Le cadre réglementaire relatif au déploiement des réseaux en fibre optique (FTTH) jusqu’aux abonnés est formalisé par une convention-type, éditée par l’ARCEP et signée entre les (co)propriétaires d’immeubles et les principaux opérateurs. (1) Cette convention a pour objet de définir les conditions d'installation, de gestion, d'entretien et de remplacement des lignes de fibre dans les immeubles.
Une première convention, datant de 2008, accorde la propriété de la fibre aux opérateurs d'immeuble pendant toute la durée de la convention (15 ans, renouvelable), mais sans définir qui en sera propriétaire à la date d’expiration de la convention.
Une étude, publiée par le cabinet Sia Conseil, a identifié les lacunes de ce texte. Les copropriétaires pourraient ainsi devenir propriétaires de ces infrastructures ; cette situation engendrerait, pour les opérateurs, des pertes financières conséquentes compte tenu des investissements réalisés pour le déploiement des réseaux internes des immeubles (ou réseaux verticaux).
L’ARCEP a édité une nouvelle convention, fin mai 2011, prévoyant la possibilité pour les opérateurs de rester propriétaires des infrastructures qu’ils ont installées, au terme de la convention (d’une durée de 25 ans, renouvelable). Ce texte s’applique aux futurs signataires. Cependant, la question de la propriété de la fibre pour les conventions déjà conclues reste en suspens.
Comment résoudre la question de la propriété du réseau FTTH à l'issue de la convention-type de 2008 ?
Plusieurs options sont envisageables :
- Le transfert de la propriété du réseau de l'immeuble à la copropriété : si l'on applique la convention-type de 2008 dans ses termes actuels, et hors dispositif réglementaire qui viendrait régler cette question, la propriété du réseau FTTH reviendrait de droit à la copropriété à l'issue de cette convention, à savoir, en 2023 pour les premières conventions conclues en 2008. Les copropriétés concernées deviendraient ainsi opérateurs d'immeuble et seraient soumises aux dispositions législatives et réglementaires applicables. La question de l'indemnisation de l'opérateur ayant déployé le réseau vertical dans l'immeuble n'est pas prévue. La copropriété-opérateur pourra alors faire payer un droit de passage aux opérateurs tiers sur la partie terminale du réseau jusqu'aux abonnés (application du principe de mutualisation de la partie terminale du réseau FTTH). (2)
- La négociation contractuelle : cette solution passera soit par la négociation et la signature d'un avenant à la convention, prévoyant les conditions relatives à la propriété du réseau au terme de la convention, soit éventuellement par la négociation de la résiliation anticipée de la convention en cours sous réserve des conditions de résiliation prévues à la convention, et l'application de la nouvelle convention-type de 2011. Cette option contractuelle est évidemment soumise à l'accord des deux parties, copropriétaires et opérateurs d'immeubles, ce qui entraînera probablement des négociations difficiles.
Il est cependant possible que soit l'ARCEP, soit le législateur prennent des mesures afin de résoudre la question par la voie réglementaire avant l'arrivée du terme des premières conventions, fin 2023.
La nouvelle convention-type de mai 2011, si elle apporte une réponse à la question de la propriété de la fibre, ne satisfait cependant pas tous les acteurs concernés.
La nouvelle convention stipule que l'opérateur d'immeuble qui a installé et financé le déploiement du réseau de fibre optique est responsable de son entretien, de sa maintenance et de son accès par des opérateurs tiers (principe de mutualisation). L'opérateur d'immeuble est et demeure propriétaire du réseau qu'il a installé au terme de la convention, et assure la continuité du service jusqu'à la prise en charge éventuelle du réseau par un nouvel opérateur d'immeuble, choisi par la copropriété. Le nouvel opérateur d'immeuble soit pourra racheter le réseau existant à l'opérateur précédent, soit devra déployer un nouveau réseau de fibre. La copropriété pourra également décider de devenir opérateur d'immeuble. (3)
Cependant, l'ARC (Association des Responsables de Copropriétés) s'oppose notamment à la durée de la nouvelle convention-type de 2011, portée à 25 ans (contre 15 ans pour la convention de 2008) et a appelé les copropriétés concernées à la boycotter.
En tout état de cause, la convention-type de l'ARCEP constitue un cadre contractuel de référence. Il ne s'agit en aucune manière d'un document imposé. Les parties, opérateurs d'immeubles et copropriétés, restent libres de signer leur propre contrat de déploiement de réseau de fibre optique dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires applicables.
En conclusion, en l'absence de disposition réglementaire précise, la question de la propriété du réseau FTTH risque fort de rester l'une des pierres d'achoppement des négociations entre opérateurs d'immeubles et copropriétés dans les mois, voire les années à venir.
(1) FTTH (ou FttH) signifie "Fiber to the Home", ou fibre jusqu'au domicile
(2) Le principe de mutualisation de la partie terminale du réseau de fibre optique a été défini par la Loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) et figure à l'article L34-8-3 du Code des postes et des communications électroniques.
(3) source: site de l'ARCEP: www.arcep.fr
Bénédicte DELEPORTE - Avocat
juillet 2011
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