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samedi 27 juin 2015

Les plateformes d’affiliation publicitaire soumises à la loi Sapin

L'achat d'espace publicitaire est un contrat conclu entre un annonceur et un intermédiaire (agence médias), déterminant les conditions dans lesquelles l’annonceur confie à l’agence la mission d'acheter auprès de tiers diffuseurs (supports ou leurs régies), les espaces sur lesquels l'annonceur souhaite diffuser la publicité pour ses produits ou services.

Ce contrat est régi par la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (la “loi Sapin”).(1)

L’activité d’achat d’espace a cependant beaucoup évolué depuis le vote de la loi, notamment avec l’avènement de la publicité en ligne. La question se pose de savoir si toutes les nouvelles activités liées à la publicité sur internet, notamment l’activité des plateformes d’affiliation, relèvent ou non de la loi Sapin.

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris, rendu le 17 avril 2015, vient de confirmer l’application de la loi Sapin à une plateforme d’affiliation. (2)

Nous rappelons ci-dessous les règles applicables à l’achat d’espace publicitaire, puis, dans un deuxième temps, examinons l’application de ces règles à l’activité des plateformes d’affiliation.


1. L’achat d’espace publicitaire et la loi Sapin

    1.1 Définitions et champ d’application 


La loi Sapin est applicable à tout achat d'espace publicitaire par un intermédiaire pour le compte d’un annonceur, dans un média, quel que soit le support : physique (presse, affichage public, prospectus, etc.), audiovisuel (radio, TV, cinéma), numérique (internet), et quel que soit le mode de commercialisation de l’espace de diffusion de la publicité.

En vertu de la loi Sapin, tout intermédiaire qui achète de l’espace publicitaire sur l’ordre d’un annonceur agit en qualité de mandataire de ce dernier.

- Contrat de mandat écrit obligatoire
L’intermédiaire agit au nom et pour le compte de l’annonceur, dans le cadre d'un contrat de mandat écrit. (art. 20 loi Sapin)

Ainsi, l’obligation essentielle de l’agence média est d’exécuter sa mission en accomplissant son rôle d’intermédiaire, par la transmission des ordres de publicité aux tiers diffuseurs et par l’obligation d’en rendre compte à son client (annonceur).

La loi prévoit que le contrat doit détailler les diverses prestations effectuées dans le cadre du mandat et le montant de leur rémunération, le cas échéant en les distinguant des autres prestations pouvant être réalisées dans le cadre de la relation contractuelle et des rémunérations correspondantes. (art. 20 al.2 loi Sapin)

- Reddition de la mission

Le tiers diffuseur doit se conformer aux instructions de l’intermédiaire et exécuter l’ordre de publicité, en mettant à la disposition de l’annonceur l’espace publicitaire sur lequel porte l’ordre de publicité.

L'agence médias, intermédiaire-mandataire, doit rendre compte de sa mission à l’annonceur, en l’informant notamment du déroulement de sa mission (y compris des négociations ou de  l'évolution des tarifs par exemple).

L'agence est également tenue à une reddition des comptes, conformément à l’article 1993 du code civil.

    1.2 Conditions de paiement de l’intermédiaire et des supports
 

- Rémunération de l’intermédiaire (agence médias)
Conformément aux dispositions du code civil régissant le contrat de mandat (art. 1984 et suiv.), l’annonceur (le mandant) est tenu de régler la rémunération convenue à l’intermédiaire (le mandataire), et de lui rembourser les avances et frais qui auraient été engagés pour l’exécution du mandat.

Les conditions de rémunération des autres prestations, hors achat d'espace, doivent être mentionnées séparément dans le contrat.

Outre le mandat, la seconde règle essentielle imposée par la loi Sapin, est l’interdiction pour l’intermédiaire, de recevoir d'autre rémunération que celle que lui verse son client, l’annonceur. En tant qu'acheteur d'espace, l’agence même lorsqu'elle agit en qualité de conseil en plan média et préconisation de support, ne peut percevoir de rémunération, rétrocession, ni avantage quelconque des régies et tiers diffuseurs. (art. 21 et 22 loi Sapin)

- Rémunération des tiers diffuseurs (supports ou régies)
Les tiers diffuseurs doivent adresser les factures d'achat d'espaces directement à l'annonceur, l'intermédiaire pouvant éventuellement en recevoir une copie. (art. 20 al.3 loi Sapin)

Cette disposition est applicable y compris lorsque le contrat prévoit le paiement des espaces par l’agence intermédiaire. En effet, comme le précise la circulaire du 19 septembre 1994, complétant la loi Sapin, l'annonceur a le choix entre payer directement le tiers diffuseur ou faire transiter le paiement par son mandataire (l’agence médias).

En cas de paiement du tiers diffuseur par l’intermédiaire, la circulaire de 1994 prévoit que les sommes destinées à payer les tiers doivent être inscrites par l’agence médias sur un compte de tiers au nom de l’annonceur, ces sommes n’entrant pas dans le chiffre d’affaires de l’agence médias. Le contrat peut cependant prévoir l’envoi par l’agence médias à l’annonceur d’un récapitulatif des sommes dues aux différents supports et du montant de ses propres honoraires.

    1.3 Sanctions applicables en cas de violation des dispositions légales
 

Le manquement aux obligations légales est sévèrement sanctionné en vertu des dispositions de l’article 25 de la loi Sapin, ce texte étant considéré comme étant d’ordre public.

L’absence de contrat de mandat écrit est passible d’une amende maximum de 30.000€ ; l’absence de communication de la facture par le tiers diffuseur directement à l’annonceur est puni d’une amende maximum de 75.000€.


2. L’évolution de l’activité d’achat d’espace publicitaire en ligne : les plateformes d’affiliation

L’activité d’achat d’espace publicitaire a beaucoup évolué ces dernières années. Ainsi, à côté de l’achat d’espace “classique”, et de la relation entre les intervenants traditionnels (annonceurs / intermédiaires-agences médias / supports-régies), sont apparus de nouveaux intervenants entre les annonceurs et les supports, remettant en cause l’application de la loi Sapin. Parmi ces nouveaux intermédiaires figurent les plateformes d’affiliation.

    2.1 Les plateformes d’affiliation : définition
 

Les exploitants des plateformes d’affiliation agissent en tant qu’intermédiaires entre les annonceurs et les supports (affiliés). Un contrat est ainsi conclu entre la plateforme et les annonceurs. Un autre contrat est conclu entre la plateforme et les affiliés.

Toutefois, la plateforme d’affiliation exerce-t-elle effectivement une activité d’achat d’espace publicitaire pour le compte de l’annonceur, régie par la loi Sapin ? En effet, ces plateformes fonctionnent généralement de manière automatisée, sachant d’une part que la sélection des affiliés est souvent réalisée directement par l’annonceur, d’autre part que les conditions financières des affiliés sont souvent fixées par l’annonceur (calcul sur le taux d’affichage, de clics, du nombre d’inscriptions, etc. - ou facturation au CPC, CPM, CPA, CPL selon les cas), et non par les affiliés/supports. Les affiliés ne connaîtront le prix auquel leurs espaces sont vendus que lorsqu’ils consulteront l’outil de tracking mis à leur disposition par la plateforme d’affiliation ou recevront un appel à facture de la plateforme.

Si l’on considère que la loi Sapin ne s’applique pas aux plateformes d’affiliation, celles-ci ne seraient alors pas soumises aux obligations relatives au mandat et aux conditions de facturation, telles que rappelé ci-dessus.

Or, un arrêt de la cour d’appel de Paris vient de confirmer l’application de la loi Sapin à l’activité d’affiliation.

    2.2 L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 avril 2015
 

Cette affaire opposait la société Assurland.com (l’annonceur) à la société Public-Idées (la plateforme d’affiliation). Le litige portait sur la contestation par Assurland.com des sommes facturées par la plateforme après avoir modifié sa grille tarifaire.

Les juges rappellent que la société Public-Idées diffuse des campagnes publicitaires sur internet au travers de ses affiliés. La société Public-Idées et Assurland.com ont conclu un contrat de service “par lequel la première met à la disposition de la seconde son réseau d’affiliés, en vue de lui permettre d’augmenter sa visibilité parmi les internautes, et en définissant les conditions dans lesquelles la société Assurland peut accéder aux services de la société Public-Idées.

Le contrat de service de Public-Idées comprenait des conditions tarifaires, la grille tarifaire ayant été modifiée en novembre 2010, de manière rétroactive prenant effet en juillet 2009. En février 2011, des divergences sont apparues entre les parties sur l’interprétation des conditions de tarification. La société Public-Idées a assigné Assurland.com devant le tribunal de commerce en paiement notamment, des sommes contestées. Par jugement du 19 mars 2013, le tribunal a prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Assurland.com et l’a condamnée à payer les sommes dues à la société Public-Idées.

En appel, Assurland.com a notamment soulevé le fait que les factures n’étaient pas dues en l’absence de mandat écrit avec la société Public-Idées, tel que requis par la loi Sapin.

Les juges analysent l’activité de la plateforme Public-Idées comme “un achat d’espace publicitaire par la société Assurland auprès des affiliés ; par l’intermédiaire de la société Public-Idées exploitante de la plateforme regroupant les affiliés”.

Cette activité est couverte par les dispositions de l’article 20 de la loi Sapin qui impose un mandat écrit entre l’annonceur et l’intermédiaire, fixant les conditions de rémunération du mandataire (la plateforme). Dans la mesure où les conditions de rémunération étaient prévues dans le contrat de service de Public-Idées, les juges estiment que “le contrat existant entre les sociétés Assurland et Public-Idées remplit les conditions imposées par la loi Sapin (…), de sorte que la demande de nullité de la société Assurland doit être écartée.”

La cour a néanmoins décidé que le contrat devait être résilié aux torts exclusifs de la société Public-Idées dans la mesure où celle-ci n’a pas correctement appliqué la tarification contractuelle.


   En conséquence, il convient de considérer que l’opération consistant en l’achat d’espace publicitaire par un annonceur auprès d’affiliés par l’intermédiaire d’une plateforme d’affiliation est régie par les dispositions de la loi Sapin, imposant non seulement un mandat écrit entre l’annonceur et l’intermédiaire, mais également des modalités de paiement, telles que prévues aux articles 21 et 22 de la loi.

                                                                       * * * * * * * * * * *

(1) Loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, et plus particulièrement le chapitre II “Prestations de publicité” ; notamment complété par la circulaire du 19 septembre 1994 relative à la transparence et à la non-discrimination dans la publicité.

(2) CA Paris, pôle 5 ch.11, 17 avril 2015, Assurland.com c. Public-Idées



 

Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Juin 2015


mardi 16 juin 2015

Le cabinet Deleporte Wentz Avocat a le plaisir d’annoncer l’ouverture d’un bureau à Singapour

L’activité de Deleporte Wentz Avocat, cabinet fondé à Paris en 2007, est focalisée autour du droit des technologies - logiciel, internet, e-commerce, données personnelles, médias numériques, propriété intellectuelle. Nous conseillons les entreprises, des start-ups aux multinationales, dans le cadre de leurs projets IT, en droit français et en droits européens à travers notre réseau de cabinets indépendants situés dans plusieurs pays d’Europe.

L’expansion vers l’Asie du Sud-Est nous permet d’accompagner nos clients dans leur développement à l’international vers cette partie du monde, mais également d’accompagner les sociétés implantées en Asie qui souhaitent étendre leurs activités vers la France et l’Europe.

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Singapour est par ailleurs une plateforme pour les entreprises souhaitant étendre leurs activités commerciales dans la région, vers des zones très dynamiques comme l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande, le Vietnam, ou les Philippines.

A cette fin, Deleporte Wentz Avocat développe un réseau de cabinets d’avocats dans ces pays, capables de prendre le relais en droit local (notamment en droit des sociétés et droit commercial).

Pour toute question ou projet IT, n’hésitez pas à nous contacter.