Le marché européen des drones est en plein essor. Ces “aéronefs télépilotés” sont utilisés dans de multiples domaines : sécurité publique (surveillance de manifestations sur la voie publique, lutte anti-incendie, sécurité de zones touchées par des accidents industriels, comme à Fukushima par exemple), surveillance de l’état des infrastructures ou de bâtiments, tournages de reportages d’information (inondations), sportifs (Tour de France), ou culturels, mais également dans les loisirs (aéromodélisme).
Toutefois, leur commercialisation et leur utilisation soulèvent des enjeux importants, notamment en matière de respect de la vie privée. Les drones peuvent en effet être équipés d’appareils photo, de caméras ou de capteurs sonores. Ces engins peuvent ainsi collecter, stocker, transmettre ou analyser une masse d’informations, et surveiller nos comportements et nos déplacements en toute discrétion et à notre insu.
A ce jour, il n’existe pas de réglementations harmonisées en Europe en matière de drones. La Commission européenne a annoncé en avril 2014, son intention de se pencher sur une réglementation européenne pour encadrer l’usage des drones civils. (1) Une proposition de la Commission est attendue pour fin 2015, mais dès 2014 celle-ci avait affirmé que « Les données collectées par les drones devront être conformes aux règles applicables en matière de protection des données et les autorités chargées de la protection des données devront surveiller la collecte et le traitement ultérieur des données à caractère personnel ». La Commission précisait en outre, qu’elle examinerait comment garantir que les règles de protection des données s’appliquent pleinement aux aéronefs télépilotés et proposera des modifications ou des orientations spécifiques en tant que de besoin.
Sans attendre la proposition de la Commission européenne, le G29 (groupe de travail rassemblant les représentants de chaque autorité de protection des données nationales) a publié en juin 2015 un avis sur les drones. (2)
Dans cet avis, le G29 identifie les risques d’atteinte à la vie privée et souligne notamment le manque de transparence quant aux types de traitements effectués, de données collectées et de finalités poursuivies, dès lors qu’un traitement de données est réalisé par le biais d’un drone. Pour contenir ces risques, le G29 fournit une liste de recommandations à destination des opérateurs, utilisateurs et fabricants de drones, ainsi qu’aux législateurs européens et nationaux.
- Les opérateurs ou les utilisateurs de drones sont ainsi invités à (i) se renseigner sur les formalités obligatoires à accomplir auprès de la Direction de l’aviation civile de leur pays, (ii) ne collecter que les données strictement nécessaires au traitement et à ce titre, installer sur leurs drones des technologies ne permettant pas de collecter plus de données que nécessaire, et (iii) informer par tous moyens les personnes concernées des conditions de la collecte et du traitement de leurs données (par exemple, par la distribution de prospectus aux participants d’un événement public au cours duquel des drones sont utilisés ou par la publication d’un message éditorial sur le site internet de l’opérateur).
- Les fabricants et les opérateurs sont notamment invités à (i) promouvoir et adopter un code de conduite, (ii) rendre leurs drones plus visibles, à l’aide de lumières clignotantes ou de couleurs vives par exemple, et (iii) insérer dans les emballages de drones de petites tailles une notice d’information sur la nature intrusive de la technologie et le nécessaire respect de la réglementation applicable.
- Les législateurs européens et nationaux sont invités à promouvoir un cadre légal (i) offrant des garanties en matière de sécurité et de respect des droits fondamentaux, (ii) imposant notamment le respect de la vie privée comme exigence pour l’obtention d’une qualification ou d’une licence en vue d’une utilisation commerciale du drone et (iii) instaurant un régime spécifique de responsabilité pour l’utilisation de drones.
Enfin, le G29 insiste sur le fait que le recours à cette technologie par les autorités policières (i) ne peut être généralisé et doit être expressément prévu et justifié par un texte, (ii) doit respecter les principes fondamentaux posés par la réglementation sur la protection des données personnelles (nécessité, proportionnalité, finalité déterminée, etc.), et en toute hypothèse, ne peut donner lieu à la surveillance constante d’un individu, sauf cas particuliers.
Il est intéressant de souligner que quelques jours à peine après la publication de cet avis du G29, le Parlement européen a divulgué son projet de rapport sur l’utilisation des drones dans le domaine de l’aviation civile. (3) Dans ce texte, le Parlement précise que « la question de la protection des données et de la vie privée est essentielle en vue de faciliter le développement et l’intégration en toute sécurité des systèmes d’aéronefs télépilotés dans l’aviation civile ». Le Parlement estime que la législation sur la protection de la vie privée et les données personnelles, tout comme celle relative à la navigation aérienne, devrait figurer dans une notice d’information aux acquéreurs.
Néanmoins, le Parlement souligne qu’« une nouvelle législation spécifique pour la protection des données dans le domaine des systèmes d'aéronefs télépilotés ne devrait pas être nécessaire » et estime, à ce titre, que « les agences compétentes pour la protection des données dans les États membres devraient partager les orientations spécifiques en matière de protection des données pour les drones à caractère commercial, et invite les États membres à mettre en oeuvre rigoureusement la législation concernant la protection de données, de sorte que ces deux éléments répondent aux préoccupations des citoyens en matière de vie privée et que les exploitants des systèmes d'aéronefs télépilotés ne doivent pas faire face à une charge administrative disproportionnée ».
Il convient donc d’attendre la publication de la proposition de la Commission pour connaître l’ampleur des exigences européennes en matière de drones et de respect de la vie privée.
* * * * * * * * * * *
(1) Communiqué de presse de la Commission européenne du 8 avril 2014, « La Commission européenne préconise des normes strictes pour réglementer l'utilisation des drones civils ».
(2) Article 29 Data Protection Working Party, Opinion 01/2015 on Privacy and Data Protection Issues relating to the Utilisation of Drones, June 16th 2015 (WP 231).
(3) Parlement européen, Commission des transports et du tourisme, projet de rapport sur l’utilisation d’aéronefs télépilotés (RPAS ou UAV), dans le domaine de l’aviation civile, du 19 juin 2015.
Betty SFEZ
Avocat
Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com
Juillet 2015
Toutefois, leur commercialisation et leur utilisation soulèvent des enjeux importants, notamment en matière de respect de la vie privée. Les drones peuvent en effet être équipés d’appareils photo, de caméras ou de capteurs sonores. Ces engins peuvent ainsi collecter, stocker, transmettre ou analyser une masse d’informations, et surveiller nos comportements et nos déplacements en toute discrétion et à notre insu.
A ce jour, il n’existe pas de réglementations harmonisées en Europe en matière de drones. La Commission européenne a annoncé en avril 2014, son intention de se pencher sur une réglementation européenne pour encadrer l’usage des drones civils. (1) Une proposition de la Commission est attendue pour fin 2015, mais dès 2014 celle-ci avait affirmé que « Les données collectées par les drones devront être conformes aux règles applicables en matière de protection des données et les autorités chargées de la protection des données devront surveiller la collecte et le traitement ultérieur des données à caractère personnel ». La Commission précisait en outre, qu’elle examinerait comment garantir que les règles de protection des données s’appliquent pleinement aux aéronefs télépilotés et proposera des modifications ou des orientations spécifiques en tant que de besoin.
Sans attendre la proposition de la Commission européenne, le G29 (groupe de travail rassemblant les représentants de chaque autorité de protection des données nationales) a publié en juin 2015 un avis sur les drones. (2)
Dans cet avis, le G29 identifie les risques d’atteinte à la vie privée et souligne notamment le manque de transparence quant aux types de traitements effectués, de données collectées et de finalités poursuivies, dès lors qu’un traitement de données est réalisé par le biais d’un drone. Pour contenir ces risques, le G29 fournit une liste de recommandations à destination des opérateurs, utilisateurs et fabricants de drones, ainsi qu’aux législateurs européens et nationaux.
- Les opérateurs ou les utilisateurs de drones sont ainsi invités à (i) se renseigner sur les formalités obligatoires à accomplir auprès de la Direction de l’aviation civile de leur pays, (ii) ne collecter que les données strictement nécessaires au traitement et à ce titre, installer sur leurs drones des technologies ne permettant pas de collecter plus de données que nécessaire, et (iii) informer par tous moyens les personnes concernées des conditions de la collecte et du traitement de leurs données (par exemple, par la distribution de prospectus aux participants d’un événement public au cours duquel des drones sont utilisés ou par la publication d’un message éditorial sur le site internet de l’opérateur).
- Les fabricants et les opérateurs sont notamment invités à (i) promouvoir et adopter un code de conduite, (ii) rendre leurs drones plus visibles, à l’aide de lumières clignotantes ou de couleurs vives par exemple, et (iii) insérer dans les emballages de drones de petites tailles une notice d’information sur la nature intrusive de la technologie et le nécessaire respect de la réglementation applicable.
- Les législateurs européens et nationaux sont invités à promouvoir un cadre légal (i) offrant des garanties en matière de sécurité et de respect des droits fondamentaux, (ii) imposant notamment le respect de la vie privée comme exigence pour l’obtention d’une qualification ou d’une licence en vue d’une utilisation commerciale du drone et (iii) instaurant un régime spécifique de responsabilité pour l’utilisation de drones.
Enfin, le G29 insiste sur le fait que le recours à cette technologie par les autorités policières (i) ne peut être généralisé et doit être expressément prévu et justifié par un texte, (ii) doit respecter les principes fondamentaux posés par la réglementation sur la protection des données personnelles (nécessité, proportionnalité, finalité déterminée, etc.), et en toute hypothèse, ne peut donner lieu à la surveillance constante d’un individu, sauf cas particuliers.
Il est intéressant de souligner que quelques jours à peine après la publication de cet avis du G29, le Parlement européen a divulgué son projet de rapport sur l’utilisation des drones dans le domaine de l’aviation civile. (3) Dans ce texte, le Parlement précise que « la question de la protection des données et de la vie privée est essentielle en vue de faciliter le développement et l’intégration en toute sécurité des systèmes d’aéronefs télépilotés dans l’aviation civile ». Le Parlement estime que la législation sur la protection de la vie privée et les données personnelles, tout comme celle relative à la navigation aérienne, devrait figurer dans une notice d’information aux acquéreurs.
Néanmoins, le Parlement souligne qu’« une nouvelle législation spécifique pour la protection des données dans le domaine des systèmes d'aéronefs télépilotés ne devrait pas être nécessaire » et estime, à ce titre, que « les agences compétentes pour la protection des données dans les États membres devraient partager les orientations spécifiques en matière de protection des données pour les drones à caractère commercial, et invite les États membres à mettre en oeuvre rigoureusement la législation concernant la protection de données, de sorte que ces deux éléments répondent aux préoccupations des citoyens en matière de vie privée et que les exploitants des systèmes d'aéronefs télépilotés ne doivent pas faire face à une charge administrative disproportionnée ».
Il convient donc d’attendre la publication de la proposition de la Commission pour connaître l’ampleur des exigences européennes en matière de drones et de respect de la vie privée.
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(1) Communiqué de presse de la Commission européenne du 8 avril 2014, « La Commission européenne préconise des normes strictes pour réglementer l'utilisation des drones civils ».
(2) Article 29 Data Protection Working Party, Opinion 01/2015 on Privacy and Data Protection Issues relating to the Utilisation of Drones, June 16th 2015 (WP 231).
(3) Parlement européen, Commission des transports et du tourisme, projet de rapport sur l’utilisation d’aéronefs télépilotés (RPAS ou UAV), dans le domaine de l’aviation civile, du 19 juin 2015.
Betty SFEZ
Avocat
Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com
Juillet 2015
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