cette mesure qui devait entrer en application en avril 2018, a finalement été abandonnée en octobre 2019. (7)

* * * * * * * * * * *

(1) Etude Ifop et Observatoire de la Parentalité et de l’Education Numérique, “Les adolescents et le porno : vers une “génération YouPorn” ?”, 15 mars 2017

(2) Loi n°2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales

(3) Décret n°2021-1306 du 7 octobre 2021 relatif aux modalités de mise en oeuvre des mesures visant à protéger les mineurs contre l’accès à des sites diffusant un contenu pornographique

(4) Avis n°2021-0898 de l’Arcep du 11 mai 2021 concernant le projet de décret relatif aux modalités de mise en oeuvre des mesures visant à protéger les mineurs contre l’accès à un site diffusant un contenu pornographique

(5) Tribunal juridiciaire de Paris, 8 oct. 2021, associations E-Enfance et La Voix de l’Enfant c. Orange, SFR, et autres, n°RG 21/56149

(6) Digital Economy Act 2017 - Part 3

(7) BBC News, “UK’s controversial ‘Porn Blocker’ plan dropped”, 16/10/2019


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Octobre 2021


lundi 9 janvier 2012

Déploiement de la fibre optique : un projet qui se prépare et qui doit être géré dans la durée

Le déploiement de la fibre optique dans les immeubles d’habitation (FttH) est un projet complexe qui suscite trop souvent des frustrations, des malentendus, voire des conflits entre les (co)propriétaires et les opérateurs d’immeuble. Or, une grande partie de ces problèmes pourraient être évités si le déploiement de la fibre était, d’une part géré en amont comme un véritable projet par les propriétaires, d’autre part géré pendant la durée de l’installation et au-delà, pendant la poursuite de la convention, pour s’assurer de sa bonne exécution.


1. La préparation du projet de déploiement de la fibre optique : cahier des charges et sélection de l’opérateur d’immeuble

Un projet de déploiement de fibre ne peut être entrepris ni à la légère, ni de manière improvisée.

Comme tout projet complexe et technique, il convient au préalable, pour les propriétaires, de prendre connaissance des contraintes techniques et opérationnelles, définir les besoins et/ou identifier les difficultés potentielles, et ce, avant même de sélectionner l’opérateur qui sera en charge de l’installation de la fibre optique dans l’immeuble.

Bien que tout ou partie de ces informations sont collectées par l’opérateur d’immeuble lors de la signature de la convention, il est recommandé aux propriétaires de faire cet exercice de préparation de projet, préalablement à la sélection de l’opérateur d’immeuble et à la signature de la convention, et ce, que les propriétaires soient occupants ou bailleurs.

Les contraintes techniques et opérationnelles
Ces contraintes peuvent varier suivant le type d’immeuble ou de copropriété concerné : immeuble d’habitation ou immeuble mixte (habitation et bureaux), immeuble ancien ou moderne, immeuble de style ou de standing ou non. Le type de propriété peut également avoir un impact dans la préparation du projet : propriétaire unique, propriétaire institutionnel, copropriété, ou indivision.

Une fois que ces contraintes éventuelles auront été identifiées, il sera recommandé de les intégrer dans un cahier des charges.

La définition des besoins
Même dans les cas où les besoins peuvent paraître “standard”, il nous semble important de rédiger un cahier des charges qui sera remis à l’opérateur ou aux opérateurs pré-sélectionnés.

Ce document, qui pourra être rédigé directement par le propriétaire (ou le syndic de copropriété) ou par une société de conseil spécialisée, devra indiquer a minima le type d’immeuble, la taille, sa topologie (nombre d’étages, de logements, habitation et/ou bureaux, etc.), et intégrer le plan des parties communes avec, le cas échéant, les emplacements des gaines de câblage existantes, sans oublier d’intégrer les contraintes techniques et opérationnelles qui auraient pu être relevées.

Si le propriétaire souhaite que des précautions particulières soient prises pour le câblage afin de ne pas dénaturer le caractère de l’immeuble par exemple, cette exigence devra être définie, accompagnée éventuellement de propositions précises de la part de l’opérateur pour le câblage.

La sélection de l’opérateur d’immeuble
Il n’est malheureusement pas toujours possible de faire jouer la concurrence entre les opérateurs, notamment lorsque l’immeuble est situé en zone rurale ou peu urbanisée.

Par contre, si l’immeuble est situé dans une zone urbanisée, il est toujours préférable de mettre deux ou plusieurs opérateurs en concurrence, même si une offre de câblage a été faite à la copropriété par un opérateur. Parmi les critères à prendre en compte dans la sélection de l’opérateur, il sera important de savoir si l’opérateur a déployé la fibre dans la rue (déploiement horizontal), ce qui peut faciliter ensuite le déploiement dans l’immeuble (déploiement vertical), ou bien si l’opérateur est déjà opérateur d’immeuble dans le voisinage, etc.

En outre, le propriétaire peut se renseigner dans le voisinage, auprès des autres immeubles qui auraient déjà la fibre, sur la réalisation des engagements de l’opérateur d’immeuble retenu. Dans le cas d’un syndic, son expérience des relations avec les opérateurs d’immeuble dans les autres copropriétés qu’il gère peut également être utile à la sélection.

Les propriétaires ne disposent pas toujours d’une période étendue pour réaliser ces études préalables et définition des besoins. Pour les copropriétés, le syndic devra inscrire l’offre de câblage d’un opérateur à l’ordre du jour de la prochaine AG.(1) En cas de propriétaire unique, celui-ci ne pourra s’opposer au câblage en fibre optique que pour un motif “légitime et sérieux”, sachant que cette motivation est appréciée de manière restrictive par les tribunaux. Hormis le motif légitime de refus, l’offre de raccordement doit être faite dans un délai de 3 mois et les travaux dans les 3 mois suivant la proposition de raccordement.


2. La conclusion du projet et son suivi : la convention de déploiement de la fibre optique

La convention d’installation de la fibre
Les conditions d’installation de la fibre optique sont réglementées par le Code des postes et des communications électroniques (CPCE).(2) Une grande partie des règles relatives au déploiement et à l’accès au réseau de fibre optique énoncées au CPCE sont d’ordre public et se fondent sur les principes du libre accès à l’information et du droit à l’antenne (droit au raccordement au réseau à très haut débit).

L’article L.33-6 du CPCE dispose que les conditions d’installation, de gestion, d’entretien et de remplacement de lignes en fibre optique font l’objet d’une convention entre un opérateur d’immeuble et le propriétaire (ou le syndic pour le compte de la copropriété, dûment autorisé).

L’ARCEP a publié une nouvelle convention-type FttH en mai 2011, en remplacement d’une précédente convention-type datant de 2008.(3) Il ne s’agit cependant que d’une convention-type, fournissant un cadre contractuel aux parties, propriétaires et opérateurs d’immeubles.(4)

Aucune disposition législative n’impose l’utilisation de la convention-type. En application du principe de la liberté contractuelle, les parties restent libres de conclure une convention d’installation de la fibre optique dans des termes négociés, sous réserve du respect des dispositions réglementaires impératives (telles que la prise en charge des frais d’installation par l’opérateur d’immeuble, l’obligation de mutualisation des lignes, ou la durée des travaux d’installation qui ne doit pas excéder 6 mois, par exemple).(5)

Que les parties optent pour le modèle de convention-type ARCEP, ou qu’elles décident de conclure un contrat sur un autre modèle, la convention devra intégrer les éléments suivants : les conditions de suivi et de recette des travaux d’installation, les modalités d’accès aux parties communes de l’immeuble, la police d’assurance dans les conditions prévues à l’article 7 de la convention-type ; auxquels il est conseillé d’ajouter des engagements de qualité, les standards techniques mis en oeuvre par l’opérateur (spécifications techniques de l’installation pour la mise en oeuvre effective de la mutualisation du réseau avec les opérateurs commerciaux), le plan d’installation des lignes avec indication des points de raccordement et de terminaison, les modalités spécifiques de gestion, d’entretien et de remplacement des lignes pendant la durée de la convention, la durée (si dans le cas de la convention-type, celle-ci n’est pas de 25 ans), des modalités complémentaires relatives aux cas et à la procédure de résiliation anticipée de la convention, enfin, les modalités d’évolution de la convention.

Enfin, dans le cas des copropriétés, il est recommandé d’annexer l’extrait du procès-verbal de l’assemblée générale comprenant la résolution relative à l’accord de la copropriété sur l’installation de la fibre, habilitant le syndic à signer la convention d’installation avec l’opérateur pour le compte de la copropriété.

Le suivi de l’exécution des obligations de l’opérateur d’immeuble
De nombreux griefs sont opposés à l’encontre des opérateurs, depuis le non-respect du délai de 6 mois pour finaliser l’installation, en passant par les problèmes d’installations incomplètes (non raccordement au réseau horizontal - FttB), jusqu’aux problèmes des points de terminaison non installés chez les occupants, et les problèmes liés à la non-intéropérabilité du réseau pour bloquer l’accès aux opérateurs tiers (le principe et les conditions de la mutualisation du réseau étant définis à l’article L.34-8-3 du CPCE), etc.

Force est de constater que dans le cadre de l’installation de la fibre optique, puis de l’exécution de la convention, les (co)propriétaires doivent faire face à des difficultés de plusieurs ordres :
- l’absence de préparation du projet de déploiement de la fibre dans la copropriété ;
- le fait que de nombreux propriétaires ne tiennent pas à s’investir dans un projet technique tel que le déploiement de la fibre optique, et s’en remettent à l’opérateur ayant fait une proposition d’installation, sans mise en concurrence ;
- les délais de réaction et de prise de décision souvent soumis à la contrainte (nécessaire) de la tenue d’une AG dans le cas des copropriétés ;
- les problèmes de suivi en cas de manquement par l’opérateur à ses obligations contractuelles ;
- le caractère technique du dossier, pas toujours anticipé par les (co)propriétaires ;
- sans occulter le fort déséquilibre économique entre les parties (nombre très limité d’opérateurs face à une multitude de propriétés et copropriétés de toutes tailles), qui rend les négociations difficiles.

Il est cependant recommandé, pour les projets d’installation comme pour les conventions en cours d’exécution, de gérer le projet de manière attentive et suivi, avec à la clé une amélioration du niveau d’exécution des prestations.

* * * * * * * * * *

(1) Loi No2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, et plus particulièrement l’article 109 I et II
(2) Voir les articles L.33-1 et suivants, L.34-8-3 et suivant et R.9-2 et suivants du Code des postes et des communications électroniques (CPCE)
(3) A ce sujet, voir notre article “Qui est propriétaire de la fibre optique ?” (http://dwavocat.blogspot.com/2011/07/qui-est-proprietaire-de-la-fibre.html)
(4) La convention-type est accessible sur le site de l’Arcep à l’URL http://www.arcep.fr/index.php?id=10349
(5) Voir articles R.9-3 et R.9-4 du CPCE. Nous n’étudions pas ici les problèmes d’exécution pour les parties ayant déjà conclu une convention d’installation sur le modèle des conventions-type Arcep 2008 ou 2011. Concernant la convention-type Arcep 2011, il est en principe possible de négocier des avenants si les parties ont prévu des conditions d’évolution de la convention. Par contre, concernant les conventions conclues sur le modèle de la convention-type Arcep 2008, ou de la convention-type Arcep 2011 sans possibilité d’évolution de la convention, la seule possibilité offerte aux parties en cas de manquements substantiels serait de faire une demande de résiliation judiciaire de la convention.


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Janvier 2012

lundi 18 juillet 2011

Qui est propriétaire de la fibre optique ?


Le cadre réglementaire relatif au déploiement des réseaux en fibre optique (FTTH) jusqu’aux abonnés est formalisé par une convention-type, éditée par l’ARCEP et signée entre les (co)propriétaires d’immeubles et les principaux opérateurs. (1) Cette convention a pour objet de définir les conditions d'installation, de gestion, d'entretien et de remplacement des lignes de fibre dans les immeubles.

Une première convention, datant de 2008, accorde la propriété de la fibre aux opérateurs d'immeuble pendant toute la durée de la convention (15 ans, renouvelable), mais sans définir qui en sera propriétaire à la date d’expiration de la convention.

Une étude, publiée par le cabinet Sia Conseil, a identifié les lacunes de ce texte. Les copropriétaires pourraient ainsi devenir propriétaires de ces infrastructures ; cette situation engendrerait, pour les opérateurs, des pertes financières conséquentes compte tenu des investissements réalisés pour le déploiement des réseaux internes des immeubles (ou réseaux verticaux).

L’ARCEP a édité une nouvelle convention, fin mai 2011, prévoyant la possibilité pour les opérateurs de rester propriétaires des infrastructures qu’ils ont installées, au terme de la convention (d’une durée de 25 ans, renouvelable). Ce texte s’applique aux futurs signataires. Cependant, la question de la propriété de la fibre pour les conventions déjà conclues reste en suspens.

Comment résoudre la question de la propriété du réseau FTTH à l'issue de la convention-type de 2008 ?

Plusieurs options sont envisageables :

- Le transfert de la propriété du réseau de l'immeuble à la copropriété : si l'on applique la convention-type de 2008 dans ses termes actuels, et hors dispositif réglementaire qui viendrait régler cette question, la propriété du réseau FTTH reviendrait de droit à la copropriété à l'issue de cette convention, à savoir, en 2023 pour les premières conventions conclues en 2008. Les copropriétés concernées deviendraient ainsi opérateurs d'immeuble et seraient soumises aux dispositions législatives et réglementaires applicables. La question de l'indemnisation de l'opérateur ayant déployé le réseau vertical dans l'immeuble n'est pas prévue. La copropriété-opérateur pourra alors faire payer un droit de passage aux opérateurs tiers sur la partie terminale du réseau jusqu'aux abonnés (application du principe de mutualisation de la partie terminale du réseau FTTH). (2)

- La négociation contractuelle : cette solution passera soit par la négociation et la signature d'un avenant à la convention, prévoyant les conditions relatives à la propriété du réseau au terme de la convention, soit éventuellement par la négociation de la résiliation anticipée de la convention en cours sous réserve des conditions de résiliation prévues à la convention, et l'application de la nouvelle convention-type de 2011. Cette option contractuelle est évidemment soumise à l'accord des deux parties, copropriétaires et opérateurs d'immeubles, ce qui entraînera probablement des négociations difficiles.

Il est cependant possible que soit l'ARCEP, soit le législateur prennent des mesures afin de résoudre la question par la voie réglementaire avant l'arrivée du terme des premières conventions, fin 2023.

La nouvelle convention-type de mai 2011, si elle apporte une réponse à la question de la propriété de la fibre, ne satisfait cependant pas tous les acteurs concernés.

La nouvelle convention stipule que l'opérateur d'immeuble qui a installé et financé le déploiement du réseau de fibre optique est responsable de son entretien, de sa maintenance et de son accès par des opérateurs tiers (principe de mutualisation). L'opérateur d'immeuble est et demeure propriétaire du réseau qu'il a installé au terme de la convention, et assure la continuité du service jusqu'à la prise en charge éventuelle du réseau par un nouvel opérateur d'immeuble, choisi par la copropriété. Le nouvel opérateur d'immeuble soit pourra racheter le réseau existant à l'opérateur précédent, soit devra déployer un nouveau réseau de fibre. La copropriété pourra également décider de devenir opérateur d'immeuble. (3)

Cependant, l'ARC (Association des Responsables de Copropriétés) s'oppose notamment à la durée de la nouvelle convention-type de 2011, portée à 25 ans (contre 15 ans pour la convention de 2008) et a appelé les copropriétés concernées à la boycotter.


En tout état de cause, la convention-type de l'ARCEP constitue un cadre contractuel de référence. Il ne s'agit en aucune manière d'un document imposé. Les parties, opérateurs d'immeubles et copropriétés, restent libres de signer leur propre contrat de déploiement de réseau de fibre optique dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires applicables.

En conclusion, en l'absence de disposition réglementaire précise, la question de la propriété du réseau FTTH risque fort de rester l'une des pierres d'achoppement des négociations entre opérateurs d'immeubles et copropriétés dans les mois, voire les années à venir.



(1) FTTH (ou FttH) signifie "Fiber to the Home", ou fibre jusqu'au domicile
(2) Le principe de mutualisation de la partie terminale du réseau de fibre optique a été défini par la Loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) et figure à l'article L34-8-3 du Code des postes et des communications électroniques.
(3) source: site de l'ARCEP: www.arcep.fr


Bénédicte DELEPORTE - Avocat

Deleporte Wentz Avocat

juillet 2011