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vendredi 19 août 2011

La vidéoprotection dans les commerces et les entreprises : le point sur la réglementation

L’actualité législative et réglementaire de cette année 2011 est incontestablement marquée par le développement de la vidéosurveillance, ou vidéoprotection. En attestent l’adoption, en mars dernier, de la loi dite LOPSSI 2 venant modifier le régime juridique de la vidéosurveillance, le programme annuel des contrôles effectués par la CNIL, renforçant son action sur les dispositifs de vidéoprotection, et la récente publication d’un décret relatif à la Commission Nationale de la Vidéoprotection.(1)

Les entreprises qui souhaitent mettre en oeuvre de tels dispositifs au sein de leur établissement sont concernées par ces évolutions. La complexité du cadre légal en matière de vidéoprotection nécessite de faire un point sur la réglementation en vigueur.

1. La coexistence de deux régimes juridiques

Les conditions dans lesquelles peut-être installé un système de vidéoprotection, à savoir un système qui enregistre ou transmet des images, sont encadrées par deux régimes juridiques distincts.(2) Il convient de distinguer selon que ce système concerne un lieu privé ou un lieu public.

Un lieu est considéré comme “privé” dès lors que le public ne peut pas y accéder librement, tels que bureaux ou entrepôts d’une entreprise fermés au public. La mise en oeuvre d’un dispositif de vidéosurveillance sur le lieu de travail est réglementée par le Code du travail et la loi Informatique et Liberté ; elle nécessite en principe une déclaration préalable auprès de la CNIL.(3)

Un lieu est considéré comme “public” dès lors qu’il est librement accessible à tous, tels que  boutique, hypermarché, ou voie publique. La mise en oeuvre d’un système de vidéoprotection sur la voie publique ou dans des lieux et établissements ouverts au public est régie par la loi de 1995 relative à la sécurité, récemment modifiée par la LOPPSI 2 ; elle nécessite en principe une autorisation préfectorale.(4)

Ces deux régimes juridiques peuvent dans certains cas se cumuler. Il en va ainsi lorsque le dispositif de vidéoprotection se trouve dans un lieu mixte (lieu ouvert au public comportant des zones privées réservées à l’usage du personnel) ou lorsque les caméras vidéos mises en place filment une partie de la voie publique (entrée d’un bâtiment par exemple). Une déclaration à la CNIL et une demande d’autorisation en préfecture sont alors nécessaires.

2. Les règles applicables aux systèmes de vidéoprotection dans les lieux privés

2.1 Les obligations du chef d’entreprise

Le chef d’entreprise est responsable de la conformité de la mise en oeuvre du système de vidéoprotection.

Justification du dispositif - L'installation de caméras vidéos sur le lieu de travail répond généralement à un objectif sécuritaire, tel que contrôle des accès aux locaux, ou risque particulier de vol. Le chef d’entreprise qui envisage de mettre en oeuvre un système de vidéosurveillance doit respecter le principe de proportionnalité, c'est-à-dire être en mesure de justifier le contrôle qu'il exerce sur ses employés par un intérêt légitime. L’installation d’un tel dispositif doit donc s’effectuer de façon adéquate, pertinente, non excessive et strictement nécessaire à l’objectif poursuivi. Tel n’est pas le cas par exemple, si le dispositif a pour seul objectif la mise sous surveillance spécifique d’un employé déterminé.

Visualisation et durée de conservation des images - Les images enregistrées ne peuvent être visionnées que par les seules personnes habilitées à cet effet, dans le cadre de leurs fonctions (direction, responsable sécurité). Elles doivent être conservées pendant une durée limitée à quelques jours et en tout état de cause, conformément aux préconisations de la CNIL, à une durée qui ne saurait excéder un mois.

Information des représentants du personnel et des personnes filmées - Les instances représentatives du personnel doivent être consultées avant le déploiement d’un système de vidéosurveillance et précisément informées des fonctionnalités envisagées. Les employés ou visiteurs doivent être informés, au moyen d’un panneau affiché de façon visible dans les locaux sous vidéoprotection (i) de l’existence du dispositif, (ii) des destinataires des images captées et enregistrées et (iii) des modalités d’exercice de leur droit d’accès aux enregistrements les concernant.

Déclaration préalable à la CNIL - Si le système de vidéosurveillance procède à un traitement informatique de données à caractère personnel (stockage des images sur support numérique), une déclaration auprès de la CNIL sera nécessaire avant la mise en oeuvre effective du dispositif.(5) Cette déclaration n’est pas nécessaire en cas de désignation d’un Correspondant Informatique et Libertés (CIL).

2.2 Les modalités de contrôles et les sanctions

La CNIL peut contrôler la mise en place de dispositifs de vidéoprotection et le cas échéant faire prononcer des sanctions en cas de non-respect de la réglementation par le chef d’entreprise.

Contrôles CNIL - La loi Informatique et Libertés permet aux agents de la CNIL de réaliser des contrôles au sein des locaux professionnels équipés de systèmes de vidéosurveillance associés à des traitements de données personnelles.

Sanctions administratives - La mise en place d'un dispositif de vidéosurveillance, en violation des règles précitées, peut conduire la CNIL à prononcer à l’égard du chef d’entreprise qui méconnaît ses obligations : un avertissement, une mise en demeure, une sanction pécuniaire d’un montant maximum de 150.000€ (300.000€ en cas de récidive) et une injonction de cesser le traitement. A titre d’exemple, la CNIL a récemment sanctionné deux sociétés mettant en oeuvre des dispositifs de vidéosurveillance qui filmaient les salariés dans des espaces de repos et de détente, non ouverts au public et de façon permanente, y compris dans les lieux où aucune marchandise n’était stockée et sans les en avoir informés.(6)

Sanctions pénales - Le manquement à l’obligation de déclarer le traitement ou de faire une demande d’autorisation à la CNIL peut faire l’objet de peines d’emprisonnement (5 ans) et d’amende (300.000€ et 1.500.000€ pour les personnes morales). De plus, l’installation d'un dispositif de vidéosurveillance en violation des règles précitées, peut constituer une atteinte volontaire à l'intimité de la vie privée d'autrui (ex: installation d’un dispositif à l’insu des salariés afin d'entendre leurs conversations) qui expose l'employeur à des peines d’emprisonnement (1 an) et d'amende (45.000€).(7)

Récusation des moyens de preuve - La mise en place d'un dispositif de vidéosurveillance dans des circonstances contraires à la loi peut conduire le juge à écarter l’enregistrement vidéo produit à titre de preuve, notamment pour justifier le licenciement d'un employé (par exemple, licenciement fondé sur un enregistrement vidéo obtenu par le moyen d’une caméra dissimulée dont ni les salariés ni le comité d’entreprise avaient connaissance).

3. Les règles applicables aux systèmes de vidéoprotection dans les lieux publics

Les règles sont différentes lorsque la vidéoprotection est installée sur la voie publique ou dans des lieux et établissements ouverts au public. La loi LOPPSI 2 a modifié le régime juridique applicable et notamment renforcé les contrôles des systèmes de vidéoprotection.

3.1 Les obligations du responsable du dispositif de vidéoprotection

Justifications du dispositif - L’installation de systèmes de vidéoprotection sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public doit répondre à des motifs de préservation de la sécurité et de l’ordre public. A ce titre, la loi fixe une liste des motifs autorisés et les distingue en fonction du type de lieux. Ainsi, les entreprises ont la possibilité de recourir à un dispositif filmant (i) la voie publique uniquement pour assurer la protection des abords immédiats de leurs bâtiments et installations, si ceux-ci sont susceptibles d’être exposés à des actes de terrorisme et (ii) des lieux ouverts au public uniquement pour assurer la sécurité des personnes et des biens, lorsque ces lieux sont exposés à des risques d’agression, de vol ou de terrorisme.

Autorisation préfectorale et conséquences - L’obtention d’une autorisation préfectorale est un préalable nécessaire à l’installation du dispositif ; la demande d’autorisation doit être déposée à la préfecture et être accompagnée d’un dossier administratif et technique. L’autorisation est délivrée pour une durée de cinq ans, renouvelable.

La délivrance de l’autorisation préfectorale impose au responsable du dispositif de respecter un ensemble de prescriptions portant sur des modalités techniques de mise en oeuvre. Les images enregistrées ne peuvent être conservées que pendant un délai maximum d’un mois.

Tout responsable d’un dispositif de vidéoprotection est tenu d’informer de manière claire et permanente le public surveillé de l’existence de ce système et de la personne qui en est responsable. Cette information doit être apportée au moyen de panonceaux et d’affiches. De plus, le responsable du système doit permettre à toute personne intéressée d’obtenir accès aux enregistrements la concernant.

Déclaration CNIL : exception - Si le système de vidéoprotection est associé à des traitements ou fichiers automatisés de données personnelles permettant l’identification, directe ou indirecte, des personnes physiques, la loi Informatique et Libertés a vocation à s’appliquer. En pratique, cela signifie qu’un tel dispositif doit uniquement faire l’objet des formalités préalables auprès de la CNIL, à l’exclusion de.s démarches auprès de la préfecture.(8)

3.2 L’extension des pouvoirs de contrôle et les sanctions

Les Commissions Départementales de Vidéoprotection - Ces commissions disposent d’un pouvoir de contrôle des conditions de fonctionnement des dispositifs autorisés au sein de tous locaux ou établissements professionnels. Elles peuvent émettre des recommandations et proposer au préfet la suspension ou la suppression des dispositifs non autorisés, non conformes ou dont il est fait un usage anormal.

La CNIL - La Commission nationale informatique et libertés est désormais compétente pour contrôler les dispositifs de vidéoprotection, qu'ils soient installés sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public, alors que jusqu’à présent elle ne contrôlait que ceux installés dans les lieux privés. La CNIL peut, à la suite de ces contrôles, prononcer des mises en demeure à l’encontre des responsables des dispositifs si elle constate des manquements aux obligations qui s’imposent à eux et proposer au préfet d’ordonner des mesures de suspension ou de suppression du système contrôlé.

Les sanctions - Le non-respect de la loi et des textes d’application peut faire l’objet, d’une part, de sanctions administratives et d’autre part de sanctions pénales.(9) Le préfet a ainsi la possibilité de retirer une autorisation d’installation en cas de manquement du titulaire à ses obligations. Le non-respect de la loi peut également être sanctionné par des peines d’emprisonnement (3 ans) et d’amende (45.000€). Peuvent constituer des infractions: le fait d’installer ou de maintenir un système sans autorisation, de procéder à la destruction des images hors délais ou de permettre à des personnes non autorisées d’accéder aux images.


En conséquence, il est recommandé aux commerçants et aux entreprises de s’assurer de la conformité de leurs dispositifs de vidéosurveillance à la loi et, à défaut, de prendre toutes mesures nécessaires de mise en conformité.


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(1) Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure dite LOPPSI 2(voir notamment le Chapitre III, Section 4 «Vidéoprotection») ; Communiqué CNIL du 26 avril 2011 « Programme des contrôles 2011 : une ambition réaffirmée, des compétences élargies » ; et Décret n°2011-877 du 25 juillet 2011 relatif à la commission nationale de la vidéoprotection.
(2) Par exemple, les caméras vidéos installées dans une superette et qui ont pour seule finalité de permettre au responsable du magasin de surveiller, sans le moindre enregistrement, en temps réel le magasin n’a pas besoin de faire l’objet d’une autorisation.
(3) Voir notamment les articles L. 1121-1, L. 1221-9, L.1222-4 et L.2323-32 du Code du travail et les dispositions de la Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
(4) Loi n°95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité (voir notamment articles 10 et 10-2) .
(5) Les systèmes comprenant un dispositif biométrique doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès de la CNIL.
(6) Formation contentieuse de la CNIL du 18 janvier 2011 et Délibération CNIL n° 2009-201 du 16 avril 2009 de la formation restreinte prononçant une sanction pécuniaire à l’encontre de la société Jean-Marc Philippe.
(7) Voir notamment articles 226-1, 226-16, 226-24 et 131-38 du Code pénal.
(8) Voir l’article 10-I et II de la Loi du 21 janvier 1995 relative à la sécurité, modifiée
(9) Ces peines sont prononcées sans préjudice de l’application de l’article 226-1 du Code pénal qui sanctionne également de peines d’emprisonnement (un an) et d’amende (45.000€) les atteintes volontaires à l’intimité de la vie privée d’autrui.




Bénédicte DELEPORTE – Avocat
Betty SFEZ – Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Août 2011

vendredi 5 août 2011

La nouvelle loi du 20 juillet 2011 sur la vente aux enchères et ses conséquences sur les sites d’enchères en ligne

Le développement des sites d’enchères en ligne au début des années 2000 avait suscité débats  et controverses, notamment sur le fait de déterminer si ces activités entraient ou non dans le champ de la réglementation sur les ventes aux enchères. La loi du 10 juillet 2000 a tenté de mettre un terme aux débats en fournissant la définition d’une nouvelle activité de “courtage aux enchères réalisé à distance par voie électronique”. Cependant, avec l’évolution des technologies et des pratiques, les commissaires-priseurs (représentés par le Conseil des ventes volontaires) estimant que cette activité crée des distorsions de concurrence et prive les consommateurs de garanties, ont continué à s’opposer au principe du courtage aux enchères en ligne en tentant de soutenir qu’il s’agissait en réalité d’une activité de vente aux enchères publiques par voie électronique. Plusieurs décisions judiciaires sur ces dix dernières années ont permis d’affiner la définition du courtage aux enchères en ligne.

La nouvelle loi du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, en intégrant ces précisions jurisprudentielles, devrait permettre de clarifier les contours de l’activité de courtage aux enchères en ligne.(1)

1. Une définition plus précise du courtage aux enchères en ligne

Le développement des enchères sur internet et la première définition du courtage aux enchères en ligne

La loi du 10 juillet 2000 réglementant les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques  avait tenté de mettre un terme aux débats sur les enchères en ligne en disposant que “les opérations de courtage aux enchères réalisées à distance par voie électronique, se caractérisant par l’absence d’adjudication et d’intervention d’un tiers dans la conclusion de la vente d’un bien entre les parties, ne constituent pas une vente aux enchères publiques.”(2)

Les plateformes d’enchères qui fournissent généralement le service, laissant aux vendeurs le soin de décrire l’objet proposé à la vente, celle-ci étant conclue automatiquement à la fin du délai prévu sans adjudication, ne réalisaient donc pas de vente aux enchères publiques, au sens de la loi. Les plateformes de courtage aux enchères ne sont donc pas tenues à l’obligation d’obtenir l’agrément du Conseil des ventes volontaires (le “CVV”), ni de fournir des garanties (telles qu’intervention d’un commissaire-priseur, souscription d’un contrat d’assurance, etc.)

Cependant, la définition de l’activité de courtage aux enchères réalisé à distance par voie électronique de la loi de juillet 2000 n’a pas pour autant clôt tous les débats.

Cette activité est en effet liée au fait de déterminer le régime de responsabilité applicable à la plateforme de courtage aux enchères. Or, ce régime de responsabilité est encore largement abordé de manière binaire : hébergeur ou éditeur.

La définition du régime de responsabilité est d’autant plus ardue que les plateformes de courtage proposent de plus en plus de services et d’outils à leurs utilisateurs, et ont donc tendance à intervenir, au moins indirectement, dans le processus de mise en vente et de conclusion de la vente.(3)

Deux questions principales subsistaient avec la définition de juillet 2000 : le rôle et donc, la responsabilité, de la plateforme d’enchères dans le processus de vente du bien, et la vente de “biens culturels”.

Si l’on retient généralement que les plateformes de courtage (notamment eBay) sont soumises au régime de responsabilité de l’hébergeur dans le cadre de cette activité, il a été reconnu qu’elles font effectivement du courtage car i) le bien est mis en vente par le vendeur, le contrat de vente est conclu directement entre le vendeur et l’acheteur, et ii) il n’y a pas d’adjudication à la fin de la vente, le vendeur reste libre de conclure la vente avec un acheteur autre que le meilleur enchérisseur.

Ces éléments ont été rappelés dans un jugement rendu par le TGI de Paris le 25 mai 2010. En l’espèce, le CVV poursuivait eBay au motif que la plateforme intervenait dans le processus d’enchères. Exerçant une activité de vente aux enchères telle que définie par la loi, et non de courtage, eBay devait obtenir l’agrément du CVV.

Le TGI n’a pas suivi le CVV dans son analyse et a rappelé qu’eBay exerçait effectivement une activité de courtage aux enchères en ligne dans le cadre de la définition de l’article L321-3 al.2 du Code de commerce.(4)

La question relative aux biens culturels n’était pas résolue pour autant. Les biens culturels ne peuvent être vendus sur les plateformes de courtage aux enchères, mais uniquement aux enchères publiques, le cas échéant, par voie électronique (art. L321-3 al.3). Cependant, il n’existe pas de définition précise de la notion de bien culturel, ce qui rend la mise en oeuvre de cette disposition particulièrement délicate.

La modification de l’article L321-3 du Code de commerce

L’article 5 de la loi du 21 juillet 2011 modifie et complète l’article L321-3 du Code de commerce.

La nouvelle définition de l’activité de courtage aux enchères en ligne est plus précise. La loi dispose désormais que : “les opérations de courtage aux enchères réalisées à distance par voie électronique, se caractérisant par l’absence d’adjudication au mieux-disant des enchérisseurs et d’intervention d’un tiers dans la description du bien et la conclusion de la vente, ne constituent pas une vente aux enchères publiques au sens du présent chapitre.”

Cette définition permet de faire le lien entre la qualité d’hébergeur technique de la plateforme (tel que développé ci-dessus) et la notion de courtage aux enchères, en précisant que la description du bien et la conclusion de la vente sont réalisées en l’absence d’intervention d’un tiers (en l’occurrence, la plateforme de vente, la rédaction de l’annonce étant réalisée par le vendeur), et en l’absence d’adjudication au mieux-disant des enchérisseurs (le vendeur étant libre de conclure la vente avec un autre enchérisseur de son choix, sur des critères de proximité géographique ou de conditions de paiement par exemple).

Toute activité d’enchère en ligne n’est pas du courtage

La loi de juillet 2011 vient compléter le premier alinéa de l’article L321-3 nouveau du Code de commerce, confirmant ainsi sans ambigüité la décision rendue par la Cour d’appel de Paris le 8 avril 2009 contre la société EncherExpert.

EncherExpert, qui a pour activité le dépôt-vente sur eBay, était poursuivi par le CVV qui estimait que cette société faisait de la vente aux enchères publiques. En effet, EncherExpert se chargeait de la logistique de la vente sur eBay pour le compte des propriétaires des objets. A ce titre, EncherExpert était mandaté par les propriétaires pour réaliser la vente sur eBay : évaluation du bien, rédaction des annonces et vente au mieux-disant des enchérisseurs.

Le CVV estimait donc que la société EncherExpert exerçait une véritable activité de vente aux enchères publiques au sens de l’article L321-3 al.1 du Code de commerce. A ce titre EncherExpert devait donc solliciter l’agrément du CVV. Le TGI, puis la Cour d’appel de Paris ont considéré que la société EncherExpert exerçait effectivement une activité de vente aux enchères publiques, par voie électronique.(5)

Le nouvel article L321-3 al.1 dispose que “le fait de proposer, en agissant comme mandataire du propriétaire, un bien aux enchères publiques à distance par voie électronique pour l’adjuger au mieux-disant des enchérisseurs constitue une vente aux enchères publiques par voie électronique, soumise aux dispositions du présent chapitre.

2. Une nouvelle obligation d’information du public


L’article L321-3 al.3, dans sa version issue de la loi du 21 juillet 2011, met une nouvelle obligation  d’information des consommateurs à la charge des plateformes d’enchère : une information générale sur la nature du service proposé et une information spécifique sur la réglementation relative à la circulation des biens culturels.

L’information sur la nature du service proposé


Le nouvel article L321-3 al.3 précise que “le prestataire de service mettant à la disposition du vendeur une infrastructure permettant d’organiser et d’effectuer une opération de courtage aux enchères par voie électronique informe le public de manière claire et non équivoque sur la nature du service proposé (…)”. Cette information, qui s’adresse à tous les utilisateurs du service, doit porter entre autre, sur la description du service et les conditions générales applicables.

Ce texte s’inscrit dans la lignée de la politique pour une meilleure information du consommateur, a fortiori lorsqu’il contracte sur internet. Il reflète également les jurisprudences dans ce domaine. Les juges reconnaissent en effet qu’à partir du moment où le prestataire (la plateforme d’enchères) a fourni des informations claires et accessibles relatives au service, ainsi que, le cas échéant, des mises en garde sur les risques de fraude (usurpation d’identité, moyens de paiement, etc.), il revient aux utilisateurs du service de prendre connaissance de ces informations, d’être prudents et de prendre la responsabilité de conclure ou de refuser de conclure la vente. Dans le cas inverse, l’utilisateur victime de fraude pourra être reconnu comme ayant fait preuve de négligence fautive.

Dans le cas des enchères en ligne, il est d’autant plus important d’informer les parties, vendeurs et acheteurs, que la procédure de vente n’est pas simple. C’est le vendeur qui réalise la vente, le contrat de vente étant conclu directement entre vendeur et acheteur. Il revient donc à l’acheteur potentiel de se renseigner et prendre ses précautions avant de décider d’enchérir, et éventuellement acheter l’objet. La plateforme n’est qu’un intermédiaire technique, proposant plus ou moins d’informations et éventuellement des services connexes. Dans la grande majorité des cas dans lesquels des acheteurs, victimes de fraude de la part de vendeurs, ont poursuivi la plateforme d’enchères, et non le vendeur, les acheteurs ont été déboutés par les tribunaux.(6)

L’information sur la réglementation relative à la circulation des biens culturels


La seconde obligation d’information concerne “la réglementation relative à la circulation des biens culturels, ainsi qu’à la répression des fraudes en matière de transactions d’oeuvres d’art et d’objets de collection, lorsque l’opération de courtage aux enchères par voie électronique porte sur de tels biens.”

Les conditions relatives à cette obligation d’information doivent être précisées par arrêté conjoint du garde des sceaux et du ministre de la culture. Cette information devra être portée à la connaissance du vendeur et de l’acheteur.

Cette disposition suscite plusieurs remarques. Comme mentionné plus haut, il n’existe pas de définition précise de la notion de bien culturel. Les nouvelles dispositions légales ne devraient pas résoudre la confusion dans la mesure où l’on fait référence à trois notions apparemment distinctes, mais néanmoins proches : biens culturels, oeuvre d’art et objet de collection.

En outre, il apparaît que l’exception posée par la loi de juillet 2000 relative à la vente de biens culturels aux enchères a disparu. Le nouveau texte ne précise plus que les opérations de courtage aux enchères portant sur des biens culturels sont soumises aux dispositions sur la vente aux enchères publiques. Ceci impliquerait donc que les biens culturels peuvent, au même titre que les autres biens, être mis en vente sur les plateformes de courtage aux enchères sans être soumis au régime de la vente aux enchères publiques.

Enfin, les informations sur la réglementation relative à la circulation des biens culturels, ainsi qu’à la répression des fraudes en matière de transactions d’oeuvres d’art et d’objets de collection seront en principe ciblées, puisqu’elles ne seront destinées qu’aux vendeurs et aux acquéreurs de biens culturels, oeuvres d’art et objets de collection.

En tout état de cause, il conviendra de suivre les conditions posées par l’arrêté mentionné à la loi.

Le nouvel article L321-3 comprend en outre 6 alinéas supplémentaires relatifs aux dispositions pénales applicables en cas de non respect des dispositions figurant au 3é alinéa.

* * * * * * * * * *

(1) Loi n°2011-850 du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ; La loi du 20 juillet 2011 vient modifier la loi du 10 juillet 2000 et transpose la directive européenne n°2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur
(2) Codifié à l’article L321-3 du Code de commerce
(3) Voir notamment au sujet de la responsabilité d’eBay - plateforme de courtage aux enchères, la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 12 juillet 2011, L’Oréal et autres c/ eBay International et autres (voir http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=3205)
(4) TGI Paris, 5é ch. 25 mai 2010 Conseil des ventes volontaires c/ eBay Europe
(5) Cour d’appel de Paris, 9é ch. 8 avril 2009, Conseil des ventes volontaires c/ EncherExpert et autres. La société EncherExpert a sollicité et dispose désormais de l’agrément du CVV.
(6) voir les derniers jugements en la matière, impliquant eBay : Tribunal d’instance de Vienne, 12 novembre 2010, Vincent M c/ eBay International AG ; TGI Paris, 5é ch. 14 janvier 2010 Patrick M c/ eBay France ; TGI Strasbourg 1ère ch. 15 décembre 2009 Jean L. c/ eBay France. Ces jugements sont accessibles en ligne sur le site www.legalis.net



Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Août 2011

www.dwavocat.com