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jeudi 22 mai 2025

Jeux vidéo dématérialisés : la cour de cassation confirme l'impossibilité de leur revente

 

   Ce qu’il faut retenir

Dans un arrêt du 23 octobre 2024, la cour de cassation confirme que l’épuisement du droit de distribution ne s’applique pas aux jeux vidéo dématérialisés. En conséquence, les jeux vidéos au format numérique ne peuvent être revendus par leurs utilisateurs, contrairement aux jeux vidéos sur support tangible.

 

Lire la suite de l'article :  https://www.deleporte-wentz-avocat.com/actualite-la-revente-d-occasion-de-jeux-video-dematerialises-est-interdite

jeudi 7 novembre 2024

Loi SREN : réglementer les jeux à objets numériques monétisables (JONUM)

 

 

Ce qu’il faut retenir

 

La loi Sécurité et Régulation de l’Espace Numérique (“loi SREN”), adoptée le 21 mai 2024, couvre des thématiques très diverses. L'un des objectifs de la loi est de réguler le dimaine des jeux à objets numériques monétisables (ou “JONUM”).

 

La régulation des JONUM répond à des enjeux importants : encadrer ces jeux et les opérateurs, protéger les joueurs et les mineurs, prévenir les comportements addictifs. et assurer la sécurité des transactions. L’application de cette réglementation est toutefois soumise à la publication de plusieurs décrets.

 

Lire la suite de l'article : https://www.deleporte-wentz-avocat.com/actualites-fiche.php?url=loi-sren-reglementer-les-jeux-a-objets-numeriques-monetisables-jonum 

lundi 20 avril 2015

L’allègement de la réglementation des loteries commerciales à l’égard des consommateurs

Jusqu’à récemment, l’organisation de loteries commerciales était très encadrée, malgré quelques évolutions jurisprudentielles et réglementaires intervenues ces dernières années. (1) En vertu de la loi du 21 mai 1836, les loteries étaient en effet réputées illicites dès lors qu’elles remplissaient quatre conditions cumulatives (à savoir : une offre au public, l’espérance d’un gain, déterminé par le hasard, en contrepartie d’un sacrifice pécuniaire de la part du participant). Si la loterie ne remplissait pas l’une de ces conditions, alors elle était considérée licite, mais restait soumise à des conditions de forme strictes.

La loi de simplification de la vie des entreprises du 20 décembre 2014 a profondément allégé ces contraintes, (2) mettant le droit français en conformité avec la directive européenne de 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales. (3) Les loteries publicitaires peuvent désormais être organisées plus facilement. Cependant, leur encadrement juridique est plus incertain, les loteries pouvant être sanctionnées pour pratique commerciale déloyale ou trompeuse. 


1. La levée des contraintes applicables à l’organisation des loteries commerciales

    - L’allègement de la réglementation

La loterie commerciale est définie comme un jeu dont les gagnants sont désignés au sort.

Désormais, les loteries commerciales sont réputées licites.

Ce principe est énoncé à l’article L.121-36 du code de la consommation qui dispose, dans sa nouvelle rédaction, que “Les pratiques commerciales mises en œuvre par les professionnels à l'égard des consommateurs, sous la forme d'opérations promotionnelles tendant à l'attribution d'un gain ou d'un avantage de toute nature par la voie d'un tirage au sort, quelles qu'en soient les modalités, ou par l'intervention d'un élément aléatoire, sont licites dès lors qu'elles ne sont pas déloyales au sens de l’article L.120-1”.

Cet article définit les seules conditions applicables aux loteries commerciales. Ainsi, les anciennes exigences de forme disparaissent, notamment les mentions obligatoires, l’obligation de rembourser les frais de participation, la participation au jeu sans obligation d’achat, le dépôt du règlement du jeu chez un huissier, etc.

    - Le champ d’application de la nouvelle réglementation

La nouvelle réglementation s’applique aux loteries commerciales (ou publicitaires) à destination des consommateurs. Elle concerne les jeux de type loterie avec tirage au sort, ou comprenant un élément aléatoire.

La loi ne distingue pas suivant la manière dont le jeu est organisé : en magasin, par voie d’imprimés adressés par la poste, par internet ou par SMS.

Il convient de noter que les concours, qui n’étaient pas illicites sous le régime précédent, ne sont pas concernés par ces nouvelles règles. Pour rappel, le concours est défini comme le jeu qui récompense les personnes qui ont subi avec succès une épreuve mettant en oeuvre leurs connaissances, leur sagacité ou toute autre aptitude. Les gagnants sont sélectionnés en fonction de la qualité des réponses aux questions du jeu et non par tirage au sort. Cependant, un concours qui intégrerait un élément aléatoire (question relevant du hasard, ou tirage au sort pour départager les gagnants) relève de la loterie.


2. La contrepartie d’une plus grande liberté d’organisation : un encadrement juridique plus incertain

Toutes les loteries publicitaires ne seront cependant pas considérées comme étant de facto licites. Ainsi, les loteries considérées comme relevant de pratiques commerciales déloyales pourront être sanctionnées.

    - La définition des pratiques commerciales déloyales


Les pratiques déloyales consistent en des pratiques “contraires aux exigences de la diligence professionnelle”. Une pratique commerciale déloyale “altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service.” (article L.120-1 du code de la consommation).

En effet, en vertu du nouveau régime applicable aux loteries publicitaires, les loteries trompeuses, au sens de l’article L.121-1 du code de la consommation et les loteries considérées comme agressives, au sens de l’article L.122-11 relèvent des pratiques commerciales déloyales.

Parmi les pratiques trompeuses décrites à l’article L.121-1 du code de la consommation, on relèvera celles pouvant s’appliquer plus particulièrement aux loteries commerciales, notamment les pratiques qui reposeraient sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur la portée des engagements de l’annonceur ; la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ; l’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ; enfin, lorsque la personne pour le compte de laquelle la pratique commerciale est mise en oeuvre n'est pas clairement identifiable.

En outre, les pratiques suivantes sont considérées comme trompeuses :
    - l’allégation qu'un produit ou qu'un service augmente les chances de gagner aux jeux de hasard,
    - le fait d'affirmer qu'un concours est organisé ou qu'un prix peut être gagné sans attribuer les prix décrits ou un équivalent raisonnable,
    - le fait de décrire un produit ou un service comme étant "gratuit", "à titre gracieux", "sans frais" ou autres termes similaires, si le consommateur doit payer quoi que ce soit d'autre que les coûts inévitables liés à la réponse et au fait de prendre possession ou livraison de l'article. (4)

Les contraintes d’espace ont été prises en compte par la loi pour apprécier si des informations substantielles ont été omises, ainsi que des mesures prises par le professionnel “pour mettre ces informations à la disposition du consommateur par d'autres moyens.” Par exemple, une loterie commerciale qui serait diffusée par le biais d’une application mobile ou par SMS pourrait renvoyer via un hyperlien, vers une page descriptive du jeu et vers le règlement du jeu.

Les pratiques commerciales agressives sont définies comme le fait de solliciter de façon répétée et insistante ou d’utiliser une contrainte physique ou morale, ayant pour effet d’altérer de manière significative la liberté de choix, ou de vicier le consentement d'un consommateur. (5)

    - Les sanctions applicables aux pratiques commerciales déloyales

Les sanctions pour pratiques commerciales trompeuses ou agressives sont très lourdes.

Les pratiques commerciales trompeuses ou agressives sont punies d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende d’un montant maximum de 300.000€ (portée à 1.500.000€ pour les personnes morales).

Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10% du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits, ou pour les pratiques commerciales trompeuses, à 50% des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit (ou à 250% des dépenses engagées pour les personnes morales). (6)

    - La nécessité de présenter le jeu de manière claire et loyale

En cas de contentieux portant sur le caractère licite ou trompeur d’une loterie publicitaire, la licéité sera appréciée au cas par cas par les tribunaux.

Afin d’éviter qu’une loterie publicitaire soit sanctionnée pour pratique commerciale trompeuse ou agressive, il est donc nécessaire de prendre quelques précautions.

En effet, bien que le nouveau régime juridique applicable aux loteries publicitaires soit nettement allégé par rapport au régime précédent, les annonceurs qui souhaitent organiser des loteries doivent s’assurer que le message est clair, non ambigüe, loyal et non trompeur.

L’organisateur du jeu et le cas échéant l’annonceur doivent être clairement identifiés. Le mécanisme du jeu, les gains, les règles d’attribution des lots, les frais de participation et le cas échéant, les conditions de participation (âge minimum, durée du jeu, etc.) et l’obligation d’achat d’un produit ou d’un service devront être décrits de manière claire et facilement compréhensible par le consommateur.

Enfin, même si cette obligation ne figure pas dans la loi, il est recommandé de rédiger un règlement du jeu qui reprendra les éléments décrits ci-dessus. Si le jeu est complexe ou s’il est diffusé à un grand nombre de consommateurs, le dépôt chez un huissier permettra de limiter les risques de contestation.


                                                             * * * * * * * * * * *

(1) La loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries avait ainsi été modifiée en 2004 (loi n°2004-204), en 2007 (loi n°2007-297), et en 2014 (loi n°2014-344).

(2) Article 54 de la loi n°2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises, codifié à l’article L.121-36 du code de la consommation.

(3) Voir la directive 2005/29 du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales. A noter que dans une décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 janvier 2010 (CJUE, affaire C-304/08), les juges ont considéré que les loteries constituent une pratique commerciale, et qu’à ce titre, elles entrent dans le champ d’application de la directive de 2005. Dans la mesure où les loteries commerciales, notamment avec obligation d’achat, ne font pas partie de la liste des pratiques commerciales  déloyales interdites par la directive européenne, les Etats-membres ne peuvent les interdire.

(4) Article L.121-1-1 du code de la consommation

(5) Article L.122-11 du code de la consommation

(6) Articles L.121-6 et L.122-12 du code de la consommation


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Avril 2015


mercredi 27 juillet 2011

Le blocage des sites de jeux en ligne non agréés par l’ARJEL : quelle défense pour les opérateurs ?

L’Autorité de régulation des jeux en ligne (l’ARJEL) est née avec la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence des jeux d’argent et de hasard en ligne. (1)

Désormais, les opérateurs peuvent exploiter un site de jeux d’argent et/ou de hasard en France, dans le cadre des activités autorisées par la loi et sous réserve d’obtenir l’agrément de l’ARJEL.

En parallèle, l’ARJEL est en charge d’une mission de lutte contre les opérateurs illégaux de jeux d’argent. Cette mission comprend notamment la possibilité de saisir le Président du Tribunal de grande instance pour demander le blocage des sites exploitant une activité illicite accessible sur le territoire français. Cette procédure, qui ne prévoit pas de mise en cause préalable de l’opérateur du site incriminé, vient d’être validée par la Cour d’Appel de Paris.

1. Les conditions de l’exploitation d’un site de jeux en ligne en France

Dans un bref communiqué de presse du 27 mai 2011, l’ARJEL déclarait que, dans le cadre de sa mission de lutte contre les opérateurs illégaux de jeux et paris en ligne, plus de 1000 sites non agréés avaient été placés sous surveillance, près de 550 sites non agréés avaient été mis en demeure de cesser leur activité en France et avaient ensuite procédé au “géo-blocage” des joueurs français avant la saisine du juge par l’ARJEL. 9 sites ont fait l’objet d’une saisine du Président du TGI de Paris, dont 2 ont fait l’objet d’une décision de blocage. Enfin plus de 150 sites non agréés faisaient l’objet de procédures de mise en demeure à leur encontre, à la date du communiqué. (2)

L’exploitation d’un site de jeux ou de paris en France est soumise à un agrément 

Seuls les opérateurs ayant obtenu un agrément délivré par l’ARJEL sont en droit de proposer au public français des jeux d’argent et de hasard en ligne, sous réserve du respect des conditions posées par la loi. (3)

Il existe trois catégories d'agréments, pour les paris hippiques, les paris sportifs et les jeux de poker en ligne. Chaque agrément est délivré pour une période de cinq ans, renouvelable.

Pour rappel, peuvent obtenir un agrément :
    (i) Toute personne qui propose au public des services de jeux ou de paris d’argent en ligne et dont les modalités sont définies par un règlement soumis à l'acceptation des joueurs ;
    (ii) Les opérateurs de jeux dont le siège social est établi soit dans un Etat membre de l’Union européenne, soit dans un autre Etat membre de l'Espace économique européen (Norvège, Islande et Liechtenstein) ;
    (iii) Les opérateurs de jeux qui remplissent les conditions prévues par la loi du 12 mai 2010, notamment les entreprises bénéficiant des capacités technique, économique et financière suffisantes pour faire face aux obligations en matière de sauvegarde de l’ordre public et de lutte contre les blanchiments de capitaux, le financement du terrorisme et le jeu excessif ou pathologique. L’ARJEL a ainsi publié un cahier des charges et un dossier des exigences techniques devant être mis en oeuvre par les opérateurs. (4)

Les conditions d’obtention de l’agrément sont particulièrement strictes, notamment en termes de surface financière et de contraintes techniques, afin de garantir la solidité de l’opérateur d’une part, et la robustesse technique (y compris les mesures de sécurité) du site web d’autre part.

A défaut d’agrément, l’opérateur d’un site de jeux d’argent accessible aux joueurs français est passible de sanctions pénales (trois ans d'emprisonnement et 90.000€ d'amende) et civiles.

Les pouvoirs de contrôle de l’ARJEL

Parmi ses attributions, l’ARJEL exerce une surveillance sur les opérations de jeux d’argent ou de paris en ligne, participe à la lutte contre les sites illégaux et peut agir en justice pour faire respecter la loi du 12 mai 2010.

A cet égard, l’ARJEL a le pouvoir d’adresser aux opérateurs de jeux non agréés une mise en demeure de cesser leurs activités et les invitant à présenter leurs observations dans un délai de huit jours. A l'issue de ce délai, en cas d'inexécution par l'opérateur concerné, le Président de l’ARJEL peut saisir le Président du TGI de Paris afin qu’il ordonne aux hébergeurs et à défaut, aux fournisseurs d’accès à internet (FAI) de bloquer l’accès au site litigieux. (5)

Dans le cadre de cette procédure spécifique, le Président de l’ARJEL assigne directement les hébergeurs et les FAI pour demander le blocage du site ; l’opérateur de jeux en ligne n’est donc pas partie à l’instance.


2. La procédure de demande de blocage du site de jeux et l’absence de mise en cause de l’opérateur

Dès lors que, mis en demeure, les exploitants de sites non agréés en France ne cessent pas spontanément leur activité, le législateur a prévu que l’ARJEL passe directement par les hébergeurs et les FAI pour rendre l’interdiction effective. Cette procédure vise à bloquer l’accès aux sites sans mise en cause préalable des opérateurs des sites de jeux.

Deux décisions de blocage ont été prises par le TGI de Paris en application de cette procédure depuis l’entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2010. L’absence de mise en cause préalable des opérateurs concernés est à chaque fois critiquée et vient de faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité, soumise à la Cour d’appel de Paris.

Les décisions de blocage par le tribunal de grande instance de Paris 

Les deux premières décisions de blocage de sites illicites rendues par le TGI de Paris concernaient les sites Stanjames (société établie à Gibraltar) et 5Dimes (société établie au Costa Rica). Dans ces deux affaires, jugées respectivement le 6 août 2010 et le 28 avril 2011, le TGI de Paris a enjoint sept FAI à bloquer ces sites de jeux en ligne non agréés en France. (6)

Ces deux sites, qui offraient des jeux d’argent et paris en ligne aux internautes français sans avoir obtenu d’agrément préalable, ont été mises en demeure par l’ARJEL de cesser sans délai de proposer leurs services en France. Aucune suite n’ayant été donnée à ces mises en demeure, le Président de l’ARJEL a fait assigner les hébergeurs des deux sites internet litigieux ainsi que sept FAI (les sociétés Numéricable, Orange France, SFR, Free, Bouygues Telecom, Darty Telecom et Auchan Telecom) afin qu’ils mettent en œuvre toutes mesures propres à empêcher l’accès aux sites litigieux, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés situés sur le territoire.

Parmi les arguments avancés en défense, les FAI invoquaient le fait que cette procédure tendant au blocage d’un site nécessitait de déterminer au préalable le caractère licite ou illicite de l’activité de l’opérateur de jeux. Pour ce faire, un débat contradictoire en présence de l’exploitant du site litigieux, principal intéressé à la procédure, était nécessaire, conformément au principe du droit à un procès équitable. Selon les FAI, l’absence de mise en cause de l’opérateur de jeux est contraire aux exigences de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Or, la procédure prévue par la loi du 12 mai 2010 a pour objet la demande de blocage des sites en cause et ne prévoit pas l’examen préalable et contradictoire de leur caractère licite ou illicite.

Ces arguments n’ont pas été reçus par le Tribunal : la loi du 12 mai 2010 n’a pas prévu que la mise en cause de l’opérateur soit une condition préalable à l’injonction sollicitée, la procédure ne visant pas l’opérateur mais les seuls FAI et hébergeurs. Le Tribunal a jugé que les droits de l’opérateur étaient préservés dès lors que ce dernier avait la possibilité de demander un agrément à l’ARJEL. En cas de refus d’agrément, l’opérateur dispose d’un recours en excès de pouvoir  devant le Conseil d’Etat contre la décision de l’ARJEL.

En conséquence, dans les deux affaires Stanjames et 5Dimes, le Tribunal a fait droit aux demandes de l’ARJEL et a enjoint aux hébergeurs et aux FAI de bloquer l’accès aux sites litigieux.

L’absence de mise en cause de l’opérateur ne porte pas atteinte au principe de présomption d’innocence 

Les FAI ont interjeté appel du jugement du TGI dans l’affaire Stanjames. L’un des FAI, la société Darty Telecom, a parallèlement soulevé deux questions prioritaires de constitutionnalité, ou “QPC”, la première relative à l’atteinte au principe de la présomption d’innocence de l’opérateur (art. 61 al.2 de la loi du 12 mai 2010), la seconde relative à l’atteinte au principe de l’égalité devant les charges publiques (art. 61 al.5 et 69 de la loi). (7)

Aux termes de la première QPC, Darty Telecom demandait si la procédure offrant au Président de l'ARJEL le droit de solliciter à l'encontre des FAI une injonction de bloquer l'accès à un site internet, au seul motif que l'éditeur d'un tel site n'a pas déféré sous 8 jours à une mise en demeure, était compatible avec le principe de la présomption d'innocence, consacré par l'article 9 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Darty Telecom critiquait le fait que cette procédure n'exigeait (i) ni de démonstration concrète, de la part de l'ARJEL, du caractère prétendument illicite du site internet, (ii) ni que l'éditeur du site puisse bénéficier du droit de contester en justice, de façon contradictoire et en temps utile, l'analyse faite par l'ARJEL.

Dans sa décision rendue le 28 juin 2011, la Cour d’Appel de Paris a jugé que cette première question était dépourvue de caractère sérieux et que la procédure contestée ne violait pas le principe de la présomption d’innocence dans la mesure où le mécanisme instauré par l’article 61 de la loi s’appuyait sur un constat factuel objectif (absence d’agrément et non réaction de l’opérateur à la suite de la réception de la mise en demeure de l’ARJEL) permettant au Président de l’ARJEL de saisir le tribunal aux fins de demander l’arrêt des services de jeux.

La Cour a ajouté que les droits de l’opérateur étaient préservés dès lors que celui-ci avait la possibilité d’intervenir volontairement à l’instance engagée devant le TGI et que les FAI et/ou l’hébergeur pouvaient également appeler l’opérateur en intervention forcée.

Aux termes de la seconde QPC, Darty Telecom demandait si le fait d’ordonner des mesures de blocage des sites litigieux à la charge des FAI, alors que le décret prévoyant les modalités d’indemnisation des surcoûts en résultant n’avait pas été publié, ne créait pas une atteinte au principe de l’égalité devant les charges publiques, au détriment des FAI.

La Cour d’Appel de Paris a jugé que cette question était également dépourvue de caractère sérieux et que la procédure contestée ne violait pas le principe de l’égalité devant les charges publiques. Les modalités de l’indemnisation des FAI doivent être fixées par décret (pouvoir réglementaire). Or, la contestation au moyen d’une QPC ne peut porter que sur une disposition législative. (8)


L'action introduite par le Président de l’ARJEL a pour but de faire bloquer l’accès aux sites non agréés et jugés illégaux par l’ARJEL. La mesure de blocage de site sollicitée auprès du Tribunal de grande instance est susceptible de porter une atteinte grave à l’activité économique de l’éditeur du site concerné, voire d’y mettre un terme. L’opérateur mis en demeure par l’ARJEL qui souhaite justifier de la licéité de son activité et/ou qui estime que son activité n’entre pas dans le champ d’application de la loi du 12 mai 2010 peut faire valoir ses droits, en répondant à l’ARJEL et, le cas échéant, en n’hésitant pas à intervenir volontairement à l’instance initiée par l’ARJEL.

Dans les deux affaires Stanjames et 5Dimes, l’activité des sites en cause était manifestement illicite au regard de la loi française : les sites proposaient des jeux d’argent et de hasard en ligne, notamment des paris sur des événements sportifs en France (football, etc.), ils étaient accessibles aux joueurs en France et n’avaient pas fait de demande d’agrément auprès de l’ARJEL.

Il convient cependant de rappeler que la loi du 12 mai 2010 porte spécifiquement sur les paris d’argent hippiques et sportifs, et les jeux de poker. Il existe des variantes de jeux en ligne dont le caractère licite ou illicite mériterait d’être examiné par les tribunaux afin de préciser le périmètre d’application de la loi du 12 mai 2010 par rapport au droit des jeux, sachant que le texte de la loi de 2010 doit être ré-examiné avant la fin de l’année 2011.


********************

(1) Loi n°2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.
(2) Communiqué ARJEL du 27 mai 2011 : “La lutte contre les opérateurs illégaux de jeux et paris en ligne”.
(3) Article 3 et articles 56 et s. de la loi du 12 mai 2010.
(4) Voir notamment les articles 10, et 21 à 25 de la loi du 12 mai 2010, l’arrêté du 17 mai 2010 portant approbation du cahier des charges applicable aux opérateurs de jeux en ligne et le décret n°2010-509 du 18 mai 2010 relatif aux obligations imposées aux opérateurs agréés de jeux ou de paris en ligne en vue du contrôle des données de jeux par l’Autorité de régulation des jeux en ligne.
(5) Le Président de l’ARJEL peut également saisir le Président du TGI de Paris aux fins de voir prescrire toute mesure destinée à faire cesser le référencement du site d'un opérateur non agréé par un moteur de recherche ou un annuaire.
(6) TGI Paris, référé 6 août 2010, Arjel c/ Stés Neustar, Numéricable et a., (affaire Stanjames) et TGI Paris, référé, 28 avril 2011, Arjel c/ SAS Numéricable et a. (affaire 5Dimes)
(7) La QPC a été instaurée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (loi n°2008-724) et précisée par la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009. Entrée en vigueur le 1er mars 2010, la QPC institue un contrôle de constitutionnalité a posteriori. Cette procédure permet à tout justiciable de contester la constitutionnalité d’une disposition législative à l’occasion d’un procès devant une juridiction administrative ou judiciaire, lorsqu’il estime qu’un texte porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
(8) CA Paris, 28 juin 2011, n°11/10112, Darty Telecom c/ Numéricable et autres.



Bénédicte DELEPORTE – Avocat
Betty SFEZ – Avocat

Deleporte Wentz Avocat

Juillet 2011

vendredi 22 juillet 2011

Le renforcement des contrôles de la CNIL auprès des sites de e-commerce et de jeux en ligne


La CNIL a acquis des pouvoirs renforcés de contrôle et de sanction en cas de non-respect par les responsables de traitements des dispositions de la loi Informatique et Libertés, et ce depuis la transposition en 2004 de la directive européenne de 1995 sur les données personnelles.(1) Cependant, jusqu’ici la CNIL avait des moyens très limités pour la mise en oeuvre de ces pouvoirs de contrôle. La CNIL vient de renforcer ses actions de contrôle en s’appuyant sur des administrations tierces : DGCCRF par la signature d’un protocole de coopération en janvier 2011 et ARJEL par un partenariat conclu en juillet 2011.

Les cybercommerçants et les opérateurs de jeux en ligne sont particulièrement concernés par cette nouvelle orientation.

Nous faisons un point ci-après sur les pouvoirs de contrôle de la CNIL, la spécificité de certains contrôles et les sanctions applicables.

1. Les pouvoirs de contrôle de la CNIL

La CNIL, autorité administrative indépendante, est chargée de veiller au respect de l’identité humaine, de la vie privée et des libertés. La CNIL dispose ainsi du pouvoir de réaliser des contrôles de conformité à la loi Informatique et Libertés auprès des responsables de traitement de données personnelles.(2) Sont notamment concernés les éditeurs de sites de e-commerce ou de jeux en ligne. Les missions de contrôle de la CNIL s’inscrivent dans le cadre d'un programme adopté chaque année par la Commission ; Ces contrôles peuvent également être réalisés de façon inopinée pour répondre à des besoins ponctuels, dans le cadre de l'instruction de plaintes, à l’encontre d’un site web par exemple.

Ainsi, les membres ou agents de la CNIL peuvent, sur décision de son Président, accéder aux locaux des entreprises, demander communication de tout document nécessaire et en prendre copie, recueillir tout renseignement utile, accéder aux programmes informatiques et aux données. L’objectif est d’obtenir un maximum d’informations, techniques et juridiques, pour apprécier les conditions dans lesquelles sont mis en œuvre les traitements de données à caractère personnel.

Le responsable contrôlé n’est pas systématiquement informé, au préalable, du contrôle. Toutefois, il devra être informé de l’objet des vérifications que la CNIL compte entreprendre et de son droit d’opposition à un tel contrôle, et ce au plus tard au début de la procédure de contrôle. En cas d’opposition, le contrôle pourra être effectué avec l’autorisation d’un magistrat.

2. Le partenariat avec la DGCCRF et l'ARJEL pour des contrôles effectifs


Afin de renforcer son action dans certains secteurs d’activité, la CNIL vient de mettre en place des accords de collaboration avec la DGCCRF et l’ARJEL.

Sites de e-commerce - Le 6 janvier 2011, la CNIL et la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) ont signé un “Protocole de coopération pour la protection des données personnelles des consommateurs sur Internet”. Ce protocole permet à la CNIL de s’appuyer sur le réseau des agents du Service national des enquêtes (SNE) de la DGCCRF en visant à accroître les actions de contrôle des pratiques des sites de e-commerce en matière de conformité à la loi des traitements de données mis en oeuvre.(3)

En pratique, les agents de la DGCCRF peuvent désormais étendre leurs contrôles de conformité à la réglementation économique pour inclure les contrôle de conformité à la réglementation Informatique et libertés. Les manquements à la loi Informatique et Libertés constatés par les agents de la DGCCRF sont directement communiqués à la CNIL afin que cette dernière puisse prendre les mesures appropriées.

Les comportements réprimés, susceptibles d’être relevés par la DGCCRF, concernent (i) la collecte illicite et déloyale de données à caractère personnel, (ii) le défaut de proportionnalité entre les données collectées et la finalité du traitement déclaré, (iii) la collecte non-autorisée de données sensibles (telles que l’orientation politique, ou des données de santé par exemple), (iv) l’absence de mesures de sécurité pour l’accès aux bases de données et la conservation des données, et (v) l’absence d’information des personnes sur l’exploitation de leurs données.(4)

Sites de jeux en ligne - La CNIL et l’Autorité de Régulation des Jeux En Ligne (ARJEL) viennent de s’associer, en juillet 2011, afin de renforcer les actions de contrôle de conformité des opérateurs de jeux en ligne à la réglementation Informatique et libertés.(5) L’ARJEL a pour missions de délivrer des agréments aux opérateurs de jeux, de mettre en place des moyens de régulation, d’information et de contrôle pour protéger les joueurs, prévenir de l’addiction au jeu et lutter contre la fraude et le blanchiment d’argent.(6) Ce partenariat a pour objectif d’assurer une meilleure protection des données des joueurs.

En pratique, la CNIL réalisera ses contrôles dans les locaux professionnels des opérateurs de jeux agréés, en présence d’un expert désigné par l’ARJEL. La CNIL aura ensuite la possibilité de faire usage de ses pouvoirs de sanction à l'encontre des opérateurs qui seraient en infraction avec la loi. 

3. Les sanctions encourues en cas de non conformité à la loi Informatique et Libertés

Les contrôles identifiant des manquements à la loi Informatique et Libertés peuvent entraîner l’application de sanctions de nature pénale : peine d’amende, voire même peine de prison pour les cas les plus graves. Des sanctions peuvent également être appliquées en cas d’entrave aux contrôles.

Sanctions en cas d'entrave à l'action de la CNIL - L'entrave à l'action de la CNIL est réalisée en dans les cas suivants : (i) opposition à l’exercice des missions de contrôle de la CNIL lorsque la visite a été autorisée par le juge ; (ii) refus de communiquer, dissimulation ou destruction des renseignements et documents utiles à la mission de contrôle et (iii) communication d'informations non conformes au contenu des enregistrements tel qu’il était au moment où la demande de la CNIL a été formulée ou présentation d'un contenu non directement accessible. Le responsable du traitement en infraction encourt une peine d’un an d’emprisonnement et 15.000€ d’amende.(7)

Sanctions en cas de manquements à la loi - (8) A l’issue du contrôle et lorsque des manquements à loi Informatique et Libertés sont relevés, la CNIL peut prononcer un avertissement ou mettre le responsable du traitement en demeure de faire cesser le manquement constaté dans un délai qu’elle fixe. Si le responsable du traitement ne se conforme pas à la mise en demeure, la CNIL peut prononcer une sanction pécuniaire d’un montant maximal de 150.000€ (allant jusqu’à 300.000€ en cas de récidive), une injonction de cesser le traitement ou un retrait de l’autorisation éventuellement accordée par la CNIL.(9)

La CNIL peut également rendre publiques les sanctions qu’elle prononce par leur publication sur son site.  Elle peut également ordonner leur insertion dans la presse, aux frais de la personne ou  de l’organisme sanctionné. Cette dernière sanction est, de toute évidence, susceptible de nuire à l’image de marque de l’entreprise concernée.

Les personnes sanctionnées ont la possibilité de former un recours devant le Conseil d'État contre les décisions de la CNIL.


Il résulte du dernier Rapport d’activité de la CNIL et de son Programme des contrôles 2011 que la CNIL n’a de cesse de prendre des mesures pour renforcer son pouvoir de contrôle de conformité à la loi. La Commission veille à “être présente sur l’ensemble du territoire afin de pouvoir vérifier la correcte application de la loi” par les responsables de traitement, “où qu’ils se trouvent”.(10) Dans ce contexte, il est recommandé aux cybercommerçants et opérateurs de jeux en ligne (mais également à tout exploitant de site web qui collecte des données à caractère personnel) de s’assurer de la conformité de leurs traitements des données des clients et utilisateurs à la loi et à leurs déclarations CNIL et, à défaut, de prendre toutes mesures nécessaires de mise en conformité.

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(1) Loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée notamment par la loi n°2004-801 du 6 août 2004 et Directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.
(2) Les pouvoirs et modalités de contrôle de conformité par la CNIL sont décrits aux articles 11, 19, 21 et 44 de la loi Informatique et Libertés et aux articles 62 à 65 du décret n°2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour l'application de la loi Informatique et Libertés
(3) Protocole général de coopération signé le 6 janvier 2011 par la CNIL et la DGCCRF.
(4) Sur les conditions de licéité des traitements de données à caractère personnel, voir notamment les articles 6 à 10 de la loi Informatique et Libertés.
(5) Communiqué CNIL du 6 juillet 2011 : “La CNIL et l'ARJEL s'associent pour contrôler les opérateurs de jeux en ligne.
(6) L’ARJEL est une autorité administrative indépendante créée par la loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne n°2010-476 du 12 mai 2010 (http://www.arjel.fr/-Role-et-missions-.html).
(7) Article 51 de la loi Informatique et Libertés.
(8) Les sanctions sont prévues aux articles 45 et s. de la loi Informatique et Libertés. Des sanctions spécifiques peuvent être prononcées en cas “d'urgence” et “d'atteinte aux droits et libertés”. Concernant les sanctions pécuniaires, la loi prévoit qu’en cas de récidive le montant de l’amende ne peut excéder 5% du chiffre d’affaires HT du dernier exercice clos de l’entreprise fautive, dans la limite de 300.000€.
(9) Articles 25 et s. de la loi Informatique et Libertés.
(10) 30e Rapport d’activité CNIL (2009), édition 2010 et Communiqué CNIL du 26 avril 2011 “Programme des contrôles 2011 : une ambition réaffirmée, des compétences élargies”.



Bénédicte DELEPORTE – Avocat
Betty SFEZ – Avocat

Juillet 2011