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vendredi 18 décembre 2015

Un accord de confidentialité aux termes trop généraux peut être privé d’effet



Nombre de sociétés font signer des accords de confidentialité avant d’entrer en pourparlers commerciaux avec des prospects. Ces accords sont le plus souvent rédigés dans des termes standards, et généraux, et peuvent n’engager que l’une des parties, ou les deux parties de manière réciproque.

Il existe peu de jurisprudence sur l’application des contrats de confidentialité. En effet, il est souvent très difficile, voire impossible de rapporter la preuve de la violation d’un engagement de confidentialité par un co-contractant. C’est la raison pour laquelle, les poursuites judiciaires sont parfois engagées sur le fondement de la concurrence déloyale ou de la contrefaçon.

Une récente décision de la Cour d’appel de Versailles vient de préciser la condition de l’application de l’obligation de confidentialité et en l’espèce a refusé de reconnaître la violation de l’accord signé par le défendeur. (1)


1. Les faits

La société Digitre (précédemment dénommée Drimki), exploitait un site internet dans le domaine de l’immobilier. Ce site permettait la mise en relation entre des vendeurs de biens immobiliers et des acheteurs, la mise en ligne d’annonces immobilières et l’estimation de la valeur des immeubles proposés à la vente.

En février 2011, la société Digitre a entamé des pourparlers avec la société A vendre A louer concernant un partenariat commercial. Digitre a alors signé un engagement de confidentialité avec le directeur commercial de la société A vendre A louer.

Cet accord stipulait notamment :

(…) Compte tenu de la nature confidentielle des documents et informations que vous serez amenés à me communiquer dans le cadre de nos échanges, je vous confirme mon engagement :
    • de ne pas divulguer l’existence et l’objet de nos discussions,
    • de garder confidentielles toutes informations ayant un caractère confidentiel, c’est-à-dire toutes informations, de quelque nature qu’elles soient, qui me seraient communiquées, sous quelque forme que ce soit, et qui n’auraient pas été diffusées auprès du public. (…)

En conséquence, je m’engage à garder ces informations pour strictement confidentielles et à ne les divulguer à quiconque.
Je m’engage par ailleurs à ne pas utiliser directement ou indirectement lesdites informations, à des fins personnelles ou pour le compte d’une société autre que celle portant le projet Drimki.
Ces engagements pris à l’égard de Drimki SA prendront effet à la date de la présente et resteront en vigueur pendant une durée d’un an à compter de cette date. (…)


Les pourparlers n’ont pas abouti et les discussions ont cessé fin avril 2011. En janvier 2012, l’ancien directeur commercial de la société A vendre A louer faisait immatriculer la société Neo Avenue au registre du commerce et lançait un nouveau site de vente immobilière dénommé neo-avenue.fr.

La société Digitre, estimant que Monsieur J-B N (ex-directeur commercial de la société A vendre A louer) avait violé l’engagement de confidentialité et que la société Neo Avenue avait commis des actes de concurrence déloyale à son égard les a fait assigner le 10 octobre 2012 devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Dans son jugement du 2 octobre 2014, le TGI de Nanterre a débouté la société Digitre, au motif que celle-ci n’indique pas quelles seraient les informations confidentielles qui auraient été dévoilées et utilisées fautivement par Monsieur N. et la société Néo Avenue. La société Digitre a alors fait appel du jugement.


2. La décision de la Cour d’appel de Versailles

La Cour d’appel a interprété le contrat conformément aux stipulations qui y figuraient. Ainsi, les juges ont retenu qu’en l’espèce, l’accord de confidentialité conclu par Monsieur J-B N pour la société A vendre A louer engageait son signataire à titre personnel (“(…) Je m’engage par ailleurs à ne pas utiliser directement ou indirectement lesdites informations, à des fins personnelles ou pour le compte d’une société autre que celle portant le projet Drimki. (…)”).

Concernant les informations confidentielles, l’accord était rédigé en termes très généraux (“(…) Compte tenu de la nature confidentielle des documents et informations que vous serez amenés à me communiquer dans le cadre de nos échanges (…)”) et ne précisait pas quels types d’informations devaient être considérées comme confidentielles, et donc, entrer dans le champ de l’engagement.

Par ailleurs, la société Digitre n’a pas indiqué quelles informations confidentielles auraient été dévoilées et utilisées fautivement par les défendeurs.

L’article 6 du code de procédure civile qui dispose : “A l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder”. En conséquence, faute pour la société Digitre d’alléguer de façon suffisamment précise les faits propres à fonder leurs prétentions, à savoir les informations confidentielles qui auraient effectivement été utilisées en violation de l’engagement de confidentialité de Monsieur J-B N., celles-ci ne peuvent être accueillies.

La Cour d’appel a donc décidé de confirmer le jugement du TGI de Nanterre en déboutant la société Digitre de ses demandes.


     En conclusion, il ressort de cette décision que la simple signature d’un accord de confidentialité dans des termes trop généraux est insuffisante pour garantir que les informations et documents échangés pendant des pourparlers ne seront pas divulgués ou réutilisés par le co-contractant.

Il est donc vivement recommandé d’une part, de rédiger les accords de confidentialité avec soin afin d’identifier les domaines couverts par la confidentialité, en indiquant que celle-ci peut couvrir tant des informations communiquées par oral pendant les réunions, que dans des documents écrits. D’autre part, afin de s’assurer du caractère effectif de cette confidentialité, il conviendra d’identifier les documents communiqués par la mention “confidentiel”, et mentionner lors des échanges verbaux, que ceux-ci sont également confidentiels. Enfin, il est possible d’intégrer une obligation de renvoi ou de destruction des documents confidentiels, en cas d’échec des pourparlers ou à l’issue des relations contractuelles. 


                                                     * * * * * * * * * * *

(1) CA Versailles, 12é ch., 24 novembre 2015 Digitre c. J-B N. et Neo Avenue


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Décembre 2015

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