Messages les plus consultés

vendredi 26 avril 2019

Signature d’une Charte des acteurs du e-commerce pour une relation équilibrée entre les places de marché et les vendeurs

 
Le 26 mars 2019, une Charte des acteurs du e-commerce a été co-signée par Mounir Mahjoubi, ex-Secrétaire d’état chargé du numérique, la Fevad (Fédération du e-commerce), la CPME (Confédération des PME) et huit places de marché (ou marketplaces), membres de la Fevad, dont Cdiscount, eBay, Le Bon Coin, et Rakuten. (1)

L’objet de cette charte, dont l’adhésion est volontaire, est de poser les « conditions d’une relation équilibrée, transparente et loyale entre les opérateurs de plateformes en ligne, tels que définis à l’article L.111-7 du code de la consommation » et les entreprises utilisatrices. La charte propose ainsi des bonnes pratiques, afin d’améliorer la confiance des utilisateurs dans le e-commerce. Ces entreprises, la plupart PME, voire TPE, utilisent les services et la visibilité des plateformes pour faciliter l’accès au marché de la vente en ligne.

La charte s’articule autour des points suivants :

   - La formalisation des engagements mutuels entre les parties, plateformes et entreprises utilisatrices, par la mise à disposition des entreprises des conditions d’utilisation claires et compréhensibles, permettant notamment le recours à la médiation en cas de litige ;

   - La garantie d’un échange ouvert, fiable et individualisé entre la plateforme et l’entreprise utilisatrice par un dispositif au sein des plateformes permettant les échanges entre les parties ;

   - Des règles de déréférencement plus claires avec la possibilité pour les entreprises utilisatrices de les contester et des règles relatives au classement commercial des produits plus robustes. Concernant les entreprises utilisatrices, apprendre à respecter les règles de fonctionnement de la plateforme et mettre en ligne des offres conformes aux règlementations applicables en matière de vente à distance ;

   - L’efficacité de la lutte contre la contrefaçon par les plateformes et par les entreprises utilisatrices.

La charte doit faire l’objet d’un bilan annuel.

La charte sera complétée dans les mois qui viennent par le règlement sur les services d’intermédiation en ligne (règlement « platform to business ») et les directives « nouvelle donne pour les consommateurs ». (2)


                                                                         * * * * * * * * * *

(1) site de la Fevad

(2) Proposition de règlement promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices des services d’intermédiation en ligne (règlement « platform to business ») et proposition de directives « nouvelle donne pour les consommateurs » (new deal for consumers)



Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Avril 2019

mardi 23 avril 2019

Résiliation contractuelle et stricte application de la clause résolutoire

En vertu de l’article 1103 du code civil, “Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits”. (1) Cette disposition s’applique tant aux conditions d’exécution du contrat qu’aux conditions de résiliation qui ont été prévues par les parties. (2)

La Cour de cassation l’a rappelé dans deux arrêts dans lesquels les juges ont fait une stricte application de la clause résolutoire figurant dans les contrats pour apprécier la régularité de la résiliation.


1. Les conditions de mise en oeuvre de la clause résolutoire

Dans une première affaire, la propriétaire d’un immeuble avait vendu son bien, avec une partie en rente viagère. L’acheteur (débirentier) n’ayant pas réglé des rentes à leur échéance, le 6 avril 2012 la vendeuse (crédirentier) a fait signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire figurant au contrat de vente. Le 9 mai 2012, le crédirentier a assigné le débirentier, alors en redressement judiciaire, pour voir constater l’acquisition de la clause résolutoire du contrat de vente et obtenir le paiement des sommes dues par ce dernier.

La clause résolutoire figurant au contrat de vente stipulait “qu’à défaut par le débirentier de payer exactement les arrérages de la rente, et en cas de mise en demeure par le crédirentier au débirentier d’avoir à acquitter ladite rente, la vente sera résolue de plein droit, après un simple commandement de payer resté infructueux et contenant déclaration par le crédirentier de son intention d’user du bénéfice de ladite clause”.

Le commandement de payer signifié au débirentier faisait effectivement référence à la clause résolutoire du contrat. Le crédirentier avait en outre manifesté “sans ambiguïté”, sa volonté d’appliquer cette clause, avec effet immédiat. La Cour d’appel avait ainsi conclu au caractère régulier du commandement de payer.

Dans un arrêt du 17 octobre 2018, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence du 1er mars 2017, au motif que cette dernière n’avait pas correctement tiré les conséquences légales de ses constatations sur l’application de la clause résolutoire du contrat. (3)

Selon les termes de cette clause, la résolution du contrat était soumise à un délai accordé au débirentier pour régler les sommes impayées (“commandement de payer resté infructueux”). En conséquence, la Cour de cassation a décidé que la résolution du contrat devait être impartie d’un délai au débirentier pour régler les sommes impayées, appliquant strictement les termes de la clause résolutoire.


2. L’incompatibilité d’une faute grave avec l’application d’un préavis de résiliation

Dans cette seconde affaire, un radiologue avait conclu un contrat d’exploitation d’un scanner avec une clinique, en date du 21 décembre 2010. La clause résolutoire prévoyait que les parties pourraient mettre fin au contrat sous réserve d’un préavis de six mois. En cas de résiliation par la clinique, celle-ci devait verser au médecin une indemnité correspondant à un an de chiffre d’affaires. En revanche, en cas de faute grave de la part du médecin, la résiliation serait immédiate et celui-ci n’aurait pas droit à l’indemnité.

Par courrier du 25 juillet 2014, la clinique a résilié le contrat à effet du 31 janvier 2015, s’appuyant sur un certain nombre de griefs, mais en s’opposant au versement de l’indemnité.

Le médecin a assigné la clinique en versement de l’indemnité contractuelle prévue à la clause résolutoire.

Le litige portait notamment sur la qualification de la faute imputable au médecin, et sur les conditions applicables à la résiliation du contrat. En effet, soit la clinique estimait que le médecin avait commis une faute grave, et dans ce cas la résiliation était immédiate et ne donnait pas lieu au versement de l’indemnité prévue au contrat, soit la faute n’était pas qualifiée de “grave”, et dans ce cas la résiliation était assortie du préavis de 6 mois et du versement de l’indemnité contractuelle.

Dans un arrêt rendu le 14 novembre 2018, la Cour de cassation a une nouvelle fois fait une application stricte des termes du contrat et relève la contradiction entre le fait de retenir une faute grave à l’encontre du cocontractant et refuser de lui régler l’indemnité contractuelle, et le fait d’assortir la résiliation d’un préavis de 6 mois. Ainsi, les juges soulignent “qu’une faute grave, par son importance, rend impossible le maintien d’un contrat d’exploitation ou d’exercice” conclu entre un médecin et un établissement de santé pendant la durée du préavis. La faute grave “ne peut, dès lors être retenue que si la résiliation a été prononcée avec effet immédiat.” (4)

La Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 15 juin 2017, avait relevé que la clinique avait résilié le contrat en accordant à la société (au médecin) un préavis de six mois. La qualification de faute grave ne pouvait donc s’appliquer. La cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel mais a prononcé la cassation partielle sur le montant de l’indemnité due par la clinique au médecin.


   La résiliation anticipée d’un contrat est désormais régie par l’article 1225 du code civil, dans sa version en vigueur depuis la réforme du droit des contrats. (5) Un contrat ne peut être résilié de manière anticipée que sous réserve 1- d’une mise en demeure restée sans effet, et 2- que la mise en demeure mentionne expressément la clause résolutoire figurant au contrat. Les parties peuvent cependant prévoir que le contrat sera résilié du seul fait de l’inexécution de ses obligations par une partie.

Il convient donc d’une part de rédiger les clauses résolutoires dans des termes clairs, en précisant les différentes situations pouvant entraîner la résiliation du contrat (manquement contractuel, faute grave - et éventuellement fournir des exemples de manquements qui pourront être qualifiés de faute grave), et d’autre part de s’assurer de les exécuter correctement en cas de mise en oeuvre de la clause de résiliation anticipée du contrat.


                                                                      * * * * * * * * * *

(1) ancien article 1134 al.1 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.

(2) article 1184 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, remplacé par les articles 1224 à 1230 du code civil

(3) Cass com, affaire n°17-17935, arrêt du 17 octobre 2018

(4) Cass civ 1, affaire n°17-23135, arrêt du 14 novembre 2018

(5) Art 1225 du code civil “La clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat.
La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Avril 2019

jeudi 18 avril 2019

L’importance de l’implication du client dans l’exécution d’un projet informatique

La jurisprudence relative aux contrats informatiques relève souvent les carences du prestataire dans l’exécution de son obligation de conseil vis-à-vis du client ou dans l’exécution de ses prestations. On rappellera toutefois que dans le cadre de l’exécution de projets informatiques, le client ne peut pas attendre la livraison du projet en restant passif. Deux arrêts de cour d’appel remontant à 2017 rappellent ainsi l’importance du rôle actif du client dans l’exécution de projets informatiques. Sa pleine coopération est en effet un élément clé de la bonne exécution du projet. Par ailleurs, le nouveau droit des contrats, issu de l’ordonnance du 10 février 2016 prévoit que “Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.” (1) Cette obligation, d’ordre public, s’impose aux parties non seulement pendant la période pré-contractuelle, mais également pendant toute la durée du contrat.

Dans la première affaire, la faute du client qui n’avait pas exprimé ses besoins a été retenue par les juges. La seconde affaire retient la résiliation du contrat aux torts du client qui a refusé la réception provisoire d’un site internet.


1. Le client est tenu d’exprimer ses besoins

Dans un arrêt rendu le 5 octobre 2017, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a prononcé la résiliation d’un contrat de développement de sites web aux torts du client qui n’a pas exprimé ses besoins. (2)

En 2010, la société Nouvelles Destinations, tour-opérateur spécialisé dans la vente de séjours autour de parcs d’attractions, a souhaité refondre son site internet destiné aux professionnels (B2B) et développer un site à destination des consommateurs (B2C). Les prestations de développement ont été confiées à la société Flag Systèmes. Trois contrats ont été conclus en décembre 2010 et janvier 2011 : un contrat-cadre pour les développements spécifiques, pour un montant total de 135.000 euros, un contrat d’achat et de maintenance des licences I-Resa et un contrat d’hébergement et d’administration de la plate-forme I-Resa.

N’ayant pas reçu le dernier paiement prévu au contrat-cadre de développement, ni le règlement des factures d’hébergement, la société Flag Systèmes a mis le client en demeure de payer le 14 octobre 2013. En réponse, la société Nouvelles Destinations a contesté devoir les sommes réclamées, invoquant divers dysfonctionnements. Le prestataire a donc fait assigner la société Nouvelles Destinations et son assureur devant le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence en règlement des sommes. Dans un jugement du 10 novembre 2015, le tribunal a condamné la société Nouvelles Destinations à régler les sommes dues à la société Flag Systèmes. Nouvelles Destinations a interjeté appel.

Dans sa décision du 5 octobre 2017, la Cour relève que le contrat-cadre rappelle en préambule que la société Nouvelles Destinations n’a pas fourni de document d’expression de ses besoins ni de cahier des charges, que le contrat-cadre est destiné à permettre « d’initialiser les premières phases de travail sans que les enveloppes définitives soient engagées », et qu’il est recommandé à la société Nouvelles Destinations « de recourir à une assistance à maîtrise d’ouvrage, mener une réflexion de fond sur l’organisation des services, les processus métiers et les flux d’informations mis en place, et la mise en place d’un comité de pilotage. » Or, la société Nouvelles Destinations n’a suivi aucune des recommandations du prestataire, au titre de l’obligation de conseil de ce dernier.

Par ailleurs, alors qu’il revient à la société cliente de prouver les dysfonctionnements allégués et leur imputabilité au prestataire, les juges relèvent que la société Nouvelles Destinations ne produit que des emails émanant d’elle-même, se plaignant de dysfonctionnements, sans aucune plainte de clients ou de partenaires commerciaux, ni constat d’huissier attestant desdits dysfonctionnements pouvant justifier le non-paiement des factures du prestataire.

En conséquence, la Cour a confirmé le jugement du tribunal de commerce, mais revu la condamnation à la baisse. La société Nouvelles Destinations a ainsi été condamnée à payer 101.000 euros dus au titre des contrats.


2. Le client qui refuse la réception provisoire du projet est en tort

Dans un arrêt du 6 juillet 2017, la cour d’appel de Grenoble a confirmé la résiliation d’un contrat de développement d’un site internet aux torts exclusifs du client qui avait refusé de procéder à la réception provisoire, alors que la réception aurait pu lui permettre de faire réaliser les corrections nécessaires par le prestataire au vu des éventuelles réserves.

La société Sikirdji Gemfrance, spécialisée dans le commerce de pierres fines et précieuses avait conclu un contrat de réalisation de site web avec la société DediServices le 9 juillet 2012 et a versé un premier acompte de 40% à la commande (soit 10.697,02€ TTC). Prétendant que le site commandé n’avait jamais été achevé et qu’il comportait de nombreux dysfonctionnements, la société Sikirdji Gemfrance a demandé au prestataire le remboursement de l’acompte versé par mise en demeure du 4 avril 2013, puis assigné la société DediServices en résolution du contrat et remboursement de l’acompte le 16 septembre 2013.

Dans son jugement du 28 novembre 2014, le tribunal de commerce de Grenoble a condamné la société cliente à payer à la société DediServices la somme de 16.045,54 € au titre des factures impayées avec application des pénalités de retard contractuelles, 10.000 € euros de dommages et intérêts et 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La société Sikirdji Gemfrance a interjeté appel le du 16 janvier 2015.

Alors que la réception a notamment pour objet d’obliger le prestataire à faire les modifications correspondant aux éventuelles réserves qui auraient été mentionnées au procès-verbal de recette, en l’espèce la société cliente a refusé la réception provisoire du site.

La cour a confirmé la condamnation de la société Sikirdji Gemfrance à payer au prestataire les sommes prévues par le contrat et non encore réglées, augmentées des pénalités de retard, 10.000 € pour le travail supplémentaire généré par les nombreuses demandes d’interventions et de modifications, et 50.000 € de dommages-intérêts.

Cet arrêt fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

                                                                   * * * * * * * * * *

(1) article 1104 du Code civil

(2) Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 8e ch. B, arrêt du 5 octobre 2017, Nouvelles Destinations / Flag Systèmes et Hiscox Europe Underwriting Ltd

(3) Cour d’appel de Grenoble, ch. com, arrêt du 6 juillet 2017 Sikirdji Gemfrance / DediServices


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Avril 2019