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vendredi 5 octobre 2012

E-commerce : les conditions de validité et d’opposabilité des contrats de vente en ligne B-to-C

Sur un site marchand, l’achat d’un produit ou d’un service, et donc la contractualisation de l’acte d’achat est réglementée et passe par plusieurs étapes que l’on peut résumer comme suit : la consultation du site web et de l'offre par l'internaute, suivie de la sélection du/des produits ou services, la vérification puis la confirmation de la commande, le paiement, puis côté marchand, la confirmation de la commande par le e-commerçant et enfin la livraison du produit ou du service commandé.

Cette succession d’étapes nous conduit à revenir sur les conditions de formation et de validité du contrat de vente en ligne : à quel moment et à quelles conditions le contrat de vente est-il considéré comme conclu ? Comment s’assurer que les conditions de vente sont effectivement acceptées et opposables aux acheteurs ?

Nous rappelons ci-après les règles applicables aux contrats conclus en ligne, dans une relation B-to-C et plus particulièrement la procédure de contractualisation et les conditions d’opposabilité du contrat aux parties.

1. La conclusion du contrat de vente en ligne

    1.1 L'offre de vente et l’information sur les produits ou services
Sur un site marchand, la description des produits n’est pas considérée comme une “simple”  publicité, ni comme la “simple” fourniture d’informations. La description des produits proposés à la vente est considérée juridiquement comme une offre de contracter qui engage le e-commerçant. A ce titre, la description doit être complète, loyale (ne pas induire le consommateur en erreur) et à jour (les produits doivent être disponibles).

Un e-commerçant pourrait par exemple voir sa responsabilité engagée si la description des produits (couleur, taille, origine, composition, etc.) n’était pas conforme à la réalité.

Ainsi, l'offre de vente doit notamment préciser les caractéristiques essentielles (qualitatives et quantitatives) des produits, le prix en euros TTC et s’il y a lieu, les frais qui viendront s’ajouter au prix de vente (frais de livraison, le cas échéant, droits de douane). L’offre doit en outre mentionner, de manière claire et compréhensible, un certain nombre d’éléments relatifs à l’exécution de la vente : modalités de paiement, date limite de livraison, existence ou non du droit de rétractation, etc. (1)

    1.2 La contractualisation en ligne
Le processus de contractualisation comprend deux étapes : la vérification de la commande puis sa confirmation par l’acheteur (procédure du "double-clic").

Dans un premier temps, pour que la commande soit valablement conclue, l'acheteur doit avoir pu la vérifier (détail de la commande et prix total, y compris les frais de livraison et autres frais annexes éventuels). Dans un second temps, le contrat est finalement conclu lorsque, après avoir pu vérifier le détail de sa commande, l'acheteur confirme la commande. Le e-commerçant doit alors sans délai, accuser réception de celle-ci par voie électronique, généralement par l’émission automatique d’un accusé de réception. Cet accusé de réception ne constitue qu'une information indiquant au client que sa commande a été prise en compte par le e-commerçant, et n’a pas de valeur contractuelle en soi.

Pour rappel, les pratiques ou les clauses contractuelles qui permettraient à l'e-commerçant de modifier de façon unilatérale le prix, d'ajouter unilatéralement le coût de la livraison qui n'aurait pas été contractuellement fixé (et non agréé par le client) ou de rajouter des produits ou services (extension de garantie ou assurance par exemple) dans le panier de l'acheteur, en pré-cochant des cases, sont prohibées.

Au cas où l’un des éléments relatifs à l’exécution de la commande (tels les frais de livraison) ne serait pas renseigné au moment de la passation de la commande, le contrat ne sera pas considéré comme conclu. Si le bien vendu doit être livré, et que la livraison est payante, le contrat à distance ne sera réputé conclu qu’après que l’acheteur ait reçu les informations relatives à la livraison (frais de livraison, délais et conditions) et ait confirmé son acceptation de la commande.

Une fois le contrat valablement conclu, le marchand est tenu de l’exécuter dans les termes agréés.  Le e-commerçant est responsable de plein droit de la bonne fin de la vente jusqu’à la livraison du produit à l’acheteur et ce, que l’intégralité des obligations contractuelles soient exécutées par lui-même ou non (sous-traitance de la logistique, du transport, etc.).


2. L’opposabilité, à l’acheteur, du contrat conclu en ligne


    2.1 L'acceptation effective des conditions générales de vente (CGV)
En application de l’article 1369-4 du code civil “Quiconque propose, à titre professionnel, par voie électronique, la fourniture de biens ou la prestation de services, met à disposition les conditions contractuelles applicables d'une manière qui permette leur conservation et leur reproduction. (…)

Tout e-commerçant doit donc mettre ses CGV à disposition, en ligne. Les CGV, si elles sont correctement rédigées, auront l'avantage de regrouper en un seul document l'ensemble des informations contractuelles requises par la loi, devant être fournies à l'acheteur.

L'article L.121-19 du Code de la consommation prévoit en outre que l'acheteur doit recevoir par écrit ("ou sur un autre support durable à sa disposition"), en temps utile et au plus tard au moment de la livraison, certaines informations telles que : la confirmation des informations mentionnées dans l'offre de vente, les conditions et les modalités d'exercice du droit de rétractation, l'adresse de l'e-commerçant où l'acheteur peut présenter ses réclamations, etc.

Toutefois, la simple mise en ligne des CGV sur le site web, la simple mention d'application des CGV à la commande ou encore l’indication que le e-commerçant se réserve le droit de modifier les CGV à tout moment, sans qu’une procédure d’acceptation des CGV n’ait été mise en place, ne suffisent pas à prouver que le e-commerçant a rempli son obligation d'information contractuelle et que le consommateur a effectivement accepté les CGV du marchand.

A défaut de procédure d'acceptation effective des CGV, ou de leur version modifiée, celles-ci pourront être déclarées inopposables à l'acheteur en cas de contentieux. Dans ce cas, le juge appliquera les conditions issues de la loi, de la jurisprudence et de l'équité, ce qui créera un degré  d’incertitude pour le commerçant, qui risquera de se voir opposer des conditions différentes et/ou moins favorables que prévues aux CGV.

Afin de s’assurer que ses CGV seront opposables aux acheteurs, le e-commerçant doit prévoir une procédure d'acceptation effective des CGV, à renouveler lors de leur modification (ou au moment de la passation d’une nouvelle commande, postérieurement à la modification des CGV).

Par ailleurs, de très nombreux sites marchands font accepter leurs conditions contractuelles en faisant cocher une case avec une mention du type "J'ai lu et j'accepte les CGV", avec un lien hypertexte renvoyant vers la page des CGV sur le site.

Cette pratique, qui était juridiquement acceptée jusqu’à maintenant, vient d’être invalidée par la Cour de Justice de l’Union européenne dans un arrêt de juillet 2012, qui l’estime contraire à l'article 5 §1 de la directive 97/7 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (transposé à l'article L.121-19 du code de la consommation mentionné ci-dessus). Dans cet arrêt, la Cour rappelle, que “(…) le consommateur doit recevoir, par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition et auquel il a accès, confirmation des informations mentionnées à l’article 4 par.1(…), en temps utile lors de l’exécution du contrat et au plus tard au moment de la livraison (…), à moins que ces informations n’aient déjà été fournies au consommateur préalablement à la conclusion du contrat par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition et auquel il a accès.(…)”.

La Cour considère que lorsque les informations contenues dans les CGV ne sont accessibles que via un lien communiqué au consommateur, ces informations (i) ne sont ni "fournies" au consommateur, ni "reçues" par celui-ci et (ii) ne peuvent être considérées comme fournies sur "un support durable" au sens de la directive. (2)

Les conditions d’acceptation des CGV ont ainsi été renforcées par une interprétation stricte des dispositions de la directive de 1997 par les juges européens. Il est donc recommandé de revoir les conditions d’acceptations des CGV en ligne afin d’éviter les procédures en inopposabilité de ces CGV.

    2.2 Le délai de prescription, l’archivage du contrat et l’opposabilité dans le temps
La question de l’opposabilité des CGV aux acheteurs ne se pose pas uniquement pendant l’exécution du contrat de vente, mais jusqu’à l’expiration du délai de prescription des actions en responsabilité.

Même si le contrat de vente en ligne expire après exécution de la livraison (étendue à la durée de la garantie légale, et éventuellement d’une garantie contractuelle plus longue), l’acheteur conserve  la possibilité d’intenter une action en responsabilité à l’encontre du vendeur pendant un délai de plusieurs années après l’expiration du contrat.

Le droit de la prescription civile a été modifié avec la loi du 17 août 2008. Le délai de prescription de droit commun est ainsi passé de 30 ans à 5 ans. (3) Ce délai de 5 ans concerne les contrats conclus en ligne avec les consommateurs.

Ce délai de droit commun comporte cependant de nombreuses exceptions. 


Outre, ce délai de prescription, tout e-commerçant a l’obligation, pour les contrats d’un montant supérieur à 120€ TTC, de conserver le contrat et de le tenir à la disposition du consommateur pendant une durée de 10 ans à compter de sa conclusion. (4) Le e-commerçant est donc dans l’obligation de conserver et d’archiver les CGV applicables au moment de la conclusion de la vente, ainsi que les éléments contractuels (commande, description du bien ou du service). La conservation de ces documents est nécessaire pour que les parties puissent faire valoir leurs droits en cas de contestation future, pendant la période non-prescrite.

Cet archivage électronique devra être réalisé de manière à ce que le e-commerçant puisse à tout moment produire le contrat à la demande de l’acheteur, de l’administration (en cas de contrôle fiscal par exemple) et en cas de litige avec un acheteur, pendant la période non-prescrite. La norme d’archivage de référence est la norme AFNOR Z42-013 / ISO 14641-1. Bien que cette norme ne soit pas impérative, elle constitue néanmoins le référentiel en matière d’archivage électronique.


Il est donc recommandé aux e-commerçants de s’assurer de la conformité à la loi de leur procédure de contractualisation en ligne et de conservation des documents contractuels et, à défaut, de prendre toutes mesures nécessaires de mise en conformité pour s’assurer notamment que leurs conditions de vente sont effectivement opposables aux acheteurs, non seulement au moment de la conclusion de la vente, mais pendant toute la durée de conservation, jusqu’à l’expiration des délais de prescription.

Le non-respect de certaines des obligations mentionnées dans notre article est sanctionné pénalement par une contravention de 5e classe, soit, pour les personnes morales, un montant maximum de 7.500€, pouvant être porté à 15.000€ en cas de récidive.


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(1) Voir les art. L.111-1 et s., L.113-1 et s., et L.121-18 et s., R.121-1 et s. du Code de la consommation ; art. 1369-4 du Code civil.

(2) Voir l’arrêt CJUE 3é ch. du 5 juillet 2012, Content Services Ltd c/ Bundesarbeitskammer, aff. C-49/11 et notre article “Vente en ligne : les conditions d’opposabilité des informations contractuelles au consommateur précisées par la CJUE” publié sur ce blog en août 2012

(3) Loi 2008-561 portant réforme de la prescription en matière civile

(4) Voir Art. L.134-2 du Code de la consommation et le décret d’application n°2005-137 du 16 février 2005.




Bénédicte DELEPORTE - Avocat
Betty SFEZ - Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com


Octobre 2012