Le droit de la protection des données évolue. Après la publication du règlement européen sur la protection des données (RGPD) le 27 avril dernier, (1) la loi pour une République numérique, adoptée le 7 octobre 2016 comporte plusieurs dispositions qui viennent modifier la loi Informatique et Libertés.(2) Certaines dispositions anticipent d’ailleurs l’entrée en vigueur du RGPD.
Nous faisons une synthèse ci-après des principales dispositions relatives aux données personnelles. Ces dispositions s’articulent sur deux axes : un renforcement des droits des personnes sur leurs données et un élargissement des pouvoirs et des compétences de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
1. Les droits des personnes sur leurs données
- Le principe de la maîtrise de ses données
La loi affirme le principe de la maîtrise par chaque individu de ses données. L’article 1er de la loi Informatique et Libertés comporte un nouvel alinéa qui dispose que “Toute personne dispose du droit de décider et de contrôler les usages qui sont faits des données à caractère personnel la concernant, dans les conditions fixées par la présente loi.” Ce droit se retrouve dans plusieurs dispositions de la loi Informatique et Libertés qui évoluent dans ce sens.
- Un droit à l’oubli pour les mineurs est désormais prévu, à l’article 40 II de la loi Informatique et libertés.
Ce droit est soumis à une procédure accélérée. Ainsi, lorsque la personne concernée était mineure au moment de la collecte des données, elle peut obtenir auprès des plateformes l’effacement de ses données dans les meilleurs délais, ou un délai maximum d’un mois. En l’absence de réponse de la plateforme, ou de réponse négative, dans un délai d’un mois, la personne peut saisir la CNIL qui dispose alors d’un délai de 3 semaines pour répondre.
- Le sort des données personnelles après la mort de la personne concernée figure à l’article 40-1 de la loi Informatique et libertés.
Dans une décision du 8 juin 2016, le Conseil d’Etat a confirmé la position de la CNIL refusant de donner accès aux données à caractère personnel d’une employée décédée, à ses ayants droit. En l’espèce, les ayants droit d’une personne décédée en 2012 avaient demandé à son employeur de leur communiquer le relevé des appels téléphoniques passés par la défunte pendant le mois de juillet 2012, depuis sa ligne professionnelle, afin de connaître le nombre et la durée des échanges qu’elle avait eus avec le corps médical avant son décès. Suite au refus de l’employeur, ils avaient porté plainte auprès de la CNIL qui avait refusé de donner suite à leur demande. Selon l’article 2 de la loi Informatique et Libertés, la personne concernée par un traitement est celle à laquelle se rapportent les données. L’ayant droit d’une personne décédée ne peut donc pas être considéré comme la personne concernée, au sens de la loi Informatique et Libertés. (3)
La loi Informatique et Libertés a été modifiée afin que désormais chaque personne puisse donner des directives relatives à la conservation, à l'effacement et à la communication de ses données après son décès. Une personne peut être désignée pour exécuter ces directives. Celle-ci aura alors qualité, lorsque la personne concernée est décédée, pour prendre connaissance des directives et demander leur mise en œuvre aux responsables de traitement concernés.
Ces directives peuvent être générales, lorsqu’elles portent sur l’ensemble des données concernant une personne et peuvent être confiées à un tiers de confiance certifié par la CNIL.
Les directives peuvent être particulières, lorsqu’elles ne concernent que certains traitements de données. Elles peuvent alors être confiées aux responsables de traitement (réseaux sociaux, services ou site de commerce en ligne) qui les mettront en oeuvre lors du décès. La seule acceptation des conditions d’utilisation du site est insuffisante. Les modalités de mise en oeuvre sont soumises au consentement spécifique de la personne concernée.
En l'absence de directives données de son vivant par la personne concernée, ses héritiers pourront exercer certains droits, en particulier le droit d'accès, s'il est nécessaire pour le règlement de la succession du défunt et le droit d'opposition pour procéder à la clôture des comptes utilisateurs du défunt et s'opposer au traitement des données.
- La possibilité d'exercer ses droits par voie électronique est prévue à l’article 43 bis de la loi Informatique et Libertés qui impose, "lorsque cela est possible", de permettre à toute personne l’exercice des droits d'accès, de rectification ou d'opposition par voie électronique, si le responsable du traitement des données les a collectées par ce vecteur.
- Enfin, l’information des personnes sur la durée de conservation de leurs données est prévue par l’article 32 de la loi Informatique et Libertés.
Les responsables de traitements doivent désormais informer les personnes de la durée de conservation des données traitées ou, en cas d'impossibilité, des critères utilisés permettant de déterminer cette durée.
2. L’élargissement des pouvoirs et des compétences de la CNIL
- Le renforcement des pouvoirs de sanction de la CNIL
Le montant maximal des sanctions pouvant être imposées par la CNIL est revu à la hausse et passe de 150.000 € à 3 millions €. Ce nouveau plafond reste cependant en deçà des dispositions du RGPD qui prévoit un plafond pouvant aller jusqu’à 20 millions d’euros ou, dans le cas d’une entreprise, 4% du chiffre d’affaires mondial.
La formation restreinte de la CNIL pourra désormais ordonner que les organismes sanctionnés informent individuellement chacune des personnes concernées de la sanction, à leur frais.
La CNIL pourra également prononcer des sanctions financières sans mise en demeure préalable des organismes lorsque le manquement constaté ne peut faire l'objet d'une mise en conformité.
- Un rôle consultatif plus systématique
La CNIL sera saisie pour avis sur tout projet de loi ou de décret relatifs à la protection ou au traitement des données à caractère personnel. L’objectif de cette disposition est de permettre à la CNIL d’apporter son expertise aux pouvoirs publics de manière plus systématique.
Les avis de la CNIL sur les projets de loi seront automatiquement publiés, dans un but de transparence.
- Des compétences étendues pour la CNIL
Elle hérite ainsi de nouvelles missions, à savoir :
- la promotion de l’utilisation des technologies protectrices de la vie privée, notamment les technologies de chiffrement des données ;
- la certification de la conformité des processus d’anonymisation des données personnelles dans la perspective de leur mise en ligne et de leur réutilisation (ouverture des données publiques - open data). L’anonymisation des bases de données est en effet une condition essentielle à leur ouverture ou à leur partage ;
- la conduite d’une réflexion sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par l’évolution des technologies numériques.
* * * * * * * * * * * *
(1) Pour rappel, le RGPD deviendra applicable dans l’Union européenne à partir du 25 mai 2018
(2) Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique
(3) CE, 9é et 10é ch. réunies, décision du 8 juin 2016, M.-Mme D c/ Banque de France
Bénédicte DELEPORTE
Avocat
Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com
Décembre 2016
DELEPORTE WENTZ AVOCAT est une société d’avocats spécialisée en droit des technologies de l’information - informatique, internet, données personnelles, inscrite au Barreau de Paris. Nous publions régulièrement des articles concernant des thématiques juridiques diverses relevant du domaine des technologies : actualité juridique, présentation d'une nouvelle loi ou analyse d'une jurisprudence récente. Pour consulter notre site web: www.dwavocat.com
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jeudi 1 décembre 2016
Les apports de la loi pour une République numérique dans le domaine de la protection des données personnelles
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