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samedi 9 février 2013

La directive DME2 relative aux établissements de monnaie électronique enfin transposée en droit français

La France vient de transposer la Directive européenne du 16 septembre 2009 relative au statut des établissements de monnaie électronique (dite "DME2") avec la loi du 28 janvier 2013. Cette loi a créé un nouveau cadre légal relatif à l'accès et à l’exercice de l'activité d'établissement de monnaie électronique ("EME"). Un EME est une personne morale, autre qu'un établissement de crédit, émettant et gérant à titre de profession habituelle de la monnaie électronique. (1)

Jusqu'à présent, en France, les services de monnaie électronique ne pouvaient être proposés que par des banques ou des établissements de crédit. Ainsi, les entreprises françaises souhaitant proposer ces services devaient nécessairement obtenir un agrément en tant qu'établissement de crédit, nécessitant une mise en conformité avec un régime très strict. La transposition de la Directive DME2 en droit français, permettant un assouplissement de ce régime, était donc attendue par les entrepreneurs n’appartenant pas au domaine bancaire qui souhaitent se lancer dans l’activité de fourniture de service de monnaie électronique.

Les nouvelles dispositions légales, codifiées en partie dans le Code monétaire et financier, concernent d’une part, les conditions d’accès à l’activité d’EME et d’autre part, les conditions d’exercice de cette activité. (2) Le non respect de ces conditions est sévèrement sanctionné.

1. Les conditions d'accès à l'activité d’établissement de monnaie électronique
Afin de pouvoir émettre et gérer de la monnaie électronique à titre de profession habituelle, il est nécessaire de remplir les conditions suivantes :

    1.1  L’agrément de l’ACP
Préalablement à l’émission et à la gestion de monnaie électronique, les EME doivent obtenir un agrément délivré par l’Autorité de contrôle prudentiel ("ACP"), après avis de la Banque de France.

Pour délivrer l’agrément, l’ACP s’assure de l’aptitude de l’entreprise requérante à garantir une gestion saine et prudente de l’établissement. Ainsi, l'ACP vérifie que l'EME dispose d'un solide dispositif de gouvernement d'entreprise, comprenant notamment une structure organisationnelle claire avec un partage des responsabilités bien défini, transparent et cohérent. En outre, l'ACP apprécie la qualité des actionnaires ou associés qui détiennent une participation qualifiée. Elle vérifie ainsi que l'EME est dirigé effectivement par deux personnes au moins possédant l'honorabilité ainsi que la compétence et l'expérience nécessaires à leur fonction et requises pour les activités d'émission et de gestion de monnaie électronique.

L'établissement doit satisfaire à tout moment aux conditions de son agrément. Toute modification de ces conditions ayant une incidence sur l'exactitude des informations fournies au moment de la demande doit faire l'objet d'une déclaration auprès de l'ACP.

Le retrait de l'agrément de l'EME peut être décidé d'office par l'ACP lorsque l'établissement (i) ne fait pas usage de l'agrément dans un délai de 12 mois ou a cessé d'exercer son activité pendant une période supérieure à 6 mois, (ii) a obtenu l'agrément au moyen de fausses déclarations ou par tout autre moyen irrégulier, ou (iii) ne remplit plus les conditions auxquelles est subordonné son agrément.

    1.2  Un capital social minimum obligatoire
Pour délivrer l’agrément, l’ACP vérifie si l’établissement candidat dispose, au moment de la délivrance de l’agrément, d’un capital libéré d’un montant au moins égal à un montant qui sera fixé par voie réglementaire. La Directive DME2 prévoit un seuil minimal de 350.000€.

2. Les conditions d'exercice de l'activité d’établissement de monnaie électronique
L'exercice de l'activité d'EME est soumis aux conditions suivantes :

    2.1  Des dispositions prudentielles particulières
- Le respect de normes de gestion strictes : les EME sont tenus de respecter des normes de gestion destinées à garantir leur solvabilité ainsi que l’équilibre de leur structure financière. Ils disposent également d’un dispositif approprié de contrôle interne, permettant notamment de mesurer les risques et la rentabilité de leurs activités. Enfin, les EME doivent respecter un niveau de fonds propres adéquat. Comme pour le capital initial, le montant minimum des fonds propres et les modalités de calcul y afférentes seront fixées par voie réglementaire.

- Les conditions de l’externalisation de fonctions opérationnelles
: les EME qui souhaitent externaliser une partie de leurs "fonctions opérationnelles" doivent en informer l'ACP. Cette externalisation ne doit pas être faite d'une manière qui nuise à la qualité du contrôle interne de l'établissement ou qui empêche l'ACP de contrôler que cet établissement respecte les obligations qui lui incombent. Les conditions d'application précises de ces nouvelles dispositions seront fixées par voie d'arrêté.

    2.2  Des règles spécifiques en matière de secret professionnel et de comptabilité
- Le secret professionnel : toute personne au sein d'un EME (membre du conseil d'administration ou de surveillance, membre de la direction ou employé) est tenu au secret professionnel.

Toutefois, ce secret peut être levé dans deux cas. Les EME peuvent communiquer des informations couvertes par le secret professionnel (i) au cas par cas, lorsque les personnes concernées ont donné leur consentement exprès, et (ii) aux personnes avec lesquelles ils négocient, concluent ou exécutent certaines opérations, dès lors que ces informations sont nécessaires à celles-ci (par exemple, en cas de prises de participation ou de contrôle dans un EME, de cessions d'actifs ou de fonds de commerce ou de cessions ou transferts de contrats).

- Les règles de tenue de la comptabilité et de contrôle légal des comptes : les EME sont soumis à plusieurs obligations d'ordre comptable concernant l'édition des inventaires, comptes et rapports de gestion, la publication des comptes annuels, la désignation ou la convocation d'un commissaires aux comptes, etc. L'ACP s'assure que les publications de comptes annuels sont régulièrement effectuées et peut ordonner à l'établissement de procéder à des publications rectificatives, en cas d'inexactitudes ou d'omissions relevées dans les documents publiés.

    2.3  Les activités autorisées
En sus de l’émission, la gestion et la mise à disposition de monnaie électronique, les EME peuvent :
    - (i) fournir des services de paiement,
    - (ii) fournir des services connexes à la prestation de services de paiement ou étroitement liés à l’émission et la gestion de monnaie électronique (par exemple, des services de change et de garde, l’enregistrement et le traitement des données), et
    - (iii) exercer une activité commerciale autre que les activités mentionnées ci-dessus. Toutefois, ces activités commerciales ne doivent pas être incompatibles avec les exigences de la profession, notamment le maintien de la réputation de l’établissement, de la primauté des intérêts des clients et du jeu de la concurrence sur le marché considéré.

Les modalités selon lesquelles les EME exercent, à titre de profession habituelle, une activité autre que l'émission et la gestion de monnaie électronique seront fixées par voie d'arrêté.

    2.4  La protection du consommateur

La loi prévoit des obligations contractuelles particulières relatives à l’information préalable du consommateur. Les conditions contractuelles doivent être communiquées dans des termes clairs et aisément compréhensibles au client détenteur de monnaie électronique, avant tout contrat ou offre liant les parties.

La monnaie électronique est remboursée par l'établissement émetteur au détenteur de monnaie électronique qui en fait la demande. Le remboursement des unités de monnaie électronique doit être effectué sans frais pour le détenteur, sauf exceptions. Dans ce cas, le contrat doit préciser les conditions, le montant, la nature et le détail de calcul de ces frais.

    2.5  Un régime allégé pour les petits EME
La loi prévoit un régime allégé pour les petits EME. Ces établissements pourront être exemptés de l'essentiel du dispositif prudentiel, si leurs activités commerciales dans leur ensemble génèrent une moyenne de la monnaie électronique en circulation inférieure à un montant qui sera fixé par décret. La directive DME2 prévoit un plafond maximal de 5 millions d'euros.

3. Les sanctions applicables en cas d’infraction à la loi

La loi prévoit plusieurs sanctions en cas d’infraction à la loi par l’établissement ou ses dirigeants.

- Les sanctions applicables à l’établissement : sont notamment punis de 3 ans d'emprisonnement et 375.000€ d'amende (1.875.000€ pour les personnes morales), toute personne ou entreprise, autre que les EME (i) émettant et gérant de la monnaie électronique à titre de profession habituelle, ou (ii) utilisant une dénomination, une raison sociale, une publicité ou, d’une façon générale, des expressions faisant croire qu’elle est agréée en tant qu’établissement de monnaie électronique.

Ces peines principales peuvent être accompagnées de peines complémentaires telles que l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, ou la fermeture des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés, pour une durée de 5 ans au plus.

- Les sanctions propres aux dirigeants d'EME
: le dirigeant d'un établissement peut être condamné à des peines allant jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 75.000 € d'amende, dans les cas suivants :
    - défaut de réponse, après mise en demeure, aux demandes d'informations de l'ACP ; obstacle à l'exercice par l'ACP de sa mission de contrôle ou communication de renseignements inexacts ;
-     édition et publication des inventaires, comptes annuels et rapports de gestion, ne respectant pas les conditions prévues par la loi ;
    - défaut de désignation ou convocation des commissaires aux comptes dans les cas prévus par la loi ; obstacle aux vérifications ou contrôles des commissaires aux comptes ou refus de communication des pièces utiles à l'exercice de leur mission.


      Avec la transposition de la DME2, la loi du 28 janvier 2013 crée un régime juridique autonome pour les établissements de monnaie électronique. Ce régime "simplifié" doit favoriser l'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché de la monnaie électronique.

Les dispositions de la loi de 2013 s’appliquent aux établissements qui proposaient déjà ces services avant la transposition de la directive. Les contrats en cours de ces établissements  devront être modifiés afin de se mettre en conformité avec les nouvelles règles applicables. Les clauses des contrats contraires à la loi sont considérées comme caduques. Les établissements émetteurs sont tenus de mettre les contrats les liant à leurs clients détenteurs de monnaie électronique, en conformité avec la nouvelle loi dans les 6 mois à compter de sa promulgation, soit au plus tard fin juillet 2013.

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(1) Directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements, modifiant les directives 2005/60/CE et 2006/48/CE et abrogeant la directive 2000/46/CE (DME2) ; Loi n°2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.

(2) La loi du 28 janvier 2013 est codifiée au Code monétaire et financier. Voir notamment les articles L.133-29, L.315-1 et s., L.525-1 et s., L.526-1 et s., et L.572-13 et s. du Code monétaire et financier.

Betty SFEZ - Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.deleporte-wentz-avocat.com

Février 2012