Le logiciel est protégé par le droit d’auteur, ainsi qu’en dispose l’article L.112-2 (13°) du Code de la propriété intellectuelle (CPI).
Cependant, comme pour toute oeuvre de l’esprit, la protection n’est pas automatique. L’oeuvre doit en effet être originale, au sens du droit de la propriété intellectuelle. Dans la lignée de l’arrêt Babolat c/ Pachot de 1986, les juges de la cour de cassation viennent de rappeler les critères à retenir pour évaluer l’originalité du logiciel. (1)
1. La protection du logiciel par le droit d’auteur n’est pas automatique
Dans un arrêt du 17 octobre 2012, la Cour de cassation rappelle que la notion d’originalité doit être appréciée selon des critères bien précis. (2)
En résumé, la société Compagnie de distribution informatique expert (Codix) avait accordé une licence d’utilisation de logiciel à la société Alix services et développement. Cette dernière avait continué à utiliser le logiciel après l’expiration de la licence d’utilisation. La société Codix a donc assigné la société Alix en contrefaçon de ses droits, aux côtés d’une société d’huissiers de justice, liée par un contrat de prestations informatiques à la société Alix. En effet, toute utilisation d’un logiciel en violation des droits de l’auteur, tels que définis à l’article L.122-6 du CPI est considérée comme un délit de contrefaçon, tel que rappelé à l’article L.335-3 du même code.
Or, en cas d'action en contrefaçon, le caractère original de l’oeuvre doit pouvoir être démontré par son titulaire. Ce critère est soumis à l’appréciation des juges, qui doivent confirmer le caractère original du logiciel litigieux, avant de faire droit à la demande en contrefaçon. (3) Ainsi, une fois le caractère original reconnu, le titulaire des droits sur le logiciel protégé pourra poursuivre la démonstration de l’atteinte à ses droits et demander réparation pour l’utilisation contrefaisante.
En l’espèce, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait considéré que le logiciel était original car “apportant une solution particulière à la gestion des études d’huissiers de justice.”
En outre, l’éditeur du logiciel avait conclu une licence d’utilisation de ce logiciel, définissant l’étendue et la durée des droits d’utilisation concédés. Enfin, une copie du logiciel avait été déposée sous séquestre auprès de l’Agence pour la protection des programmes.
Cependant, la conclusion d’un contrat de licence et le dépôt des logiciels ne sont pas des éléments suffisants pour justifier de la protection de l’oeuvre par le droit d’auteur.
2. Rappel des critères à retenir pour qualifier la notion d’originalité
Dans l’arrêt du 17 octobre 2012, la Cour de cassation a considéré que le critère retenu par la Cour d’appel pour qualifier l’originalité et pour justifier sa décision, à savoir, que le logiciel apportait une solution particulière à la gestion des études d’huissiers de justice, manquait de base légale.
Les magistrats rappellent ainsi que seuls les critères d’un apport intellectuel propre et d’un effort personnalisé de celui qui a élaboré le logiciel litigieux sont de nature à lui conférer le caractère d’une oeuvre originale protégée par le droit d’auteur.
En conclusion, faute de démontrer en quoi les choix opérés par l’auteur résulteraient d’un effort créatif, portant l’empreinte de sa personnalité ou la marque d’un apport intellectuel propre de l’auteur, l’originalité ne pourra être démontrée et le logiciel ne pourra alors bénéficier de la protection par le droit de la propriété intellectuelle.
* * * * * * * * * * * *
(1) Cass. Ass.plén., 7 mars 1986, Babolat c/ Pachot , n°83-10477
(2) Cass. civ., 17 octobre 2012, Codix c/ Alix
(3) Cass. crim., 27 mai 2008, n°07-87253
Bénédicte DELEPORTE
Avocat
Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com
Décembre 2012
DELEPORTE WENTZ AVOCAT est une société d’avocats spécialisée en droit des technologies de l’information - informatique, internet, données personnelles, inscrite au Barreau de Paris. Nous publions régulièrement des articles concernant des thématiques juridiques diverses relevant du domaine des technologies : actualité juridique, présentation d'une nouvelle loi ou analyse d'une jurisprudence récente. Pour consulter notre site web: www.dwavocat.com
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mercredi 26 décembre 2012
dimanche 23 décembre 2012
Retard de paiement et procédures d’acceptation : les modifications de l’article L.441-6 du code de commerce applicables au 1er janvier 2013
La loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit, qui transpose en droit français la directive du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement, modifie entre autres, certaines dispositions du code du commerce qui devront obligatoirement figurer dans les conditions générales de vente entre professionnels. (1) Ces modifications entrent en vigueur le 1er janvier 2013. Il convient donc, pour les professionnels, de modifier leurs CGV afin de se mettre en conformité avec ces nouvelles obligations.
L’article L.441-6 du code de commerce donne obligation aux vendeurs professionnels de communiquer à leurs clients professionnels leurs conditions générales de vente, constitutives du “socle de la négociation commerciale”. Les CGV comprennent a minima les conditions de vente, le barème des prix, les éventuelles réductions de prix, les conditions de règlement. Cet article fixe également les délais de paiement.
Cet article L.441-6 a été considérablement modifié pour intégrer notamment deux dispositions que nous analysons dans cet article : celle relative à la lutte contre le retard de paiement, et un nouveau paragraphe relatif aux délais d’acceptation des marchandises et prestations.
1. Les nouvelles dispositions relatives aux intérêts de retard et aux frais de recouvrement
Afin de lutter contre les délais de paiement excessifs imposés par certains clients à leurs fournisseurs, l’article L.441-6 I al.9 du code de commerce dispose que les délais de paiement ne peuvent dépasser 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d’émission de la facture.
L'article L.441-6 al.12 du code de commerce disposait jusqu’ici que les conditions de règlement des vendeurs professionnels devaient obligatoirement préciser “les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date.”
Le taux pour calculer les pénalités de retard pouvant être fixé par les parties est défini à cet article comme pouvant s’élever au minimum à trois fois le taux d’intérêt légal ou le taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage.
La directive du 16 février 2011 a pour ambition de protéger les PME en durcissant les conditions applicables aux retards de paiement. Ces règles ont été transposées par la loi du 22 mars 2012, modifiant l’article L.441-6 du code de commerce. La nouvelle version de cet article entre en vigueur le 1er janvier 2013.
Désormais, les CGV des vendeurs professionnels devront préciser, outre les conditions d’application et le taux d’intérêt de retard, le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due par l’acheteur qui ne règle pas dans les délais.
Cette indemnité forfaitaire de recouvrement, qui est distincte des pénalités de retard, est due de plein droit par le débiteur. Le montant de cette indemnité a été fixé par décret à 40€. (2) Le créancier peut cependant demander une indemnisation complémentaire, sur justification, lorsque les frais de recouvrement sont supérieurs à ce montant.
Par ailleurs, le taux d’intérêt de la BCE à retenir a été précisé. Il s’agira du taux en vigueur au 1er janvier de l’année pour le taux applicable pendant le premier semestre, et le taux en vigueur au 1er juillet pour le taux applicable pendant le second semestre.
Les mentions relatives aux délais de paiement, aux taux d’intérêt de retard et à l’indemnité forfaitaire de recouvrement doivent obligatoirement figurer aux CGV et aux factures des vendeurs professionnels. Toute non conformité aux dispositions du nouvel alinéa 12 est passible d’une amende de 15.000 euros.
Il est donc impératif de mettre ses CGV à jour.
2. Les conditions relatives aux délais d’acceptation des marchandises et prestations de services
Les délais d'acceptation ou de vérification de conformité des marchandises ou des prestations de services (ou procédures de réception) relevaient, jusqu’à présent, de la liberté contractuelle entre les parties, celles-ci étant éventuellement sanctionnées par les juges en cas de pratique abusive, notamment pour rétablir l’équilibre entre les parties au contrat.
L’article L.441-6 comprend un nouveau paragraphe IV qui dispose : “Sous réserve de dispositions spécifiques plus favorables au créancier, lorsqu'une procédure d'acceptation ou de vérification permettant de certifier la conformité des marchandises ou des services au contrat est prévue, la durée de cette procédure est fixée conformément aux bonnes pratiques et usages commerciaux et, en tout état de cause, n'excède pas trente jours à compter de la date de réception des marchandises ou de réalisation de la prestation des services, à moins qu'il n'en soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que cela ne constitue pas une clause ou pratique abusive au sens de l’article L.442-6.”
Cette rédaction peut surprendre. En effet, d’une part, le délai pour accepter ou recetter, et donc pour valider la conformité des biens ou des prestations à la commande ou au cahier des charges, ne peut dépasser 30 jours à compter de la date de réception de la marchandise ou de l’achèvement des prestations. D’autre part, ce paragraphe poursuit en indiquant que les parties peuvent en disposer autrement par contrat. Il est donc possible de convenir des délais de recette plus longs. Cette stipulation ne doit cependant pas constituer une clause ou pratique abusive, par un délai de recette excessivement long par exemple, rallongeant d’autant le délai de paiement au vendeur ou prestataire.
En tout état de cause, il est recommandé d’intégrer aux contrats une clause d’acceptation ou de recette des biens ou des prestations, détaillant la procédure et les délais, dans le cadre des nouvelles dispositions de l’article L.441-6 IV.
Bénédicte DELEPORTE
Avocat
décembre 2012
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(1) Loi No2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives et Directive 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.
(2) Décret No2012-1115 du 2 octobre 2012 fixant le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dans les transactions commerciales prévues à l’article L.441-6 du code de commerce ; et voir l’article D.441-5 du code de commerce
L’article L.441-6 du code de commerce donne obligation aux vendeurs professionnels de communiquer à leurs clients professionnels leurs conditions générales de vente, constitutives du “socle de la négociation commerciale”. Les CGV comprennent a minima les conditions de vente, le barème des prix, les éventuelles réductions de prix, les conditions de règlement. Cet article fixe également les délais de paiement.
Cet article L.441-6 a été considérablement modifié pour intégrer notamment deux dispositions que nous analysons dans cet article : celle relative à la lutte contre le retard de paiement, et un nouveau paragraphe relatif aux délais d’acceptation des marchandises et prestations.
1. Les nouvelles dispositions relatives aux intérêts de retard et aux frais de recouvrement
Afin de lutter contre les délais de paiement excessifs imposés par certains clients à leurs fournisseurs, l’article L.441-6 I al.9 du code de commerce dispose que les délais de paiement ne peuvent dépasser 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d’émission de la facture.
L'article L.441-6 al.12 du code de commerce disposait jusqu’ici que les conditions de règlement des vendeurs professionnels devaient obligatoirement préciser “les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date.”
Le taux pour calculer les pénalités de retard pouvant être fixé par les parties est défini à cet article comme pouvant s’élever au minimum à trois fois le taux d’intérêt légal ou le taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage.
La directive du 16 février 2011 a pour ambition de protéger les PME en durcissant les conditions applicables aux retards de paiement. Ces règles ont été transposées par la loi du 22 mars 2012, modifiant l’article L.441-6 du code de commerce. La nouvelle version de cet article entre en vigueur le 1er janvier 2013.
Désormais, les CGV des vendeurs professionnels devront préciser, outre les conditions d’application et le taux d’intérêt de retard, le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due par l’acheteur qui ne règle pas dans les délais.
Cette indemnité forfaitaire de recouvrement, qui est distincte des pénalités de retard, est due de plein droit par le débiteur. Le montant de cette indemnité a été fixé par décret à 40€. (2) Le créancier peut cependant demander une indemnisation complémentaire, sur justification, lorsque les frais de recouvrement sont supérieurs à ce montant.
Par ailleurs, le taux d’intérêt de la BCE à retenir a été précisé. Il s’agira du taux en vigueur au 1er janvier de l’année pour le taux applicable pendant le premier semestre, et le taux en vigueur au 1er juillet pour le taux applicable pendant le second semestre.
Les mentions relatives aux délais de paiement, aux taux d’intérêt de retard et à l’indemnité forfaitaire de recouvrement doivent obligatoirement figurer aux CGV et aux factures des vendeurs professionnels. Toute non conformité aux dispositions du nouvel alinéa 12 est passible d’une amende de 15.000 euros.
Il est donc impératif de mettre ses CGV à jour.
2. Les conditions relatives aux délais d’acceptation des marchandises et prestations de services
Les délais d'acceptation ou de vérification de conformité des marchandises ou des prestations de services (ou procédures de réception) relevaient, jusqu’à présent, de la liberté contractuelle entre les parties, celles-ci étant éventuellement sanctionnées par les juges en cas de pratique abusive, notamment pour rétablir l’équilibre entre les parties au contrat.
L’article L.441-6 comprend un nouveau paragraphe IV qui dispose : “Sous réserve de dispositions spécifiques plus favorables au créancier, lorsqu'une procédure d'acceptation ou de vérification permettant de certifier la conformité des marchandises ou des services au contrat est prévue, la durée de cette procédure est fixée conformément aux bonnes pratiques et usages commerciaux et, en tout état de cause, n'excède pas trente jours à compter de la date de réception des marchandises ou de réalisation de la prestation des services, à moins qu'il n'en soit expressément stipulé autrement par contrat et pourvu que cela ne constitue pas une clause ou pratique abusive au sens de l’article L.442-6.”
Cette rédaction peut surprendre. En effet, d’une part, le délai pour accepter ou recetter, et donc pour valider la conformité des biens ou des prestations à la commande ou au cahier des charges, ne peut dépasser 30 jours à compter de la date de réception de la marchandise ou de l’achèvement des prestations. D’autre part, ce paragraphe poursuit en indiquant que les parties peuvent en disposer autrement par contrat. Il est donc possible de convenir des délais de recette plus longs. Cette stipulation ne doit cependant pas constituer une clause ou pratique abusive, par un délai de recette excessivement long par exemple, rallongeant d’autant le délai de paiement au vendeur ou prestataire.
En tout état de cause, il est recommandé d’intégrer aux contrats une clause d’acceptation ou de recette des biens ou des prestations, détaillant la procédure et les délais, dans le cadre des nouvelles dispositions de l’article L.441-6 IV.
Bénédicte DELEPORTE
Avocat
décembre 2012
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(1) Loi No2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives et Directive 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.
(2) Décret No2012-1115 du 2 octobre 2012 fixant le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement dans les transactions commerciales prévues à l’article L.441-6 du code de commerce ; et voir l’article D.441-5 du code de commerce
dimanche 2 décembre 2012
Les nouvelles règles de la DME2 relatives aux établissements de monnaie électronique bientôt transposées en droit français
La monnaie électronique, équivalent numérique de l'argent liquide, se définit comme une valeur monétaire stockée sous forme électronique, y compris magnétique, tel le porte-monnaie électronique de type Monéo.
Le statut d'établissement de monnaie électronique ("EME") a été clarifié par la Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (dite "DME2"). Cette directive abroge la directive du 18 septembre 2000 ("DME1"), qui aurait freiné le développement du marché de la monnaie électronique en posant des exigences en capital minimum particulièrement élevées, en interdisant aux EME d’exercer d'autres activités commerciales et en imposant des règles prudentielles relativement lourdes. (1)
Bien qu'elle ait instauré un régime juridique plus attractif pour les EME, la directive de 2009 n'a toujours pas été transposée par la France. Aussi, sous la pression de la Commission européenne, la France a entamé les travaux de transposition. Un projet de loi est actuellement en cours de discussion devant le Parlement. Ce projet fixe de nouvelles règles juridiques concernant l'accès à l'activité des établissements de monnaie électronique et son exercice.
Nous étudions ci-après les principales dispositions de la Directive DME2 puis celles du projet de loi français.
1. Un nouveau régime juridique européen pour les EME qui tarde à être transposé en droit français
La directive DME2 a pour objectifs de promouvoir la mise en place d'un véritable marché unique des services de monnaie électronique en Europe, de permettre à des services de monnaie électronique innovants de voir le jour et à de nouvelles sociétés d'accéder au marché et enfin de favoriser une concurrence effective entre tous les acteurs de ce marché. (2) En dépit des assouplissements apportés au régime juridique des EME par cette Directive, la France tarde à transposer ce texte en droit interne.
1.1 Les principales dispositions de la directive DME2 du 16 septembre 2009
Le changement majeur instauré par la directive DME2 est la création d'un régime juridique spécifique pour les établissements de monnaie électronique. Le régime prudentiel des EME sera désormais plus proche de celui des établissements de paiement que des établissements de crédit. Les principales dispositions de la directive à retenir portent sur les points suivants :
- La nécessité d'un agrément : l'établissement de monnaie électronique est une personne morale dont l’activité est soumise à l’obtention d’un agrément de l’autorité compétente de l’Etat membre l'autorisant à émettre de la monnaie électronique.
- La réduction du capital initial minimal : l'exigence d'un capital initial d'un million d'euros pour les EME, sous le régime de la Directive DME1, a été abandonnée. Désormais, les établissements de monnaie électronique doivent détenir, au moment de l’agrément, un capital initial minimal de 350.000€.
- Les fonds propres à détenir : les EME ont l'obligation de satisfaire à tout moment à une exigence minimale de fonds propres prudentiels. Ces fonds ne peuvent être inférieurs au plus élevé des montants suivants : le montant du capital initial minimal, soit 350.000€, ou le montant imposé par la directive 2007/64/CE sur les services de paiements (déterminé selon un calcul complexe) (3). En outre, l’EME doit disposer à tout moment de fonds propres prudentiels d’un montant au moins égal à 2% de la moyenne de la monnaie électronique en circulation.
- La diversité des activités autorisées : outre l’émission de monnaie électronique, les EME sont désormais habilités à fournir des services additionnels, tels que des services de paiement, des services connexes à l’émission de monnaie électronique ou aux services de paiement, des services de gestion de systèmes de paiement, mais également des activités commerciales autres que l’émission de monnaie électronique.
Le statut d'établissement de monnaie électronique ("EME") a été clarifié par la Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (dite "DME2"). Cette directive abroge la directive du 18 septembre 2000 ("DME1"), qui aurait freiné le développement du marché de la monnaie électronique en posant des exigences en capital minimum particulièrement élevées, en interdisant aux EME d’exercer d'autres activités commerciales et en imposant des règles prudentielles relativement lourdes. (1)
Bien qu'elle ait instauré un régime juridique plus attractif pour les EME, la directive de 2009 n'a toujours pas été transposée par la France. Aussi, sous la pression de la Commission européenne, la France a entamé les travaux de transposition. Un projet de loi est actuellement en cours de discussion devant le Parlement. Ce projet fixe de nouvelles règles juridiques concernant l'accès à l'activité des établissements de monnaie électronique et son exercice.
Nous étudions ci-après les principales dispositions de la Directive DME2 puis celles du projet de loi français.
1. Un nouveau régime juridique européen pour les EME qui tarde à être transposé en droit français
La directive DME2 a pour objectifs de promouvoir la mise en place d'un véritable marché unique des services de monnaie électronique en Europe, de permettre à des services de monnaie électronique innovants de voir le jour et à de nouvelles sociétés d'accéder au marché et enfin de favoriser une concurrence effective entre tous les acteurs de ce marché. (2) En dépit des assouplissements apportés au régime juridique des EME par cette Directive, la France tarde à transposer ce texte en droit interne.
1.1 Les principales dispositions de la directive DME2 du 16 septembre 2009
Le changement majeur instauré par la directive DME2 est la création d'un régime juridique spécifique pour les établissements de monnaie électronique. Le régime prudentiel des EME sera désormais plus proche de celui des établissements de paiement que des établissements de crédit. Les principales dispositions de la directive à retenir portent sur les points suivants :
- La nécessité d'un agrément : l'établissement de monnaie électronique est une personne morale dont l’activité est soumise à l’obtention d’un agrément de l’autorité compétente de l’Etat membre l'autorisant à émettre de la monnaie électronique.
- La réduction du capital initial minimal : l'exigence d'un capital initial d'un million d'euros pour les EME, sous le régime de la Directive DME1, a été abandonnée. Désormais, les établissements de monnaie électronique doivent détenir, au moment de l’agrément, un capital initial minimal de 350.000€.
- Les fonds propres à détenir : les EME ont l'obligation de satisfaire à tout moment à une exigence minimale de fonds propres prudentiels. Ces fonds ne peuvent être inférieurs au plus élevé des montants suivants : le montant du capital initial minimal, soit 350.000€, ou le montant imposé par la directive 2007/64/CE sur les services de paiements (déterminé selon un calcul complexe) (3). En outre, l’EME doit disposer à tout moment de fonds propres prudentiels d’un montant au moins égal à 2% de la moyenne de la monnaie électronique en circulation.
- La diversité des activités autorisées : outre l’émission de monnaie électronique, les EME sont désormais habilités à fournir des services additionnels, tels que des services de paiement, des services connexes à l’émission de monnaie électronique ou aux services de paiement, des services de gestion de systèmes de paiement, mais également des activités commerciales autres que l’émission de monnaie électronique.
- Les conditions de remboursement de la monnaie électronique : désormais, les émetteurs de monnaie électronique doivent rembourser la valeur monétaire de la monnaie électronique détenue, à la demande du détenteur de monnaie électronique, à tout moment et à sa valeur nominale. Le contrat conclu entre l’émetteur de monnaie électronique et le détenteur de monnaie électronique établit clairement et de façon visible les conditions de remboursement, y compris les frais éventuels y afférents. Le détenteur de monnaie électronique est informé de ces conditions préalablement à la conclusion du contrat.
- Le régime dérogatoire pour les petits EME (ou "PEME") : ces établissements peuvent être exemptés d'une partie des dispositions de la directive relatives aux règles prudentielles, au capital initial et aux fonds propres. Ils sont autorisés à être inscrits dans le registre des EME, sous réserve que :
a) leurs activités commerciales dans leur ensemble génèrent un montant moyen de monnaie électronique en circulation qui ne dépasse pas un plafond fixé par l’État membre mais qui, en tout état de cause, n’est pas supérieur à 5 millions d'euros; et
b) aucune des personnes physiques responsables de la gestion ou de l’exercice de l’activité n’a été condamnée pour des infractions liées au blanchiment de capitaux, au financement du terrorisme ou à d’autres délits financiers.
La directive DME2 étant d’harmonisation maximale (et non minimale comme la DME1), les Etats membres bénéficient d'une faible marge de manoeuvre dans sa transposition en droit interne. La France a donc l'obligation de reprendre en droit national les dispositions instaurées au niveau européen.
1.2 Une transposition tardive en droit français et ses conséquences
Les Etats membres avaient jusqu'au 30 avril 2011 pour transposer la Directive DME2 dans leur droit interne. Le gouvernement français a tenté, à trois reprises et en vain, de transposer la Directive par la voie d'ordonnance. Cette transposition en droit français a échoué pour diverses raisons : dépassement des délais, abandon d'habilitation en cours de débat puis censure du Conseil constitutionnel.
Ayant largement dépassé le délai maximal de transposition, la Commission européenne a ouvert, le 26 avril 2012, une procédure d'infraction à l'encontre de la France et des autres pays retardataires (la Belgique, Chypre, l'Espagne, la Pologne et le Portugal). Par un avis motivé, la Commission a "invité" la France à l'informer, dans un délai de deux mois, des mesures prises pour mettre sa législation nationale en conformité avec la Directive DME2. Passé ce délai, la Commission avait la possibilité de saisir la Cour de Justice de l'Union européenne et demander d'imposer des sanctions financières aux Etats membres. (4)
Suite aux pressions exercées par la Commission, c'est finalement par voie de projet de loi, déposé au Sénat le 1er août 2012, que la France a pris l'initiative de transposer la Directive. Ce projet est actuellement en cours de discussion au Parlement. La loi de transposition n’est toujours pas votée au 1er décembre 2012.
2. L'adoption du nouveau régime juridique pour les EME en débat au Parlement français
Actuellement, en France, les services de monnaie électronique ne peuvent être proposés que par des banques ou des établissements de crédit. Ainsi, les entreprises françaises souhaitant offrir ces services doivent aujourd'hui nécessairement obtenir un agrément en tant qu'établissement de crédit, nécessitant une mise en conformité avec un régime très strict. La transposition de la Directive DME2 en droit français, permettant un assouplissement du régime actuel, est donc attendue par des entrepreneurs n’appartenant pas au domaine bancaire, souhaitant se lancer dans l’activité de fourniture de service de monnaie électronique.
Le projet de loi a été adopté par le Sénat et présenté en première lecture à l'Assemblée Nationale, le 27 septembre 2012. (5) Ce projet comprend une trentaine d'articles relatifs à la monnaie électronique (Titre I du projet de loi) qui viendront compléter ou modifier les dispositions du Code monétaire et financier ("CMF").
Les dispositions essentielles du projet de loi concernent d’une part les conditions d’accès à l’activité d’EME, d’autre part les conditions d’exercice de cette activité.
2.1 Les conditions d'accès à l'activité d’EME
Le projet de loi prévoit que les établissements de monnaie électronique sont des personnes morales, autres que les établissements de crédit, qui émettent et gèrent à titre de profession habituelle de la monnaie électronique (nouvel article L. 526-1 et s. CMF).
- La nécessité d'un agrément : préalablement à l’émission et à la gestion de monnaie électronique, les EME doivent obtenir un agrément délivré par l’Autorité de contrôle prudentiel, ("ACP") après avis de la Banque de France. Pour délivrer l’agrément, l’ACP s’assure de l’aptitude de l’entreprise requérante à garantir une gestion saine et prudente de l’établissement de monnaie électronique et apprécie la qualité des actionnaires ou associés qui détiennent une participation qualifiée.
- Un capital minimum obligatoire : pour délivrer l’agrément à un établissement de monnaie électronique, l’ACP vérifie si celui-ci dispose, au moment de la délivrance de l’agrément, d’un capital libéré d’un montant au moins égal à une somme qui sera fixée par voie réglementaire, étant précisé que le montant de 350.000€ fixé par la Directive DME2 est un seuil minimal.
2.2 Les conditions d'exercice de l'activité d’EME
- Des dispositions prudentielles particulières : les EME sont tenus de respecter des normes de gestion destinées à garantir leur solvabilité ainsi que l’équilibre de leur structure financière. Ils disposent également d’un dispositif approprié de contrôle interne leur permettant notamment de mesurer les risques et la rentabilité de leurs activités. Ils respectent un niveau de fonds propres adéquat. Comme pour le capital initial, le montant minimum des fonds propres et les modalités de calcul y afférentes seront fixées par voie réglementaire.
- Un éventail d'activités autorisées : en sus de l’émission, la gestion et la mise à disposition de monnaie électronique, les EME peuvent : (i) fournir des services de paiement, (ii) fournir des services connexes à la prestation de services de paiement ou étroitement liés à l’émission et la gestion de monnaie électronique (ex: des services de change et de garde et l’enregistrement et le traitement des données), et (iii) exercer une activité commerciale autre que les activités mentionnées ci-dessus. Toutefois, ces activités commerciales ne doivent pas être incompatibles avec les exigences de la profession, notamment le maintien de la réputation de l’établissement de monnaie électronique, la primauté des intérêts des clients et le jeu de la concurrence sur le marché considéré.
- La protection du consommateur : le projet de loi prévoit des obligations contractuelles particulières relatives à l’information préalable du consommateur. Les conditions contractuelles doivent être communiquées dans des termes clairs et aisément compréhensibles au détenteur de monnaie électronique avant tout contrat ou offre liant les parties. Le remboursement des unités de monnaie électronique doit, sauf exceptions, être effectué sans frais pour le détenteur. Le contrat doit établir clairement les conditions et le délai de remboursement des unités de monnaie électronique. Le remboursement devra être effectué, au choix du détenteur de monnaie électronique, en pièces, en billets de banque ou par virement (nouveaux articles L.133-29. et s. L.315-5 et s. CMF).
- Un régime allégé pour les petits EME : Le projet de loi prévoit un régime allégé pour les petits EME. Ces établissements pourront être exemptés de l'essentiel du dispositif prudentiel, si leurs activités commerciales dans leur ensemble génèrent une moyenne de la monnaie électronique en circulation inférieure à un montant qui sera fixé par décret (nouvel article L.526-19 du CMF). Le montant de 5 millions d'euros prévu par la Directive est un seuil maximal.
2.3 Des sanctions lourdes en cas d’infraction à la loi
Le projet de loi prévoit plusieurs sanctions qui varient en fonction de la gravité de l'infraction. Ainsi, sont notamment punis de 3 ans d'emprisonnement et 375.000€ d'amende (1.875.000€ pour les personnes morales), toute personne ou entreprise, autre que les EME : (i) émettant et gérant de la monnaie électronique à titre de profession habituelle, ou (ii) utilisant une dénomination, une raison sociale, une publicité ou, d’une façon générale, des expressions faisant croire qu’elle est agréée en tant qu’établissement de monnaie électronique (nouvel article 572-13 et s. CMF).
Ces peines principales peuvent être accompagnées de peines complémentaires telles que : l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, ou la fermeture des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés, pour une durée de 5 ans au plus.
La directive et la future loi française créent ainsi un véritable régime juridique autonome pour les établissements de monnaie électronique. Avec ce nouveau régime, le paysage de la réglementation financière devient plus complexe : il faudra distinguer entre les banques, les établissements financiers, les établissements de monnaie électronique et les prestataires de services de paiement.
Il conviendra de suivre avec attention les prochains débats parlementaires, certaines dispositions du projet de loi étant susceptibles d'évoluer d'ici l'adoption de la loi. En effet, bien que la DME2 impose une harmonisation maximale, certaines de ses dispositions fixent un seuil ou un montant minimum ou maximum, laissant une certaine marge à chaque Etat membre pour sa transposition.
En toute hypothèse, il appartient à la France de ne plus tarder à transposer cette directive si elle ne veut pas être soumise à des contraintes financières. La Commission européenne a ainsi demandé le 21 novembre dernier à la Cour de justice de l’Union européenne d’imposer une astreinte journalière d'environ 60.000€ à la Belgique, faute de transposition. Cette décision de la Commission est intervenue alors que le projet de loi de transposition est actuellement en cours de débat au Parlement belge.
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(1) Directive 2000/46/CE du Parlement européen et du Conseil 18 septembre 2000 concernant l'accès à l'activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements (DME1).
(2) Directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique et son exercice ainsi que la surveillance prudentielle de ces établissements, modifiant les directives 2005/60/CE et 2006/48/CE et abrogeant la directive 2000/46/CE (DME2)
(3) Directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, modifiant les directives 97/7/CE, 2002/65/CE, 2005/60/CE ainsi que 2006/48/CE et abrogeant la directive 97/5/CE. Voir notamment l'article 8 décrivant les méthodes de calcul des fonds propres.
(4) Communiqué de presse de la Commission européenne du 26 avril 2012 "Marché intérieur: la Commission prend des mesures pour faire appliquer les règles européennes en matière de monnaie électronique", Référence: IP/12/418, accessible sur le site : http://europa.eu/.
(5) Projet de loi n°737 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière, déposé le 1er août 2012 et Projet de loi n°232, adopté par le Sénat, portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière, déposé le 27 septembre 2012.
Betty SFEZ – Avocat
Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com
Décembre 2012
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