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lundi 16 juin 2014

Le CSA bientôt régulateur des plateformes internet de contenus vidéo et musicaux ?

Dans son rapport annuel 2013, publié en avril dernier, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a inscrit plusieurs propositions de modifications législatives et règlementaires. (1) Parmi ces propositions, il convient de souligner celles visant à prendre en compte l’évolution du secteur audiovisuel et à associer les acteurs de l’internet à la régulation audiovisuelle.

Selon le CSA, de nombreux opérateurs de services de communication électronique sont aujourd’hui de véritables médias de communication audiovisuelle. Il en va ainsi des plateformes d’échanges communautaires diffusant des contenus vidéo (tels YouTube, Dailymotion ou Netflix) et sonores (Spotify ou Deezer) ou des boutiques en ligne d’applications mobiles (iTunes ou AppStore par exemple). Or, il existe à l’heure actuelle un décalage certain entre les médias traditionnels (télévision et radio), soumis à la loi relative à la liberté de la communication de 1986, et ces nouveaux services accessibles en ligne.

Le CSA précise ainsi dans son rapport qu’il souhaite étendre le champ de ses compétences aux services en ligne diffusant des contenus audio et vidéo et propose, en conséquence, de modifier et compléter la loi de 1986 relative à la liberté de la communication. (2)

La notion de « services audiovisuels numériques » - Le Conseil propose d’intégrer à la définition légale des services audiovisuels, la notion de services audiovisuels numériques, à savoir « les services de communication au public par voie électronique mettant à disposition du public ou d’une catégorie de public des contenus audiovisuels ou sonores ».

Le contrôle du respect des règles et des principes moraux - Le CSA souhaite veiller au respect, par les services audiovisuels numériques, des principes moraux qu’il fait déjà appliquer aux services audiovisuels traditionnels (télévision et radio). Il s’agit de la protection de l’enfance et de l’adolescence, de la dignité de la personne humaine et de l’interdiction de l’incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité.

Pour ce faire, le Conseil envisage d’élaborer des règles auxquelles seront assujettis les éditeurs des services audiovisuels numériques ; règles dont le non-respect serait sanctionné par le CSA. En effet, ce dernier souhaite avoir la possibilité de prononcer à l’encontre des éditeurs fautifs, la suspension temporaire du service en cause ou une sanction pécuniaire, par exemple.

La prise d’engagements en échange de contreparties
- Le Conseil propose de faire signer aux éditeurs de services audiovisuels numériques des conventions définissant des engagements, sur la base du volontariat. En contrepartie de ces engagements, les éditeurs de ces plateformes en ligne pourraient bénéficier d’un certain nombre d’avantages et d’un label. L’institution de ce nouveau régime de conventionnement volontaire serait inscrit dans la loi de 1986.

      - Les engagements : le CSA proposerait aux éditeurs des services audiovisuels numériques de faire leur choix parmi des engagements qu’il aura définis. Ces engagements pourraient concerner (i) « des obligations complémentaires aux règles fixées par le Conseil en matière de protection de l’enfance et de l’adolescence, de respect de la dignité de la personne humaine et de l’interdiction de l’incitation à la haine ou à la violence » ou (ii) « la déontologie des contenus, le pluralisme des courants sociaux culturels, la qualité et la variété des contenus, l’image de la femme, la diversité, l’exposition de la création européenne et d’expression originale française, la contribution au financement de la création, les tarifs sociaux, la gratuité ».

      - Les avantages commerciaux : dans son rapport, le CSA propose en contrepartie de la prise  d’engagements « l’accès du service aux offres des distributeurs dans des conditions raisonnables, équitables et non discriminatoires (ex: Orange, Free, etc.); la reprise obligatoire dans les outils de référencement de tout distributeur de services audiovisuels numériques ; la signalétique spécifique dans l’hypothèse où un mécanisme de signalisation serait mis en œuvre en accord avec les moteurs de recherche ; l’accès facilité aux œuvres audiovisuelles et cinématographiques ; la priorité d’accès aux soutiens publics alloués par les organismes sectoriels ou transverses dans des conditions définies par chacun des gestionnaires d’aides ».

    - Un label « site de confiance » : le Conseil envisage de délivrer un label aux éditeurs de sites ayant pris des engagements complémentaires en matière de protection de l’enfance. Ce label permettrait aux internautes d’identifier plus facilement ces éditeurs. En outre, le Conseil émet le souhait que les outils de contrôle parental, proposés aux abonnés par les FAI, soient en mesure de reconnaître ces labels pour filtrer les sites qui n'en possèdent pas.

Une procédure de règlement des différends - La loi de 1986 donne au Conseil une mission de règlement des différends qui s’applique aux litiges relatifs à la distribution de services de radio, de télévision ou de médias audiovisuels à la demande (SMAD). Le CSA souhaite soumettre les services audiovisuels numériques à cette procédure. Le Conseil pourrait ainsi être saisi par un éditeur, un distributeur de services, ou par un prestataire auquel ces personnes recourent, de « tout différend relatif à la reprise ou au référencement d’un service audiovisuel numérique (…), lorsque ce différend porte sur les conditions de la mise à disposition du public ou du référencement du service ou sur les relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services audiovisuels numériques ».


   Ces propositions suscitent plusieurs remarques.

Les sites web, qu’il s’agisse de sites de commerce électronique, de services, d’information, de contenus participatifs, diffusant ou non des contenus audio et vidéo, sont actuellement soumis à la règlementation applicable au domaine du numérique (notamment la loi pour la confiance dans l’économie numérique, la règlementation applicable à l’édition, etc.). Ces sites n’opèrent donc pas dans une “zone de non-droit”.

Cependant, face à la convergence des médias (télévision/télévision connectée, radio/web radio etc.), on peut effectivement s’étonner du fait qu’une video ou un contenu audio restent soumis à des règlementations différentes suivant leur mode de diffusion : voie hertzienne ou réseau internet. Hormis des considérations d’ordre politique ou structurelle, il semble logique de traiter ces contenus, non plus par le biais du média diffuseur (TV-radio ou internet), mais par la catégorie même dont ces contenus relèvent (audio-video ou écrit).

   Le CSA souhaite profiter des travaux portant sur le projet de loi « Création » pour faire adopter ces différentes mesures. Pour mémoire, cette future loi doit transférer au CSA les missions et pouvoirs dévolus à la Hadopi. Initialement, ce projet de loi devait être présenté en Conseil des ministres avant l’été 2014. Toutefois, l’examen du projet de la loi vient d’être renvoyé à 2015. (3)

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(1) Rapport annuel 2013 du CSA, accessible à : http://www.csa.fr/Espace-Presse/Communiques-de-presse/Le-Conseil-superieur-de-l-audiovisuel-publie-son-rapport-annuel-2013

(2) Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

(3) « L’examen de la loi création d’Aurélie Filippetti renvoyé à 2015 », publié sur lemonde.fr, le 4 juin 2014.



Betty SFEZ – Avocat
Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Juin 2014

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