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vendredi 22 novembre 2024

Utilisation de l’IA en entreprise : la nécessaire mise à jour de la charte informatique

 


 Ce qu’il faut retenir

L’utilisation de l’IA en entreprise se répand à grande vitesse. Pour éviter que cette utilisation se fasse à l’insu des employeurs, et limiter les risques, il convient d’aborder le sujet par la nécessaire mise à jour de la charte informatique de l’entreprise, accompagnée d’une formation adaptée des salariés.


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jeudi 30 mai 2024

Un chatbot peut engager la responsabilité de l'éditeur du site web

 


Ce qu’il faut retenir

La mise en ligne par une société d’un chatbot sur son site web peut engager sa responsabilité en cas de fourniture de conseils ou d’informations erronés par cet outil.

 

Lire la suite de l'articlehttps://www.deleporte-wentz-avocat.com/actualite-un-chatbot-peut-engager-la-responsabilite-de-l-editeur-du-site-web

jeudi 25 janvier 2024

Influenceurs en ligne : une activité mieux encadrée juridiquement

 


Ce qu'il faut retenir

La loi du 9 juin 2023 est venue encadrer l’activité d’influenceur, ainsi que celle de leurs agents, pour lutter contre les dérives de certains, et protéger les consommateurs. Plusieurs domaines d’activités sont désormais interdits (santé, produits et services financiers, jeux d’argent et de hasard) et l’information du public est améliorée. En outre, la loi impose un formalisme aux contrats conclus entre les agents et les influenceurs.

Lire la suite de l'article :  https://www.deleporte-wentz-avocat.com/actualite-influenceurs-en-ligne-une-activite-mieux-encadree-juridiquement

jeudi 4 mars 2021

Formaliser son projet informatique pour limiter les contentieux


Trop de projets informatiques ignorent encore le formalisme de la contractualisation et de la documentation des différentes étapes du projet, qu’il s’agisse d’un projet de développement “classique” ou d’un projet de développement “agile”.


Deux récents jugements viennent ainsi rappeler que l’absence d’expression des besoins et l’absence de contestation des dysfonctionnements avant la réception du projet lèsent le client, malgré l’obligation de conseil incombant au prestataire.


1. L’absence d’expression des besoins par le client dans le cadre d’un projet agile

Dans une première affaire, jugée le 7 octobre 2020, la société Oopet, une startup dans le domaine des animaux de compagnie, avait commandé le développement de deux applications mobiles et d’un site web à la société Dual Media Communication, prestataire informatique. Le client a par la suite reproché au prestataire d’avoir notamment manqué à son obligation de conseil pour ne pas lui avoir recommandé de réaliser un cahier des charges, et d’avoir livré des prestations défectueuses. (1)

Le projet était mené selon la méthode agile. Plus pragmatique et évolutif qu’un développement selon les méthodes classiques en cascade ou en V, un projet agile suit une construction au fur et à mesure sur la base d’itérations, d’intégrations ou de tests en continu (suivant les méthodes agiles “scrum”, “extreme programming” ou “lean software development”).

Quelle que soit la méthode de développement utilisée, un projet agile repose sur une très forte implication des parties - prestataire et client, dans le suivi du projet, nécessitant de nombreux échanges entre les parties et la prise en compte des besoins du client par le prestataire tout au long de la phase de développement informatique.

En l’espèce, le client n’avait pas produit de cahier des charges. Les juges n’ont pourtant pas considéré que le prestataire avait manqué à son obligation de conseil et de mise en garde. Les juges ont en effet pris en compte les particularités d’un projet agile, en soulignant que les difficultés rencontrées pendant la phase de développement, notamment “les erreurs relevées, les réponses quelque fois tardives, la difficulté de s’accorder sur des prestations qui apparaissent entre les cocontractants, ne dérogent pas à la norme de ce type de construction en l’absence de cahier des charges et ne présentent pas de caractère anormal.”

Même s’il n’existe pas de cahier des charges exhaustif au commencement d’un projet agile, ce qui est l’essence même de la flexibilité requise, il est important que le client détaille a minima la finalité du projet et ses attentes (exigences formelles par exemple) afin que le prestataire comprenne ses besoins. Les juges rappellent ainsi que si l’obligation de conseil à la charge du prestataire dépend des besoins et objectifs du client, celui-ci doit les exprimer précisément. Cette obligation ne pourra être exécutée si le client ne fournit pas les informations nécessaires au prestataire afin de lui permettre de répondre au plus près aux besoins du client.

Bien qu’il existe peu de décisions judiciaires relatives à l’exécution de projets agiles - les litiges étant souvent résolus à l’amiable, l’un des problèmes récurrents de ces projets est une défaillance de formalisme : contrats mal rédigés ou inadaptés à ce type de prestation, absence de définition des besoins, coût du projet mal anticipé… Or, même si agilité rime avec souplesse et adaptabilité, les parties se doivent de prendre soin d’encadrer le projet en amont et de respecter les procédures prévues pour chaque phase afin d’éviter les contentieux en bout de course.


2. Les conséquences juridiques de la signature du procès-verbal de recette

L’absence de formalisme dans la relation contractuelle se constate également après la livraison de la prestation, qu’il s’agisse d’un projet développé selon une méthode classique ou agile.

Contrepartie de l’obligation de délivrance par le prestataire, l’obligation de réception incombe au client. Or, la mise en production d’un logiciel ou d’un site web par le client, sans avoir signé de procès-verbal de recette et sans avoir relevé de dysfonctionnements, équivaut à l’acceptation de la prestation.

La phase de réception doit permettre d’identifier par le biais de tests, les dysfonctionnements pouvant subsister dans le logiciel livré. La recette définitive actée emporte l’obligation pour le client de payer le solde de la prestation et, le cas échéant, le départ de la période de garantie contractuelle.

La mise en production ou la signature du procès-verbal de recette sans réserves met un terme au projet informatique. Sauf exception, le client ne peut alors plus contester la délivrance conforme du projet informatique.

Deux décisions récentes rappellent l’importance des phases de livraison et de recette d’un projet informatique.

Dans une affaire opposant la société My Taylor is Free, qui réalise et vend des costumes sur mesure et prêt à porter, à ses prestataires, le client avait conclu un contrat de développement de site e-commerce avec la société Antadis. Par ailleurs, en avril 2017, My Taylor is Free a accepté le devis proposé par la société Exalt3D pour une prestation de “scan, modélisation et texturage”. Plusieurs factures étant restées impayées à Exalt3D, celle-ci a assigné My Taylor is Free en paiement devant le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence. (2)

Le tribunal a retenu que les devis ainsi que l’échéancier de paiement avaient été acceptés par My Taylor is Free. Selon les emails échangés entre les trois sociétés, il apparaît notamment que la société Antadis a bien livré le site internet et que celui-ci a été recetté. L’absence de courrier de réclamation à Antadis sur la livraison du site web indique que My Taylor is Free l’a accepté en l’état. De même, My Taylor is Free n’a émis aucune réclamation écrite à la société Exalt3D sur sa prestation. Le tribunal en conclut que les prestations ont été exécutées et livrées par les deux sociétés prestataires et que les factures doivent être réglées par My Taylor is Free.

Dans l’affaire, opposant Oopet à Dual Media Communication, la société Oopet avait signé le procès-verbal de recette sans réserves. Or, la signature du procès-verbal de recette n’est pas une simple formalité. Comme l’a rappelé le tribunal, “il était de la responsabilité de SAS Oopet de vérifier par test les concordances des fonctions des applications à ses attentes, donc que la signature de ces procès-verbaux de recette montre son acceptation en toute connaissance quand il écrit “le client Oopet reconnaît avoir conduit les vérifications nécessaires et estime le produit livré conforme au devis initial”.


    Il existe une abondante jurisprudence sur l’obligation de conseil et de mise en garde incombant au prestataire professionnel. Or cette obligation doit être examinée en parallèle avec l’obligation de collaboration du client. Ces deux affaires illustrent bien cette obligation qui incombe au client pour tout projet de développement informatique. En effet, le client ne peut rester passif. Il doit communiquer ses besoins au prestataire, se manifester et interagir pendant la durée du projet, l’interroger si nécessaire et remonter les dysfonctionnements éventuels. Un certain formalisme doit donc être respecté, depuis un contrat reflétant les prestations à réaliser et précisant, le cas échéant, la méthode de développement, en passant par un suivi de projet rigoureux, une phase de livraison, une ou plusieurs phases de tests, et enfin la recette définitive du projet, cela pour limiter les risques de litiges pouvant survenir.

* * * * * * * * * * *


(1) T com. Paris, 8é ch., 7 oct. 2020, Oopet c/ Dual Media Communication

(2) T com. Aix-en-Provence, 16 nov. 2020, Exalt3D c/ My Taylor is Free et Antadis


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Mars 2021

jeudi 18 avril 2019

L’importance de l’implication du client dans l’exécution d’un projet informatique

La jurisprudence relative aux contrats informatiques relève souvent les carences du prestataire dans l’exécution de son obligation de conseil vis-à-vis du client ou dans l’exécution de ses prestations. On rappellera toutefois que dans le cadre de l’exécution de projets informatiques, le client ne peut pas attendre la livraison du projet en restant passif. Deux arrêts de cour d’appel remontant à 2017 rappellent ainsi l’importance du rôle actif du client dans l’exécution de projets informatiques. Sa pleine coopération est en effet un élément clé de la bonne exécution du projet. Par ailleurs, le nouveau droit des contrats, issu de l’ordonnance du 10 février 2016 prévoit que “Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.” (1) Cette obligation, d’ordre public, s’impose aux parties non seulement pendant la période pré-contractuelle, mais également pendant toute la durée du contrat.

Dans la première affaire, la faute du client qui n’avait pas exprimé ses besoins a été retenue par les juges. La seconde affaire retient la résiliation du contrat aux torts du client qui a refusé la réception provisoire d’un site internet.


1. Le client est tenu d’exprimer ses besoins

Dans un arrêt rendu le 5 octobre 2017, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a prononcé la résiliation d’un contrat de développement de sites web aux torts du client qui n’a pas exprimé ses besoins. (2)

En 2010, la société Nouvelles Destinations, tour-opérateur spécialisé dans la vente de séjours autour de parcs d’attractions, a souhaité refondre son site internet destiné aux professionnels (B2B) et développer un site à destination des consommateurs (B2C). Les prestations de développement ont été confiées à la société Flag Systèmes. Trois contrats ont été conclus en décembre 2010 et janvier 2011 : un contrat-cadre pour les développements spécifiques, pour un montant total de 135.000 euros, un contrat d’achat et de maintenance des licences I-Resa et un contrat d’hébergement et d’administration de la plate-forme I-Resa.

N’ayant pas reçu le dernier paiement prévu au contrat-cadre de développement, ni le règlement des factures d’hébergement, la société Flag Systèmes a mis le client en demeure de payer le 14 octobre 2013. En réponse, la société Nouvelles Destinations a contesté devoir les sommes réclamées, invoquant divers dysfonctionnements. Le prestataire a donc fait assigner la société Nouvelles Destinations et son assureur devant le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence en règlement des sommes. Dans un jugement du 10 novembre 2015, le tribunal a condamné la société Nouvelles Destinations à régler les sommes dues à la société Flag Systèmes. Nouvelles Destinations a interjeté appel.

Dans sa décision du 5 octobre 2017, la Cour relève que le contrat-cadre rappelle en préambule que la société Nouvelles Destinations n’a pas fourni de document d’expression de ses besoins ni de cahier des charges, que le contrat-cadre est destiné à permettre « d’initialiser les premières phases de travail sans que les enveloppes définitives soient engagées », et qu’il est recommandé à la société Nouvelles Destinations « de recourir à une assistance à maîtrise d’ouvrage, mener une réflexion de fond sur l’organisation des services, les processus métiers et les flux d’informations mis en place, et la mise en place d’un comité de pilotage. » Or, la société Nouvelles Destinations n’a suivi aucune des recommandations du prestataire, au titre de l’obligation de conseil de ce dernier.

Par ailleurs, alors qu’il revient à la société cliente de prouver les dysfonctionnements allégués et leur imputabilité au prestataire, les juges relèvent que la société Nouvelles Destinations ne produit que des emails émanant d’elle-même, se plaignant de dysfonctionnements, sans aucune plainte de clients ou de partenaires commerciaux, ni constat d’huissier attestant desdits dysfonctionnements pouvant justifier le non-paiement des factures du prestataire.

En conséquence, la Cour a confirmé le jugement du tribunal de commerce, mais revu la condamnation à la baisse. La société Nouvelles Destinations a ainsi été condamnée à payer 101.000 euros dus au titre des contrats.


2. Le client qui refuse la réception provisoire du projet est en tort

Dans un arrêt du 6 juillet 2017, la cour d’appel de Grenoble a confirmé la résiliation d’un contrat de développement d’un site internet aux torts exclusifs du client qui avait refusé de procéder à la réception provisoire, alors que la réception aurait pu lui permettre de faire réaliser les corrections nécessaires par le prestataire au vu des éventuelles réserves.

La société Sikirdji Gemfrance, spécialisée dans le commerce de pierres fines et précieuses avait conclu un contrat de réalisation de site web avec la société DediServices le 9 juillet 2012 et a versé un premier acompte de 40% à la commande (soit 10.697,02€ TTC). Prétendant que le site commandé n’avait jamais été achevé et qu’il comportait de nombreux dysfonctionnements, la société Sikirdji Gemfrance a demandé au prestataire le remboursement de l’acompte versé par mise en demeure du 4 avril 2013, puis assigné la société DediServices en résolution du contrat et remboursement de l’acompte le 16 septembre 2013.

Dans son jugement du 28 novembre 2014, le tribunal de commerce de Grenoble a condamné la société cliente à payer à la société DediServices la somme de 16.045,54 € au titre des factures impayées avec application des pénalités de retard contractuelles, 10.000 € euros de dommages et intérêts et 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La société Sikirdji Gemfrance a interjeté appel le du 16 janvier 2015.

Alors que la réception a notamment pour objet d’obliger le prestataire à faire les modifications correspondant aux éventuelles réserves qui auraient été mentionnées au procès-verbal de recette, en l’espèce la société cliente a refusé la réception provisoire du site.

La cour a confirmé la condamnation de la société Sikirdji Gemfrance à payer au prestataire les sommes prévues par le contrat et non encore réglées, augmentées des pénalités de retard, 10.000 € pour le travail supplémentaire généré par les nombreuses demandes d’interventions et de modifications, et 50.000 € de dommages-intérêts.

Cet arrêt fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

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(1) article 1104 du Code civil

(2) Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 8e ch. B, arrêt du 5 octobre 2017, Nouvelles Destinations / Flag Systèmes et Hiscox Europe Underwriting Ltd

(3) Cour d’appel de Grenoble, ch. com, arrêt du 6 juillet 2017 Sikirdji Gemfrance / DediServices


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Avril 2019

mercredi 18 avril 2018

Des experts européens contre la création d'un statut juridique de personne électronique pour les robots

 
 
Alors que les applications d’intelligence artificielle se déploient à grande échelle, la Commission européenne travaille actuellement à l'élaboration d'un nouveau droit pour les robots. Or, des centaines de membres de la société civile s'opposent à la création d'une “personnalité électronique” qui pourrait attribuer une responsabilité à la machine.


Dans ce sens, deux cents experts européens viennent de signer une lettre ouverte contre “la création d'un statut juridique de personne électronique pour les robots”. Cette lettre, adressée à la Commission européenne, s’oppose plus spécifiquement au point de la résolution du Parlement européen du 16 février 2017 concernant des règles de droit civil sur la robotique (2015/2103 (INL)) relatif à “la création, à terme, d'une personnalité juridique spécifique aux robots, pour qu'au moins les robots autonomes les plus sophistiqués puissent être considérés comme des personnes électroniques responsables, tenues de réparer tout dommage causé à un tiers (…).”

Les signataires de la lettre ouverte critiquent cette notion de « personnalité électronique », que celle-ci repose sur le modèle de la personnalité physique, de la personnalité morale, ou sur le modèle du trust. Le débat reste à suivre…

                                                                        * * * * * * * * * * * *

(1) Robotics-openletter.eu, Open letter to the European Commission – Artificial intelligence and Robotics 

Photo © ClaudeAI.uk (https://claudeai.uk/ai-blog/ )

Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Avril 2018

lundi 4 septembre 2017

Pourquoi être concerné par le RGPD si votre entreprise n'est pas localisée dans l’UE ?


La directive du 24 octobre 1995 sur la protection des données s’appliquait aux traitements de données réalisés par des organismes, responsables de traitement, situés dans l’Union européenne. Les traitements de données réalisés par des responsables de traitement situés en dehors de l’UE n’étaient en principe pas soumis aux règles de la directive européenne, telles que transposées dans les lois nationales des Etats-membres. (1) Or, avec le développement des technologies et des services en ligne autour de la donnée, de nombreuses sociétés situées hors Union européenne, telles que Google, Amazon, Facebook ou Apple (les “GAFA”) notamment, collectent et traitent des données d’Européens et “échappent” à la réglementation européenne, même si les transferts de données vers ces sociétés américaines sont notamment soumis aux principes du Privacy Shield.

Désormais la donnée, et plus particulièrement la donnée personnelle, est au coeur de l’économie numérique. Il était donc nécessaire de mettre à jour la règlementation des données personnelles pour prendre en compte les évolutions technologiques intervenues depuis la directive de 1995 et assurer un niveau de protection élevé et homogène des données personnelles. C’est chose faite avec le règlement général sur la protection des données (RGPD). Ce texte, adopté le 27 avril 2016 après plus de quatre ans d’intenses discussions, doit entrer en application le 25 mai 2018. (2)

L’un des objectifs du RGPD est de prendre en compte, d’une part les cas dans lesquels plusieurs responsables de traitements et/ou sous-traitants, situés dans différentes régions du monde, sont impliqués dans un traitement de données, d’autre part les services de cloud computing et de big data (serveurs déployés et données collectées dans plusieurs régions), et enfin les activités des GAFA, ceci afin que les données personnelles des résidents européens restent protégées quel que soit le pays dans le monde où se trouve le responsable de traitement.

Le champ d’application du règlement couvre donc non seulement le territoire de l’Union européenne, mais aussi les entreprises situées hors Union européenne qui visent le marché européen. Ces entreprises sont donc concernées par le RGPD et doivent se mettre en conformité avec ces nouvelles règles.


1. Le RGPD, un texte applicable en Europe et au-delà

La directive de 1995 devait être transposée dans les lois nationales des Etats membres. Ces lois nationales sur la protection des données personnelles comportaient cependant des différences entre les Etats membres, certains états ayant choisi une application stricte de la directive, alors que d’autres ont opté pour une application plus souple.

Le règlement général sera d’application directe dans les Etats membres. Ses règles s’appliqueront de manière quasiment uniforme dans tous les Etats membres, hormis quelques dispositions qui pourront différer d’un pays à l’autre. (3)

Mais alors que la directive n’avait que peu d’impact en dehors de l’Union européenne, le règlement sera d’application territoriale dans l’UE, mais également extra-territoriale, au-delà de l’UE. (4)

    1.1 Application dans l’Union européenne

Le règlement s’appliquera, d’une part aux traitements de données à caractère personnel réalisés dans le cadre des activités d'un établissement d'un responsable du traitement ou d'un sous-traitant sur le territoire de l’Union européenne, que le traitement lui-même ait lieu ou non dans l’UE.

L’établissement situé dans l’UE nécessite un effectif et une activité stables. En revanche, l’établissement n’est pas soumis à une forme juridique particulière. Il peut s’agir du siège, d’une filiale, voire de la succursale d’une entreprise, elle-même située en dehors de l’Union.

Le traitement peut être réalisé, ou non dans l’UE. Cette disposition permet par exemple de soumettre au règlement les bases de données hébergées en cloud, quels que soient les pays d’installation des serveurs.

    1.2 Application extra-territoriale


Le règlement s’appliquera d’autre part aux traitements de données à caractère personnel relatifs à des personnes qui se trouvent dans l’UE, réalisés par un responsable du traitement ou un sous-traitant qui n'est pas établi dans l’UE, lorsque les activités de traitement sont liées à l'offre de biens (site de e-commerce) ou de services (applications mobiles, hébergement de données en cloud) à ces personnes, à titre gratuit ou payant.

Pour déterminer si l’entreprise, responsable du traitement ou sous-traitant, vise le marché européen en proposant des biens ou des services à des personnes situées dans l’UE, il conviendra de relever les indices qui permettront d’établir que le responsable du traitement ou le sous-traitant visent bien le marché européen. Par exemple, la simple accessibilité du site internet de l’entreprise en cause, une adresse email ou l'utilisation d'une langue généralement utilisée dans le pays tiers où cette entreprise est établie ne suffira pas pour déterminer que le responsable du traitement ou le sous-traitant visent effectivement le marché européen. En revanche, des éléments tels que l'utilisation d'une langue européenne ou d'une monnaie telle que l’euro pourront permettre de démontrer que le marché européen est effectivement visé.

Par ailleurs, les traitements de données de personnes situées dans l'Union européenne par une entreprise, responsable du traitement ou sous-traitant, qui n'est pas établie dans l'Union seront également soumis au règlement lorsque ces traitements ont pour objet le suivi du comportement de ces personnes, sous réserve qu’il s’agisse de leur comportement dans l’UE. Cette disposition concerne particulièrement les activités de profilage en ligne, “afin notamment de prendre des décisions concernant” la personne, “ou d'analyser ou de prédire ses préférences, ses comportements et ses dispositions d’esprit.” (5)

On retiendra également que ces dispositions s’appliquent tant aux responsables de traitement qu’aux sous-traitants. Ces derniers sont donc concernés par les dispositions du RGPD, au même titre que les responsables de traitement, donneurs d’ordre, ou peuvent même être considérés comme co-responsables de traitement.

Ainsi, le règlement ne limite pas son applicabilité aux responsables de traitements et aux sous-traitants établis dans l’Union européenne, mais étend son périmètre géographique au-delà des frontières de l’Union européenne, dès lors que des données personnelles de résidents européens sont concernées.


2. Quelles conséquences pour les entreprises non-européennes ?

Les entreprises n’ayant aucun établissement sur le territoire de l’UE, mais qui visent l’Europe pour leurs activités commerciales (voir critères ci-dessus), et à ce titre, qui collectent et traitent des données personnelles d’Européens devront donc se conformer au RGPD, la date butoir étant fixée au 25 mai 2018.

    2.1 L’obligation de désigner un représentant dans l’Union

Au-delà des travaux de mise en conformité au règlement, les entreprises, responsables de traitements et sous-traitants, n’ayant pas d’établissement sur le territoire de l’UE devront désigner “par écrit” un représentant dans l’Union. (6)

Ce représentant devra être établi dans un des États membres dans lesquels se trouvent les personnes physiques dont les données font l'objet d'un traitement. Le représentant, mandaté par le responsable du traitement ou le sous-traitant, servira de contact pour les autorités de contrôle et les personnes concernées pour les questions relatives au traitement. Le responsable du traitement ou le sous-traitant resteront néanmoins responsables juridiquement de la conformité et du respect au RGPD.
La désignation d’un représentant ne s’appliquera cependant pas à toutes les entreprises non-européennes concernées.

Seront exemptés de cette obligation les responsables du traitement ou sous-traitants :
. qui mettront en oeuvre des traitements à titre occasionnel,
. qui n'impliquent pas un traitement à grande échelle des catégories particulières de données sensibles visées à l'article 9 par.1, ou un traitement de données à caractère personnel relatives à des condamnations pénales et à des infractions visées à l'article 10,
. et qui mettront en oeuvre des traitements ne nécessitant pas d’analyse d’impact en vertu de l’article 35 du règlement.

De même, les autorités et organismes publics non européens ne sont pas concernés par cette obligation de désignation d’un représentant.

    2.2 Le cas du Royaume-Uni après le Brexit

Une fois que le Royaume-Uni sera sorti de l’Union européenne, il ne sera plus soumis au RGPD. Cependant, le gouvernement britannique vient de se prononcer pour l’adoption d’une loi, réformant la Data Protection Act 1998 actuelle et intégrant dans le droit anglais les règles du RGPD.

L’objet de ce projet de loi est de rassurer le monde des affaires suite au Brexit, sur la possibilité de poursuivre les transferts de données entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Par ce biais, le Royaume-Uni souhaite s’assurer que sa loi sur la protection des données personnelles sera considérée par la Commission de Bruxelles comme offrant un niveau de protection adéquat, permettant de continuer à transférer librement des données personnelles entre le Royaume-Uni et l’UE. (7)

    2.3 La mise en conformité au RGPD

Le règlement européen comprend de nombreux principes nouveaux ou renforcés par rapport à la réglementation actuelle qu’il convient de prendre en compte. Ces principes devront être intégrés  par les entreprises dans leurs procédures de développement de nouveaux produits et services à destination du marché européen, pour être en conformité au règlement. Parmi ces principes, il convient de rappeler : (8)

a) Concernant les droits des personnes :
    - Le renforcement des conditions de l’obtention du consentement des personnes (art. 7) : les termes relatifs au consentement doivent être rédigés de manière claire et explicite. ;
    - L’information des personnes concernées doit être transparente, et rédigée en termes clairs et simples ;
    - Le droit à la portabilité des données (art. 20) permet aux personnes concernées de demander au responsable de traitement de récupérer ou transmettre leurs données personnelles collectées pour les transférer à un nouveau responsable de traitement ;
    - La protection spécifique des données personnelles des mineurs de moins de 16 ans (art. 8). Lorsque des services en ligne sont destinés aux enfants, les traitements de données de mineurs de moins de 16 ans (ou 13 ans dans les Etats membres qui ont fixé cette limite d’âge) seront soumis à l’accord ou l’autorisation de la personne exerçant l’autorité parentale.

b) Concernant les responsables de traitements et sous-traitants
    - Les traitements automatisés et les techniques de profilage sont encadrés (art. 22). Ces traitements seront autorisés sous certaines conditions et si la personne a donné son consentement ;
    - Le responsable de traitement devra déployer des règles internes claires et facilement accessibles afin de garantir et démontrer le respect de la réglementation (notion d’“accountability”) (art. 5 et 24) ;
    - Lors du développement de nouveaux produits ou services, les responsables de traitement devront intégrer par défaut la protection des données personnelles dans la définition des moyens de traitement et dans le traitement lui-même (principe de “protection de la vie privée dès la conception” ou “privacy by design”) (art. 5 et 25) ;
    - Le règlement prévoit des règles de sécurité accrues et une obligation de notification des failles de sécurité à tous les responsables de traitement (art. 5, et 32 à 34) ;
    - Un délégué à la protection des données devra être désigné dans les entreprises ayant pour “activité de base” la gestion de données personnelles “à grande échelle” ou le contrôle et suivi du comportement des personnes (art. 37, 38 et 39).

Enfin, le règlement prévoit un pouvoir de sanction par les autorités de contrôle plus large et dissuasif (art. 83). Selon le type de violation retenu, les autorités de contrôle pourront prononcer des amendes administratives pouvant s’élever soit à 10 millions d’euros ou 2% du chiffre d’affaires total mondial de l’entreprise pour l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu, soit à 20 millions d’euros ou 4% du chiffre d’affaires total mondial de l’entreprise pour l’exercice précédent.

                                                                   * * * * * * * * * * * *


(1) Voir l’article 4 “Droit national applicable” de la Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données

(2) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données ou RGPD)

(3) Par exemple, l’âge minimum pour un jeune pour donner son consentement pourra être compris entre 13 et 16 ans, le choix étant laissé à chaque Etat membre.

(4) Voir RGPD, considérants 22 à 24 et article 3 “Champ d’application territoriale”

(5) Considérant 24

(6) RGPD, article 27

(7) “UK Government announces proposals for a new Data Protection Bill”, in Technology Law Dispatch, 16 août 2017

(8) Pour une analyse plus détaillée des obligations relatives à la mise en conformité au RGPD, voir nos articles à ce sujet : “Adoption du Règlement européen sur la protection des données personnelles : le compte à rebours de la mise en conformité a commencé”, “Entrée en application du RGPD en mai 2018 : comment organiser votre mise en conformité au règlement européen ?”, “Sécurité des données personnelles : vers la généralisation de la procédure de notification des incidents de sécurité"



Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Septembre 2017


lundi 31 juillet 2017

Après le Parlement européen, le CESE publie un avis sur l’intelligence artificielle (IA)


Après les recommandations sur la robotique, émises par le Parlement européen en février dernier (1), le Comité économique social et européen (CESE) vient de se prononcer sur ce sujet dans un avis publié le 31 mai 2017. (2)

L’intelligence artificielle (IA), comme toutes les technologies de rupture, présente de multiples avantages dans de nombreux domaines (industrie, services, éducation, etc.), mais pose également des risques et des défis en matière de sécurité, de contrôle des robots intelligents et de l’IA, ainsi qu’en matière d’éthique et de protection de la vie privée, sans oublier les impacts sur la société et l’économie.


IA et enjeux de société

Le CESE a relevé onze domaines dans lesquels l’IA soulève des enjeux de société et pour lesquels des réponses doivent être apportées : l’éthique ; la sécurité ; la vie privée ; la transparence et l’obligation de rendre des comptes ; le travail ; l’éducation et les compétences ; l’(in)égalité et l’inclusion ; la législation et la réglementation ; la gouvernance et la démocratie ; la guerre ; la superintelligence.


IA et travail : la seconde ère du machinisme

Le CESE se penche également sur l’incidence de l’IA sur le travail, à savoir, l’emploi, les conditions de travail et les régimes sociaux. Selon Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee, professeurs à MIT et auteurs de “The Second Machine Age”, il existe une différence majeure entre la première et la seconde ère du machinisme. La première ère du machinisme a consisté dans le remplacement de la force musculaire (animale, humaine) par les machines. Les répercussions ont porté principalement sur les travailleurs manuels et peu qualifiés. Or avec la seconde ère du machinisme, tous les secteurs de l’industrie et de l’économie sont concernés. Les machines “intelligentes” développent des compétences cognitives et peuvent réaliser des prestations intellectuelles. Ainsi, les répercussions porteront non seulement sur les travailleurs peu qualifiés, mais aussi sur les travailleurs diplômés.

De nombreuses catégories d’emplois, aujourd’hui tenus par des humains, devraient disparaître dans les décennies à venir, au profit de robots plus ou moins intelligents et plus ou loins autonomes. Toutefois, de nouveaux emplois devraient voir le jour, bien que l’on ne soit pas en mesure aujourd’hui de prédire leur nature ou leur nombre. En conséquence, l’un des points fondamentaux sera de permettre au plus grand nombre d’acquérir et de développer des compétences numériques.


IA et réglementation

Un autre point abordé par le CESE concerne la réglementation. Le Comité a d’ores et déjà identifié 39 règlements, directives, déclarations et communications qui devront être révisés ou adaptés par l’UE, ainsi que la Charte européenne des droits fondamentaux pour prendre en compte l’IA.


Des préconisations communes à celles du Parlement européen ...

Certaines des préconisations du Comité rejoignent celles émises par le Parlement européen. Le CESE préconise notamment :

    - l’instauration d’un code européen de déontologie pour le développement, le déploiement et l’utilisation de l’IA, “afin que les systèmes d’IA demeurent, tout au long de leur processus d’exploitation, compatibles avec les principes de dignité humaine, d’intégrité, de liberté, de respect de la vie privée, de diversité culturelle et d’égalité entre hommes et femmes, ainsi qu’avec les droits fondamentaux”. Ainsi, les questions éthiques concernant le développement de l’IA doivent être abordées. Les systèmes d’IA doivent être développés et déployés “dans les limites de nos normes, valeurs et libertés fondamentales et des droits de l’homme”. Ces règles devraient s’appliquer, de manière uniforme, à l’échelle mondiale ;

    - la mise en place d’un système européen de normalisation pour la vérification, la validation et le contrôle des systèmes d’IA, fondé sur des normes de sécurité, de transparence, d’intelligibilité et d’obligation de rendre des comptes. Le Comité reconnaît que la robotique doit être réglementée au niveau pan-européen, notamment pour des raisons concurrentielles sur le marché mondial.


Mais une divergence de fond sur le statut juridique du robot

Enfin, et contrairement au Parlement européen, le Comité se prononce contre la création d’une personnalité juridique spécifique pour les robots. Le CESE prône une approche dite “human-in-command” de l’IA, reposant sur un développement responsable, sûr et utile de l’IA, dans le cadre duquel “les machines resteraient les machines, sous le contrôle permanent des humains”. Pour le CESE, une personne physique devra toujours rester responsable en dernier ressort.


     Le Comité économique social et européen, en qualité de représentant de la société civile européenne souhaite poursuivre la réflexion sur l’IA en y associant toutes les parties prenantes concernées dans les domaines de la politique, de l’économie et de l’industrie, la santé et l’éducation notamment. En effet, compte tenu de la nature transverse des questions posées par l’évolution de l’IA et de ses impacts multiples sur la société, le débat doit couvrir tous les pans de la société sur lesquels l’IA est susceptible d’avoir une incidence.

                                                                      * * * * * * * * * * * *

(1) “Résolution du Parlement européen du 16 février 2017 contenant des recommandations à la Commission concernant des règles de droit civil sur la robotique” (2015/2103(INL)), et voir notre article “De la science-fiction au droit : vers un cadre juridique européen de la robotique à l’aube d’une nouvelle révolution industrielle” publié en mai 2017

(2) Avis du Comité économique et social européen “L’intelligence artificielle – Les retombées de l’intelligence artificielle pour le marché unique (numérique), la production, la consommation, l’emploi et la société”, 31 mai 2017, (INT/806 – EESC-2016-05369-00-00-AC-TRA (NL))

 
Photo © ClaudeAI.uk (https://claudeai.uk/ai-blog/ ) 
 
Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Juillet 2017

jeudi 20 juillet 2017

Plateformes en ligne : le Parlement européen pour une évolution de leur régime de responsabilité


Répondant à une communication de la Commission européenne du 25 mai 2016, le Parlement européen a voté, le 15 juin 2017, une résolution dans laquelle les euro-députés se sont prononcés en faveur de la responsabilisation des plateformes en ligne concernant le respect du droit d’auteur, la lutte contre les contenus illégaux, et la protection des mineurs et des consommateurs. (1)


La définition du terme “plateforme”


Les euro-députés constatent tout d’abord la difficulté de donner une définition unique de la notion de plateforme en ligne “qui soit juridiquement pertinente et à l’épreuve du temps, compte tenu de facteurs tels que la grande variété des plateformes en ligne et de leurs domaines d’activités ou encore l’évolution rapide de l’environnement numérique à l’échelle mondiale”. Les plateformes, B-to-C ou B-to-B, englobent en effet un large éventail d’activités telles que moteurs de recherche, réseaux sociaux, commerce électronique, communication et médias, paiement en ligne, etc. Il est donc difficile de créer des règles applicables aux différents types de plateformes et il semble plus approprié de les aborder de manière sectorielle.

Il existe néanmoins des caractéristiques communes aux plateformes, telles que par exemple, la possibilité de mettre en relation différents types d’utilisateurs, d’offrir des services en ligne adaptés à leurs préférences et fondés sur des données fournies par les utilisateurs, de classer ou de référencer des contenus, notamment au moyen d’algorithmes.


L’évolution du régime de responsabilité des intermédiaires

Les plateformes en ligne qui hébergent des contenus fournis par des tiers-utilisateurs bénéficient actuellement du régime de responsabilité des hébergeurs, prévu à l’article 14 de la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique (2) (transposée en droit français par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique). (3)

En vertu de ce régime de responsabilité, les hébergeurs ne peuvent voir leur responsabilité engagée pour les contenus hébergés sur leurs serveurs que s’ils en avaient une connaissance effective, ou si après avoir été informés de leur caractère manifestement illicite, ils n’ont pas supprimé l’accès à ces contenus.

La jurisprudence a été amenée à définir les contours de la notion d’hébergeur, et plus particulièrement les cas dans lesquels leur responsabilité pouvait être engagée, à savoir, lorsque l’hébergeur (ou la plateforme) a connaissance des contenus hébergés par la notification de leur caractère manifestement illicite, par une modération de ces contenus avant leur mise en ligne, voire par une intervention sur ces contenus (référencement par exemple). (4)

Même si le régime de responsabilité spécifique des hébergeurs est adapté à l’activité des plateformes en ligne, pour autant qu’elles n’interviennent pas sur les contenus hébergés, avec le temps les plateformes ont réalisé de plus en plus d’opérations sur les contenus hébergés, afin d’améliorer leur référencement et/ou de le monétiser via des bannières publicitaires et autres actions marketing de plus en plus ciblées.

Selon les euro-députés, le développement durable et la confiance des consommateurs dans les plateformes en ligne nécessite un environnement réglementaire “efficace et attrayant”. Les euro-députés proposent alors de préciser les obligations des intermédiaires, notamment en responsabilisant les plateformes qui ne jouent pas un rôle neutre au sens de la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique, qui ne pourraient plus bénéficier du régime de responsabilité aménagé.

A cette fin, les euro-députés demandent à la Commission de formuler “des orientations sur la mise en œuvre du cadre de responsabilité des intermédiaires afin de permettre aux plateformes en ligne de respecter leurs obligations ainsi que les règles relatives à la responsabilité", notamment en clarifiant les procédures de notification et de retrait de contenus et en présentant des orientations sur les mesures volontaires de lutte contre ces contenus.


Plateformes en ligne et partage de contenus culturels

L’évolution de la responsabilité des plateformes est une demande importante du Parlement notamment pour les industries culturelles et créatives, avec un renforcement des mesures de lutte contre les contenus en ligne illégaux et dangereux – une référence étant faite à la proposition de directive SMA (services de médias audiovisuels) et aux mesures pour les plateformes de partage de vidéos, concernant la protection des mineurs et le retrait des contenus associés à des discours haineux.

Par ailleurs, constatant que bien que l’on n’ait jamais autant consommé de contenus issus de la création, par l’intermédiaire de plateformes de mise à disposition de contenu par les utilisateurs  (tels que Youtube ou Dailymotion par exemple) et les services d’agrégation de contenus, les secteurs de la création ne bénéficient pas d’une augmentation de leurs revenus proportionnée à cette augmentation de la consommation.

Alors que plusieurs textes européens sont en cours d’examen au Parlement, les euro-députés souhaitent un renforcement de la sécurité juridique et du “respect envers les titulaires de droits”. Selon les euro-députés, les plateformes qui hébergent un volume important d’oeuvres protégées, mises à la disposition du public, devraient conclure des accords de licence avec les titulaires de droits correspondants, (à moins qu’elles ne soient pas actives et qu’elles relèvent du régime de responsabilité prévu à l’article 14 de la directive de juin 2000), en vue de partager avec les auteurs, créateurs et titulaires de droits correspondants une juste part des bénéfices engendrés.

De telles initiatives commencent ainsi à voir le jour, telle la plateforme de streaming musical Spotify, qui a annoncé récemment la création d'un fonds de 43 millions de dollars pour améliorer la rémunération des droits d'auteur d'artistes américains. (5)


Plateformes et algorithmes

Les euro-députés rappellent enfin l’importance de préciser les méthodes de prise de décision fondée sur des algorithmes et de promouvoir la transparence quant à leur utilisation de ces algorithmes. L’accent doit être mis sur les risques d’erreur et de distorsion dans l’utilisation des algorithmes afin de prévenir toute discrimination ou pratique déloyale et toute atteinte à la vie privée. Le Parlement demande à la Commission européenne de mener une enquête sur les erreurs possibles et l’exploitation des algorithmes et de créer des conditions de concurrence équitables pour des services en ligne et hors ligne comparables.


Bien que les résolutions ne soient pas des actes réglementaires contraignants - les résolutions ne créent pas d’obligations juridiques mais ont une valeur politique et indicative -, ce texte a pour objet de communiquer la position des députés européens à la Commission. Celle-ci s’en inspirera lors de sa proposition de révision de la directive e-commerce qui devrait intervenir dans les mois à venir.

                                                             * * * * * * * * * * * *

(1) Résolution du Parlement européen du 15 juin 2017 sur “Les plateformes en ligne et le marché unique numérique” et Communication de la Commission du 25 mai 2016 sur “Les plateformes en ligne et le marché unique numérique – Perspectives et défis pour l’Europe

(2) Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»)

(3) L’article 6 I 2 de la LCEN dispose que “Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible.
L'alinéa précédent ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa.


(4) Voir par exemple TGI Paris, ordonnance du 15 novembre 2004, Jurisdata 2004 n°258504 ; CA Paris, 4é ch.A, 7 juin 2006, Tiscali Media c. Dargaud ; CA Paris, Pôle 5 ch.1, 2 déc. 2014, TF1 et autres c. Dailymotion

(5) “Spotify crée un fonds de 43 millions de dollars pour indemniser les artistes”, in La Tribune 30 mai 2017



Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Juillet 2017

jeudi 15 juin 2017

Gérer et protéger ses données à l’ère du numérique : un impératif de bonne gouvernance pour l’entreprise

Le constat n’est plus neuf : nous vivons désormais dans une économie de la donnée (ou de l’information). Ainsi, un article récemment publié dans l’hebdomadaire The Economist était intitulé “The worlds most valuable resource is no longer oil, but data” (la ressource la plus précieuse dans le monde n’est plus le pétrole, mais la donnée). (1)

Nous vivons également dans une société du partage, où internet, les réseaux sociaux et les sites de “peer-to-peer” remettent en cause la notion de propriété, qu’il s’agisse de la propriété des données, ou la propriété intellectuelle.
 
Une grande partie des données produites ou collectées par les entreprises (données de savoir-faire, données économiques, données personnelles) reste protégée, et leur divulgation non-autorisée est sanctionnée. Toutefois, l’entreprise doit mettre en oeuvre les moyens adéquats pour que cette protection soit effective, sous peine de voir son image de marque dégradée, de perdre des marchés, ou même de voir sa responsabilité engagée en cas d’atteinte à la sécurité des données personnelles de ses salariés et clients. Or, de grands volumes de données confidentielles se retrouvent en accès libre ou à la vente sur internet. La fuite de données peut engager la responsabilité de la personne à l’origine de cette fuite (ou vol de données), mais aussi celle du responsable du traitement en cas de fuite de données personnelles.

Dans le présent article, nous identifions les différentes catégories de données protégées et les règlementations qui leur sont applicables, puis compte tenu des risques juridiques, économiques et technologiques engendrés par les fuites de données, nous rappelons la nécessité de définir et déployer une politique de gouvernance des données et de l’information au sein de l’entreprise. (2)


1. Différentes catégories de données soumises à des règlementations distinctes

Les données produites et collectées par les entreprises sont de natures diverses. Celles-ci comprennent notamment les données industrielles (informations et données relatives aux produits et services développés et commercialisés par l’entreprise, à ses procédés de production, à son savoir-faire spécifique, les brevets, les dessins et modèles), les données économiques (données financières, les marques), les données commerciales (listes de clients, contrats), enfin, les données personnelles des salariées et des clients et prospects.

Même si toutes ces données ne sont pas nécessairement protégées, l’ensemble des données de l’entreprise relèvent de son identité ou de sa spécificité et permettent de la distinguer de ses concurrentes. Plus particulièrement, dans une économie de marché, son savoir-faire lui permet de créer un avantage concurrentiel, économique et industriel, qui peut être sévèrement altéré en cas de violation de ces données.

            1.1 L’évolution de la protection juridique des secrets d’affaires

Une première catégorie de données concerne les secrets d’affaires.

La valeur, et donc la protection des secrets d’affaires, repose en grande partie sur la confidentialité.

Les secrets d’affaires sont protégés en droit français, notamment sur le fondement de la concurrence déloyale, lorsqu’il peut être démontré qu’une personne (concurrent, salarié) a utilisé des données ou informations d’une entreprise A au bénéfice d’une entreprise B, et au détriment de la première. L’entreprise A, (victime du “vol” de données) doit toutefois prouver le détournement de ses données (par exemple, son fichier clients) et pouvoir démontrer un préjudice commercial (baisse de chiffre d’affaires, atteinte à son image de marque), en lien avec le détournement de données.

Suivant le type d’atteinte en cause, des poursuites pénales peuvent également être engagées sur les fondements suivants :
            - la violation du secret professionnel (art. 226-13 du code pénal : “La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.”),
            - la violation du secret des correspondances (art. 226-15 : “Le fait, commis de mauvaise foi, d'ouvrir, de supprimer, de retarder ou de détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des tiers, ou d'en prendre frauduleusement connaissance, est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.
Est puni des mêmes peines le fait, commis de mauvaise foi, d'intercepter, de détourner, d'utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie électronique ou de procéder à l'installation d'appareils de nature à permettre la réalisation de telles interceptions.”),
            - l’abus de confiance (art. 314-1 : “(…) le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé.
L'abus de confiance est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.”),
            - l’atteinte ou le maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données (STAD), (art. 323-1 : “Le fait d'accéder ou de se maintenir, frauduleusement, dans tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données est puni de deux ans d'emprisonnement et de 60 000 d’amende.”) (3),
            - l’usurpation d’identité numérique, par des actions de phishing par exemple, (art. 226-4-1 : “Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 d’amende.
Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne.”) (4).

Des poursuites peuvent aussi être engagées sur le fondement du vol, de l’escroquerie, de la contrefaçon (voir ci-dessous).

Cependant, la protection des secrets d’affaires est aujourd’hui imparfaite, tant en droit français, qu’à l’international. En effet, chaque pays tend à avoir sa propre définition de la notion de “secrets d’affaires” et ne leur accorde pas le même niveau de protection. Des améliorations étaient donc nécessaires.

Plusieurs propositions de lois relatives à la protection des secrets d’affaires ont été déposées en France, entre 2009 et 2015. La dernière tentative remonte au projet de loi pour la croissance (loi “Macron" (5), dans lequel un chapitre sur la protection du secret des affaires avait été proposé, sans suite.

Finalement, au niveau européen, la directive sur la protection des savoir-faire et des secrets d’affaires a été adoptée le 8 juin 2016. (6) L’objet de cette directive est d’établir une définition “homogène” du secret d’affaires, élaborée de façon à couvrir non seulement le savoir-faire, mais aussi les informations commerciales et technologiques, sous réserve de leur valeur commerciale et de l’intérêt à les garder confidentiels.

Le secret d’affaires est défini comme comprenant : “des informations qui répondent à toutes les conditions suivantes :
a) elles sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre d'informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles,
b) elles ont une valeur commerciale parce qu'elles sont secrètes,
c) elles ont fait l'objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes." (7)

La directive sur les secrets d’affaires doit être transposée dans les droits des Etats membres au plus tard le 9 juin 2018.

            1.2 Les développements et inventions protégés par le droit de la propriété intellectuelle et industrielle

Les données et informations de l’entreprise comprennent également des documents, produits et services qui font partie intégrante de son savoir-faire, et sont protégés par le droit de la propriété intellectuelle. Il peut s’agir de documents produits par la société, de logiciels, de bases de données, de produits pouvant être protégés par le droit des dessins et modèles et/ou par le droit des brevets, sous réserve évidemment de remplir les conditions requises pour bénéficier de cette protection.

Contrairement aux secrets d’affaires, les données et informations protégées par le droit de la propriété intellectuelle ne sont pas confidentielles et ont vocation à être diffusées et/ou commercialisées. Toutefois, leur diffusion ne doit pas pour autant porter atteinte à leur protection juridique.

Pour rappel, l’utilisation des logiciels et des bases de données est soumise à des conditions de licence (même pour les logiciels open source) ; la reproduction et la réutilisation de documents est généralement soumise à l’autorisation préalable de leur auteur (ou de l’entreprise au sein de laquelle ces documents ont été développés) ; et la fabrication de produits brevetés par un tiers est également soumise à des accords contractuels.

L’utilisation, la reproduction, la diffusion non autorisée d’oeuvres protégées par le droit de la propriété intellectuelle relève de la contrefaçon. (8) En droit français, le délit de contrefaçon est sanctionné par une amende maximale de 300.000 euros et puni de trois ans d’emprisonnement.

            1.3 Les données à caractère personnel

Enfin, les données à caractère personnel ont leur propre régime de protection, avec la loi Informatique et Libertés en France, bientôt remplacée par le Règlement général européen sur la protection des données (RGPD), devant entrer en application le 26 mai 2018. (9)

Les données à caractère personnel sont définies comme toutes données pouvant identifier une personne physique, directement ou indirectement. Ces données comprennent les nom, prénoms, adresse, date de naissance, numéros de téléphone, de sécurité sociale, de compte bancaire, les données de biométrie (empreintes digitales, voix), etc.

Les données à caractère personnel sont la “propriété” de leurs titulaires. Les entreprises collectent toutes des données personnelles, qu’il s’agisse des données de leurs employés ou des données de leurs clients et prospects, ou dans le domaine de la santé, des données de patients. Or, en qualité de responsables de traitement de ces données, les entreprises sont soumises à des obligations de protection des données, qui recouvrent notamment l’obligation d’intégrité des données, de confidentialité et de sécurité.

Ainsi, l’entreprise, responsable de traitement est tenue de protéger les données personnelles contre la perte, la destruction ou les dégâts d’origine accidentelle pouvant intervenir.

Le RGPD comprend une série de règles strictes, incombant au responsable du traitement, concernant la sécurité des données, sous réserve “de l'état des connaissances, des coûts de mise en œuvre et de la nature, de la portée, du contexte et des finalités du traitement ainsi que des risques.

Cette obligation de sécurité couvre les données elles-mêmes, les moyens techniques pour assurer leur conservation et leur accessibilité, et les règles d’accès.

Ainsi, l’article 32 du RGPD dispose que “1. (…) le responsable du traitement et le sous-traitant mettent en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées afin de garantir un niveau de sécurité adapté au risque, y compris entre autres, selon les besoins :
            a) la pseudonymisation et le chiffrement des données à caractère personnel ;
            b) des moyens permettant de garantir la confidentialité, l'intégrité, la disponibilité et la résilience constantes des systèmes et des services de traitement ;
             c) des moyens permettant de rétablir la disponibilité des données à caractère personnel et l'accès à celles-ci dans des délais appropriés en cas d'incident physique ou technique ;
            d) une procédure visant à tester, à analyser et à évaluer régulièrement l'efficacité des mesures techniques et organisationnelles pour assurer la sécurité du traitement. (…)
4. Le responsable du traitement et le sous-traitant prennent des mesures afin de garantir que toute personne physique agissant sous l'autorité du responsable du traitement ou sous celle du sous-traitant, qui a accès à des données à caractère personnel, ne les traite pas, excepté sur instruction du responsable du traitement, (…).

En cas de violation de données à caractère personnel, et dès lors que cette violation est susceptible d'engendrer un risque pour les droits et libertés des personnes physiques, le responsable du traitement est tenu de notifier la violation à l'autorité de contrôle compétente (en France, la CNIL) dans les meilleurs délais. (art 33 du RGPD)

Toute violation des dispositions relatives à la sécurité des données (articles 32 et suivants du RGDP) est passible d’une amende administrative d’un montant maximum de 10.000.000 d’euros ou 2% du chiffre d’affaires annuel mondial de l’entreprise. (art 83 du RGPD)

Compte tenu des risque commerciaux et industriels, ainsi que des risques de mise en cause de la responsabilité de l’entreprise, il est donc impératif de définir et déployer des mesures de protection des données et des secrets d’affaires de l’entreprise.


2. Comment protéger l’entreprise : la mise en oeuvre d’une politique de gouvernance des données

L’entreprise se doit de protéger ses données contre leur divulgation non autorisée et/ou non maîtrisée.

La divulgation non autorisée des données peut non seulement avoir pour conséquence des pertes de marché dues à la perte des avantages industriels et commerciaux de l’entreprise ; mais comme nous l’avons vu ci-dessus, celle-ci peut également voir sa responsabilité engagée en sa qualité de responsable de traitement, en cas de divulgation non autorisée de données à caractère personnel.

Les cas de fuites de données peuvent être dus à des actes malveillants. Ils sont aussi trop souvent dus à des négligences au sein de l’entreprise, telles que l’absence de politique de gestion des informations, des systèmes d’information (SI) défaillants (pare-feux non à jour, mauvaise gestion des droits d’accès aux équipements et des mots de passe).

            2.1 Définir la politique de protection des données de l’entreprise

A l’ère de l’open space, de l’aplanissement de la pyramide hiérarchique et de la fin du management en silos, la définition d’une politique rigoureuse de gouvernance des données reste indispensable, et ce quelle que soit la taille de l’entreprise. En effet, tous les collaborateurs et intervenants de l’entreprise n’ont pas vocation à avoir accès à toutes les données de l’entreprise.

Les risques de divulgation d’informations sont multiples et comprennent par exemple :
            - la communication non autorisée par des employés, ex-employés, consultants, intérimaires, stagiaires, ou prestataires, à des tiers (clients, concurrents, …), que cette communication soit malveillante ou négligente,
            - les discussions ou réunions d’affaires entre collègues, et les entretiens téléphoniques, dans des espaces publics (restaurant, train, avion),

mais aussi, tous détournements de nature informatique, tels que :
            - les fuites de données sur internet (serveurs non ou mal protégés), et les cyberattaques informatiques (hacking), ou
            - le détournement frauduleux de données suite à des campagnes de phishing. (10)

Les différentes parties prenantes de l’entreprise doivent contribuer à la définition de la politique de gouvernance des données : la direction des systèmes d’information (DSI), mais également les directions juridique, financières, RH, marketing, ventes, le cas échéant R&D.

La sensibilisation doit comprendre des règles relatives à la destruction (suppression) de documents, et des règles absolues relatives à l’interdiction de mettre des données et informations en ligne, sur des systèmes ouverts.

Enfin, il convient d’être particulièrement attentif à la gestion des départs de l’entreprise et des fins de contrats, afin de minimiser les fuites de données (secrets d’affaires, listes de clients, listes de contrats, etc.).

Cette politique pourra comporter une charte de gouvernance des données qui, telle que la charte informatique, devrait être distribuée et signée par chaque collaborateur et intervenant dans l’entreprise. L’objet de ce document est de sensibiliser chaque collaborateur à la valeur des données et du savoir-faire de l’entreprise. L’entreprise peut même compléter cette action de sensibilisation avec un tutoriel consacré à la bonne gestion des données.

            2.2 Définir les règles techniques de protection des données de l’entreprise

La politique de protection des données de l’entreprise doit également comprendre des règles techniques. Celles-ci se recoupent largement avec les règles devant figurer dans la charte informatique de l’entreprise.

Ces règles comprennent notamment :
            - la gestion des identifiants et des mots de passe,
            - la clôture des comptes utilisateur dès le départ d’un employé, consultant, etc.,
            - les règles applicables à l’utilisation, par les intervenants dans l’entreprise (employés, consultants), de leurs propres appareils - ou politique de BYOD (Bring your own device),

mais également les règles applicables aux collaborateurs de la DSI :
            - une obligation de confidentialité renforcée,
            - les règles de mise en oeuvre des nouvelles versions des logiciels utilisés, y compris des pare-feux,
            - les règles applicables à l’utilisation des services en cloud et des accès à ces services,
            - les conditions d’accès (physique et technique) aux serveurs, etc.


Des volumes massifs de données confidentielles, secrets d’affaires mais aussi données personnelles, dérobées, copiées, voire même fuitées, se retrouvent sur internet, en accès libre ou stockées dans le “dark web” et disponibles à la revente par des malfaiteurs. La mise en oeuvre, au sein de l’entreprise, d’une politique robuste de protection des données a une double finalité : sensibiliser les collaborateurs à la valeur du savoir-faire et des données de leur entreprise, et minimiser les fuites de données. La définition et la mise en oeuvre d’une politique de protection des données est enfin un moyen pour l’entreprise, et ses dirigeants, de limiter leur responsabilité en cas de violation de données personnelles. 

                                                                        * * * * * * * * * * * *  

(1) “The world’s most valuable resource is no longer oil, but data” in The Economist, 6 mai 2017

(2) Pour rappel, une “donnée” est généralement considérée comme un élément brut, non interprété ; alors qu’une “information” est une donnée interprétée, analysée. Les textes ne font pas nécessairement la distinction entre ces deux notions et nous utilisons ici le terme donnée pour couvrir indifféremment les notions de donnée et d’information.

(3) Loi n°88-19 du 5 janvier 1988, dite Loi Godfrain, modifiée par la loi n°2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité

(4) Loi n°2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure

(5) Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (Loi “Macron”)

(6) Directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites

(7) Directive du 8 juin 2016, art 2. Définitions

(8) La contrefaçon est définie à l’article L335-2 du code de la propriété intellectuelle

(9) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données ou RGPD)

(10) Voir à ce sujet “Le facteur humain est de plus en plus au coeur des cyberattaques”, in L’Usine Digitale, 9 juin 2017


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Juin 2017