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jeudi 22 mai 2025

Jeux vidéo dématérialisés : la cour de cassation confirme l'impossibilité de leur revente

 

   Ce qu’il faut retenir

Dans un arrêt du 23 octobre 2024, la cour de cassation confirme que l’épuisement du droit de distribution ne s’applique pas aux jeux vidéo dématérialisés. En conséquence, les jeux vidéos au format numérique ne peuvent être revendus par leurs utilisateurs, contrairement aux jeux vidéos sur support tangible.

 

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mercredi 7 mai 2025

Affaire Thomson Reuters v. Ross Intelligence : la notion de "fair use" écartée en matière d’entraînement de l’IA

Ce qu’il faut retenir


Le 11 février 2025, un tribunal fédéral américain a jugé que l’utilisation par une société de résumés de jurisprudence d’un concurrent pour entraîner sa propre IA générative sans l’accord de ce dernier constituait une contrefaçon.

 

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lundi 13 janvier 2025

Le Pass PI : une aide de l’INPI pour financer les prestations juridiques en propriété intellectuelle

 


Ce qu'il faut retenir


Le développement d’une stratégie axée sur la protection de la propriété intellectuelle est essentielle pour l’entreprise, a fortiori dans le domaine des technologies innovantes, afin de protéger au mieux ses produits et services.

Le Pass PI permet aux TPE et PME d’être accompagnées juridiquement en propriété intellectuelle en bénéficiant d’une aide financière de l’INPI.

 

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mercredi 16 octobre 2024

Deepfakes : Opportunités technologiques et risques juridiques

Ce qu’il faut retenir

Il existe une multitude d’applications licites des deepfakes, sous réserve de respecter les droits des personnes. Malheureusement, les utilisations malveillantes restent trop nombreuses. La loi est cependant en train de s’étoffer. La lutte contre les deepfakes illicites devrait s’intensifier et les poursuites contre les fraudeurs se multiplier dans les mois qui viennent.

 

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lundi 18 mars 2024

La Poste condamnée pour contrefaçon de logiciel

 

Ce qu’il faut retenir

Dans un arrêt du 8 décembre 2023, la cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation de La Poste pour contrefaçon de logiciel.

Après avoir déduit que l’éditeur d’un logiciel utilisé dans une solution développée avec La Poste est fondé à agir sur le fondement de la contrefaçon, et reconnu le caractère original du logiciel, la cour a décidé que la mise à disposition au public par La Poste sur Google Play de la solution intégrant le logiciel litigieux, alors que le contrat n’autorisait qu’une utilisation dans un environnement de test, était constitutive de contrefaçon. 

 

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mercredi 28 février 2024

Jeux vidéo : gérer les droits d'auteur pour sécuriser leur exploitation commerciale

 

Ce qu’il faut retenir

Le jeu vidéo est qualifié juridiquement d’oeuvre complexe. Globalement protégé par le droit d’auteur, chaque élément du jeu (logiciel, base de données, gameplay, musique, …) est soumis au régime qui lui est applicable en fonction de sa nature. La sécurisation de son exploitation commerciale par le studio de développement implique une bonne gestion des droits des différents contributeurs.

 

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lundi 18 décembre 2023

IA générative : le droit d'auteur en question

 


Ce qu’il faut retenir

L’utilisation d’outils d’IA générative pose un défi au droit d’auteur : les oeuvres créées grâce à cette technologie sont-elles protégeables par le droit de la propriété intellectuelle ? La question se pose d’une part au sujet de la collecte de contenu par le logiciel d’IA, et d’autre part concernant les contenus générés par l’IA, avec ou sans intervention humaine.

 

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mardi 30 novembre 2021

Protection juridique du logiciel : condamnation pour contrefaçon des codes sources

 

Le logiciel est considéré comme une oeuvre de l’esprit, et à ce titre est protégé par le droit de la propriété intellectuelle. (1)

Une société, son fondateur et des salariés, reconnus coupables de contrefaçon des codes sources d’un logiciel appartenant à un concurrent, viennent d’être condamnés au versement de près de trois millions d’euros de dommages et intérêts au titulaire des droits. (2)

L’intérêt de ce jugement repose d’une part sur les éléments permettant de qualifier le caractère original du logiciel, pour déterminer s’il pouvait bénéficier de la protection par le droit d’auteur, auquel cas, la copie non autorisée des codes sources relève de la contrefaçon ; d’autre part, sur les éléments retenus pour l’évaluation du préjudice subi et la détermination par les juges de l’indemnisation du titulaire.

1. Les faits

La société Generix, est titulaire des droits sur le logiciel applicatif GCS WMS, utilisé pour la gestion des entrepôts, notamment pour la grande distribution. Ce logiciel avait été développé par Infolog Solutions, société absorbée par Generix en 2010. Le logiciel GCS WMS a été développé à partir d’un programme générateur de codes sources dénommé APX, mis au point par Generix et non commercialisé.

En 2011, le responsable support de la société Infolog Solutions a quitté cette société pour créer la société ACSEP, ayant pour activité la fourniture de prestations similaires à celles de Generix. D’anciens salariés d’Infolog Solutions et de Generix ont par ailleurs rejoint la société ACSEP.

Entre 2014 et 2016, plusieurs clients de la société Generix ont résilié leurs contrats pour les transférer chez ACSEP. En outre, Generix a appris que la société ACSEP était en possession des codes source du logiciel GCS WMS. Par deux ordonnances sur requête du 5 février et du 24 mars 2015, à la demande de la société Generix, le président du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence a autorisé un huissier à se rendre dans les locaux d’ACSEP, afin de constater notamment qu’ACSEP détenait les codes source du logiciel GCS WMS.

Le 2 mars 2016, la société Generix a fait assigner la société ACSEP, son dirigeant et les anciens salariés d’Infolog Solutions. Generix demandait au tribunal de condamner la société ACSEP, son dirigeant et les anciens salariés d’Infolog Solutions à lui payer 4.000.000€ au titre du préjudice matériel lié à la détention et l’utilisation non autorisées des codes sources du logiciel, 300.000€ au titre de la réparation du préjudice moral subi suite à la contrefaçon du logiciel, 50.000€ au titre du préjudice économique résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire du fait de l’utilisation de sa marque Infolog, de sa dénomination sociale et de sa marque Generix et de ses supports et plans de formations.

Le tribunal judiciaire de Marseille a rendu sa décision le 23 septembre 2021 et a condamné la société ACSEP, son dirigeant et les anciens salariés d’Infolog Solutions au paiement de près de 3.000.000€ pour contrefaçon de codes sources du logiciel GCS WMS.


2. La protection du logiciel par le droit d’auteur

    2.1 Protection du logiciel et droit d’exploitation 

Dans cette affaire, le tribunal rappelle que le logiciel, comprenant le code source et le code objet, ainsi que le matériel de conception préparatoire, est protégé par le droit d’auteur en application de l’article L.112-2 13° du code de la propriété intellectuelle (CPI). A ce titre, “le droit d’exploitation appartenant à l’auteur d’un logiciel comprend le droit d’effectuer et d’autoriser 1° la reproduction permanente ou provisoire d’un logiciel en tout ou partie par tout moyen et sous toute forme. (…) ces actes ne sont possibles qu’avec l’autorisation de l’auteur.” (art. L.122-6 CPI)

La société Generix, devenue titulaire des droits sur le logiciel après avoir absorbé la société Infolog Solutions, avait déposé deux versions du logiciel auprès de l’Agence pour la protection des programmes (APP) en 2006 et 2010.

    2.2 L’originalité du logiciel, condition de sa protection par le droit d’auteur

Toutefois, comme pour toute oeuvre de l’esprit, cette protection du logiciel par le droit d’auteur n’est accordée que pour autant que celui-ci soit reconnu original.

A cette fin, le tribunal rappelle les principales caractéristiques du logiciel GCS WMS qui avaient été mises en avant par Generix pour démontrer son originalité, à savoir : 1) des choix personnels quant à la structure du “scénario radio”, 2) un choix propre quant aux réservations de stocks, 3) le choix d’une forte interopérabilité du logiciel par l’utilisation d’un format d’échanges de données unique et original, 4) l’utilisation du langage de développement Cobol afin de permettre la portabilité du logiciel sur un grand nombre de machines, 5) le développement d’un atelier de génie logiciel en interne, 6) un choix technique personnel quant aux interfaces homme/machine, et 7) le choix d’une mise en oeuvre simplifiée du logiciel, ne nécessitant pas de compétences techniques ou informatiques et pouvant être réalisées par un consultant.

Sur la base de tous ces éléments, le tribunal a pu reconnaître l’originalité du logiciel alors même que celui-ci avait été développé grâce à un programme générateur de codes sources. La société Generix était donc bien fondée pour défendre ses droits sur le logiciel.


3. Les faits de contrefaçon et l’évaluation du préjudice

    3.1 L’établissement des faits de contrefaçon

Dans cette affaire, la contrefaçon a été démontrée sur la base de deux éléments : a) la production d’emails échangés entre les salariés de la société ACSEP, relatifs à la demande et à la communication des codes sources de programmes constitutifs du logiciel GCS WMS. On notera sur ce point que le tribunal n’a pas remis en cause l’intégrité de ces emails, obtenus par voie d’huissier ; et b) un rapport d’analyse technique démontrant que les logiciels détenus par la société ACSEP étaient identiques, à 2% près, aux programmes déposés par Generix à l’APP.

Or, il n’existait aucun accord entre les sociétés Generix et ACSEP, autorisant cette dernière à reproduire ou à utiliser tout ou partie du logiciel.

Le tribunal en conclut que ces simples faits de reproduction non autorisée des codes sources de programmes constitutifs du logiciel GCS WMS constituent des actes de contrefaçon de la part de la société ACSEP, son dirigeant et les salariés poursuivis.

    3.2 L’évaluation du préjudice et les mesures de réparation

Les règles permettant de déterminer le montant des dommages et intérêts sont définies aux articles L.331-1-3 et s. du CPI. Pour ce faire, les juges prennent en compte :
1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.


En l’espèce, le tribunal a évalué le préjudice subi par la société Generix en retenant i) une perte de chiffre d’affaires à la suite de la résiliation de plusieurs contrats commerciaux, évaluée à 2 millions d’euros, ii) le remboursement du montant représentant la valorisation de la recherche et développement du logiciel pour 814.000€, la contrefaçon ayant permis d’économiser les coûts de création et de développement d’un logiciel équivalent, et iii) le préjudice moral, constitué par la dévalorisation du savoir-faire de Generix, pour un montant de 50.000€.

La société ACSEP, son dirigeant et les anciens salariés d’Infolog Solutions ont été condamnés en sus à cesser l’utilisation et à la désinstallation du logiciel, et à indemniser Generix pour concurrence déloyale à hauteur de 30.000€ pour débauchage de plusieurs salariés de Generix.


       Cette affaire démontre que la contrefaçon de logiciel, notamment par d’anciens salariés, accompagnée d’actions de concurrence déloyale par détournement de clientèle et débauchage de salariés peut coûter cher à leurs auteurs. Le titulaire des droits doit cependant être en mesure de démontrer le caractère original de l’oeuvre contrefaite et de rapporter la preuve du détournement, ainsi que du préjudice subi (perte de clientèle, vol de savoir-faire, débauchage massif, etc.). Toutefois, la réparation du préjudice est un processus long et coûteux, le dossier contentieux ayant débuté en 2015…


* * * * * * * * * * *


(1) Art. L.112-2 CPI

(2) TJ Marseille, 23 septembre 2021, Generix c. Acsep et autres


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Novembre 2021

mercredi 3 novembre 2021

La fusion entre le CSA et la Hadopi donne naissance à l’Arcom


Selon la Hadopi, la hausse de la consommation de biens culturels dématérialisés s’est accélérée en 2020. Cette accélération a été favorisée par la crise sanitaire et la période de confinement qui ont entraîné la fermeture des lieux culturels (cinémas, théâtres, salles de spectacles). Constat positif mais également négatif puisqu’un quart des internautes français visiterait chaque mois des sites illicites de biens culturels. (1) Face à ce constat, le bilan de la Hadopi relatif à la lutte contre le piratage en ligne des oeuvres audiovisuelles est plus que mitigé, mais reflète cependant les limites de son champ d’action.

Une réforme était donc nécessaire pour tenter de lutter plus efficacement, et plus rapidement, contre les usages illicites sur internet. Celle-ci passe par la réforme, plus large, de l’audiovisuel qui se met enfin en place avec l’adoption, le 25 octobre 2021, de la loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux oeuvres culturelles à l’ère numérique. (2) Cette réforme, annoncée depuis deux ans, consacre la création de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique - Arcom, une nouvelle autorité administrative, née de la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi). L’Arcom entrera en activité au 1er janvier 2022.

Cette nouvelle autorité interviendra sur un champ de compétences élargi, avec des agents disposant de pouvoirs d’investigation pour des actions de lutte, on l’espère, plus efficaces contre les sites illicites.


1. Un champ des compétences élargi

L’Arcom disposera d’un champ de compétences élargi par rapport aux missions combinées du CSA et de la Hadopi, consacrant enfin la convergence des technologies de communication avec l’interaction grandissante entre l’audiovisuel traditionnel et internet.

En effet, les compétences attribuées à l’Arcom couvrent les domaines allant de la création des oeuvres jusqu’à la protection du droit d’auteur. Les activités de l’Arcom s’articuleront ainsi autour de plusieurs axes, avec notamment un premier axe sur la lutte contre le piratage des oeuvres protégées, un deuxième axe sur une mission pédagogique et de régulation, et un troisième axe de régulation du secteur audiovisuel.

    1.1 La focalisation sur la lutte contre le piratage des oeuvres protégées

Le premier axe, concernant principalement la communication en ligne portera sur les actions suivantes (3) :

    - La lutte contre le piratage des oeuvres protégées par le droit d’auteur, un droit voisin ou un droit d’exploitation audiovisuelle. L’Arcom pourra ainsi créer une “liste noire” des sites exploitant, de façon massive, des contenus contrefaisant ;

    - La lutte contre les sites sportifs illicites. Considérant que l’accès aux chaînes de sports est généralement trop cher, nombre d’internautes choisissent de visionner les événements sportifs en ligne, sur des sites de streaming sportif illicites. Cette pratique a des conséquences économiques et financières très lourdes pour les diffuseurs et les clubs sportifs. Or, jusqu’ici il était très difficile pour les titulaires des droits de diffusion de lutter contre ces sites, notamment du fait des délais de procédure pour obtenir une décision de blocage. La loi d’octobre 2021 tente de remédier à ce problème en créant une procédure spécifique de référé pouvant être intentée par les titulaires de droits de diffusion d’événements sportifs contre les sites illicites et les sites miroirs ;

    - La lutte contre la désinformation sur internet (lutte contre les “fake news” en application de la loi du 22 décembre 2018) (4) et contre les contenus haineux ;

    - La régulation des plateformes de vidéo par abonnement (SVoD).

    1.2 Une mission pédagogique

A l’instar des actions menées par la CNIL depuis plusieurs années, la loi du 25 octobre 2021 inscrit, parmi les missions de l’Arcom, des actions pédagogiques et de régulation par la création de “soft law”, comprenant :

    - Des actions de sensibilisation et de prévention, notamment auprès des jeunes. Concernant la protection des mineurs, ces actions de prévention concernent non seulement les contenus piratés, mais également les contenus illicites, violents, haineux, ou pornographiques ;

    - Une mission d’encouragement au développement de l’offre légale ;

    - Une mission de régulation et de veille relative aux mesures techniques de protection et d’identification des oeuvres et objets protégés par le droit d’auteur, avec la publication de recommandations, guides de bonne pratiques, modèles de clauses types et codes de conduite. Ces outils auront pour objet d’informer et de former le public.

    - L’Arcom pourra en outre favoriser la signature d’accords volontaires avec les professionnels pour les inciter à mettre en oeuvre des politiques de lutte contre le contrefaçon et le piratage plus efficaces.

    1.3 La régulation du secteur audiovisuel

Enfin, l’Arcom sera en charge de la régulation du secteur audiovisuel. Cette mission de régulation, héritée du CSA, comprend notamment la gestion des fréquences, les conditions de création de nouvelles chaînes de radio et de télévision et le suivi de leurs engagements, la garantie du respect de la liberté d’expression et des droits et libertés fondamentaux sur les chaînes de radio et de télévision, etc.

L’Arcom sera également en charge de garantir le pluralisme de l’offre dans le secteur audiovisuel et des sources d’information. Ce domaine est d’autant plus d’actualité avec, par exemple, le projet de fusion annoncé en mai 2021 entre les groupes TF1 et M6.


2. Des agents publics disposant de réels pouvoirs d’investigation

La direction de l’Arcom sera constituée de 9 membres, dont huit membres choisis en raison de leurs compétences économiques, juridiques ou techniques, nommés par décret, et le président de l’Autorité nommé par le Président de la République. Les membres sont nommés pour un mandat de 6 ans, non renouvelable. L’équilibre hommes/femmes doit être respecté au moment de leur nomination.

L’Arcom disposera par ailleurs d’un “bataillon” d’agents publics assermentés, habilités par décret. Dans le cadre de leurs investigations, les agents de l’Arcom pourront notamment :

    - recevoir des opérateurs de communications électroniques les coordonnées (identité, adresse postale, email, numéro de téléphone) des personnes dont l’accès aux services a été utilisé pour diffuser des oeuvres non autorisées ;

    - mais également constater les faits susceptibles de constituer les infractions lorsqu’ils sont commis en ligne, et “sans en être tenus pénalement responsables :
1° Participer sous un pseudonyme à des échanges électroniques susceptibles de se rapporter à ces infractions ;
2° Reproduire des œuvres ou des objets protégés sur les services de communication au public en ligne ;
3° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen des éléments de preuve sur ces services aux fins de la caractérisation des faits susceptibles de constituer des infractions ;
4° Acquérir et étudier les matériels et les logiciels propres à faciliter la commission d'actes de contrefaçon.
” (5)
Toutefois, ces actes ne pourront inciter autrui à commettre une infraction. Les informations recueillies font l’objet d’un procès-verbal pouvant ensuite être utilisé en cas de poursuites judiciaires.


3. Des pouvoirs plus efficaces ?

Regroupant les domaines de la communication audiovisuelle et par internet, l’Arcom devrait pouvoir intervenir sur un champ de compétences élargi. En effet, la convergence des technologies de l’audiovisuel et de l’internet entraîne la disparition de la frontière entre ces deux domaines.

La division des compétences sur des agences séparées n’avait plus de sens. D’une part, le champ d’action de la Hadopi se limitait au téléchargement illicite d’oeuvres en peer-to-peer. Or, cette pratique ne concernerait plus que 25% de la consommation illicite de biens audiovisuels. Depuis plusieurs années la technologie et les pratiques des internautes ont en effet évolué pour accéder aux oeuvres en streaming ou via des sites ou serveurs temporaires ou miroirs. D’autre part, grâce à la technologie de diffusion des oeuvres audiovisuelles en ligne, le rôle du CSA s’est naturellement élargi au domaine de l’internet, avec la multiplication des web radio et web TV, la télévision connectée, les services audiovisuels à la demande (SMAD / SVoD), …

La création de l’Arcom consacre donc la fin d’une frontière devenue artificielle entre les différents modes de diffusion des oeuvres audiovisuelles. L’Arcom a ainsi pour objectif d’améliorer l’efficacité de la lutte contre les différentes formes de piratage audiovisuel : téléchargement en P-to-P, streaming, IPTV, lutte contre les sites sportifs illicites.


    L’Arcom a pour ambition de se positionner comme le moteur d’un nouveau modèle de régulation audiovisuelle, “à l’écoute des publics et de leurs préoccupations, (…) résolument engagée dans la défense des libertés d’expression, d’information et de création.” (6) Cette nouvelle autorité devra toutefois surmonter plusieurs défis : intégrer des personnels venant de deux mondes jusqu’ici distincts, le monde de l’audiovisuel, et le monde d’internet, et démontrer l’efficacité de ses actions, particulièrement dans la lutte contre le piratage.

* * * * * * * * * * *


(1) Etude Hadopi du 6 mai 2021 “12,7 millions d’internautes ont visité en moyenne chaque mois des sites illicites de biens culturels dématérialisés en 2020, soit 24 % des internautes français”

(2) Loi n°2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux oeuvres culturelles à l’ère numérique, modifiant le code de la propriété intellectuelle et la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

(3) Art. L.331-12 et s. du Code de la propriété intellectuelle

(4) Loi n°2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information

(5) Art. L.331-14 du Code de la propriété intellectuelle

(6) Communiqué de presse conjoint du CSA et de la Hadopi sur la création de l’Arcom, 26 octobre 2021


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com


Novembre 2021

jeudi 22 décembre 2016

La simple commande d’un site web n’emporte pas la cession des codes sources au client



De très nombreuses prestations de développement de sites internet sont réalisées sur la base de devis ou bons de commande, non accompagnés d’un contrat de prestation ou ne comprenant pas de stipulation relative à la propriété intellectuelle du site. Or, en l’absence de stipulation claire en matière de cession de droits de propriété intellectuelle, le client est dépendant du prestataire. Il ne disposera que du droit d’utilisation de “son” site et ne pourra le faire évoluer sans l’accord du prestataire. D’autres contrats de prestation de développement stipulent que le prestataire conserve les droits de propriété intellectuelle, notamment sur les codes sources. Se posera alors la question de la pérennité du site au regard de son hébergement technique (possibilité de faire migrer le site vers un nouveau prestataire d’hébergement ou d’internaliser cette prestation) et surtout de son évolution fonctionnelle.

Un jugement du tribunal de commerce de Besançon de mars 2016 a rappelé ces principes, aux dépends du client. (1)


1. Les faits

Courant 2011, la société LDG Constructions avait commandé à la société Mediacom Studio le développement de sites internet pour les sociétés de son groupe, ainsi que la réservation des noms de domaine et l’hébergement des sites. Le contrat d’hébergement était renouvelable annuellement par tacite reconduction. A la fin de la première année, le contrat a été reconduit pour une nouvelle durée d’un an.

Dans un courrier du 8 mars 2013, la société LDG Constructions informait le prestataire de son souhait de reprendre l’hébergement de ses sites web en interne et lui demandait des précisions sur les modalités de transfert de l’hébergement des sites des sociétés du groupe afin de garantir leur bon fonctionnement et d’éviter toute coupure.

La société Mediacom Studio a considéré que LDG Constructions avait pris la décision de résilier son contrat d’hébergement à la date d’échéance annuelle, ce que LDG Constructions contestait. Mediacom Studio a informé la société LDG Constructions que la résiliation du contrat d’hébergement des sites mettrait un terme au droit d’utilisation des sites. Les sites web des sociétés du groupe ont donc été coupés le 12 mai 2013, à l’échéance du contrat d’hébergement.

La société LDG Constructions a assigné la société Mediacom Studio pour résiliation fautive du contrat d’hébergement.

Le litige portait notamment sur la question de déterminer si le courrier du client du 8 mars 2013 pouvait être analysé comme la résiliation du contrat d’hébergement à son échéance annuelle et la cessation du droit d’utilisation des sites web développés par Mediacom Studio.

En effet, les droits de propriété intellectuelle sur les sites n’avaient pas été cédés à la société LDG Constructions. La résiliation du contrat d’hébergement des sites a donc entraîné leur suspension.


2. La décision

Dans un jugement du 23 mars 2016, le tribunal de commerce de Besançon a suivi les arguments de la société prestataire en constatant que par son courrier du 8 mars 2013, la société LDG Constructions avait effectivement dénoncé le contrat d’hébergement.

Les juges rappellent par ailleurs le principe de protection des logiciels. Conformément à l’article L.112-2 13° du code de la propriété intellectuelle, les logiciels sont considérés comme oeuvre de l’esprit et à ce titre, protégés par le droit de la propriété intellectuelle.

En l’espèce, conformément au contrat conclu entre les parties, les droits de propriété intellectuelle sur les codes sources n’avaient pas été cédés au client. Le prestataire était donc fondé à refuser de communiquer le code source des sites internet à la société LDG Constructions. La cessation du contrat d’hébergement avec le prestataire entraînait ainsi automatiquement la coupure des sites internet.


    En conclusion, le développement d’un site web, a fortiori si celui-ci est utilisé à des fins commerciales, doit faire l’objet d’une analyse préalable concernant la propriété intellectuelle. Le site peut être développé sur une plateforme open source ou en mode propriétaire. Dans ce dernier cas, sous réserve du critère d’originalité, le site sera protégé par le droit d’auteur. Les développements appartiendront à leur auteur, à savoir en principe, au prestataire. Si la question de la propriété intellectuelle n’est pas visée dans les documents de commande ou dans le contrat, ou si les droits ne sont pas expressément cédés au client, celui-ci ne disposera que du droit d’utilisation du site, limité dans le temps.


                                                                      * * * * * * * * * * * *

(1) T com. Besançon, jugement du 23 mars 2016, LDG Constructions c. Mediacom Studio


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Décembre 2016

lundi 5 décembre 2016

Audit de licences de logiciels - Oracle condamné en appel pour mauvaise foi et déloyauté

 

La cour d’appel de Paris, statuant sur l’appel du jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 6 novembre 2014, a confirmé la condamnation de la société Oracle pour ses pratiques agressives en matière d’audit de licences de logiciels. (1)


1. Les faits : incertitude et désaccord sur le périmètre de la licence des logiciels

L’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) a attribué en 2002 un marché de fourniture de services informatiques à l’intégrateur Sopra Group (devenu Sopra Steria), prestataire agréé de la société Oracle. Cette société avait remporté l’appel d’offres avec la solution Oracle E-Business Suite. Le marché a pris fin en 2005. Lors de la reprise des contrats par la société Oracle, celle-ci a décidé d’organiser deux audits de licences. Le second audit a été suspendu alors que l’AFPA lançait un nouvel appel d’offres, auquel la société Oracle a décidé de répondre. Le nouveau contrat ne lui ayant pas été attribué, la société Oracle a repris l’audit qu’elle avait suspendu. A l’issue de cet audit, Oracle a conclu que l’AFPA utilisait 885 licences du logiciel Purchasing sans en avoir acquis les droits car selon Oracle, ce logiciel faisait partie d’une autre suite logicielle.

Après deux ans de négociations infructueuses, les sociétés Oracle Corporation, Oracle International Corporation et Oracle France ont assigné l’AFPA pour contrefaçon du logiciel Purchasing pour lequel l’AFPA n’aurait pas acquis les droits d’exploitation. L’AFPA a alors appelé en garantie la société Sopra Group.


2. Le jugement du TGI : le litige n’est pas un litige de contrefaçon mais porte sur le périmètre du contrat et sur sa bonne ou sa mauvaise exécution


Devant le TGI, l’AFPA soutenait que les sociétés Oracle usaient de l’audit contractuel de manière abusive, “en les détournant de leur objectif, afin de faire pression sur l’AFPA pour la dissuader de faire appel à un concurrent au moment des périodes de renouvellement contractuel, ce afin de restreindre la concurrence sur le marché des solutions SGF et sur le marché connexe des SGBDR, ces pratiques ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence au sens des dispositions des articles L.420-2 du Code de commerce (…)”.

Par ailleurs, l’AFPA explique que le logiciel Purchasing était intégré dans la suite logicielle Financials, objet du premier marché de fourniture accordé à Sopra Group. L’AFPA indiquait en outre que si le tribunal devait en juger autrement, le contrat a toutefois été exécuté de bonne foi car le logiciel Purchasing avait été installé sur son système informatique par Sopra, prestataire agréé d’Oracle.

Les juges ont estimé que les sociétés Oracle “entretiennent un doute et une confusion sur ce qu’est réellement ce logiciel” : soit le logiciel n’entre pas dans le périmètre contractuel de l’AFPA et il n’aurait pas dû être livré, soit il est compris dans le contrat, puisqu’il a été fourni en exécution du bon de commande. Les juges concluent donc que “l’AFPA exploite le logiciel Purchasing sans aucune faute puisqu’il a été inclus dans les CD préparés par les sociétés Oracle elles-mêmes qui ont donc toujours compris et admis que le contrat incluait l’exploitation de ce logiciel.

Ainsi, selon les juges du fond, la question posée ne relevait pas du droit d'auteur, mais du droit des contrats. En effet, le tribunal a jugé qu’il "n’est à aucun moment soutenu que l’AFPA aurait utilisé un logiciel cracké ou implanté seule un logiciel non fourni par la société Sopra Group, ni même que le nombre de licences ne correspondait pas au nombre d’utilisateurs. En conséquence, le litige soumis au tribunal n’est pas un litige de contrefaçon mais bien un litige portant sur le périmètre du contrat et sur sa bonne ou sa mauvaise exécution."


3. La décision de la cour d’appel : la demande en contrefaçon est recevable, mais mal fondée ; Oracle a fait preuve de mauvaise foi et déloyauté
 
Dans un arrêt du 10 mai 2016, la cour d’appel de Paris va cependant infirmer le jugement sur le fondement de la demande, mais néanmoins retenir la responsabilité des société Oracle pour mauvaise foi et déloyauté.

Contrairement au TGI, la cour considère la demande en contrefaçon recevable, mais mal fondée et examine si l’AFPA et Sopra avaient manqué à leurs obligations contractuelles en installant et en utilisant le logiciel Purchasing. La cour a estimé "qu’en installant et en utilisant le module PO, se rattachant pour le moins au logiciel Purchasing et inclus dans le périmètre du marché Mosaïc, lequel a été dûment payé, la société Sopra Group et l’AFPA n’ont manqué à aucune de leurs obligations contractuelles ; qu’aucun acte de contrefaçon ne peut donc leur être reproché par la société Oracle International Corporation”.

La cour a en revanche retenu les demandes reconventionnelles en dommages-intérêts de l’AFPA et de Sopra pour avoir agi avec mauvaise foi et déloyauté envers ces deux organisations. Elle a estimé qu’Oracle avait profité à deux reprises de son droit contractuel de procéder à des audits, de manière à faire pression et obtenir la souscription de nouvelles licences incluses dans l’offre de 2001.

Les sociétés Oracle Corporation, Oracle International Corporation et Oracle France sont condamnées à verser 100.000 € à l’AFPA et la même somme à Sopra au titre des dommages-intérêts et 100.000 € à chacune au titre de l’article 700 (frais de procédure). L’arrêt fait l’objet d’un pourvoi en cassation.


    Comme rappelé dans notre précédent article sur cette affaire,(2) la complexité de certaines licences de logiciel, voire même de certains contrats SaaS, peut rendre la procédure d’audit de licence de logiciel très conflictuelle, entre un client-utilisateur de bonne foi et l’éditeur de logiciel, en désaccord sur le périmètre de la licence. Les utilisateurs font de plus en plus de résistance face aux audits ,qu’ils ressentent parfois comme abusifs, et n’hésitent plus à contester cette pratique, compte tenu des sommes en jeu. Les audits de licence sont néanmoins une pratique légitime des éditeurs et l’abus ou la mauvaise foi de l’éditeur devra pouvoir être prouvée en cas de poursuites judiciaires.


(1) CA Paris, pôle 5, ch. 1, arrêt du 10 Mai 2016, Oracle France, Oracle Corporation, Oracle International Corporation / AFPA, Sopra Steria Group

(2) Voir notre précédent article sur le sujet “La conduite et les conclusions des audits de licences de logiciel contestées en justice

vendredi 6 mars 2015

La conduite et les conclusions des audits de licences de logiciel contestées en justice


Les audits de licence menés par les éditeurs de logiciels ont pour objet de lutter contre la contrefaçon de logiciel, en s’assurant que les utilisateurs sont dûment autorisés à utiliser leurs logiciels, au risque de se voir réclamer des surplus de redevances ou d’être poursuivis en justice. Même lorsque l’utilisateur est titulaire d’une licence, celle-ci lui accorde généralement des droits limités. Dans ce cas, les audits de licence auront pour objet de s’assurer de la conformité entre l’utilisation effective des logiciels et les droits accordés par le contrat.

Les audits de licence donnent cependant lieu de plus en plus souvent à contestation de la part des sociétés utilisatrices. Celles-ci opposent plusieurs raisons à leurs contestations : complexité des licences, difficulté à comptabiliser les droits utilisés, ou encore mauvaise foi de certains éditeurs qui utiliseraient l’arme de l’audit de licence à des fins d’intimidation au moment du renouvellement du contrat.

Les enjeux financiers sont importants, tant pour les éditeurs que pour les utilisateurs ; les sommes réclamées à l’issue de ces audits pouvant atteindre des montants très élevés.

Deux affaires récentes, impliquant la société Oracle, viennent illustrer les tensions entre éditeurs et utilisateurs particulièrement au moment de renouveler - ou non - les licences en place. (1) Ces décisions nous donnent l’occasion d’étudier la question relative à l’objet et aux limites d’un audit de licence, et les fondements d’une action judiciaire en cas de constatation de non-conformité entre l’utilisation des logiciels et les droits concédés.


1. Objet et limites des audits de licences


Le logiciel est une oeuvre de l’esprit protégée par le droit d’auteur. (2) L’auteur ou l’éditeur du logiciel dispose des droits exclusifs sur l’oeuvre et décide donc de sa commercialisation et des conditions applicables, notamment en termes de droits accordés et de calcul des redevances.

Les droits d’utilisation accordés aux utilisateurs sont décrits dans le contrat de licence. L’étendue des droits accordés diffère suivant les éditeurs et les logiciels concernés. Les droits d’utilisation peuvent ainsi être limités selon un type ou un nombre de postes déterminé, un nombre d’utilisateurs nommés ou de CPU, un volume d’utilisation, etc. Les limitations peuvent également être géographiques, par site ou établissement (société disposant de plusieurs établissements), par pays ou encore par région.

Enfin, chaque éditeur définit son système de calcul des redevances d’utilisation : versement d’une redevance unique et forfaitaire, abonnement périodique calculé en fonction du nombre de postes ou du volume d’utilisation, redevances évolutives suivant les montées de version du logiciel, etc.

Pour s’assurer de la conformité de l’utilisation du logiciel aux droits accordés, les éditeurs prévoient des clauses d’audit de licences dans leurs contrats.

Cependant, conformément à l’article 1134 du code civil qui dispose que le contrat doit être exécuté de bonne foi, l’audit de logiciel ne doit pas être détourné de son objet, et être utilisé comme arme de dissuasion au moment du renouvellement des contrats (“vous (utilisateur), renouvelez les licences avec nous, sinon nous déclenchons un audit et réclamerons des indemnités”), ou comme un moyen d’accéder à des données de l’entreprise utilisatrice non nécessaires dans le cadre d’un audit.

Ces deux cas de figure ont été soulevés dans les deux affaires en référence.

- L’ordonnance de référé du 12 juin 2014
Dans l’affaire opposant les sociétés Oracle à Carrefour, cette dernière refusait d’exécuter les scripts de collecte de données que la société Oracle lui demandait de mettre en oeuvre dans le cadre d’un audit de licences.

Carrefour SA, puis la société Carrefour Organisation et Systèmes Groupe avaient conclu un accord-cadre pour l’utilisation des logiciels de gestion de base de données de la gamme Oracle Database. Le 27 janvier 2012, après l’expiration du contrat, Oracle France a notifié à la société Carrefour sa décision de réaliser un audit afin de vérifier la conformité de l’utilisation des logiciels aux droits acquis via les contrats de licence. Oracle demandait notamment d’exécuter des scripts lui permettant de comptabiliser les licences et de vérifier les documents fournis par Carrefour sur l’utilisation des logiciels.

Carrefour s’est opposée, non pas à l’audit, mais à la procédure utilisée par Oracle, qui voulait imposer ses outils d’audit. Carrefour considérait en effet que les scripts utilisés par Oracle permettaient d’avoir accès à des informations confidentielles de Carrefour, non nécessaires dans le cadre de l’audit, et faisaient peser un risque de sécurité sur ses systèmes informatiques.

Dans une ordonnance de référé, rendue le 12 juin 2014, le Tribunal de grande instance de Nanterre relève qu’Oracle ne peut contraindre Carrefour à exécuter ses scripts pour la collecte des informations dans le cadre de cet audit, cette procédure n’étant imposée ni dans le contrat, ni dans la loi.

Les juges estiment néanmoins que la société Oracle justifie “d’un motif légitime d’obtenir une mesure d’expertise en vue d’établir la preuve d’éventuels manquements par les sociétés défenderesses à leurs obligations contractuelles et d’atteintes aux droits d’auteur dont la société Oracle International Corporation est titulaire.”

Ainsi, Carrefour n’aura pas l’obligation d’exécuter les scripts de collecte d’informations d’Oracle, mais l’éditeur pourra néanmoins obtenir les informations nécessaires à l’issue du rapport d’expertise, pour contrôler la conformité de l’utilisation de ses logiciels aux licences accordées.

- Le jugement du TGI de Paris du 6 novembre 2014
Dans une seconde affaire opposant Oracle à l’AFPA (Association de la Formation Professionnelle des Adultes), l’AFPA prétendait qu’Oracle avait abusivement mis en oeuvre les audits contractuels, en les détournant de leur objectif pour faire pression sur l’AFPA au moment du renouvellement des contrats, d’une part avec pour effet de restreindre la concurrence, et d’autre part en abusant de son droit d’ester en justice en cas de non renouvellement des contrats.

Ainsi, l’AFPA soutenait que les sociétés Oracle usaient de l’audit contractuel de manière abusive, “en les détournant de leur objectif, afin de faire pression sur l’AFPA pour la dissuader de faire appel à un concurrent au moment des périodes de renouvellement contractuel, ce afin de restreindre la concurrence sur le marché des solutions SGF et sur le marché connexe des SGBDR, ces pratiques ayant pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence au sens des dispositions des articles L.420-2 du Code de commerce (…)”.

Les juges n’ont pas suivi l’AFPA sur le terrain de l’abus de position dominante, estimant notamment qu’en l’espèce, la position dominante d’Oracle sur le marché des SGBDR n’était pas établie.

Concernant l’abus d’ester en justice, après avoir rappelé que l’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit, les juges poursuivent en précisant que l’abus de droit doit être démontré sur le fondement de l’article 1382 du code civil (faute, dommage ou préjudice, lien de causalité entre la faute et le préjudice).

Or, quand bien même Oracle utiliserait l’arme de l’audit de licence au moment de l’envoi des appels d’offres pour le renouvellement des contrats, en l’espèce l’AFPA ne démontre pas avoir subi un préjudice spécifique, “autre que celui résultant des frais exposés pour se défendre dans la présente instance”. En outre, l’AFPA avait formulé une demande d’indemnisation globale en réparation du préjudice subi du fait de l’abus de position dominante et de l’abus d’ester en justice. La demande a donc été jugée irrecevable en l’espèce.


2. Conclusions de l’audit et non-conformités constatées : contrefaçon ou manquement contractuel ?

L’affaire opposant les sociétés Oracle à l’AFPA soulève une seconde question relative à la contestation des conclusions de l’audit, aux conséquences juridiques intéressantes.

- Les faits
En résumé, Oracle commercialise une solution de PGI (ou ERP) dénommée Oracle E-Business Suite, comprenant plus de 70 logiciels applicatifs dédiés à la gestion de l’entreprise et regroupés par “familles” (famille Finances (Financial) pour les logiciels comptables et financiers, et famille Achat (Procurement) pour les logiciels de gestion des achats et des fournisseurs).

Le système de licence E-Business Suite ne fonctionne pas avec des clés permettant de gérer les licences (blocage, déblocage du logiciel, gestion de la durée d’utilisation…), mais est livré sur CD avec l’intégralité des logiciels qui le composent, le client ou son prestataire étant chargé d’installer les logiciels dont il a acquis les licences.

A l’issue d’un appel d’offres lancé en septembre 2001, l’AFPA avait contracté avec la société Sopra Group (distributeur Oracle) pour la fourniture de la solution Oracle E-Business Suite - Finance, pour un premier groupe de 475 utilisateurs.

En juillet 2008, Oracle France notifiait à l’AFPA son intention d’organiser un audit du niveau d’utilisation des produits Oracle. L’audit n’a été réalisé qu’en mai/juin 2009, au moment où l’AFPA passait un nouvel appel d’offres pour déployer la solution Achat. Or, selon les résultats de l’audit, l’AFPA utilisait 885 licences du logiciel “Purchasing”, faisant partie de la famille Achat (Procurement), alors qu’elle ne détenait pas les droits d’utilisation sur cette famille de logiciels.

Après l’échec de la régularisation amiable de la situation, Oracle a décidé d’assigner l’AFPA en contrefaçon pour utilisation non autorisée du logiciel Purchasing. A ce titre, Oracle réclamait à l’AFPA (et Sopra Group, appelée en garantie par l’AFPA), le versement de la somme de 3.920.550 euros HT à titre d’indemnité forfaitaire pour la reproduction non autorisée du logiciel Purchasing pour 885 utilisateurs nommés, augmentée de 9.487.731 euros HT à titre d’indemnité forfaitaire pour l’utilisation non autorisée des services de support technique et des mises à jour du logiciel Purchasing, soit un total de 13.408.281 euros.

Les défendeurs opposaient notamment le fait que les sociétés Oracle savaient que le logiciel Purchasing faisait partie de la solution proposée par Sopra à l’AFPA dans le cadre du marché, la solution ayant été validée dans le bon de commande établi par Oracle. Ainsi, Sopra avait facturé à l’AFPA l’installation, l’utilisation et la maintenance de ce logiciel. L’AFPA soutenait par ailleurs qu’elle utilisait le logiciel Purchasing de bonne foi depuis l’origine du marché et qu’elle n’avait commis aucun acte de contrefaçon.

- Le désaccord sur la qualification juridique des conclusions de l’audit
Dans cette affaire, les parties formaient leurs demandes sur des qualifications différentes aux conséquences juridiques distinctes.

Oracle soutenait que l’AFPA n’étant pas autorisée à utiliser le logiciel litigieux, celle-ci avait commis des actes de contrefaçon. Or, d’une part la contrefaçon est un délit continu, non soumis à prescription, d’autre part, le contrefacteur ne peut opposer la bonne foi.

L’AFPA se positionnait sur le terrain de l’exécution contractuelle. Selon elle, le logiciel Purchasing était inclus dans les logiciels objets du contrat. Dans le cas contraire, l’AFPA soutenait avoir exécuté le contrat de bonne foi puisque les logiciels avaient été installés par Sopra. Or, les actions contractuelles se prescrivent par 5 ans (art. 2224 du Code civil) et la réparation relève de la responsabilité contractuelle, dans le cadre des règles du code civil sur l’exécution des contrats.

- La qualification retenue par les juges
Afin de qualifier le litige en droit, les juges relèvent que le seul différend existant entre les parties est de savoir si le contrat incluait ou non le logiciel Purchasing. A aucun moment Oracle n’a soutenu que l’AFPA aurait utilisé un logiciel contrefait ou déployé un logiciel non fourni par Sopra, ou que le nombre de licences ne correspondait pas au nombre d’utilisateurs. En conséquence, les juges retiennent que le litige porte uniquement sur le périmètre du contrat, et sur son exécution, et non sur une question de contrefaçon. Ainsi, les règles de prescription et de réparation du préjudice prévues au Code civil s’appliquent.

Concernant l’exécution du contrat, Oracle avait effectivement livré quatre CD, dont un contenant la solution Oracle Applications/E Business Suite II i, incluant les familles Financial et Purchasing. Oracle soutenait cependant que le logiciel Purchasing n’était pas inclus dans le périmètre du contrat.

Les juges, sur la base des documents versés aux débats, estiment que les sociétés Oracle “entretiennent un doute et une confusion sur ce qu’est réellement ce logiciel” : soit le logiciel n’entre pas dans le périmètre contractuel de l’AFPA et il n’aurait pas dû être livré, soit il est compris dans le contrat, puisqu’il a été fourni en exécution du bon de commande. Les juges concluent donc que “l’AFPA exploite le logiciel Purchasing sans aucune faute puisqu’il a été inclus dans les CD préparés par les sociétés Oracle elles-mêmes qui ont donc toujours compris et admis que le contrat incluait l’exploitation de ce logiciel.”

En conséquence de cette qualification, la contrefaçon n’étant pas applicable à l’espèce, et le logiciel étant, selon toute vraisemblance, inclus dans le périmètre contractuel, les juges ont notamment déclaré prescrites les demandes d’Oracle à l’encontre de l’AFPA et Oracle irrecevable en ses demandes de paiement de la somme de 13.408.281 euros. Oracle a par ailleurs été condamnée aux dépens ainsi qu’à verser 100.000 euros à l’AFPA et à Sopra respectivement au titre de l’article 700 du code de procédure civile (frais de procédure). Le jugement est frappé d’appel.


    En conclusion, il convient de rappeler que les audits de licence, bien qu’étant une pratique légitime par les éditeurs, ne doivent pas être détournés de leur objet. La mauvaise foi ou l’abus de la part des éditeurs (fondements qui restent néanmoins à démontrer juridiquement), mais également, la complexité des licences peuvent remettre en cause l’organisation, voire même les conclusions d’un audit. Comme on le constate, les utilisateurs n’hésitent plus à contester cette pratique, compte tenu des sommes en jeu.


                                                              * * * * * * * * * * *

(1) Tribunal de grande instance de Nanterre, ordonnance de référé du 12 juin 2014, Oracle Corp., Oracle International Corp., Oracle France c/ Carrefour, Carrefour Organisation et Systèmes Groupe ; Tribunal de grande instance de Paris, 3é ch., 1ère sect., 6 novembre 2014, Oracle Corp., Oracle International Corp., Oracle France c/ Association Nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA) et Sopra Group

(2) Article L.112-2 du Code de la propriété intellectuelle





Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Mars 2015

mardi 24 février 2015

Propriété d’un logiciel : l’entreprise n’est pas systématiquement propriétaire de “son” logiciel

A qui appartient le logiciel développé au sein d’une entreprise ? C’est à cette question que la Cour de cassation a récemment répondu, dans un arrêt du 15 janvier 2015. Avant d’exposer les faits de l’espèce et la décision de la Cour, nous rappelons brièvement les règles applicables en matière de droit d’auteur sur le logiciel.


1. Les règles relatives au droit d’auteur et ses titulaires en matière de logiciel

Le logiciel est une œuvre de l’esprit protégée par le droit d’auteur (article L.112-2 du Code de la propriété intellectuelle).

Cependant, cette protection n’est pas acquise automatiquement, le caractère original du logiciel étant un préalable nécessaire à la protection. L'originalité d’une oeuvre peut être définie comme étant ce qui distingue cette oeuvre des autres. Appliquée au logiciel, l’originalité ressort de l’effort personnalisé de son auteur, au-delà de la simple mise en oeuvre d'une logique automatique et contraignante. La matérialisation de cet effort réside dans une structure individualisée. (1)

Selon le principe posé par l’article L.113-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), “La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée.”

Le titulaire des droits d’auteur sur un logiciel peut être une personne physique, le développeur du programme ou une personne morale, l’entreprise au sein de laquelle le logiciel a été développé. Plus précisément, une entreprise peut être considérée comme titulaire des droits d’auteur sur un logiciel dans trois cas de figure :

    1 - le logiciel est qualifié d’œuvre collective : dans cette hypothèse, la contribution de chacune des personnes ayant participé au développement du logiciel se fond dans un ensemble ne permettant pas de distinguer le travail de chacun. Ce logiciel peut être la propriété de l’entreprise qui est à l’initiative du développement, l’édite et sous le nom de laquelle il est distribué. L’entreprise sera donc investie des droits d’auteur ;

    2 - le logiciel est développé par un salarié de l’entreprise : l’article L.113-9 du CPI dispose que “les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leurs employeurs sont dévolus à l’employeur qui est seul habilité à les exercer”, sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires (prévues dans le contrat de travail). Toutefois, cette disposition ne concerne pas tous les salariés et exclut les tiers à l’entreprise, même intervenant pour son compte, tels que les stagiaires, intérimaires, consultants détachés par un prestataire informatique, consultants indépendants, etc. ;

    3 - le logiciel est cédé dans le cadre d’un accord de cession de droits d’auteur : dans cette hypothèse le logiciel a été développé par une ou plusieurs personnes qui cèdent les droits patrimoniaux à l’entreprise. Pour être valable, la cession doit remplir les conditions de fond et de forme spécifiques, prévues par la loi (article L.131-3 al.1 du CPI).

Enfin, l’auteur du logiciel détient sur celui-ci les droits de propriété intellectuelle comprenant les droits patrimoniaux (notamment le droit d’exploiter et de distribuer le logiciel, et d’en tirer des revenus) et le droit moral (droit à la citation et au respect de l’intégrité l’oeuvre). Le logiciel ne pourra donc être exploité ou utilisé par des tiers qu’avec l’accord de l'auteur. Toute utilisation non autorisée du logiciel (reproduction ou distribution sans l’autorisation de l'auteur) pourra être qualifiée de contrefaçon, en vertu des articles L.335-2 et suivants du CPI.



2. La décision Sociétés Orqual c/ Tridim et autres de la Cour de cassation

Dans cette affaire, un professeur en médecine et un informaticien s’étaient associés pour créer une structure en commun, la société Tridim. Cette société avait pour objet social la conception, la création, la réalisation, ainsi que la distribution de logiciels d’analyse médicale. Leur collaboration a ainsi permis le développement de deux logiciels, dénommés Tridim-Delaire 2008 et Céphalométrie Architecturale 2010.

Les deux associés ont ensuite décidé de se séparer, le professeur en médecine devenant gérant majoritaire de la société Tridim et l’informaticien créant deux nouvelles sociétés (Orqual et Orthalis), pour commercialiser des logiciels.

Un désaccord portant sur la titularité des droits d’auteur sur les deux logiciels développés pendant leur collaboration dans la société Tridim a conduit le gérant des sociétés Orqual et Orthalis à bloquer les codes d’accès à ces logiciels à la société Tridim. En réponse, la société Tridim a assigné ces deux sociétés afin de faire reconnaître qu’elle était le seul titulaire des droits d’auteur.

Déboutée en première instance, la société Tridim a interjeté appel du jugement. La Cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 28 mai 2013, a fait droit à ses demandes, considérant que les logiciels devaient être qualifiés d’œuvre collective, en ce que “leur développement est le fruit du travail de ses associés”. En conséquence, la société Tridim serait titulaire des droits d’auteur sur ces deux logiciels.

Contestant cette décision, les sociétés Orqual et Orthalis se sont pourvues en cassation. (2)

Dans un arrêt du 15 janvier 2015, la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel, sur le fondement de l’article L.113-1 du CPI, rejetant l’analyse selon laquelle le développement des logiciels étant le fruit du travail des deux associés, la société Tridim en détenait les droits d’auteur. En effet, selon les juges, “une personne morale ne peut avoir la qualité d’auteur” et ce notamment au motif qu’en l’espèce les contributions des auteurs au développement des logiciels étaient de natures différentes (d’une part, développement de code pour l’informaticien, d’autre part, apport d’éléments “métier” pour le professeur en médecine) et ne se fondaient pas dans un ensemble permettant de qualifier ces œuvres de “collectives”.

Par ailleurs, bien que ceci n’ait pas été précisé par la Cour, il convient de souligner que la société Tridim ne pouvait ni se réclamer titulaire des droits d’auteur au motif que les logiciels avaient été développés par des salariés, puisque ce sont les deux gérants qui avaient élaboré ces logiciels, ni se prévaloir d’aucun accord de cession de droits sur les logiciels.

Enfin, les logiciels litigieux auraient pu être qualifiés d’oeuvre de collaboration, définie à l’article L.113-3 du CPI comme la propriété commune des co-auteurs (personnes physiques). Or, les co-auteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

En conséquence, le gérant de la société Tridim, qui avait pourtant contribué à l’élaboration des deux logiciels litigieux, se voit interdire leur exploitation, faute d’accord contractuel avec son co-auteur.


     Cette décision illustre la nécessité pour les entreprises de réfléchir, pour chaque projet informatique, à la titularité des droits d’auteur et dès que nécessaire, de gérer les droits de propriété intellectuelle sur les développements, par la voie contractuelle.


 

                                                   * * * * * * * * * * *

(1) Voir Cass. civ., 17 octobre 2012, Codix c. Alix, et notre article “Les critères de l’originalité comme condition de la protection du logiciel par le droit d’auteur, rappelés par la Cour de cassation"


(2) Cass., 1e ch. civ., 15 janvier 2015, Sociétés Orqual c/ Tridim et autres


Bénédicte DELEPORTE
Betty SFEZ
Avocats

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Février 2015

jeudi 15 mai 2014

Droits d’utilisation des logiciels : de la nécessaire gestion des licences au sein de l’entreprise

Les modes d’utilisation des logiciels se sont multipliés, que ce soient les logiciels installés (dans l’entreprise ou sur des machines identifiées), ou une utilisation via des serveurs virtuels, en Cloud, avec un PC classique, ou depuis des appareils mobiles (tablettes, voire smartphones).

Une étude récente sur les audits menés par les éditeurs de logiciels, conduite par la société de conseil IDC auprès de 1398 entreprises, indique que les éditeurs de logiciels n’hésitent plus à auditer les entreprises utilisatrices afin de contrôler la conformité de l’utilisation de leurs logiciels aux licences conclues. En cas de non-respect des conditions de licence, les éditeurs réclament le règlement des surplus de redevances, éventuellement augmentés de pénalités. Les sommes réclamées peuvent aller de quelques milliers à plusieurs millions d’euros. (1)

Même si la multiplication des modes d’utilisation rend le suivi des licences particulièrement difficile à gérer pour l’entreprise et la DSI, cette question est primordiale dans le cadre d’une bonne gouvernance juridique et financière de l’entreprise.


1. Contrat de licence, droits d’utilisation du logiciel et gestion des licences

Le logiciel est une oeuvre de l’esprit protégée par le droit d’auteur. L’auteur (l’éditeur du logiciel) dispose des droits exclusifs sur l’oeuvre et décide donc de sa commercialisation et des conditions applicables, notamment en termes de calcul des redevances. (2) Ainsi, bien qu’en droit français, il n’existe aucune disposition spécifique dans le code de la propriété intellectuelle concernant la licence d’utilisation de logiciel, l’utilisation d’un logiciel propriétaire est soumise à l’autorisation du titulaire des droits sur ce logiciel. (3)

Les droits accordés aux utilisateurs sont décrits dans le contrat de licence. Les tribunaux ont reconnu la validité des différentes formes de licences, du format papier classique aux contrats d’adhésion comme les licences dites “shrink-wrap” pour les logiciels emballés, ou les licences “click-thru” pour les logiciels téléchargeables.

Les droits accordés diffèrent suivant les éditeurs et les logiciels concernés. Les droits d’utilisation peuvent ainsi être limités selon un type ou un nombre de postes déterminé, un nombre d’utilisateurs nommés, un volume d’utilisation, etc. Les limitations peuvent également être géographiques : limitation par site ou établissement (société disposant de plusieurs établissements), par pays ou encore par région.

De même, le calcul des redevances d’utilisation diffère selon les éditeurs et les modes d’utilisation : versement d’une redevance unique et forfaitaire, abonnement périodique calculé en fonction du nombre de postes ou du volume d’utilisation, redevances évolutives en fonction des montées de version du logiciel, etc.

Comme mentionné plus haut, la multiplication des modes d’utilisation des logiciels dans l’entreprise rend le suivi et la gestion des licences - donc des droits accordés par l’éditeur - de plus en plus difficile à gérer pour les équipes IT. Même si les outils de gestion de licence (ou software license optimization tools) sont de plus en plus déployés, il ressort de l’étude IDC précitée que la majorité des entreprises utiliseraient plusieurs méthodes de suivi des licences, y compris le suivi manuel (via des tableurs). Cependant, de nombreuses entreprises n’ont toujours aucune méthode de suivi de conformité des logiciels utilisés par rapport à leurs contrats de licence.

Or, en sus de se mettre en situation de manquement à leurs obligations contractuelles, les entreprises fautives courent plusieurs risques.

Outre le risque financier (paiement des redevances supplémentaires, éventuellement augmentées de pénalités), l’éditeur peut décider de résilier la licence d’utilisation pour violation des obligations contractuelles, voire même poursuivre l’entreprise contrevenante pour contrefaçon de ses droits de propriété intellectuelle. 

La résiliation du contrat de licence peut être extrêmement pénalisante pour l’entreprise dont une partie de l’activité reposerait sur l’utilisation du logiciel en cause, l’obligeant à identifier un logiciel équivalent sur le marché et à transférer les données traitées vers le nouvel outil, souvent dans des délais très brefs.

Par ailleurs, les poursuites judiciaires qui seraient intentées par l’éditeur contre l’entreprise contrevenante nécessiteront la mobilisation de personnels internes et de consultants externes (avocats, experts, etc.), entraînant des coûts importants pour celle-ci.


2. Les clauses d’audit et le contrôle de conformité aux licences logiciel

La licence étant de nature contractuelle, le non-respect - volontaire ou non - des conditions d’utilisation du logiciel met l’entreprise utilisatrice en situation de manquement à ses obligations contractuelles.

Nombre d’éditeurs incluent dans leur contrat de licence une clause d’audit de conformité. Cette clause d’audit leur donne la possibilité de contrôler les conditions d’utilisation du logiciel et la conformité de cette utilisation aux clauses contractuelles. L’entreprise utilisatrice s’engage généralement à tenir un journal de suivi des licences devant correspondre aux droits accordés par la licence.

Lors d’un audit, en cas d’écarts constatés entre les droits accordés et l’utilisation réelle par l’entreprise auditée, un rapport d’audit est établi. L’entreprise est alors sommée de régler les redevances supplémentaires correspondant à l’utilisation effective du logiciel, parfois accompagnées de pénalités pour utilisation abusive et non autorisée du logiciel, et/ou facturation des frais d’audit à la société.

Même si ces clauses peuvent être rédigées en termes très généraux, elles peuvent également prévoir de limiter le nombre d’audits sur une période donnée (un audit au maximum par périodes de 12 mois par exemple) et prévoir qu’en cas de dépassement des droits inférieur à un pourcentage donné (5 ou 10% par exemple), la société ne sera pas tenue de régler les redevances supplémentaires.

Les clauses d’audit de conformité sont de plus en plus présentes dans les contrats de licence. Ces clauses font souvent l’objet de négociations sur les conditions d’audit, l’application de pénalités en cas de dépassement des droits d’utilisation et la durée pendant laquelle l’audit pourra être conduit après la résiliation ou l’expiration du contrat de licence.


Les éditeurs tendent à utiliser de plus en plus leur faculté d’audit pour contrôler la conformité de l’utilisation de leurs logiciels aux droits conférés par la licence. Malgré la complexité du suivi des licences dans l’entreprise, il est indispensable de mettre en place des méthodes rigoureuses de gestion des licences logicielles. Les entreprises utilisatrices doivent être vigilantes non seulement sur le suivi des licences, mais également sur les évolutions de leur activité, telles que l’ouverture de nouveaux établissements, la création de filiales, en France ou à l’étranger, le passage au Cloud, toutes ces évolutions ayant un impact sur les licences.

En parallèle, il est fortement recommandé de mettre en place une charte informatique dans l’entreprise, et ce quelle que soit sa taille. Cette charte, véritable outil pédagogique pour les salariés, mais aussi disciplinaire, devra notamment préciser les conditions d’utilisation des équipements, et des logiciels, mis à la disposition des collaborateurs de l’entreprise, la possibilité ou l’interdiction de télécharger des logiciels pour une utilisation dans le cadre de leur activité professionnelle, éventuellement les conditions d’utilisation de leurs propres outils informatiques dans un cadre professionnel (BYOD). Ce document devra être revu et mis à jour régulièrement afin de suivre les évolutions des technologies et des usages.


                                                          * * * * * * * * * * *

(1) Voir le rapport intitulé 2013-14 Key trends in software pricing and licensing survey: software license audits: costs & risks to enterprises, commandité par Flexera Software

(2) Article L.112-2 du Code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, la licence d'utilisation d'un logiciel n'est pas définie, dans le Code de la propriété intellectuelle, contrairement aux règles de cession des droits de propriété intellectuelle qui suivent les dispositions de l’article L.131-3 du Code de la propriété intellectuelle.


(3)
L’arrêt de la CJUE C-128/11 UsedSoft GmbH / Oracle International Corp du 3 juillet 2012 ne remet pas en question la notion de limitations aux droits d’utilisation du logiciel. Ainsi, un logiciel qui aurait été “revendu” par un premier utilisateur “légitime” i) ne pourra plus être utilisé par ce premier utilisateur et ii) ne pourra être utilisé par l’acquéreur que dans les limites autorisées par l’éditeur (limites en nombre de postes, limites géographiques, etc.).

Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat

www.dwavocat.com

Mai 2014

mardi 4 mars 2014

Le droit d'auteur et les nouveaux défis du numérique

Le magazine Face au Risque a publié son 500ème numéro en février. A cette occasion, une rubrique a été consacrée à "La loi, aujourd’hui et demain". Nous y avons participé en publiant l'article ci-après dans lequel nous avons dressé une brève liste des défis rencontrés par le droit d’auteur à l’ère du numérique.


Les livres, la musique, les films et videos, le logiciel sont protégés par le droit dauteur. Alors que les principes du droit et les règles économiques applicables à ces oeuvres étaient bien établies, l’évolution des technologies, avec lavènement de l’ère numérique et la dématérialisation des oeuvres, ont bouleversé la donne.

E-books, musique en ligne, vidéo à la demande, sont apparus ces 10 dernières années. Les logiciels open source, même si le concept nest pas nouveau, se sont véritablement propagés  dans les entreprises et chez les particuliers relativement récemment. Evolution des technologies, mais également évolution des usages : comment le droit de la propriété intellectuelle sest-il adapté à ces changements ?

Le logiciel - la jurisprudence a reconnu au logiciel le bénéfice de la protection par le droit dauteur dès les années 80 avec larrêt de cassation Babolat c/ Pachot du 7 mars 1986. Cependant, le droit considère le logiciel dans son ensemble et ne distingue pas suivant les éléments constitutifs du logiciel (code source, code objet). Des jurisprudences des 10 dernières années, notamment de la Cour de justice de lUnion européenne ont permis de préciser les contours de cette protection. Certes, le logiciel est une oeuvre globalement protégée par le droit de la propriété intellectuelle, mais les fonctionnalités prises indépendamment et le langage de programmation en sont exclus. (arrêt CJUE du 2 mai 2012, SAS Institute inc. / World Programming Ltd). Quant aux logiciels libres (ou open source), leur modèle juridique, qui bouscule également les concepts traditionnels du droit dauteur, est désormais reconnu.

La musique et les films en ligne - la dématérialisation de la musique et des films pose encore un véritable défi juridico-économique. Force est de constater que la loi Hadopi du 12 juin 2009 na pas réussi à résoudre le problème du téléchargement illégal. Les règles de droit applicables à une oeuvre musicale ou cinématographique ne diffèrent pas suivant le support ou le mode de diffusion. Néanmoins, même si la technologie employée pour la diffusion dune oeuvre doit être neutre sur la règle de droit, la facilité de diffusion au plus grand nombre offerte par les réseaux oblige de repenser non seulement à une adaptation du droit, à la notion de contrefaçon et aux sanctions applicables, mais également, au modèle économique, qui na pas encore été réinventé.

Le livre numérique - les tablettes internet et autres liseuses permettent désormais de se déplacer avec sa bibliothèque électronique. Mais quelque soit le support ou le mode de distribution, le livre est et reste une oeuvre protégée par le droit dauteur.

Limpression en 3D - enfin, avec les nouvelles techniques dimpression en 3D qui arrivent sur le marché, la reproduction en masse dobjets de toutes natures se démocratise, avec les risques associés de contrefaçon. De nouveaux défis juridiques en perspective !


Bénédicte DELEPORTE - Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com


Article publié dans Face au Risque, n°500, février 2014, www.faceaurisque.com