Messages les plus consultés

Affichage des articles dont le libellé est vidéosurveillance. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est vidéosurveillance. Afficher tous les articles

lundi 24 février 2014

L’essor de l’utilisation des drones à usage civil et la réglementation



 Fin janvier 2014, un jeune entrepreneur de 18 ans a survolé et filmé la ville de Nancy grâce à un drone équipé d’une caméra GoPro, puis a posté sa vidéo sur internet. Ce film a été visionné plus 400 000 fois ! Le jeune homme ignorait apparemment que l’utilisation d’un drone muni d’une caméra, a fortiori pour survoler une zone peuplée, est réglementée.

La vidéo a notamment été remarquée par les autorités qui n’ont pas manqué de contacter son auteur : dans un premier temps, la Direction régionale de l’aviation civile (DRAC) a rappelé au jeune homme les règles en vigueur en matière d’utilisation de drones et enjoint ce dernier de se mettre en conformité ; dans un second temps, le jeune entrepreneur a été informé par la gendarmerie qu’il était convoqué devant le tribunal correctionnel pour mise en danger de la vie d’autrui. (1)

Bien que le marché des drones soit en plein essor, leur utilisation est réglementée, suivant la catégorie d’appareil, leur type d’utilisation, etc. Nul n’étant censé ignorer la loi, l’affaire de la video de Nancy nous donne l’occasion de faire un point sur la réglementation en vigueur et  sur les questions juridiques que soulève l’utilisation des drones.


1. Les questions de sécurité et de protection de la vie privée soulevées par l’essor du marché des drones civils

Les drones sont définis comme des aéronefs télépilotés ou des aéronefs sans pilote à bord, dirigés à distance, avec une télécommande ou un smartphone.

Il existe de multiples catégories de drones, depuis des appareils de quelques centaines de grammes ayant un rayon et une durée de vol limités, généralement destinés aux loisirs, jusqu’à des appareils de plusieurs dizaines (voire de centaines) de kilos, pouvant parcourir de longues distances et voler à plusieurs centaines de mètres d’altitude. Ces appareils sont généralement utilisés à des fins professionnelles. Les drones peuvent par ailleurs être équipés d’appareils photo, de caméras, mais également de capteurs de température ou de composition de l’air, ou encore être utilisés pour larguer des pesticides ou autres charges.

Ces “aéronefs télépilotés” sont utilisés depuis plusieurs années dans des domaines divers :  sécurité publique (surveillance de manifestations sur la voie publique, lutte anti-incendie, sécurité de zones touchées par des accidents industriels, comme à Fukushima par exemple), surveillance de l’état des d’infrastructures ou de bâtiments, tournages de reportages d’information (inondations), sportifs (Tour de France), ou culturels, mais également dans les loisirs (aéromodélisme).

Malgré le fort potentiel économique lié à l’essor du marché des drones civils, leur utilisation suscite de nombreuses questions juridiques, particulièrement en matière de sécurité publique et de respect de la vie privée. (2)

    - En matière de sécurité, d’une part : l’utilisation incontrôlée de drones peut interférer avec d’autres types d’aéronefs (ULM, hélicoptères et avions en phases de décollage ou d’atterrissage), l’utilisation d’un drone en zone fortement peuplée dont le pilote aurait perdu le contrôle peut tomber sur la foule ; enfin, on ne peut écarter les risques d’utilisation à des fins terroristes. Bien qu’aucun accident de ce type n’ait été reporté à ce jour, ces risques doivent néanmoins être pris en compte avec le développement de l’utilisation des drones.

    - En matière de respect de la vie privée, d’autre part : un drone peut être employé à des fins intrusives. Certains modèles peuvent être équipés de caméras aux performances assez précises pour permettre d’identifier des personnes physiques à leur insu par exemple.

L’utilisation des drones n’est pas interdite, mais commence à être réglementée.


2. L’encadrement réglementaire de l’utilisation des drones civils dans l’espace aérien

La France est le premier pays à avoir instauré une réglementation spécifique en matière de drones, avec la publication de deux arrêtés du 11 avril 2012 relatifs d’une part, à la conception, l’utilisation et aux capacités requises pour faire voler de tels engins, et d’autre part, à l’utilisation de l’espace aérien par ces aéronefs. (3)

Ces deux textes complémentaires, visant à garantir la sécurité publique, ont respectivement pour objet de déterminer les différentes catégories d’aéronefs télépilotés et la nature des activités concernées, et d’encadrer l’utilisation de l’espace aérien compte tenu des différents modes d’utilisation des drones civils (activités d’aéromodélisme, activités particulières et vols expérimentaux).

Ce dispositif réglementaire a mis fin à un vide juridique. Même s’il ne résout pas toutes les questions juridiques posées par les différents modes d’utilisation des drones, ce cadre permet aux industriels de développer leurs offres en matière d’équipement et aux opérateurs de les utiliser légalement.

Les drones civils sont classés selon plusieurs catégories, de A à G. Ce classement dépend de leur masse, de leur type de propulsion et limitation et de la nature des activités concernées. Les obligations qui en découlent dépendent du mode d’utilisation de l’aéronef : vitesse, hauteur de vol (vol en vue de jour ou vol hors vue), type de zone survolée (peuplée ou non) et de la finalité (ou “scénario”).

Seuls, les aéromodèles de catégorie A (moins de 25 kgs, comportant un seul type de propulsion et sans caméra), ne pouvant circuler qu’en vue directe de leur télépilote, sont dispensés de document de navigabilité et sont autorisés à voler sans condition particulière concernant les capacités requises de leur utilisateur.

En revanche, l’utilisation des autres catégories de drones (notamment ceux équipés de caméra) est soumise, suivant la catégorie de l’aéronef concerné et le type d’activité, à l’obtention d’une autorisation délivrée par le ministre chargé de l’aviation civile ainsi qu’à l’installation de dispositifs spécifiques (capteur barométrique permettant au télépilote de connaître l’altitude ou dispositif “fail-crash” permettant de forcer un atterrissage), un niveau de compétence minimum du télépilote et la détention de documents spécifiques (manuels d’utilisation et d’entretien, document de navigabilité, manuel d’activités particulières (MAP).

L’exploitant d’un aéronef est responsable de la mise en œuvre de toutes les mesures de sécurité nécessaires pour assurer la sécurité des tiers et du respect des exigences applicables au drone qu’il exploite et au télépilote qu’il emploie.

Hormis les considérations relatives à la sécurité se posent des questions relatives au respect de la vie privée pour l’utilisation des drones embarquant appareils photo ou caméras.


3. La protection de la vie privée en question


La commercialisation et l’utilisation des drones civils soulèvent des enjeux importants, notamment en matière de libertés individuelles et de respect de la vie privée.

Les drones peuvent être équipés d’appareils photo, de caméras ou de capteurs sonores. Ces engins peuvent ainsi collecter, stocker, transmettre ou analyser une masse d’informations, et surveiller nos comportements et nos déplacements en toute discrétion et à notre insu.

En effet, en fonction des caractéristiques techniques de ces appareils, les photos et les vidéos prises peuvent permettre de distinguer et d’identifier des personnes physiques ou des véhicules (et plaques d’immatriculation).

    3.1  La question du droit à l’image
Dès lors qu’un drone capte et fixe l’image d’une personne physique, on peut s’interroger sur  le respect du droit à l’image de cette personne.

Le Code civil (notamment l’article 9) et la jurisprudence affirment que toute personne a sur son image et sur l’utilisation qui en est faite un droit exclusif et peut s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.

Si un drone à usage professionnel ou un drone de loisir venait à capter l’image d’une personne (photographie ou video), la publication de cette image serait autorisée sous réserve d’avoir obtenu le consentement de la personne concernée. Or, l’obtention de ce consentement n’est généralement pas réalisable en pratique.

Toutefois, l’exigence de l’autorisation de la personne concernée connaît une exception lorsque celle-ci se trouve dans un lieu public. Selon la jurisprudence applicable, la publication de photographies prises dans des lieux publics (telles que des images de groupes de personnes ou un reportage sur une manifestation publique) n’est pas subordonnée à l’accord de toutes les personnes apparaissant sur ces images. Il s’agit là d’une approche pragmatique : si l’autorisation devait être systématique, toute publication de photographies de foules ou de manifestations publiques pour illustrer un reportage serait impossible.

Les tribunaux ont cependant émis quelques réserves : (i) la photographie ne doit pas permettre d’individualiser une personne en particulier, c’est-à-dire faire de cette personne le sujet principal de l’image et la rendre reconnaissable ; (ii) l’image ne doit pas porter atteinte à la dignité humaine ; et (iii) dans le cas d’événements d’actualité, la publication de l’image ne doit pas dépasser les limites du droit à l’information (répondre au besoin d’information de la société, une image en relation directe avec l’événement d’actualité et une image non détournée de son objet).

Ainsi, la captation d’images par un drone muni d’un appareil photo ou d’une caméra, lors de manifestations publiques (concerts, manifestations sportives, rassemblements politiques, etc.) doit respecter ces grands principes. A défaut, l’utilisateur de l’appareil pourrait faire l’objet de poursuites judiciaires pour atteinte au droit à l’image de la personne photographiée ou filmée à son insu.

    3.2  La question de la protection des données personnelles
Par ailleurs, la captation de l’image d’une personne physique par un drone équipé d’un appareil photo ou d’une caméra correspond à un enregistrement de données personnelles. Or, la diffusion de ces données peut porter atteinte à la vie privée des personnes filmées.

La captation et l’enregistrement d’images relatives aux personnes physiques relèvent de la loi Informatique et Libertés. (4) Cette loi encadre la collecte et le traitement des données à caractère personnel, à savoir toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, y compris par la captation de son image, mais également de la plaque d’immatriculation de son véhicule par exemple.

Les obligations pesant sur le responsable du traitement comprennent l’accomplissement de formalités préalables auprès de la CNIL (déclaration ou autorisation du traitement), le respect d’exigences en matière de durée de conservation et de sécurité des données personnelles, et le respect des droits des personnes concernées par le traitement de leurs données (informations concernant le traitement et leurs droits d’accès, de rectification et d’opposition).

Dès lors, on doit s’interroger sur la façon de transposer ces obligations à l’utilisation d’un drone civil.

Il paraît difficile de “flouter” systématiquement les visages des personnes filmées par un drone avant diffusion du film.

La loi Informatique et Libertés prévoit des règles spécifiques pour certains types de traitements tels que la géolocalisation ou la vidéosurveillance.

La vidéosurveillance est soumise à des règles distinctes selon le lieu d’installation du dispositif : dans un lieu ouvert au public et sur la voie publique, dans un lieu non ouvert au public ou à domicile.

Pour les dispositifs de vidéosurveillance mis en œuvre sur la voie publique, seules les autorités publiques sont habilitées à filmer la zone, et uniquement pour prévenir des atteintes à la sécurité des personnes et des biens ou des actes de terrorisme. Les personnes autorisées à consulter les images issues de ce dispositif doivent être habilitées par autorisation préfectorale.

Si l’on considère que les drones équipés de caméras peuvent s’apparenter à des systèmes de surveillance, on peut dès lors s’interroger sur l’application du régime de la vidéosurveillance à ce type d’utilisation. Toutefois, la transposition de ces règles à l’utilisation des drones peut s’avérer complexe : qui peut utiliser un drone filmant la voie publique et qui est habilité à visionner les images captées par le drone ? Dés lors qu’un drone filme la voie publique, comment en pratique les personnes filmées peuvent être informées qu’un tel système a été mis en place, et s’opposer à la captation de leur image ?

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a engagé une réflexion prospective depuis 2012 au sujet de l’utilisation des drones et du respect de la vie privée. (5) L’un des axes de réflexion est de s’assurer que ces nouveaux usages n’entraînent pas de dérives en matière de surveillance. Parallèlement à ces travaux prospectifs, la CNIL est engagée dans des échanges internationaux sur ce sujet qui est à l’ordre du jour du G29 (organisme regroupant l’ensemble des CNIL européennes). Des recommandations en la matière sont donc attendues.


   Il n’existe à ce jour aucun texte européen relatif à la conception et à l’utilisation des drones. L’Europe compterait pourtant actuellement 400 sites de production de drones civils et de plus en plus d’utilisateurs.

Consciente du potentiel économique de ce marché, la Commission s’est récemment saisie de la question en créant un groupe de travail qui a eu pour mission d’éditer une feuille de route sur l’intégration sécurisée dès 2016 des drones civils dans le système d’aviation européen. (6) Ce rapport reprend les questions liées à l’utilisation de ces appareils : la sécurité, d’une part, et le respect de la vie privée, d’autre part.

Toutefois, il semble qu’aucun texte sur le sujet ne soit en cours discussion devant les instances européennes. Le projet de règlement européen sur la protection des données personnelles devant être adopté dans les mois à venir, vise à réformer les règles en matière de collecte et traitement des données, mais ne contient pas de dispositions spécifiques aux aéronefs télépilotés.

La France a pris les devants avec les deux arrêtés d’avril 2012. Même s’ils ne règlent pas toutes les questions posées, ces textes ont le mérite de poser un cadre de référence. Le défi sera de conserver l’équilibre entre un cadre réglementaire peu contraignant et stable et la protection des libertés fondamentales (sécurité civile et respect de la vie privée).

                                                             * * * * * * * * * * * *

(1) “Poursuivi en justice pour avoir filmé Nancy avec un drone”, article publié le 13 février 2014 dans le Figaro (http://etudiant.lefigaro.fr)

(2) Voir à ce sujet le rapport de Roland Courteau “Sur les perspectives d'évolution de l'aviation civile à l'horizon 2040 : préserver l'avance de la France et de l’Europe”, rapport n°658 (2012-2013), déposé au Sénat le 12 juin 2013 (http://www.senat.fr/rap/r12-658/r12-65811.html#toc134)

(3) Arrêté du 11 avril 2012 relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord ; Arrêté du 11 avril 2012 relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans aucune personne à bord, aux conditions de leur emploi et sur les capacités requises des personnes qui les utilisent ; Articles R.133-1-2 et D.131-1 à D.133-10 du Code de l’aviation civile.

(4) Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée.

(5) Actualités CNIL “Usages des drones et protection des données personnelles” et “Drones : quelle vision prospective, quels enjeu pour les libertés ?” des 30 oct. 2012 et 6 déc. 2013.

(6) Communiqué de la Commission européenne du 19 juin 2013 intitulé “Les drones stimulent l’Innovation et créent des emplois”.



Bénédicte DELEPORTE
Betty SFEZ
Avocats

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Février 2014

vendredi 19 août 2011

La vidéoprotection dans les commerces et les entreprises : le point sur la réglementation

L’actualité législative et réglementaire de cette année 2011 est incontestablement marquée par le développement de la vidéosurveillance, ou vidéoprotection. En attestent l’adoption, en mars dernier, de la loi dite LOPSSI 2 venant modifier le régime juridique de la vidéosurveillance, le programme annuel des contrôles effectués par la CNIL, renforçant son action sur les dispositifs de vidéoprotection, et la récente publication d’un décret relatif à la Commission Nationale de la Vidéoprotection.(1)

Les entreprises qui souhaitent mettre en oeuvre de tels dispositifs au sein de leur établissement sont concernées par ces évolutions. La complexité du cadre légal en matière de vidéoprotection nécessite de faire un point sur la réglementation en vigueur.

1. La coexistence de deux régimes juridiques

Les conditions dans lesquelles peut-être installé un système de vidéoprotection, à savoir un système qui enregistre ou transmet des images, sont encadrées par deux régimes juridiques distincts.(2) Il convient de distinguer selon que ce système concerne un lieu privé ou un lieu public.

Un lieu est considéré comme “privé” dès lors que le public ne peut pas y accéder librement, tels que bureaux ou entrepôts d’une entreprise fermés au public. La mise en oeuvre d’un dispositif de vidéosurveillance sur le lieu de travail est réglementée par le Code du travail et la loi Informatique et Liberté ; elle nécessite en principe une déclaration préalable auprès de la CNIL.(3)

Un lieu est considéré comme “public” dès lors qu’il est librement accessible à tous, tels que  boutique, hypermarché, ou voie publique. La mise en oeuvre d’un système de vidéoprotection sur la voie publique ou dans des lieux et établissements ouverts au public est régie par la loi de 1995 relative à la sécurité, récemment modifiée par la LOPPSI 2 ; elle nécessite en principe une autorisation préfectorale.(4)

Ces deux régimes juridiques peuvent dans certains cas se cumuler. Il en va ainsi lorsque le dispositif de vidéoprotection se trouve dans un lieu mixte (lieu ouvert au public comportant des zones privées réservées à l’usage du personnel) ou lorsque les caméras vidéos mises en place filment une partie de la voie publique (entrée d’un bâtiment par exemple). Une déclaration à la CNIL et une demande d’autorisation en préfecture sont alors nécessaires.

2. Les règles applicables aux systèmes de vidéoprotection dans les lieux privés

2.1 Les obligations du chef d’entreprise

Le chef d’entreprise est responsable de la conformité de la mise en oeuvre du système de vidéoprotection.

Justification du dispositif - L'installation de caméras vidéos sur le lieu de travail répond généralement à un objectif sécuritaire, tel que contrôle des accès aux locaux, ou risque particulier de vol. Le chef d’entreprise qui envisage de mettre en oeuvre un système de vidéosurveillance doit respecter le principe de proportionnalité, c'est-à-dire être en mesure de justifier le contrôle qu'il exerce sur ses employés par un intérêt légitime. L’installation d’un tel dispositif doit donc s’effectuer de façon adéquate, pertinente, non excessive et strictement nécessaire à l’objectif poursuivi. Tel n’est pas le cas par exemple, si le dispositif a pour seul objectif la mise sous surveillance spécifique d’un employé déterminé.

Visualisation et durée de conservation des images - Les images enregistrées ne peuvent être visionnées que par les seules personnes habilitées à cet effet, dans le cadre de leurs fonctions (direction, responsable sécurité). Elles doivent être conservées pendant une durée limitée à quelques jours et en tout état de cause, conformément aux préconisations de la CNIL, à une durée qui ne saurait excéder un mois.

Information des représentants du personnel et des personnes filmées - Les instances représentatives du personnel doivent être consultées avant le déploiement d’un système de vidéosurveillance et précisément informées des fonctionnalités envisagées. Les employés ou visiteurs doivent être informés, au moyen d’un panneau affiché de façon visible dans les locaux sous vidéoprotection (i) de l’existence du dispositif, (ii) des destinataires des images captées et enregistrées et (iii) des modalités d’exercice de leur droit d’accès aux enregistrements les concernant.

Déclaration préalable à la CNIL - Si le système de vidéosurveillance procède à un traitement informatique de données à caractère personnel (stockage des images sur support numérique), une déclaration auprès de la CNIL sera nécessaire avant la mise en oeuvre effective du dispositif.(5) Cette déclaration n’est pas nécessaire en cas de désignation d’un Correspondant Informatique et Libertés (CIL).

2.2 Les modalités de contrôles et les sanctions

La CNIL peut contrôler la mise en place de dispositifs de vidéoprotection et le cas échéant faire prononcer des sanctions en cas de non-respect de la réglementation par le chef d’entreprise.

Contrôles CNIL - La loi Informatique et Libertés permet aux agents de la CNIL de réaliser des contrôles au sein des locaux professionnels équipés de systèmes de vidéosurveillance associés à des traitements de données personnelles.

Sanctions administratives - La mise en place d'un dispositif de vidéosurveillance, en violation des règles précitées, peut conduire la CNIL à prononcer à l’égard du chef d’entreprise qui méconnaît ses obligations : un avertissement, une mise en demeure, une sanction pécuniaire d’un montant maximum de 150.000€ (300.000€ en cas de récidive) et une injonction de cesser le traitement. A titre d’exemple, la CNIL a récemment sanctionné deux sociétés mettant en oeuvre des dispositifs de vidéosurveillance qui filmaient les salariés dans des espaces de repos et de détente, non ouverts au public et de façon permanente, y compris dans les lieux où aucune marchandise n’était stockée et sans les en avoir informés.(6)

Sanctions pénales - Le manquement à l’obligation de déclarer le traitement ou de faire une demande d’autorisation à la CNIL peut faire l’objet de peines d’emprisonnement (5 ans) et d’amende (300.000€ et 1.500.000€ pour les personnes morales). De plus, l’installation d'un dispositif de vidéosurveillance en violation des règles précitées, peut constituer une atteinte volontaire à l'intimité de la vie privée d'autrui (ex: installation d’un dispositif à l’insu des salariés afin d'entendre leurs conversations) qui expose l'employeur à des peines d’emprisonnement (1 an) et d'amende (45.000€).(7)

Récusation des moyens de preuve - La mise en place d'un dispositif de vidéosurveillance dans des circonstances contraires à la loi peut conduire le juge à écarter l’enregistrement vidéo produit à titre de preuve, notamment pour justifier le licenciement d'un employé (par exemple, licenciement fondé sur un enregistrement vidéo obtenu par le moyen d’une caméra dissimulée dont ni les salariés ni le comité d’entreprise avaient connaissance).

3. Les règles applicables aux systèmes de vidéoprotection dans les lieux publics

Les règles sont différentes lorsque la vidéoprotection est installée sur la voie publique ou dans des lieux et établissements ouverts au public. La loi LOPPSI 2 a modifié le régime juridique applicable et notamment renforcé les contrôles des systèmes de vidéoprotection.

3.1 Les obligations du responsable du dispositif de vidéoprotection

Justifications du dispositif - L’installation de systèmes de vidéoprotection sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public doit répondre à des motifs de préservation de la sécurité et de l’ordre public. A ce titre, la loi fixe une liste des motifs autorisés et les distingue en fonction du type de lieux. Ainsi, les entreprises ont la possibilité de recourir à un dispositif filmant (i) la voie publique uniquement pour assurer la protection des abords immédiats de leurs bâtiments et installations, si ceux-ci sont susceptibles d’être exposés à des actes de terrorisme et (ii) des lieux ouverts au public uniquement pour assurer la sécurité des personnes et des biens, lorsque ces lieux sont exposés à des risques d’agression, de vol ou de terrorisme.

Autorisation préfectorale et conséquences - L’obtention d’une autorisation préfectorale est un préalable nécessaire à l’installation du dispositif ; la demande d’autorisation doit être déposée à la préfecture et être accompagnée d’un dossier administratif et technique. L’autorisation est délivrée pour une durée de cinq ans, renouvelable.

La délivrance de l’autorisation préfectorale impose au responsable du dispositif de respecter un ensemble de prescriptions portant sur des modalités techniques de mise en oeuvre. Les images enregistrées ne peuvent être conservées que pendant un délai maximum d’un mois.

Tout responsable d’un dispositif de vidéoprotection est tenu d’informer de manière claire et permanente le public surveillé de l’existence de ce système et de la personne qui en est responsable. Cette information doit être apportée au moyen de panonceaux et d’affiches. De plus, le responsable du système doit permettre à toute personne intéressée d’obtenir accès aux enregistrements la concernant.

Déclaration CNIL : exception - Si le système de vidéoprotection est associé à des traitements ou fichiers automatisés de données personnelles permettant l’identification, directe ou indirecte, des personnes physiques, la loi Informatique et Libertés a vocation à s’appliquer. En pratique, cela signifie qu’un tel dispositif doit uniquement faire l’objet des formalités préalables auprès de la CNIL, à l’exclusion de.s démarches auprès de la préfecture.(8)

3.2 L’extension des pouvoirs de contrôle et les sanctions

Les Commissions Départementales de Vidéoprotection - Ces commissions disposent d’un pouvoir de contrôle des conditions de fonctionnement des dispositifs autorisés au sein de tous locaux ou établissements professionnels. Elles peuvent émettre des recommandations et proposer au préfet la suspension ou la suppression des dispositifs non autorisés, non conformes ou dont il est fait un usage anormal.

La CNIL - La Commission nationale informatique et libertés est désormais compétente pour contrôler les dispositifs de vidéoprotection, qu'ils soient installés sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public, alors que jusqu’à présent elle ne contrôlait que ceux installés dans les lieux privés. La CNIL peut, à la suite de ces contrôles, prononcer des mises en demeure à l’encontre des responsables des dispositifs si elle constate des manquements aux obligations qui s’imposent à eux et proposer au préfet d’ordonner des mesures de suspension ou de suppression du système contrôlé.

Les sanctions - Le non-respect de la loi et des textes d’application peut faire l’objet, d’une part, de sanctions administratives et d’autre part de sanctions pénales.(9) Le préfet a ainsi la possibilité de retirer une autorisation d’installation en cas de manquement du titulaire à ses obligations. Le non-respect de la loi peut également être sanctionné par des peines d’emprisonnement (3 ans) et d’amende (45.000€). Peuvent constituer des infractions: le fait d’installer ou de maintenir un système sans autorisation, de procéder à la destruction des images hors délais ou de permettre à des personnes non autorisées d’accéder aux images.


En conséquence, il est recommandé aux commerçants et aux entreprises de s’assurer de la conformité de leurs dispositifs de vidéosurveillance à la loi et, à défaut, de prendre toutes mesures nécessaires de mise en conformité.


******************************

(1) Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure dite LOPPSI 2(voir notamment le Chapitre III, Section 4 «Vidéoprotection») ; Communiqué CNIL du 26 avril 2011 « Programme des contrôles 2011 : une ambition réaffirmée, des compétences élargies » ; et Décret n°2011-877 du 25 juillet 2011 relatif à la commission nationale de la vidéoprotection.
(2) Par exemple, les caméras vidéos installées dans une superette et qui ont pour seule finalité de permettre au responsable du magasin de surveiller, sans le moindre enregistrement, en temps réel le magasin n’a pas besoin de faire l’objet d’une autorisation.
(3) Voir notamment les articles L. 1121-1, L. 1221-9, L.1222-4 et L.2323-32 du Code du travail et les dispositions de la Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
(4) Loi n°95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité (voir notamment articles 10 et 10-2) .
(5) Les systèmes comprenant un dispositif biométrique doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès de la CNIL.
(6) Formation contentieuse de la CNIL du 18 janvier 2011 et Délibération CNIL n° 2009-201 du 16 avril 2009 de la formation restreinte prononçant une sanction pécuniaire à l’encontre de la société Jean-Marc Philippe.
(7) Voir notamment articles 226-1, 226-16, 226-24 et 131-38 du Code pénal.
(8) Voir l’article 10-I et II de la Loi du 21 janvier 1995 relative à la sécurité, modifiée
(9) Ces peines sont prononcées sans préjudice de l’application de l’article 226-1 du Code pénal qui sanctionne également de peines d’emprisonnement (un an) et d’amende (45.000€) les atteintes volontaires à l’intimité de la vie privée d’autrui.




Bénédicte DELEPORTE – Avocat
Betty SFEZ – Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Août 2011